MacIntyre’s critique of the myth of interiority A fortress in the face of barbarians and cosmopolitans
- Publication type: Journal article
- Journal: Éthique, politique, religions
2020 – 1, n° 16. Mythes de l'intériorité, du métaphysique au politique ? - Author: Lelong (Corentin)
- Pages: 123 to 140
- Journal: Ethics, Politics, Religions
MacIntyre critique
du mythe de l’intériorité
Une citadelle face aux barbares et aux cosmopolites
La tentation cénobitique
Le mythe de l’intériorité épistémique refuse à autrui l’accès aux états mentaux du sujet et fait de l’incommunicabilité des expériences un principe. Cet obstacle à la communication, mis en exergue par Jacques Bouveresse dans son ouvrage dédié à la critique wittgensteinienne du mythe de l’intériorité psychologique1, engendre chez le sujet la tentation de se soustraire à toute forme de discussion. Pour cela, il lui suffit de décréter l’ineffabilité de son monde intérieur, alors hors de portée de ses semblables et par extension de la polis. Or, l’hypothèse centrale de ce numéro d’Éthique, politique, religions suppose que la critique du « langage privé » peut être reconduite de sorte à contrer les formes politiques de solipsisme2. D’aucuns auraient pu imaginer que la philosophie de MacIntyre permette de consolider cette proposition, puisqu’il se place explicitement dans le sillage de la critique wittgensteinienne du mythe de l’intériorité épistémique afin de déployer une critique du solipsisme moral3. Cette impression persiste en raison de sa plaidoirie en faveur de communautés ouvertes et de sa contestation de la forme même de l’État. Pourtant, ce cheminement n’aboutit pas, à l’instar de Jürgen Habermas, à une critique totale du mythe de l’intériorité politique. Ce mouvement 124inachevé peut prêter à certains malentendus et ces confusions peuvent expliquer que MacIntyre soit convoqué dans une entreprise religieuse quasi séparatiste.
Nous devons nous consacrer à la construction de formes locales de communautés où la civilité et la vie intellectuelle morale pourront être soutenues à travers les ténèbres qui nous entourent déjà. Si la tradition des vertus a pu survivre aux horreurs des ténèbres passés, tout n’est pas perdu. Cette fois, pourtant les barbares ne nous menacent pas aux frontières ; ils nous gouvernent déjà depuis quelque temps. C’est notre inconscience de ce fait qui explique en partie notre situation. Nous n’attendons pas Godot, mais un nouveau (et sans doute fort différent) saint Benoît4.
Ces quelques phrases qui viennent clore After virtue ont notamment été reprises par Rod Dreher afin d’exhorter les chrétiens à un repli communautaire dans un monde qui s’est écarté du christianisme5. Cet appel n’a pas été sans connaître un certain écho parmi les franges les plus rigoristes du christianisme, que ce soit en Amérique ou de ce côté-ci de l’Atlantique. Les laïques et les croyants plus modérés craignent que ces sanctuaires, ces citadelles ou ces forteresses, selon le regard que l’on porte sur elles, n’aient d’autre but que de créer des espaces où s’exerce une éthique sexuelle conservatrice, hostile aux femmes et aux personnes LGBT6. D’autres s’étonneront que l’invitation à l’exil intérieur passe sous silence les questions raciales dans une Amérique où la communauté de croyants afrodescendants est grandissante. En somme, Rod Dreher ne semble pas imaginer que des croyants qui ne lui ressemblent pas trait pour trait puissent le rejoindre dans ce retrait de la vie publique.
Ce serait pourtant se méprendre que de souscrire à une interprétation qui réduirait MacIntyre à un communautarien borné, défenseur de bastions fermés et sources d’exclusion7. Cette erreur se comprend néan125moins à la lumière de son réquisitoire face à ses adversaires modernes, libéraux et cosmopolites qui affirment se détacher des traditions et des communautés (que celles-ci soient locales ou nationales). Ces attaques répétées peuvent nourrir l’impression que la critique du mythe de l’intériorité d’inspiration wittgensteinienne mène à une forme de communautarisme qui reconduit à un degré plus large ce qu’elle dénonce à l’échelle du sujet. En somme, cela laisse penser, à tort, que MacIntyre succombe à un « mythe de l’intériorité politique8 », ce qui justifierait qu’il soit l’objet de récupérations par des franges politiques réactionnaires.
Afin d’appréhender pleinement ce point, il convient, tout d’abord, de mettre au jour le chemin qui conduit de la critique du solipsisme menée par Wittgenstein jusqu’au communautarisme de MacIntyre. Ce parcours a pour vocation de dégager le sens premier du « mythe de l’intériorité » selon lequel le sujet enfermé en lui-même se place en dehors de la communauté, des traditions, des pratiques et des règles.
Ce n’est qu’une fois cette étape accomplie qu’il est possible d’examiner si la communauté macintyrienne devient le lieu d’un solipsisme politique qui la conduirait à ignorer les règles et les traditions qui ne sont pas les siennes. Cette investigation nécessite, d’une part, de circonscrire et de situer la communauté, et, d’autre part, d’interroger l’autonomie des traditions. Ce processus engagé, il apparaîtra que MacIntyre peut accompagner une critique du mythe de l’intériorité politique qui décèle certaines défaillances propres aux libéraux et aux cosmopolites.
Néanmoins, cette dynamique rencontre certaines limites qui tiennent précisément à la philosophie du langage développée par le philosophe écossais. Parce qu’il accorde un poids prépondérant à la question des intraduisibles, MacIntyre prend le risque de faire d’une communauté et de sa tradition une entité opaque à ceux qui lui sont extérieurs.
126Formes de vie et traditions
Sans pour autant être inane, une lecture qui négligerait l’influence du philosophe autrichien amputerait fortement la pensée de MacIntyre. Cette dernière incarne les principaux arguments de Wittgenstein qui ont trait aux conditions nécessaires à l’intelligibilité de nos actions pour les autres comme pour nous-mêmes. Plus exactement, les fondements théoriques de son œuvre reposent sur le concept wittgensteinien de forme de vie, présent notamment au paragraphe 241 des Philosophische Untersuchungen9 : « C’est ce que les êtres humains disent qui est vrai et faux ; et ils s’accordent dans le langage qu’ils utilisent. Ce n’est pas un accord dans les opinions, mais dans la forme de vie. »
Ces Lebensformen prennent, sous la plume de MacIntyre, le nom de traditions et guident son enquête sur la rationalité. Aussi, n’est-il pas surprenant que son étude de la nature sociale de la rationalité repose en dernier lieu sur l’impossibilité du langage privé. Face au solipsisme mentaliste qui confère au sujet un accès exclusif à la signification des termes psychologiques, Wittgenstein récuse l’hypothèse selon laquelle des expériences comme « avoir mal aux dents », « penser », « comprendre », « avoir peur » puissent avoir des significations privées. En lieu et place de cela, Wittgenstein avance que « la signification d’un mot est son utilisation dans la langue10 ». Le sens d’un mot ne saurait donc être appréhendé abstraction faite de son contexte. Ceci est explicité dès le Blaue Buch où « la signification d’un mot » est abordée par ses usages, par ce que nous en faisons. Aussi, nous faut-il observer les jeux de langage, car seul cet examen permet de saisir comment au sein d’une communauté linguistique les individus emploient un mot11.
Les emprunts répétés de MacIntyre à la philosophie du langage de Wittgenstein ne se bornent pas à la seule forme de vie, mais recouvrent également les concepts de règle et de communauté de langage12. Comme 127jouer, parler est une activité guidée par les règles, de sorte que se comporter et agir de certaines manières revient à suivre la règle. Dès lors, l’activité commune devient le pont qui conduit de Wittgenstein à MacIntyre. Chez le premier, l’activité commune constitue le fondement du langage et prend chez le second le nom de pratiques partagées et compose l’assise de sa philosophie politique. Dans le vocable macintyrien, les pratiques sont transmises et transformées au sein de traditions vivantes marquées par des conflits. Autrement dit, ce terme de pratique englobe toute forme cohérente et complexe d’activité humaine coopérative socialement établie. En particulier, il désigne les activités par lesquelles les biens internes à ces activités sont réalisés en tentant d’obéir aux normes d’excellence appropriées13.
Quelle importance alors accorder aux concepts de règles et de pratiques ? Pour reprendre l’exemple bien connu des échecs, déplacer les pions de façon erratique n’est pas bien jouer, ni même jouer du tout, car ne sont pas respectées les « contraintes fixées par la pratique », autrement dit, les règles du jeu ne sont pas suivies. La proximité est alors flagrante avec la critique wittgensteinienne de la conception mentaliste selon laquelle une règle pourrait être satisfaite par des critères édictés par le seul sujet14. Si cette possibilité est écartée, c’est en partie, car elle reviendrait à effacer toute distinction entre le fait de réellement suivre une règle et se figurer qu’on la respecte, comme en témoigne l’exemple célèbre du journal intime et de la marque S destinée à désigner une sensation récurrente. Dans un langage privé, il n’y a que des semblants de règles, la justification subjective n’ayant que l’apparence de la justification. En l’absence de règles véritables, le sujet ne peut déterminer si son usage de « S » est correct ou non. Cela tient en dernière instance au caractère intrinsèquement public de l’usage d’une règle. En effet, si la règle est privée, qu’elle soit respectée ou transgressée ne fait aucune réelle différence ; analyse que MacIntyre applique à la sphère morale.
De même que l’analyse wittgensteinienne du mentalisme expose au grand jour des simulacres de justifications, l’entreprise critique portée par MacIntyre à l’endroit des émotivistes tels que A.J. Ayer ou G.E. Moore15 128révèle la possibilité d’une moralité vidée de toute substance. Selon l’émotivisme, tout jugement évaluatif n’est rien d’autre que l’expression d’une préférence, d’une attitude ou d’un sentiment. En d’autres termes, cette perspective réduit toute évaluation morale à la seule expression d’un assentiment du type « j’approuve cela » ou « bravo pour cela ». Aux yeux de MacIntyre, l’émotivisme qui ne conserve en réalité de la moralité que ses atours, efface la distinction entre les relations sociales désintéressées et celles qui procèdent d’un calcul égoïste16. Dans un cadre émotiviste, il devient donc impossible de persuader autrui et d’œuvrer ensemble à un bien commun qui ne soit pas purement temporaire et fondé en dernière instance sur des désirs individuels. En définitive, dans ce contexte, la seule relation sociale qui demeure est celle où tout un chacun tente d’utiliser ses semblables afin d’atteindre ses buts égoïstes.
Le rapprochement entre les deux auteurs s’accentue également à mesure qu’est considérée l’interaction entre les concepts de règle et de communauté. En effet, le respect des règles qui entourent les pratiques est crucial chez MacIntyre, ne serait-ce que pour distinguer les biens externes et internes. Les premiers désignent les biens attachés à la pratique par des accidents liés aux circonstances sociales (comme un bonbon offert à un enfant qui remporte une partie d’échecs). Les seconds, quant à eux, englobent des qualités telles par exemple la discipline, la concentration, l’anticipation qui ne peuvent être obtenues que par participation à la pratique. Or, le lien entre le respect des règles et la communauté naît du constat qu’une partie bien menée profite à tous, non seulement au vainqueur et au perdant, mais également à l’ensemble de la communauté. Au sein de ce collectif, un même individu peut occuper alternativement les positions d’enseignant ou d’apprenant. Ce cheminement oblige tout naturellement celui qui débute à se soumettre à l’autorité des plus expérimentés, plus à même de transmettre les règles et les stratégies et de porter un regard sur les progrès nécessaires. L’importance de la communauté tient donc à son rôle de formation, de conseil et d’encouragement garants de l’amélioration et de la valorisation des compétences de chacun. Par 129conséquent, en tant que débutant, un individu ne peut pas déterminer seul ses propres règles, pas plus que s’autoproclamer expert sans risquer de se placer en dehors de la communauté, car cela reviendrait à oublier l’historicité qui façonne les pratiques grâce auxquelles un sujet entre en relation avec ceux qui l’ont précédé.
En définitive, l’autorité accordée par MacIntyre à la communauté procède bel et bien de la critique wittgensteinienne du langage privé. De la forme de vie à la tradition, de la communauté de langage à celle de la pratique, ces deux trajectoires ont une même intersection : le désenclavement du sujet. Tous deux condamnent le surhomme épistémique nietzschéen qui affirme transcender le monde social pour trouver ses lois uniquement en lui-même17. Selon MacIntyre, il est manifeste que :
le soi moderne, le soi émotiviste, en acquérant la souveraineté dans son propre royaume, a perdu ses frontières traditionnelles fournies par une identité sociale et une vision de la vie humaine ordonnée en direction d’une fin donnée18.
Ainsi, celui qui ne cherche pas à se détacher de l’ensemble de la société et de son histoire ne peut succomber au mythe de l’intériorité. MacIntyre redouble cette conviction dans Three rival versions of moral enquiry par son opposition aux généalogistes qui comme Nietzsche ou Foucault affirment que le sujet peut se rendre extérieur à son enquête.
Ce n’est que par l’appartenance à une communauté engagée systématiquement dans une entreprise dialectique dans laquelle les normes sont souveraines par rapport aux parties en conflit que l’on peut commencer à apprendre la vérité, en commençant par apprendre la vérité sur son erreur, et non une erreur de 130tel ou tel point de vue, mais l’erreur en tant que telle, l’ombre portée par la vérité en tant que telle : la contradiction en ce qui concerne un propos touchant aux vertus19.
L’illusion consiste pour le sujet à souhaiter s’extirper de son contexte historique et de sa situation d’auteur. Parce que le sujet refuse de s’examiner dans sa recherche « de tel ou de tel point de vue », il tombe dans l’erreur, car il ignore la communauté (temporelle) à laquelle il appartient. En somme, la critique du mythe de l’intériorité du sujet chez MacIntyre se fait toujours au regard de la communauté dans laquelle il s’inscrit, mais quid de cette communauté ? Néglige-t-elle les règles, les traditions et les formes de vie qui lui sont extérieures ? Sont-elles conçues comme des vases clos, des entités homogènes et fermées ? Un mythe de l’intériorité politique se serait-il substitué au mythe de l’intériorité du sujet ?
Communautés et traditions ouvertes
Deux éléments principaux laissent suggérer que MacIntyre ne prolonge pas à un niveau politique les illusions propres au solipsisme. Le premier tient à un manque d’intérêt pour la forme étatique et le second dépend de sa conception des traditions comme ouvertes sur l’extérieur. Ces deux points signalent qu’il ne s’agit pas pour MacIntyre de s’enfermer au sein d’une communauté réifiée, aveugle et sourde à ce qui l’entoure.
En premier lieu, les commentateurs s’accordent à voir chez MacIntyre un aristotélisme apolitique20 qui ramène l’État-nation à une forme de mystification21. Ce discrédit apparaît clairement lorsque MacIntyre examine quel type de société politique permet à ses membres de travailler conjointement au bien commun22.
131Il existe bien évidemment un autre aspect de l’État moderne où il se présente comme le gardien de nos valeurs et nous invite de temps en temps à mourir pour lui. Cette invitation est lancée par tout pouvoir en place qui affirme sa souveraineté politique et juridique légitime et justifiable sur ses sujets. En effet, aucun État ne peut justifier cette affirmation s’il ne peut offrir à ses sujets une sécurité minimale vis-à-vis des agressions extérieures et de la criminalité intérieure. […] quand l’État-nation se fait passer pour le gardien du bien commun, le résultat est forcément ridicule ou désastreux, ou les deux. Car la contrepartie de l’État-nation ainsi mal conçu en tant que communauté est une conception erronée de ses citoyens comme constituants, un Volk, un type de collectivité, dont les liens doivent simultanément s’étendre à tout le corps des citoyens et être aussi contraignants que les liens de sang et de localité. Dans un État-nation moderne et de grande envergure, une telle collectivité n’est pas possible et prétendre le contraire pare de sinistres réalités d’un déguisement idéologique23.
Toutefois, les communautés où se pratiquent les vertus morales ne peuvent pas s’affranchir d’un État-nation qui demeure indépassable (ineliminable)24. Aussi, la philosophie mactyrienne incarne-t-elle une forme de nostalgie ou d’uchronie dans la mesure où elle demande d’opérer un retour à des formes de vies semblables à celles des communautés de pêcheurs de la Nouvelle-Angleterre, des communautés minières galloises ou encore des coopératives agricoles du Donegal. Trajectoire rendue difficile, si ce n’est impossible, car la division extrême du travail a mis fin aux communautés de pratiques citées dans Dependent Rational Animals25.
132La préférence de MacIntyre pour les communautés ne repose pas sur un amour du local en tant que tel, le motif principal tient plutôt aux conditions dans lesquelles une délibération commune est rendue possible26. Dès lors, la taille même de l’État moderne fait barrage à ce que sa politique fasse l’objet de délibérations communes27. Par ailleurs, MacIntyre précise que la politique conçue et réalisée en tant que pratique nécessite l’existence d’une culture partagée. Toutefois, cette dernière ne confère pas sa valeur à la communauté, elle constitue seulement la condition sine qua non d’une enquête rationnelle commune concernant le bien. L’unique culture commune qui soit nécessaire n’est autre que celle de la délibération, autrement dit, celle qui permet de remettre en question sa propre tradition.
Si ces communautés sont politiques dans le sens où elles impliquent la hiérarchisation de différentes pratiques et la recherche collective de biens internes aux pratiques, pour autant cette description ne laisse pas penser que MacIntyre succombe au mythe d’une communauté parfaitement homogène dont la culture serait la seule qui vaille. Plutôt que d’inviter à retrouver un idéal national fantasmé, MacIntyre enjoint à reprendre le chemin des monastères. En outre, la barbarie dont il s’agit de se prémunir n’est pas simplement celle de l’étranger, du non-grec, mais de celui qui n’a pas de polis et qui, de ce fait, est incapable d’entretenir des relations politiques. Selon MacIntyre, le barbare n’est autre que celui qui fait du moi à la fois le sujet politique et le souverain. Or, l’État libéral ne permet pas de nouer des relations politiques véritables au sens macintyrien. Il réduit donc collectivement les citoyens à la barbarie à moins qu’ils ne se retranchent vers des lieux où des relations authentiques sont rendues possibles.
En second lieu, on pourrait craindre que les traditions, telles que conçues par le philosophe écossais, ignorent les récits et les revendications des traditions rivales28. Ce risque est particulièrement prégnant au sein des théologies post-libérales notamment celles développées par Lindbeck29 et Hauerwas, auteurs qui s’inscrivent dans le sillage des 133travaux de MacIntyre. En effet, tous deux s’écartent du libéralisme pour défendre un communautarisme qui peine à reconnaître ceux qui existent en dehors de l’Église.
Si ces successeurs succombent au mythe de l’intériorité politique, cela ne semble pas être le cas de MacIntyre. Pour reprendre les mots de Gordon Baker à propos du sujet, le « nous » pas plus que le « je » ne doit être conçu comme un « royaume secret30 ». Le « nous » ne peut pas prétendre à une compréhension interne, facilitée et immédiate, refusée aux étrangers. Or, MacIntyre ne se prête pas à ces formes de solipsismes politique ou culturel qui seraient le calque du solipsisme linguistique. Au contraire, on peut déceler chez MacIntyre le passage qui mène de la critique du mythe de l’intériorité du sujet à celui du politique par une critique du solipsisme culturel.
Selon Vincent Descombes, MacIntyre s’appuie sur Wittgenstein pour soutenir que les traditions ne doivent pas être conçues comme des totalités closes dès lors qu’elles s’expriment dans le langage31. Cette lecture est en partie corroborée par le chapitre xviii de Quelle justice ? Quelle rationalité ? où MacIntyre reconnaît ne serait-ce que pour des raisons historiques que deux communautés distinctes peuvent fusionner par des processus migratoires ou belligérants32. Par conséquent, il ne succomberait pas à un communautarisme méthodologique primaire qui concevrait les traditions comme stables et exemptes de toutes contributions extérieures.
Toutefois, ce refus d’une conception proprement politique et la conception des traditions ne permettent pas de parachever le processus de démystification politique. MacIntyre, certes, ne s’enferme pas dans une vision grossière d’une communauté hermétique et pleinement autonome, pour autant, il esquisse un tableau peu crédible des traditions à mesure qu’il s’oppose à ses adversaires cosmopolites.
134La polis et le cosmopolitisme
Alors qu’au niveau du sujet MacIntyre partage la critique wittgensteinienne du solipsisme sémantique, il déploie au niveau politique une philosophie du langage qui refuse que l’on tire de ses travaux des conclusions cosmopolites ou internationalistes. Ces limites ne tiennent-elles pas en définitive de l’unité politique choisie ? Les vertus ne pouvant être déterminées que dans le cadre des formes institutionnalisées concrètes d’une polis donnée, existe-t-il des normes extérieures qui permettraient d’évaluer la justice qui prévaut en son sein ? Seuls les membres d’une communauté disposent-ils des ressources nécessaires afin de juger si leur communauté réussit ou échoue à remplir son rôle ?
Pour trancher ces questions, il faut revenir à ces ressources que sont les traditions, creusets de la conversation, de la coopération, et du conflit. Puisque les échanges se font en première instance avec ceux qui appartiennent à une même tradition, elles demeurent le lieu originel d’investigation, de réfutation et d’évaluation des conceptions de la rationalité. Or, MacIntyre soutient que les points de vue rivaux de chaque tradition ne peuvent être partagés en raison d’une « incompatibilité et d’une incommensurabilité logiques simultanées33 ».
Cette proposition liée à la thèse centrale de Whose Justice ? Whose rationality ? s’oppose à l’affirmation selon laquelle des personnes suffisamment éclairées pourraient s’accorder sur une forme de rationalité et constituer un ensemble de normes universelles permettant de juger des croyances et des enjeux propres à chacune des traditions intellectuelles. En raison d’incompatibilités insurmontables, un accord sur les prémisses serait aussi illusoire qu’un accord sur le type d’argument qui permettrait de parvenir à un tel consensus.
L’idée d’une incommensurabilité des traditions résiste-t-elle à une approche historique ? Cette question est d’autant plus pertinente que l’aristotélisme, le thomisme, l’augustinisme et la philosophie écossaise sont autant de traditions qui se sont divisées pour devenir rivales. Or, l’incommensurabilité survient lorsqu’une affirmation vraie au sein de tradition de départ ne peut être traduite dans une autre, sans que soit ajouté 135à cette traduction un commentaire qui vise à expliquer les raisons pour lesquelles la proposition de base serait erronée. Par exemple, le concept de justice peut certes être traduit d’une tradition à une autre, mais nécessite toutefois d’être accompagné d’explications et de réfutations. Même si deux traditions conviennent de traductions (communes) et reconnaissent traiter d’un même concept, leurs croyances relatives à ce concept n’en demeurent pas moins irréconciliables. Autrement dit, cette traduisibilité n’est pas synonyme de l’existence de normes communes d’évaluation rationnelle.
De nombreux commentateurs ont mis en doute l’analyse faite par MacIntyre de la question de l’incommensurabilité et du problème connexe de l’identification des frontières entre traditions34. Alors que MacIntyre met principalement l’accent sur l’appartenance à une tradition unique et clairement définie, ne sommes-nous pas membres de traditions multiples ? Comment identifier les frontières qui séparent les traditions ? La tradition thomiste est-elle distincte de la tradition aristotélicienne ou est-elle simplement une continuation de celle-ci35 ? Outre ces indéterminations, son raisonnement souffre d’une insuffisance logique. Rien ne justifie méthodologiquement que MacIntyre accorde un rôle positif au désaccord au sein d’une tradition, mais considère les désaccords entre traditions comme incommensurables. Autrement dit, il omet de justifier pourquoi les désaccords internes sont loués alors que les désaccords externes sont décriés. Aussi, l’affirmation d’une incommensurabilité, qui exprime des difficultés d’appréhension et de comparaison, conduit-elle inexorablement à un mythe de l’intériorité ? 136Cette question ne peut être élucidée sans s’intéresser à la relation entre traduction et interprétation qui occupe la fin de l’ouvrage.
Un premier élément de réponse consiste à souligner que MacIntyre ne souscrit pas à un relativisme linguistique qui ferait de chaque langue le support de la pensée d’un peuple et de son monde propre. Au contraire, MacIntyre affronte le défi relativiste qui constitue un obstacle à tout débat entre traditions rivales :
Si chaque tradition porte en soi ses propres critères de justification rationnelle alors, dans la mesure où les traditions d’investigation sont véritablement distinctes les unes des autres, aucune tradition ne peut entrer dans un débat rationnel avec une autre, et par conséquent aucune tradition ne peut justifier de sa supériorité rationnelle sur ses rivales. […] si tel était le cas, il n’existerait pas de bonne raison de souscrire au point de vue d’une tradition plutôt qu’à celui d’une autre36.
Cet extrait illustre la critique macintyrienne de la modernité ; il est pour lui illusoire de postuler un point de vue neutre, « de nulle part », d’où le libéralisme examinerait chaque tradition en toute impartialité. Selon lui, il n’existe pas
un lieu de la rationalité en tant que telle, disposant de ressources rationnelles suffisantes pour mener une investigation indépendante de toute tradition […] être en dehors de toute tradition revient à être étranger à l’investigation et à être dans un état d’indigence morale et intellectuelle d’où il est impossible de lancer le débat relativiste37.
La position de MacIntyre ouvre une troisième voie dont les postulats tiennent à la possibilité d’un débat entre traditions, tout en insistant sur les intraduisibles. Aussi s’attaque-t-il à ceux qui se laissent aller à croire que tout peut être traduit dans leur langue. L’hubris des tenants de la modernité et de ses traducteurs consiste à croire qu’aucun mode de vie traditionnel, culturel ou intellectuel ne leur est inaccessible. Il y aurait chez ceux qui réduisent les intraduisibles à un conte philosophique, cette tendance naïve à supposer qu’ils peuvent tout comprendre d’une culture, même ses aspects les plus étranges et étrangers. Si l’intraduisible dérange, c’est parce qu’il devient la marque d’une opacité et d’une obscurité potentiellement indépassables pour l’étranger.
137C’est pourquoi l’anglais internationalisé de la fin du xxe siècle devient chez MacIntyre le véhicule d’une illusion. Comme toutes les langues internationalisées, il se serait développé de sorte à paraître accessible à tout un chacun, et ce, indépendamment de toute appartenance communautaire. En somme, son défaut consiste à se présenter frauduleusement comme une langue dépourvue d’intraduisibles38.
Par conséquent, procéder à une traduction d’une langue en usage vers ce type de langue de la modernité est particulièrement problématique en raison de la dimension historique des traditions. Une tradition, à chaque étape de son développement, porte en elle une histoire incarnée dans des justifications rationnelles successives. La langue dans laquelle sont forgées ces justifications est elle-même inséparable d’une histoire des transformations et des traductions conceptuelles et linguistiques39.
Ainsi, lorsque deux traditions rivales s’affrontent, la seule approche culturelle et linguistique qui vaille est d’admettre la possibilité que la tradition adverse soit rationnellement supérieure à la sienne. Alors que la reconnaissance du fait que tout ne peut être traduit est une condition nécessaire du dialogue rationnel, depuis la perspective de l’hégémon anglo-saxon, l’existence même des intraduisibles représente une menace.
Ce refus de l’intraduisible caractéristique de la langue anglaise modernisée s’incarne dans ce que MacIntyre désigne comme un cosmopolitisme sans racines. Ce cosmopolitisme est le fait de ceux qui aspirant à se trouver chez eux n’importe où, sont dans une large partie des citoyens de nulle part. Telle est la destinée à laquelle nous condamne la modernité : un cosmopolitisme qui nous modernise et modernise les autres en nous arrachant à nos spécificités linguistique, culturelle et sociale, et donc extirpe tout un chacun de ses traditions au nom d’un point de vue supposément surplombant40.
De nombreux libéraux ont en effet supposé un sujet détaché de ses appartenances multiples, autrement dit un sujet capable de se hisser au niveau de l’universel, grâce à la neutralité et à l’impartialité. Contre ceux qui prétendent se placer à l’extérieur de leurs traditions, MacIntyre 138oppose que la moralité ne peut être appréhendée qu’en lien avec les communautés, car c’est par elles et en elles que les principes moraux sont inculqués. Or, tout se passe comme si les libéraux oubliaient la distinction hégélienne entre Sittlichkeit et Moralität, ne faisant du cosmopolitisme rien d’autre que le cheval de Troie de leur propre tradition41.
Si Beitz, Caney, Pogge42 ou Held, pour ne citer qu’eux, ne s’intéressent que peu à ces questions, c’est parce que l’anglais mondialisé, le globish, fait office de lingua franca43. De ce fait, la parabole de la paille et de la poutre s’applique donc à ceux qui dénoncent l’attachement aux communautés particulières tout en ignorant qu’ils ne font que participer à l’hégémonie de leur propre communauté linguistique et culturelle sur la scène internationale. Ils ouvriraient ainsi la porte à un autre type de mythe de l’intériorité politique qui amènerait à se penser comme complet, capable de tout assimiler et qui nierait ainsi toute forme d’altérité.
Toutefois, MacIntyre place le cosmopolitisme sur un lit de Procuste. Il feint d’ignorer que le cosmopolitisme est le fruit de traditions multiples comme le cynisme, le stoïcisme ou le kantisme. De même, ce courant ne peut être limité à la pensée occidentale puisqu’il existe également un cosmopolitisme chinois et africain. En outre, au sein de la pensée anglo-saxonne certains philosophes, comme Kwame Appiah, plaident pour ce qui semble être une contradiction dans les termes : un cosmopolitisme enraciné (rooted cosmopolitanism) qui récuse l’opposition, catégorique et définitive, entre communauté et universalité44. Loin de porter un sabir mondialisé, les cosmopolites reconnaissent l’existence des intraduisibles sans pour autant en faire des impossibles à traduire. Ces achoppements nécessitent des retours répétés, parfois au prix de contresens 139et d’appauvrissements, mais ne font pas obstacle à la communication. Pour sauver MacIntyre d’un mythe de l’intériorité qui rendrait des pans de traditions inaccessibles à ceux qui leur sont étrangers, il suffit de reconnaître que l’intraduisibilité radicale, de même que la traduction parfaite, relève de la chimère.
Conclusion
La critique sémantique du mythe de l’intériorité menée par MacIntyre permet de dissiper un triple malentendu. Le premier veut que la communauté soit le lieu paradigmatique du solipsisme. Loin des caricatures du cloître hermétique, autonome et autocentré, MacIntyre esquisse le portrait d’une communauté en dialogue avec les autres traditions. Non seulement les communautés ne sont pas enfermées sur elles-mêmes, mais la localité propice à la pratique d’un langage moral commun devient un remède au solipsisme individuel. Pris dans un tissu social composé de règles, de pratiques et d’histoire, le sujet reconnaît que ses sensations ne peuvent avoir de significations privées.
Le second présume que le symptôme du solipsisme propre à l’État libéral réside essentiellement dans ses dérives nationalistes. Or MacIntyre par une critique du langage privé, qui s’étend vers le solipsisme moral et culturel, pointe également du doigt l’individualisme excessif des libéraux. Il reproche notamment à l’État moderne de ne pas permettre une communication véritable, garante de l’exercice collectif des vertus. Ce défaut a pour conséquence directe que le développement des biens internes est impossible au sein de l’État libéral, car le sujet se voit accorder toujours plus de liberté jusqu’à décréter ses propres règles et ignorer la possibilité d’un telos commun. En d’autres termes, parce que l’État se cache derrière une apparente neutralité et se contente de devenir un simple fournisseur de services publics, il abandonne le développement des biens internes au profit des seuls biens externes.
Le troisième suppose que le cosmopolitisme s’impose comme un remède naturel au solipsisme politique en raison de son ouverture sur le monde. Cette dernière n’est toutefois qu’apparente, car MacIntyre 140révèle les impasses propres aux ambitions cosmopolites. La position de surplomb à laquelle ils aspirent est hors de portée, car il est impossible de s’extraire de sa propre tradition. Cette tentative conduit plutôt à déguiser sa propre tradition sous les traits de l’universel. Ainsi, le cosmopolitisme ne peut donc pas prétendre incarner une forme de rationalité supérieure et se positionner en tant qu’arbitre entre les communautés. Aussi faut-il abandonner l’idée d’un cosmopolitisme capable de réconcilier toutes les traditions. Une approche théorique viable doit plutôt accepter les différends, l’incompatibilité et l’incommensurabilité.
En somme, le passage qui mène d’une critique sémantique du solipsisme vers l’universalisme n’est pas directement accessible. Les obstacles mis en évidence doivent obliger les cosmopolites à opérer un retour réflexif. L’originalité de la critique macintyrienne se situant dans sa philosophie du langage, il apparaît que les tenants de la modernité et du libéralisme ne peuvent s’extirper du solipsisme qu’au prix d’une réflexion prolongée sur la communication, la communauté de langage et la traduction.
Corentin Lelong
1 Jacques Bouveresse, Le mythe de l’intériorité. Expérience, Signification et langage lrivé chez Wittgenstein, Paris, Les Éditions de Minuit, 1987.
2 Isabelle Delpla, « Cosmopolitisme ou internationalisme méthodologique ». Raisons politiques, 2014, 54 (2), p. 87-102.
3 MacIntyre critique notamment le solipsisme moral de l’approche nietzschéenne. Alasdair MacIntyre, After Virtue, Notre-Dame, University of Notre Dame Press, 3rd ed. 2007, p. 258.
4 Ibid., p. 263.
5 Rod Dreher, The Benedict option : a strategy for Christians in a post-Christian nation, Penguin, 2017.
6 Rod Dreher, éditeur chez The American Conservative, a publié quelques colonnes ouvertement homophobes. Cette appropriation est d’autant plus étonnante que MacIntyre aide à articuler certaines questions relatives à l’homosexualité. Voir notamment : W. McDonough, « Alasdair MacIntyre as Help for Rethinking Catholic Natural Law Estimates of Same-Sex Life Partnerships », The Annual of the Society of Christian Ethics, 2001, 21, p. 191-213.
7 Bien qu’il se défende, et ce, dès les premières lignes de After Virtue d’appartenir au courant communautarien, une certaine proximité est pourtant perceptible (After Virtue, op. cit., p. xiv). MacIntyre précise qu’il n’accorde aucune valeur à la communauté en tant que telle. Par ailleurs, il reconnaît que la communauté peut être vectrice d’oppression. Cela ne signifie pas pour autant que le rapprochement opéré soit indu. Voir notamment, A. MacIntyre, « I’m Not a Communitarian, But », The Responsive Community, 1991, 1 (3), p. 91–92.
8 J’emprunte cette expression à Isabelle Delpla, dont les travaux ne portent pas sur MacIntyre (« Cosmopolitisme ou internationalisme méthodologique », Raisons politiques, 2014, 54 (2), p. 87-102.
9 L. Wittgenstein, L., Recherches philosophiques, Paris, Gallimard, 2014, § 241.
10 Ibid. § 43.
11 L. Wittgenstein, Le cahier bleu et le cahier brun, Paris, Gallimard, 1965.
12 Sandra Laugier, « Wittgenstein : politique du scepticisme », Cités, 2009 no 2, p. 109-127. Laugier précise que ces trois pôles ne suffisent pas à définir la pensée politique de Wittgenstein, il faut aussi lui ajouter la question de l’autorité du sujet sur lui-même et sur autrui.
13 After Virtue, op. cit. p. 146.
14 S. Laugier, « Règles, formes de vie et relativisme chez Wittgenstein », Noesis, 2008, no 14, p. 41-80.
15 J.E. Mahon, MacIntyre and the Emotivists in Fran O’Rourke : What Happened In and To Moral Philosophy in the Twentieth Century ?, Notre Dame, University of Notre Dame Press, 2013, p. 167-201.
16 Voir notamment le chapitre 2 : « The Nature of Moral Disagreement Today and the Claims of Emotivism » et le chapitre 3 : « Social Content and Social Context ». Bruce Waller considère que ces deux chapitres font du cœur de Après la vertu une attaque à l’encontre de l’émotivisme (« The Virtues of Contemporary Emotivism », Erkenntnis, 1986, 25(1), p. 61-75.
17 Dans After virtue MacIntyre critique le retour qu’opère Nietzsche à l’éthique aristocratique de la Grèce homérique et lui oppose l’approche téléologique de l’éthique aristotélicienne. Selon MacIntyre, « Nietzsche remplace les fictions de l’individualisme des Lumières, dont il est si méprisant, par un ensemble de fictions individualistes » (p. 129) MacIntyre interprète le concept de surhomme comme révélant l’échec du projet épistémologique des Lumières et de sa recherche d’une morale à la fois subjective et universelle. Selon lui, Nietzsche néglige toutefois le rôle de la société dans la formation et la compréhension de la tradition et de la moralité, et de ce fait, le surhomme nietzschéen ne peut pas entrer dans des relations médiatisées par des normes ou par des vertus ou des biens partagés ; le surhomme est sa seule autorité morale et ses relations avec les autres se résument à des exercices de cette autorité. Aussi la grandeur nietzschéenne est-elle selon MacIntyre une condamnation au solipsisme moral (p. 258). Concernant Wittgenstein, « Le mythe du surhomme épistémique » est le titre d’une intervention donnée par Vincent Descombes lors d’un séminaire dédié au philosophe autrichien en 2018-2019 à la Sorbonne.
18 After Virtue, op. cit., p. 34.
19 A. MacIntyre, Three rival versions of moral enquiry : Encyclopaedia, genealogy, and tradition, Notre Dame, University of Notre Dame Press, 1994, p. 200.
20 Ronald Beiner, « Community versus citizenship : MacIntyre’s revolt against the modern state », Critical Review 2000, no 14 (4), p. 474.
21 V. Descombes, « Alasdair MacIntyre en France », Revue internationale de philosophie, 2013 no 2, p. 135-156.
22 « Les États-nations modernes sont régis par une série de compromis entre une série d’intérêts économiques et sociaux plus ou moins conflictuels. Le poids accordé aux différents intérêts varie en fonction du pouvoir de négociation politique et économique de chacun et de sa capacité à faire en sorte que les voix de ses protagonistes soient entendues aux tables de négociation pertinentes. Ce qui détermine à la fois le pouvoir de négociation et cette capacité, c’est en grande partie l’argent, l’argent utilisé pour fournir les ressources nécessaires au maintien du pouvoir politique : ressources électorales, ressources médiatiques, relations avec les entreprises. […] Mais toute relation des gouvernés avec le gouvernement des États modernes exige que les individus et les groupes pèsent les avantages et les coûts de leur enchevêtrement, du moins en ce qui concerne cet aspect des États en ce qu’ils sont et se présentent comme des entreprises géantes de services publics » (A. MacIntyre, Dependent rational animals : Why human beings need the virtues, 1999, vol. 20, Open Court Publishing. p. 131.
23 Ibid., p. 132.
24 MacIntyre précise que les vertueux auront une double attitude envers l’État-nation. Ils reconnaîtront qu’il s’agit d’une caractéristique inéluctable du paysage contemporain et ne mépriseront pas les ressources qu’il offre. Toutefois, ils reconnaîtront également que l’État moderne ne peut pas fournir un cadre politique approprié. Dependent rational animals …, op. cit. p. 133.
25 Ibid. p. 143.
26 M.C. Murphy. « MacIntyre’s Political Philosophy ». Alasdair MacIntyre, 2003, p. 152.
27 A. MacIntyre, Dependent rational animals …, op. cit., p. 131.
28 S. Holmes. The Anatomy of Antiliberalism, Harvard University Press, 1996, p. 88. Holmes opère également ce rapprochement pour ensuite l’écarter.
29 D. Trenery. Alasdair MacIntyre, George Lindbeck, and the nature of tradition, Wipf and Stock Publishers, 2014.
30 G.P. Baker, Wittgenstein’s method : Neglected aspects, John Wiley & Sons, 2008, p. 118.
31 V. Descombes, V., « Alasdair MacIntyre en France », op. cit.
32 A. MacIntyre, Whose justice ? Which rationality ?, Notre Dame, University of Notre Dame Press, 1988, p. 355.
33 Ibid., p. 351.
34 J. Porter, « Openness and constraint : moral reflection as tradition-guided inquiry in Alasdair MacIntyre’s recent works », The Journal of Religion, 1993, 73 (4), p. 514-536. Porter offre une solution charitable à ce problème. « L’identification des limites d’une tradition donnée variera dans une certaine mesure avec le point de vue de l’observateur chargé de l’identification, de sorte que celui qui s’intéresse à l’histoire de la science choisira un ensemble de traditions quelque peu différent, par exemple dans l’Europe du dix-septième siècle, de celui qui s’intéresse à l’histoire de la culture populaire. Mais ce flou ne doit pas créer de problème tant que nous sommes conscients que le concept de tradition dépend pour son application du point de vue de celui qui l’utilise. Il ne s’ensuit pas que le concept de tradition puisse légitimement être appliqué de quelque manière que ce soit pour répondre aux objectifs de celui qui l’applique. Selon l’analyse du concept faite par MacIntyre, l’identification d’une tradition impliquera, au minimum, de donner une approche narrative du développement de cette tradition de ses débuts à ses derniers stades, par le biais d’une réflexion continue, et des disputes, sur les points de départ partagés, probablement (mais pas nécessairement) incorporés dans des textes canoniques » (p. 519).
35 J.A. Herdt. « Alasdair MacIntyre’s “Rationality of Traditions” and Tradition-Transcendental Standards of Justification », The Journal of Religion, 1998, 78 (4), p. 524-546.
36 Ibid., p. 366.
37 Ibid., p. 379.
38 Ibid., p. 401.
39 Ibid., p. 411.
40 Certains pourraient vouloir ici distinguer entre cosmopolitisme culturel et cosmopolitisme politique. Or, cette distinction n’est pas nécessaire dans le cadre d’une critique du cosmopolitisme libéral en tant que tendance hégémonique. En effet, ces deux formes agissent conjointement notamment à travers le soft power.
41 A. MacIntyre, « Is patriotism a virtue ? », D. Matravers, D. & J. Pike, J. (éd.), Debates in contemporary political philosophy : an anthology. Routledge, 2003.
42 T. Pogge, « Accommodation Rights for Hispanics in the United States », W. Kymlicka & A. Patten (éd.), Language Rights and Political Theory, Oxford, Oxford University Press, 2003, p. 105–122. La question du langage est posée dans le contexte multiculturel nord américain et non au sein d’un paradigme proprement cosmopolite.
43 P. Ives, « Cosmopolitanism and global English : Language politics in globalisation debates », Political Studies, 2010, 58 (3), p. 516-535. Ives note qu’en dépit des citations fréquentes de l’argument de Benedict Anderson selon lequel la normalisation linguistique fait partie intégrante de la formation historique des États-nations modernes, les débats actuels en science politique ne fournissent que des compréhensions superficielles de l’évolution des contextes linguistiques.
44 W. Kymlicka & K. Walker (éd.)., Rooted cosmopolitanism : Canada and the world, UBC Press, 2012.
- CLIL theme: 3133 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Philosophie -- Philosophie contemporaine
- ISBN: 978-2-406-10573-2
- EAN: 9782406105732
- ISSN: 2271-7234
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-10573-2.p.0123
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 06-08-2020
- Periodicity: Biannual
- Language: French
- Keyword: MacIntyre, interiority myth, cosmopolitanism, communitarianism, solipsism