La Grande Guerre et le concept d’agression
- Publication type: Journal article
- Journal: Éthique, politique, religions Les transformations du concept de guerre (1910-1930)
2017 – 1, n° 10. II. Techniques, stratégies, culture - Author: Bouderbala (Lyess)
- Pages: 123 to 147
- Journal: Ethics, Politics, Religions
La Grande Guerre
et le concept d’agression
La première guerre mondiale s’achève sur la responsabilisation de l’Allemagne. Le pays porte avec ses alliés la charge de l’ensemble des préjudices causés par le déroulement des combats. Responsable d’une agression, l’Allemagne est coupable d’avoir contraint les pays « agressés » à entrer dans un conflit qui ne relève pas de leur fait, de les avoir plongé, malgré eux, dans la nécessité de recourir aux voies de la force. Cette culpabilité est clairement exprimée dans le traité de Versailles qui affirme à l’article 231 :
que l’Allemagne et ses alliés sont responsables, pour les avoir causés, de toutes les pertes et de tous les dommages subis par les Gouvernements alliés et associés et leurs nationaux en conséquence de la guerre, qui leur a été imposée par l’agression de l’Allemagne et de ses alliés1.
À cette responsabilité, l’article 232, indissociable du précédent, ajoute la réparation des préjudices en l’associant au déclenchement des hostilités et à la production des dommages : un dédommagement est exigé en compensation de l’agression.
L’article 231 fut le plus controversé, perçu par le camp allemand comme une tentative de lui attribuer l’entière responsabilité morale du conflit, impliquant que l’Allemagne ait à répondre de ses intentions et de ses actes, et surtout à en assumer seule les conséquences2. Or, la criminalisation de l’agression n’est pas expliquée. Bien que ce ne soit pas le rôle d’un traité de paix3, il ressort clairement que la difficulté 124définitionnelle de l’agression est esquivée, et ce dès le pacte de la Société des Nations. Elle est simplement présentée en creux comme ce contre quoi une société des nations doit être constituée : « Les membres de la Société s’engagent à respecter et à maintenir contre toute agression extérieure l’intégrité territoriale et l’indépendance politique présente de tous les membres de la Société4 ». Par « agression » le pacte suppose donc un acte matériel concrétisé par le déclenchement de la guerre, et dont l’effet premier est de porter atteinte à une souveraineté ; mais il manque une définition claire qui puisse en justifier la criminalisation.
En effet, est-ce la finalité de l’emploi de la force par l’Allemagne qui est condamnée, et en ce sens faut-il identifier agression et guerre offensive ? Et si l’agression désigne l’entrée en guerre, comment la distinguer du reste des pratiques belliqueuses : ingérence, intervention militaire, pression diplomatique, etc. ? Le lien entre l’initiation du conflit armé et la responsabilité quant à ce qui s’y est fait n’est par ailleurs pas établi. Si l’agression est le passage à un conflit militarisé, l’agresseur ne serait que celui qui dépasse la menace et prend l’initiative de la violence. Compte tenu de la difficulté à désigner le moment du déclenchement des hostilités, il parait hardi de s’en servir pour attribuer toute la charge de la guerre à un camp. Le traité de Versailles évite ces embarras en s’appuyant sur le caractère initiateur de l’agression, acte qui instaure un rapport conflictuel avéré et brise l’état de paix. Affirmée comme une évidence, l’agression est un crime contre la paix pour lequel l’Allemagne est forcée de reconnaître sa responsabilité, i.e. son « tort ». En somme, culpabilité allemande, non seulement pour avoir initié la guerre, et ce sans raison, mais aussi pour la violence avec laquelle elle l’a menée.
La fin de la Grande Guerre a rendu on ne peut plus urgente et nécessaire une définition de l’agression interétatique. Au cœur de plusieurs tensions liées à l’histoire du droit de la guerre, l’agression avait jusqu’alors échappé à une caractérisation précise. Premièrement car il est délicat de distinguer entre la guerre et l’agression, qui relèvent de pratiques matériellement identiques. Deuxièmement, parce qu’une 125puissance souveraine ne peut accepter d’être jugée quant aux raisons pour lesquelles elle emploie les armes. Et enfin, en raison de l’ambiguïté du statut de la guerre offensive qui, pouvant parfois être préventive donc nécessaire pour la conservation d’un État, rend périlleuse la restriction des moyens par lesquels un État peut veiller à son maintien.
Notre objectif sera d’éclairer la fin de la Grande Guerre, qui s’établit sur la culpabilité de l’Allemagne et de ses alliés, à travers une reprise de l’évolution du concept d’agression depuis la modernité. Nous entendons montrer comment les ambiguïtés du traitement de l’agression au sein du Traité de Versailles prennent sens si l’on se rapporte à l’élaboration théorique de la guerre d’agression au sein des doctrines de la guerre de l’âge classique et à leur transformation par les xixe et xxe siècles. Cette analyse permettra de clarifier une tension au cœur du concept d’agression, que l’après guerre ne fait qu’exacerber sous la forme d’une contradiction entre le respect du recours aux armes dès lors qu’il relève d’une décision souveraine, et la criminalisation de l’Allemagne en raison de la nature de son utilisation de la force. Bien que la guerre soit considérée comme un mécanisme de règlement de conflit uniquement soumis à l’approbation de ceux qui s’y livrent, le Traité de Versailles paraît présupposer que la guerre ne peut être entreprise que d’une certaine manière. Alors même que la guerre était censée être comprise à travers le paradigme d’une relation juridique entre des belligérants égaux en souveraineté, la mobilisation du concept d’agression à la fin de la guerre fait réapparaitre l’idée d’une inégalité morale entre les ennemis.
L’après-guerre nous paraît pouvoir gagner en intelligibilité grâce à un examen du statut de l’agression dans les doctrines de certains des pères du droit international, retour qui révèlera autant la continuation que l’écart induit par le dispositif de criminalisation de l’Allemagne. Nous verrons également comment les lacunes du concept d’agression ont, d’une certaine manière, conduit à ce que l’agression, et plus généralement l’emploi non défensif de la force, soient expulsés des pratiques étatiques grâce à un mouvement d’identification de la guerre (sous entendu guerre juste) avec la guerre défensive. Par son ampleur, la première guerre mondiale ouvre définitivement la voie à une assimilation entre guerre et protection de soi, et en conséquence, à l’illégalité de toute forme de violence armée non défensive. L’agression interétatique est, de fait, le point obligé de toute tentative de juridiction de la guerre : la 126distinction entre guerre et agression étant au centre de tout effort de limitation des prétentions belliqueuses. Ce détour par la constitution du concept d’agression nous renseignera sur un processus historique ayant participé à l’éviction de la guerre.
La guerre comme
acte de justice vindicative
Négation juridique de l’agression
Nous avons choisi de commencer par Hugo Grotius. Bien qu’il ne soit pas le premier à la condamner5 et qu’on ne trouve chez lui ni théorie ni traitement autonome de l’agression, celle-ci joue cependant un rôle fondamental dans l’économie de sa pensée : elle sert de contre-modèle pour la construction de la guerre juste. Elle est, en effet, dans Du droit de la guerre et de la paix, précisément le négatif de la guerre compatible avec le droit. L’agression est ce contraire qui permet de définir en retour, les critères du recours juste à la force. Et, plus encore, le droit d’entreprendre la guerre est fondé sur l’élimination de l’agression. En outre, il propose, avec succès, une double condamnation de l’agression. Celle-ci est réprouvée pour des raisons matérielles (finalité de la violence) et également formelles (absence de déclaration)6. Il permet donc de saisir les deux niveaux sur lesquels repose le concept d’agression.
Son refus de la guerre d’agression s’explique premièrement par la manière dont est déterminée la justice de la guerre. La violence est juste selon la nature de sa cause, c’est-à-dire selon la justice de ce qui l’occasionne. Or, la première cause qui autorise la prise des armes est précisément le fait de subir une agression. Reprenant Augustin, qui blâme le recours à la guerre qui ne répond à aucune attaque7, Grotius 127affirme que l’usage de la force doit être occasionné par l’injustice de l’adversaire, i.e. lorsqu’il y a atteinte à un droit subjectif. Seule l’injure injustement reçue rend nécessaire une réponse armée et garantit la compatibilité entre force et justice : « Il ne peut y avoir d’autres causes légitimes de la guerre, qu’une injure reçue8 ». La guerre relève du droit lorsqu’elle réplique à l’injustice de celui qui s’institue en ennemi, raison pour laquelle la guerre juste par excellence est celle qui répond à une agression. Si la guerre permise par le droit est immédiatement établie comme une riposte face à une agression, c’est parce que Grotius entend montrer qu’un emploi juste de la force est possible, par conséquent l’agressé doit disposer des moyens nécessaires pour se conserver sans enfreindre le droit.
Ce rapport contradictoire entre agression et guerre (dont la cause est juste) se comprend par la définition grotienne de la paix. Elle n’est plus comme chez Machiavel ce temps entre les hostilités pendant lequel le prince doit se préparer à leur reprise9, mais un ordre normatif qui, bien que découlant de traités, doit être maintenu car conforme à la nature humaine. Pour le montrer Grotius ramène le terme bellum à celui de duellum, lui-même rapporté à celui de duobus, exprimant le lien essentiel entre la guerre et la désunion, et plus encore la destruction de l’ordre10. Or, la nature humaine, c’est-à-dire l’ensemble des facultés propres à l’homme – raison et sociabilité pour l’essentiel – ne s’épanouissent pleinement qu’en temps de concorde.
Alors que la guerre interétatique est une lutte armée qui advient lorsque deux États sont incapables de régler un litige par d’autres moyens – définition qui suppose, comme condition nécessaire, un différend à résoudre, et, par suite, que la guerre vise la paix – l’agression est au contraire une attaque soudaine qui ne répond ni à une provocation ni à une injustice. La guerre n’est pas extra-juridique, elle est cette voie qui permet de vider un différend lorsque nul arbitre ne peut être trouvé, raison pour laquelle elle est conçue à partir du modèle judiciaire11. Sa 128fin est de rétablir la justice. Un sujet saisit le tribunal pour obtenir réparation d’un tort subi, de même la guerre ne doit être entreprise que pour répondre à une offense reçue dont le préjudice n’a pu être réparé autrement12. Inversement, de par sa cause, la guerre d’agression est incompatible avec le droit puisqu’elle ne permet pas le rétablissement d’un droit lésé : condamnation de l’agression par sa matière. Grotius n’admet que quatre causes à la prise des armes : la défense, le recouvrement de ce qui nous appartient, la punition et la poursuite de ce qui nous est dû ; quatre cas de violation d’un droit. Des causes qui contredisent radicalement et entravent l’agression puisque chacune entend précisément rétablir la justice contre un tort produit par une agression.
À cette condamnation par la cause, Grotius ajoute également, et ce, pour dépasser la perspective matérielle induite par le prisme de la juste cause, une critique par la forme. La guerre d’agression, outre qu’elle ne répond pas à la violation d’un droit, ne satisfait pas aux exigences formelles du jus ad bellum. Elle est le fait d’un souverain, dépositaire de la puissance publique dont la décision de guerre est bien une prérogative, mais sans déclaration. Or, déclarer la guerre c’est donner à l’ennemi l’occasion de se préparer face à l’imminence du péril. Puisque la guerre est un état au sein duquel le droit demeure, alors cet état doit être rendu public, c’est-à-dire déclaré ; déclaration expresse qui signale qu’un État entend mettre en œuvre tous les moyens dont il dispose pour rétablir son droit13. Et en plus d’être le témoignage d’un certain égard, la déclaration est un rituel dont la formalité met un frein au déclenchement des hostilités. Seul le souverain étant à même de rendre publique la décision de guerre, cette modalité permet également de s’assurer que la résolution émane bien de la tête du corps politique.
L’agresseur, à l’inverse, brise ce formalisme en s’appuyant sur la surprise. Dissimulée pour ne pas donner à l’ennemi le temps de se préparer, l’agression transgresse la procédure juridique que doit suivre la guerre14, elle est ainsi condamnée par sa forme. Infraction au droit d’entrer en guerre, elle autorise par conséquent une réponse qui se passe 129du respect des procédures. En effet, elle place l’État attaqué dans une urgence vitale à laquelle il doit répondre immédiatement. S’il était tenu de suivre les règles du jus ad bellum, son péril serait accru. Ainsi, la réponse à une guerre d’agression n’a pas besoin d’être déclarée par le héraut puisqu’elle l’est déjà par la nature15.
Droit naturel et conservation de soi
En se rapportant à la nature pour déterminer la réponse à l’agression, Grotius fait apparaître le fondement de sa condamnation. Elle repose sur une analogie entre le corps biologique et l’État, autrement dit sur le droit nature : un droit naturel non plus déduit des régularités phénoménales ou des Écritures mais de la raison16. Ce droit devient avec Grotius l’ensemble des règles de la droite raison qui font immédiatement savoir qu’une action est adéquate à la nature raisonnable et sociable de l’homme.
Le premier principe de cette source du droit est, selon Grotius qui s’inspire du stoïcisme, un mouvement présent dans tout être vivant par lequel il est conduit à rechercher ce qui le maintient en vie et à fuir ce qui le met en danger17. De cet instinct se dégage une obligation : maintenir la condition que la nature nous a offerte. Chaque vivant est doté par la nature de facultés pour se maintenir dans son état. Il est ainsi nécessaire que celui qui mobilise les facultés dont la nature l’a pourvu, pour conserver la condition qu’elle lui a donnée, ne fasse rien d’injuste. Et puisque se conserver est une obligation, alors le recours à la force dans la guerre privée est pleinement juste lorsqu’il répond à une attaque. C’est là une injonction que la raison fait connaître aux grands esprits et que la nécessité ordonne aux autres par l’instinct de conservation18. L’agression, qui ne répond à aucun danger, viole le droit naturel de l’innocent qui l’autorise à répondre par la violence19 :
130Si notre corps est attaqué par un acte présent de violence entrainant péril de la vie, et qu’on ne puisse autrement l’éviter, dans ce cas la guerre est licite, même s’il faut tuer celui qui nous expose à ce danger. Le droit de se défendre provient immédiatement et en premier lieu, de ce que la nature confie à chacun de nous le soin de nous-même20.
Le dispositif d’analogie entre corps et État permet à Grotius d’appliquer à la guerre publique interétatique ce qu’il affirme de la guerre privée. L’agression d’un sujet met son corps en danger comme l’agression interétatique pour le corps politique. Le refus de l’agression interétatique se fonde sur la proscription de l’agression comme telle, contraire au droit naturel. Ainsi, la guerre d’agression est ce recours à la force le plus injuste qui soit, qui ne vise ni la défense ni la réparation d’un dommage subi, que l’effort de conciliation entre guerre et droit doit pouvoir annuler.
Toutefois, la prise des armes n’est légitime que lorsqu’elle répond à un danger pour la permanence de l’État, c’est-à-dire lorsque l’agression est effective. C’est parce que le péril est actuel ou imminent qu’il est juste de riposter. Répondre à une agression prochaine peut, par conséquent, autoriser d’initier la voie des armes. Mais Grotius met l’accent sur la matérialité de l’agression : une agression probable n’en est pas une21.
Droit de la guerre et réponse au danger
Ainsi, avec Grotius, la guerre compatible avec le droit se définit d’abord comme une réponse à une agression qui ne peut pas être réparée autrement. L’agression est alors un concept qui mêle des considérations formelles et matérielles. Cette conception a peu à voir avec celle en vigueur à la fin de la Grande Guerre lorsque les Alliés s’efforcent de criminaliser l’Allemagne au nom d’une rupture de la paix. Mais un mécanisme demeure identique, l’idée selon laquelle la guerre produit des effets de droit car elle rétablit un droit violé, l’injustice du fautif rendant juste sa punition, ce qui explique la volonté des Alliés de faire reconnaître à l’Allemagne sa culpabilité pour justifier que leur guerre ne soit qu’une réponse.
131En mobilisant le lexique de l’agression, le Traité de Versailles affirme la culpabilité de l’Allemagne. Innovation de l’après-guerre, la responsabilité du vaincu est inscrite dans les traités de paix. Or, affirmer que l’Allemagne est fautive d’une agression supposait de faire de son utilisation de la force un acte contraire au droit de la guerre. En plus de la causalité entre le déclenchement des hostilités et l’exigence d’une compensation, l’Allemagne devait être déclarée responsable de la guerre, impliquant qu’elle ait à supporter les conséquences de ses actes22. Mais contrairement à la perspective grotienne, l’après-guerre s’efforce de faire du passage à l’acte la preuve suffisante de la responsabilité de l’auteur, d’où le refus catégorique essuyé par le chancelier Scheidemann lorsqu’il tenta, dans ses contre-propositions au traité de paix, d’ôter les articles portant sur la responsabilité allemande. Pour les vainqueurs cette responsabilité indubitable est la condition d’une justice d’après guerre23. Et même si la mobilisation de l’allié autrichien est postérieure à celle de la Russie, la « preuve » réside dans la transgression de la neutralité belge24, acte effectif de violence militaire qui rompt la paix. Pour autant, cela montre que les insuffisances de la définition de l’agression sont la cause d’une certaine plasticité qui empêche de la désigner précisément dans les faits. Ces déficits ont rendu le concept d’agression réversible et permis autant aux Alliés qu’aux vaincus de se renvoyer dos à dos la responsabilité de la guerre, chacun qualifiant d’agression l’action militaire de l’autre. L’Allemagne peut ainsi prétendre avoir mené une guerre défensive en réponse à l’agression russe, et les Alliés affirmer avoir été contraint de prendre les armes à cause de l’agression allemande.
Mais alors qu’avec Grotius la proscription de l’agression servait à justifier une réponse armée qui soit juste, les Alliés vont parvenir à criminaliser l’Allemagne alors même qu’il s’agit d’un État souverain dont la guerre est une prérogative. Cela va être possible par les transformations que va subir le concept après Grotius et notamment sous la plume d’Emer de Vattel.
132L’agression n’est pas du droit
Point décisif pour saisir le rôle de l’agression à la fin de la Grande Guerre, la modification que lui fait subir Vattel, diplomate suisse, qui accordera une grande importance à la distinction, centrale dès lors, entre guerre et agression, deux pratiques qui ne pourront plus être confondues sur le plan conceptuel et pratique. Avec cet auteur, l’agression va être radicalement expulsée du juridique, et celui qui en est coupable ne pourra plus se prévaloir d’aucun droit.
L’agression ne relève pas de la guerre
L’auteur s’attèle à extraire l’agression du concept même de guerre. Ce traitement dérive de l’écart que l’auteur introduit entre guerre et injure : alors que la guerre est permise et placée du côté de la justice, l’injure est une injustice car elle consiste à léser le droit parfait d’autrui en introduisant un défaut dans sa condition. Elle est incompatible avec le droit puisque la nature nous contraint d’œuvrer pour la perfection des autres, devoir qui est également imposé aux nations, comme Vattel l’affirme dans Le Droit des gens de 175825, leur fin est de réaliser la paix, véritable aboutissement de l’association civile Ainsi, l’offense entre États contredit la finalité de toute association politique26. La communauté naturelle des États a en effet pour but d’amener chacun vers son perfectionnement, ce qui réclame en premier lieu la paix. Mais cette fin suppose de pouvoir se conserver, c’est-à-dire de se défendre légitimement contre toute atteinte. Raison pour laquelle l’établissement de la paix, nécessaire au perfectionnement de chacun, réclame le droit de faire la guerre.
Vattel définit la guerre comme un « état dans lequel on poursuit son droit par la force27 » ; or en posant la défense d’un droit comme 133critère de la guerre, il élimine l’agression. Ce geste définitionnel n’implique pas simplement que le droit de la guerre soit fondé pour apporter une réponse armée juste à l’agression comme c’était le cas chez Grotius, mais que l’agression ne partage pas la propriété essentielle de la guerre. Ainsi, toute violence qui ne répond pas à la poursuite d’un droit est sans justification et ne relève donc ni du droit ni de la guerre. L’écart entre guerre et agression s’appuie, y compris chez Vattel, sur le droit naturel qui offre à chacun un droit de sûreté permettant de recourir à la violence pour se garantir une situation sans danger lorsque nécessaire. Ce droit offre une permission de se défendre et par conséquent la guerre est du côté de la défense contrairement à l’agression qui est une attaque non provoquée. En conséquence, le caractère défensif du recours à la force suffit à en déterminer la justice et à en faire une obligation, et ce, plus encore lorsque l’injustice est une agression :
La guerre défensive est juste, quand elle se fait contre un injuste agresseur. Cela n’a pas besoin de preuve. La défense de soi-même contre une injuste violence, n’est pas seulement un droit, c’est un devoir pour une nation, et l’un de ses devoirs les plus sacrés28.
Guerre offensives, guerre défensives
L’agression n’étant pas une guerre, elle ne peut pas même faire partie des « guerres offensives ». Lorsque Vattel introduit initialement la distinction entre guerre offensive et défensive, il signale qu’il ne « parle pas encore de la justice de la guerre29 », sa perspective est alors indépendante d’un questionnement sur la juste ou injuste finalité de la force. Pour autant, la catégorie « guerre offensive » ne désigne pas n’importe quel déclenchement des hostilités. Son objet est ramené à deux finalités : la poursuite de son droit ou sa sécurité. Ouvrir une guerre c’est en définitive se protéger.
C’est lorsqu’il revient ensuite sur cette distinction pour y superposer la justice des causes de la guerre qu’il parvient définitivement à expulser l’agression. À la distinction guerre défensive/offensive habituellement 134centrée sur la temporalité des hostilités, Vattel ajoute désormais le dessein visé. Or, l’auteur ne reconnaît à la guerre juste que certaines causes : se protéger, poursuivre ses droits, récupérer ce qui nous appartient, punir une injure reçue ou prévenir une attaque à venir30. Une guerre offensive qui donc amorce la voie des armes peut parfaitement être juste. Ce n’est donc pas le caractère inaugurateur de l’agression qui est condamné par Vattel mais bien sa finalité extra juridique qui en fait une pratique contraire à la guerre. La critique porte bien sur l’élément matériel et juridique impliquant que l’agression ne produise aucun droit. Bien que menée par un souverain, elle est sans objet : il lui manque l’élément qui pourrait faire qu’elle soit une guerre. Motivée par un désir de conquérir elle ne vise pas à se défendre. Conséquence tirée par Vattel, l’agression étant exclue des raisons justificatives de la guerre, celui qui l’entreprend ne dispose d’aucun droit31.
Cette conclusion se comprend à l’aune des finalités de la guerre légitime et de la condition de nécessité à laquelle l’emploi de la force demeure soumis. Les finalités sont alors ramenées à trois : se défendre en repoussant l’attaque injuste, contraindre l’autre à rendre ce qui est nôtre ou garantir sa sécurité en punissant l’agresseur32. Vattel valorise tout particulièrement la guerre dont la cause est une injure subie, ce qui tend à identifier guerre juste et guerre défensive, et à creuser l’écart entre agression et justice. En effet, la guerre pour être juste doit être une ultime ressource. Elle n’est juste qu’en cas d’extrême nécessité, i.e. lorsque toutes les voies pacifiques ont été inutiles, le caractère exceptionnel du recours à la guerre accroît l’incompatibilité entre guerre et agression. Ainsi, la nation qui mobilise la force, alors qu’elle aurait pu recourir à la diplomatie, abuse de son droit et rend sa riposte injuste. En effet, la guerre est une catastrophe si funeste que la justice de sa 135cause est insuffisante, elle doit être déterminée par la nécessité. La guerre est le dernier « remède33 », métaphore médicale qui en fait un droit des nations pour corriger l’injustice. À l’inverse, l’agression n’est ni le moyen d’une défense, ni la réponse apportée à une nécessité : elle est donc doublement incompatible avec le droit, raison pour laquelle contre elle tout peut être fait.
Brigandage
Résultat de ces remaniements conceptuels, l’agression, ne relevant pas de la guerre, appartient à la force brute et désordonnée. Par conséquent, l’entreprise d’une agression ne donne pas de droit : la nation attaquée par des agresseurs « n’est point obligée d’observer envers eux les règles prescrites dans les guerres en forme ; elle peut les traiter comme des brigands34 ». Ainsi, l’agresseur ne peut se prévaloir d’aucun droit quant aux hostilités qu’il subira. Pufendorf admettait déjà que la riposte à une agression puisse déborder en une punition illimitée dont seul l’agressé était juge de l’étendue35. Avec Vattel plus encore, la finalité juste d’une guerre rend justes les moyens qu’elle exige.
Tout le droit de celui qui fait la guerre vient de la justice de sa cause. L’injuste qui l’attaque, ou le menace […] le met dans la nécessité de se défendre ou de se faire justice les armes à la main ; il l’autorise à tous les actes d’hostilité nécessaires pour se procurer une satisfaction complète. Quiconque prend les armes sans sujet légitime, n’a donc absolument aucun droit ; toutes les hostilités qu’il commet, sont injustes36.
La guerre contre un agresseur peut donc être poursuivie sans limite. Et puisque la guerre ne peut être mobilisée qu’en cas de nécessité, par conséquent, tous les moyens qu’elle réclame pour réaliser ses buts sont également nécessaires. Ce critère, périlleux car il ne détermine pas à l’avance les moyens qui sont justes, impose néanmoins une limite : ce 136qui déborde de la nécessité est réprouvé par la loi naturelle et l’agresseur ne doit pas pouvoir s’en plaindre. Le souverain doit en effet garder à l’esprit que la nature ne l’autorise à employer les armes que comme un remède malheureux bien que nécessaire.
L’agresseur est responsable des désastres causés par la guerre, « chargé de tous les maux, de toutes les horreurs de la guerre : le sang versé, la désolation des familles, les rapines, les violences, les ravages, les incendies sont ses œuvres et ses crimes. » Responsable des atrocités commises dans la guerre, il est coupable « envers le genre humain entier, dont il trouble le repos, et auquel il donne un pernicieux exemple37 ».
Ainsi, il apparaît avec Vattel que la guerre d’agression est tellement coupable d’injustice qu’elle n’appartient pas même au concept de guerre. Elle relève du brigandage et n’offre aucun droit. Ne visant pas à rétablir un droit, celui qui commet une agression n’en possède aucun : tout peut être fait contre lui, la force ne doit connaître aucune restriction. Le jus in bello est subordonné au jus ad bellum. Et comme celui qui entreprend une agression met en péril la paix entre les États, alors la guerre doit jouer une fonction de police pour empêcher la licence entre les nations. Cette possibilité de la guerre instaure un ordre entre les nations : l’auteur ouvre la voie à l’idée de punition collective de l’agression.
En outre, Vattel permet d’éclairer, par la disqualification de l’agression qu’il opère à l’intérieur du droit naturel, le déroulement de la fin de la Grande Guerre. Nous n’affirmons pas que le Traité de Versailles soit déterminé par la conceptualisation de Vattel, mais certains mécanismes de traitement de l’agression sont similaires. En faisant de l’Allemagne le responsable d’une agression, les vainqueurs ont pu taire tout examen du jus in bello. Agresseur, l’État allemand devint responsable de l’extrémité à laquelle la guerre a été poussée et ne pouvait revendiquer aucun droit. La conférence de la paix de 1919 est la conférence des vainqueurs, l’Allemagne est d’ailleurs absente des négociations. Cette mise à l’écart du processus d’instauration de la paix correspond à cette « absence » de droit qui sanctionne le responsable d’une agression. Cette exclusion était la prémisse pour faire reconnaître à l’Allemagne son tort et pas uniquement sa défaite. L’Allemagne ne devait pas paraître se soumettre à la force brute – bien que cela soit 137en partie contraire aux faits – mais à la raison qui l’incitait à avouer sa culpabilité38.
L’égalité souveraine
Cependant, Vattel constate l’impraticabilité de la structure qu’il propose, à savoir qu’il n’est pas inenvisageable de juger de la finalité visée par l’emploi des armes. Outre l’impossibilité pratique d’un jugement vrai, c’est l’impossibilité politique de la soumission d’une souveraineté au regard d’un juge qui lui serait supérieur qui fait problème39. Le système vattelien ne parvient pas à supprimer l’agression des conduites des États. L’invalidation de l’agression par sa finalité est insuffisante, rien ne distingue avec assurance agression et guerre, chaque souverain pouvant prétendre publiquement revendiquer un droit lorsqu’il entreprend une agression. Raison pour laquelle Vattel en vient à refuser que la cause d’une guerre puisse être examinée au nom de l’égalité souveraine entre les États40, et à ne valoriser que la forme de la guerre (déclarée publiquement et menée par le souverain)41. Avec cet auteur se constitue pleinement l’idée d’un droit de la guerre non subordonné 138aux causes, qui ne discrimine pas les États aux prises, ceux-ci étant souverainement égaux. La guerre en forme doit être conçue comme productrice d’effets justes pour les deux camps. Mais le péril de cette construction étant que chacun des belligérants, persuadé d’avoir le droit de son côté, est conduit à mener la guerre jusqu’à la dernière extrémité, rendant impossible d’en venir à la paix42.
Ainsi, les juristes du xixe siècle, héritiers de Vattel quant à l’impossible discrimination des belligérants par la justice de leur cause d’entreprendre la guerre, vont chercher à empêcher l’agression en éliminant la guerre des possibles d’une souveraineté. Puisque l’égalité souveraine interdit la subordination qui seule permettrait de juger de la finalité de la force armée, et que donc l’agression ne peut pas être distinguée de la guerre, alors c’est la guerre qu’il faut interdire. Bien que les apories de cette distinction entre guerre et agression n’en soient pas l’unique cause, elles vont cependant participer à la criminalisation de la guerre. En effet, par son travail sur la forme de la guerre, Vattel en fait une procédure dont ne peuvent être juges que les États qui y recourent. Ce geste tend à créer un ordre international nouveau fondé sur l’égalité du droit de recourir aux armes. Raison pour laquelle en 1919, Alliés et vaincus se renvoient la responsabilité de la guerre. Les Alliés voient la culpabilité allemande dans sa connivence avec l’ultimatum autrichien adressé à la Serbie le 23 juillet 1914, et notamment dans la violation de la neutralité de la Belgique. Le camp allemand argue dans ses contrepropositions au traité de paix que la guerre était au contraire préventive et défensive, et renvoie la faute sur la mobilisation russe.
139Vers une illégalité de la guerre
À la fin de la Grande Guerre, l’attention ne porte plus que sur le contenu de l’agression, la perspective est essentiellement juridique. C’est la mobilisation de l’armée Autrichienne, que l’Allemagne n’a pas essayé de modérer, qui est jugée, et surtout l’invasion de la Belgique. Les finalités de la force sont évacuées : l’agression est une rupture du droit plus qu’un manquement à la bonne finalité de la guerre.
Restriction de la souveraineté
Avec Vattel s’est consolidée l’identification de la guerre juste avec la guerre défensive, et la définition de l’agression comme le pire des préjudices s’accompagne de la justification d’une riposte sans bornes. Source de péril et hors-la-loi, l’agression autorise l’État attaqué à y répondre par tous les moyens. La proscription de l’agression et l’illimitation de la contre-attaque vont définitivement déterminer la compréhension du phénomène de l’agression.
Un double péril pour les relations interétatiques en vient à lui être associé. En effet, poser, sur le modèle du droit naturel, la conservation comme premier droit d’un État revient à lui octroyer l’exclusivité de l’appréciation des moyens nécessaires à sa conservation. Il est ainsi en mesure d’employer les armes pour une finalité autre que la défense d’un droit, par exemple la conquête, lorsque c’est l’unique moyen par lequel il juge pouvoir se maintenir. Or, en raison du caractère absolu de la souveraineté, le dessein d’un État ne peut dépendre de l’approbation d’un tiers. Le second péril est celui de la guerre préventive. Le problème étant que l’augmentation de la puissance militaire d’un État limitrophe peut être présentée comme une menace justifiant une attaque préventive. Mais cette entame des hostilités peut-elle vraiment passer pour une guerre défensive ?
Pour entraver l’agression interétatique, la solution des xixe et xxe siècles va être de se passer d’une doctrine des causes et de la forme de la guerre, celles-ci n’ayant pas été suffisantes, pour s’attacher à limiter les prétentions de toute souveraineté. C’est du côté de l’emploi de la force qu’un frein va être trouvé. Pour contourner la difficulté définitionnelle 140de l’agression, une des stratégies des juristes sera de limiter le droit d’employer la force armée : autrement dit de rendre la guerre illicite. La permission d’entrée en guerre est restreinte, faisant uniquement de la force le moyen d’une défense face à une attaque subie ou imminente et non un moyen pour augmenter sa puissance.
Le juriste Georges Scelle, qui tire un bilan de la Grande Guerre, est exemplaire sur ce point. Il rapporte le phénomène de l’agression au caractère absolu de la souveraineté. Selon lui, l’État ne doit pas pouvoir être le dernier ressort quant à l’examen des moyens par lesquels il est juste qu’il se conserve. Scelle hérite d’un travail de négation de l’agression, mais aussi de la guerre, des actions possibles d’une souveraineté. En cela son travail permet de saisir la transformation du statut de la guerre opérée par 1914-1918. L’auteur renforce la tentative du xixe siècle d’éliminer la guerre des moyens de développement d’un État que l’on trouve parfaitement résumé chez Théodore Ortolan. Cet officier de la marine française veut concilier trois aspects habituellement opposés : un État est seul juge des moyens légitimes par lesquels il peut se conserver, ces moyens sont cependant bornés par l’interdiction de causer un préjudice pour le droit de conservation d’un autre État, et il dispose du droit de faire la guerre.
Le premier de tous les droits absolus ou permanents, celui qui sert de base fondamentale à la plupart des autres […] est le droit de conservation de soi-même. […] Ils [les États souverains] peuvent pourvoir à leur bien-être et à leur conservation de deux manières : soit spontanément, en cherchant d’eux-mêmes à se procurer, à multiplier, à développer tous les éléments qui y sont nécessaires, pourvu que ce ne soit pas au préjudice du droit d’autrui ; soit par réaction, en repoussant, au préjudice même de l’agresseur, les attaques injustes dont il serait l’objet, ou en en exigeant la réparation43.
La conservation de soi est le principe nécessaire pour fonder l’ensemble des permissions juridiques d’un État. Mais pour éviter qu’il y ait opposition, cette conservation doit trouver sa limite dans celle des autres États. Le développement d’un État ne doit pas exiger des moyens préjudiciables aux autres. Et si la guerre est admise, c’est uniquement lorsqu’un autre État s’est rendu en premier coupable 141d’une agression. Le caractère « principiel » du droit de conservation est exprimé à l’identique chez Paul Pradier-Fodéré – individu et État ont un droit de conservation « absolu » qui consiste aussi en leur perfectionnement44 – qui s’en sert pour exclure la guerre préventive45. Le juriste français refuse qu’un droit de « nécessité », qui permettrait d’attaquer un autre État pour se conserver en cas d’absence d’alternative, soit admis puisqu’il autoriserait chaque État à invoquer l’extrême urgence pour justifier une agression interétatique46. Bien que l’État demeure juge des conditions de sa sauvegarde, cela ne doit pas permettre le recours à la violence armée, sauf en cas de défense de son intégrité. Et c’est parce que la protection de la souveraineté est restreinte par le respect de celle des autres que la guerre préventive est contraire au droit. Ainsi, l’augmentation de la puissance d’un État par des moyens non belliqueux ne permet pas de l’en empêcher par les armes.
Puisque la cause de la guerre échappe à toute discrimination47 et que la condamnation de l’agression par la forme est inefficace, le xixe siècle met l’accent sur le déploiement des moyens mis en œuvre pour penser les hostilités, sur la force plus que sur la finalité visée. Comme l’affirme Jean-Mathieu Mattei, la guerre « est bien plus le combat que l’objectif visant au rétablissement du droit48 », ce qui en permet une condamnation juridique. Et la guerre ne peut plus être la poursuite d’un droit, elle en est la contradiction49. En effet, les internationalistes du xixe siècle font de l’ordre juridique des nations l’élément primordial, impliquant que la seule conduite possible des États soit le maintien de la paix, de sorte à contenir le danger impliqué par l’indépendance des États.
142Scelle, témoin du rejet en 1919 par les vainqueurs et les vaincus de l’initiative de l’agression, radicalise la restriction de la guerre et rejette l’idée qu’une agression puisse passer pour l’acte d’une souveraineté. Le droit est un remède produit par la vie pour se maintenir, raison pour laquelle toute norme juridique a nécessairement pour horizon de protéger la vie humaine50. Et si la guerre peut être compatible avec le droit alors même qu’elle est mortifère, c’est parce qu’elle consiste en une procédure – qui de plus est l’apanage du souverain –, et non en une conduite arbitraire51. Or, si le droit n’est pas parvenu à mettre fin à la guerre, c’est à cause de l’importance du concept de souveraineté dans les relations interétatiques. Il doit par conséquent être limité. À cette procédure violente doit être substituée une procédure pleinement judiciaire, en sorte qu’un État ne puisse plus exprimer ses prétentions par le recours aux armes si ce n’est en cas de protection face à une attaque militaire effective.
Ce point est déjà présent dans l’histoire du droit de la guerre que propose le juriste Ernest Nys. Il y affirme que l’humanité s’est dirigée vers une diminution de l’emploi des armes dont un des aboutissements a été de faire de la guerre l’apanage de l’État52. L’État, personne morale agissant par ses membres, est apparu grâce à la suppression des guerres privées. La guerre doit être publique ou ne doit pas être une guerre. Pour Nys, c’est cette diminution du droit d’entreprendre la guerre qui a permis la formation d’une société des Nations qui suppose des relations pacifiques régies par le droit des gens53. L’auteur souligne la tension qui résulte de l’attribution au souverain de l’exclusivité de la décision de la guerre et de la nécessité d’en limiter le recours. La guerre est admise, mais elle n’est juste du point de vue du droit qu’en cas d’extrême nécessité54. Cependant, et là est le renversement, la nécessité n’est plus identifiée avec le besoin de se conserver mais 143avec la violation d’un droit et l’échec des voies pacifiques ; d’où la condamnation de l’agression qui reconduit à un droit du plus fort et est incompatible avec l’établissement de relations interétatiques fondées sur la paix.
Scelle, qui effectue dans l’entre deux guerres un travail d’historien du droit, permet de saisir les modifications apportées au droit de la guerre par 1914-1918. L’article 10 du pacte de la SdN, rappelle-t-il, restreint la guerre offensive en proscrivant la conquête. À la doctrine de la guerre juste succède celle de la légalité ou illégalité de la guerre. En 1928, le pacte Briand-Kellogg refuse que la guerre d’agression soit un acte politique par lequel une prétention nationale puisse être réalisée. La formulation de l’agression est toujours aussi imprécise, mais un bouleversement s’est produit : les signataires sont empêchés de régler un litige par les armes. Et seule la force défensive, ou punitive appliquée comme sanction par la SdN, relève du droit55. Le droit est étendu aux relations interétatiques, et ainsi, toute opération militaire qui contredirait le pacte est illégale. Scelle peut alors conclure que la guerre d’agression est un crime contre la paix, et que ceux qui s’en rendent coupables devraient être jugés au tribunal d’une Haute cour internationale puisque les normes du droit international, définies par la SdN, contraignent toute règle de droit interne qui serait opposée. Le concept de guerre injuste réapparait ainsi sous les traits de la guerre illégale : elle est le délit d’agression56. Toute l’attention porte désormais sur la matérialité de la guerre entendue désormais au sens du déclenchement des hostilités et non pas tant sur sa finalité.
Bouleversement conceptuel
Ainsi apparaît à travers ce parcours dans quelle mesure l’après-guerre, en partie déterminée par l’emploi du concept d’agression pour rétablir la justice, s’éclaire à travers la constitution de ce concept à partir de 144la modernité, modernité qui prétend pourtant faire de la guerre une relation de droit fondée sur l’égalité morale entre des belligérants souverains. Ce point permet également d’avancer que les lacunes inhérentes à toute utilisation du concept d’agression expliquent en partie la criminalisation de la guerre qui suit 1914-1918. Le renversement inauguré dès le xixe siècle mais achevé par la Première guerre mondiale se perçoit aisément. La guerre, qui jusqu’alors avait toujours représenté l’acte ultime de la souveraineté, se voit proscrite. Le contractualisme du xviie avait en effet lourdement investi le souverain de l’exclusivité du droit de punir, seul à même de régler les litiges internes et donc seul capable de résoudre les différends externes. 1914-1918 a définitivement restreint la guerre, elle ne peut plus exprimer la volonté d’une souveraineté, sauf d’une souveraineté effectivement menacée ou rétablissant collectivement la justice. Cette limitation a sérieusement remis en cause la compatibilité entre la guerre et le droit défendue par les auteurs du droit des gens, et a permis de gagner en précision définitionnelle. La guerre est en effet remplacée par trois concepts : « agression, mesures de coercition collectives […] contre l’agression et légitime défense57 ». Elle ne peut être que le moyen de se protéger ou de punir collectivement. Ainsi, la Grande Guerre est bien à la source d’une transformation du concept de guerre car la force devient violation du droit, instrument d’une punition collective ou enfin réponse à une attaque.
Cependant, le début xxe siècle oublie de circonscrire l’étendue de la réponse qui doit être faite à l’agression. Cet oubli n’est pas anodin, il dérive précisément de la criminalisation de l’agression qui incite, en plus de la simple défense, à une guerre punitive, et désormais collective, contre l’agresseur. Et même si la dimension collective de la punition est censée empêcher les excès et que la réponse doit être proportionnelle, il demeure que la mobilisation du concept d’agression pour penser la justice post bellum met l’accent sur l’instigateur de la lutte et atténue l’importance du jus in bello pour la compréhension de la responsabilité dans le conflit. La criminalisation de l’agression fait de cette dernière une atteinte à l’ordre public international qui impose à tous les États de prêter leur concours pour y mettre fin. C’est pourquoi la réaction 145face à une agression ne doit pas être que l’affaire de l’État attaqué mais de tous les signataires, agissant comme une organisation internationale. Et l’État agresseur est encore perçu comme ayant engagé par son acte sa responsabilité internationale. Il est dans cette perspective à l’origine de la sanction armée qu’il subit.
Lyess Bouderbala
Université Paris 1 – Panthéon-Sorbonne
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1 Article 231.
2 Sur les différents jets de la formulation de cet article voir Laniol, Vincent, « L’article 231 du traité de Versailles, les faits et les représentations. Retour sur un mythe », Relations internationales 2014/2 (no 158), p. 9-25.
3 Il y aurait beaucoup à dire sur la particularité du traité de paix sur les autres formes de conventions, en ce qu’il réclame le consentement de parties qui ne négocient pas à armes égales, alors que la condition de toute convention véritable est qu’elle ne soit pas arrachée par la violence. Sur ce point voir Deperchin, Annie, « Les traités de paix », in Audoin-Rouzeau, Stéphane et Becker, Jean-Jacques, Encyclopédie de la Grande Guerre. 1914-1918 : histoire et culture, Paris, Bayard, 2004, p. 1008.
4 Article 10.
5 Cf. Vitoria, Francisco de, Leçon sur le droit de la guerre, trad. fr. Maurice Barbier, Genève, Librairie Droz, 1966, qs. 45 – qs. 53.
6 Cela est rendu possible grâce aux deux paradigmes de la guerre que mobilise Grotius, la guerre est une relation productrice d’effets de droit en raison de l’égalité de statut des belligérants mais aussi la poursuite de son droit par la force.
7 Augustin, La Cité de Dieu, Paris, Gallimard, 2000, XIX, 7, p. 861.
8 Grotius, Hugo, Le Droit de la guerre et de la paix, trad. fr. Paul Pradier-Fodéré, Paris, France, PUF, 1999, II, I, § I, 4.
9 Machiavel, Le prince in Œuvres complètes, Nouvelle édition, Paris, Gallimard, 1964, chap. XIV.
10 Grotius, Hugo, op. cit., I, I, § II, 2.
11 Cf. Cicéron, Les devoirs, trad. fr. Maurice Testard, Paris, Les Belles Lettres, 1965, I, XI, 34, p. 121.
12 Sur les effets de droit de la guerre voir Haggenmacher, Peter, Grotius et la doctrine de la guerre juste, PUF, 1983, p. 571.
13 Cf. Haggenmacher, Peter, op. cit., p. 575-579.
14 L’agression brise de plus les étapes de règlement des litiges pour éviter la guerre : conférence aimable entre opposants, recours à un arbitre médiateur et voies du sort.
15 Grotius, Hugo, op. cit., p. 616.
16 Cf. Goyard-Fabre, Simone, « Les deux jusnaturalismes ou l’inversion des enjeux politiques » in Des théories du droit naturel, Cahiers de philosophie politique et juridique de Caen, 1988, p. 9-42.
17 Cf. Sénèque, Lettres à Lucilius, trad. fr. Henri Noblot, Paris, Les Belles Lettres, 1964, t. V, XX, 121, p. 78.
18 Cf. Grotius, Hugo, op. cit., p. 54.
19 Sur la déduction du droit de prendre les armes à partir d’une injure faite à un droit, cf. Gentili, Alberico, Les Trois Livres sur le droit de la guerre, trad. fr. Dominique Gaurier, Limoges, France, PULim, 2012, ch. XX, p. 184. Gentili définit les causes humaines de la guerre – qu’il distingue des causes divines et naturelles – par la violation d’un droit.
20 Grotius, Hugo, op. cit., p. 165.
21 Ibid., p. 167.
22 Voir Deperchin Annie, art. cité, « Les traités de paix », qui relève la différence qu’il y aurait eu si le traité faisait des vaincus les « auteurs » et non les « responsables » des dommages.
23 Le ministre Brockdorff avait accepté que l’Allemagne rembourse des indemnités mais pas que le pays ait à porter la responsabilité du conflit, car cela en ferait la cause unique.
24 Traité de 1839 qui conduira à l’article 227 du traité de Versailles.
25 Vattel, Emer de, Le Droit des gens ou Principes de la loi naturelle appliqués à la conduite et aux affaires des nations et des souverains, Washington, Carnegie Institution of Washington, 1916, vol. 1, I, ch. I, § 21, p. 27.
26 Ibid., Préliminaires, § 13, p. 8 : « La première loi générale que le but même de la société des nations nous découvre, est que chaque nation doit contribuer au bonheur et à la perfection des autres, dans tout ce qui est en son pouvoir ».
27 Ibid., Liv. III, ch. 1, § 1, p. 1. Vattel s’inspire de Wolff pour qui la guerre est : « cet état des hommes où chacun poursuit son droit par la force », cf. Wolff, Christian, Principes du droit de la nature et des gens, trad. fr. Johann Heinrich Samuel Formey, Reprod. en fac-sim., Hildesheim Zürich New York, G. Olms, 2000, Liv. I, ch. III, § CVI, p. 69.
28 Vattel, op. cit. Liv. III, ch. 3, § 35, p. 27.
29 Ibid., Liv. III, ch. 1, § 5, p. 4.
30 La distinction grotienne entre les raisons justificatives qui offrent un droit de porter la violence avec légitimité, et les motifs, insuffisants pour rendre légitime le déclenchement d’une guerre, est reprise.
31 Avec Vattel l’idée d’une guerre juste offensive se constitue pleinement. Ce renversement s’explique par une transformation de la conception de la défense de soi et de l’intérêt d’une souveraineté. Sur ce point voir Jean-Mathieu Mattéi, Histoire du droit de la guerre (1700-1819) : Introduction à l’histoire du droit international, PUAM, 2015, p. 327, qui note que la défense initialement juste par essence ne l’est plus que relativement à la raison de l’attaque du belligérant.
32 La punition vise la sécurité. C’est pour garantir sa permanence que l’agressé a le droit de pouvoir à sa sureté en détruisant les moyens de nuire de l’agresseur.
33 Vattel, op. cit., Liv. III, ch 4, § 51, p. 46.
34 Ibid., Liv. III, ch. IV, § 68, p. 57.
35 Cf. Pufendorf, Samuel von, Le droit de la nature et des gens, ou Système général des principes les plus importants de la morale, de la jurisprudence et de la politique, trad. fr. Jean Barbeyrac, Reproduction en fac-similé., Caen, Centre de philosophie politique et juridique, 1989, VIII, VI, § 7. L’agresseur, rompant les devoirs de paix, se fait responsable de la réponse qui lui sera faite.
36 Vattel, op. cit., Liv. III, ch. XI, § 183, p. 158.
37 Ibid., Liv. III, ch. XI, § 184, p. 158.
38 Cf. Ferrero, Guglielmo, La Fin des aventures : guerre et paix, Paris, France, éditions Rieder, 1931, p. 195, pour qui la tentative de faire dire au perdant qu’il reconnaît son injustice et non sa défaite est la faiblesse du traité de paix : « Mais c’est justement cette obsession justicière des traités de paix qui en a fait la faiblesse. Si on s’était borné à demander au vaincu, non au nom de la justice, mais en raison de la force, comme rançon de la défaite, un nombre raisonnable de sacrifices d’argent et de renonciations territoriales, il se serait probablement incliné. Qu’aurait-il pu objecter ? La force est une raison là où la raison n’est pas une force. »
39 Voir Emmanuelle Jouannet, Emer de Vattel et l’émergence doctrinale du droit international classique, Paris Pédone, 1998, p. 156.
40 Cf. Vattel, op. cit., Liv. III, ch. 12, § 188, p. 163 : « Mais comment faire valoir cette règle, dans les démêlés des peuples et des souverains, qui vivent ensemble à l’état de nature ? Ils ne se reconnaissent point de supérieur : qui jugera entre eux, pour marquer à chacun ses droits et ses obligations ; pour dire à celui-ci, vous avez droit de prendre les armes, d’affaiblir votre ennemi, de le réduire par la force ; à celui-là, vous ne pouvez commettre que d’injustes hostilités ; vos victoires sont des meurtres, vos conquêtes des rapines et des brigandages ? »
41 Vattel est conduit à soutenir la fiction juridique d’une guerre juste des deux côtés en sorte que la souveraineté absolue des États soit respectée. Et ce sont les décisions du vainqueur qui seront comprises comme des effets de droit indiscutables, comme si la cause de la guerre eut été juste. Ce dispositif permet une modération de la conduite de la guerre en empêchant que chaque prince réclame la justice pour lui seul en considérant que l’autre lui mène une guerre injuste. Sur ce point cf. Gros, Frédéric, États de violence. Essai sur la fin de la guerre, Paris, Gallimard, 2006, p. 201-204.
42 Voir Ferrero, Guglielmo, op. cit., p. 154 : « Entre deux peuples également convaincus de se battre pour leur droit, il n’y aura aucune possibilité de paix, avant que l’un des deux soit complètement écrasé. La guerre deviendra de plus en plus cruelle, s’éternisera et se généralisera, car chacun des adversaires, comprenant qu’il s’agit pour lui de vaincre ou d’être anéanti, cherchera le plus d’alliés qu’il le peut. »
43 Ortolan, Théodore, Règles internationales et diplomatie de la mer, Tome 1, Paris, H. Plon, 1864, p. 49.
44 Pradier-Fodéré, Paul, Traité de droit international public européen et américain, suivant les progrès de la science et de la pratique contemporaine, Paris, Pedone-Lauriel, 1885, t. 1, § 211, p. 358.
45 Ibid., t. 1, § 265, p. 433.
46 Ibid., t. 1, § 229, p. 374.
47 Ibid., t. 4, sect. II, § 2650, p. 507. L’auteur refuse d’intégrer la notion de justice dans la définition de la guerre : « L’idée de justice ne doit pas être un élément de sa [la guerre] définition. »
48 Mattéi, Jean-Mathieu, op. cit., t. 1, p. 83.
49 Mattéi place le renversement chez Schmaltz, lorsqu’il définit la guerre comme un « état de représailles général et continu », cf. Les droits des gens européens, Paris, Maze, 1817, Liv IV, ch. 1, p. 217, cité par Mattéi, op. cit., p. 78.
50 Scelle, Georges, Précis du droit des gens, principes et systématique, Paris, Dalloz, 2008, fac-similé, part. I, section 1, p. 3.
51 Cf. Scelle, Georges, Droit international public : manuel élémentaire avec les textes essentiels, Paris, France, Domat-Montchrestien, 1944.
52 Nys, Ernest, Le Droit de la guerre et les précurseurs de Grotius, Paris, Durand et Pedone-Lauriel, 1882, p. 69.
53 Nys, Ernest, Le Droit international : les principes, les théories, les faits, Bruxelles, Belgique, 1904.
54 Nys, Ernest, Le Droit de la guerre, op. cit., p. 26.
55 Scelle intègre la dimension collective dans sa définition de la guerre pour renforcer la possibilité d’une guerre punitive, il en fait un recours à la force par un ou plusieurs États. Le statut de la guerre se comprend à l’aune du « dédoublement fonctionnel » : un État doit rendre la justice à l’interne, ce qui lui assure une stabilité, mais aussi à l’externe, ce qui implique qu’il fasse la guerre. Il peut donc décider quand faire la guerre. Cf. Traité de droit international, op. cit., IIe part., ch. v, sect. iv, 10, 22, p. 635.
56 Scelle, Georges, Théorie et pratique de la fonction exécutive en droit international, Paris, France, Recueil Sirey, 1936.
57 Zourek, Jaroslav, « Enfin une définition de l’agression », Annuaire français de droit international, 1974, vol. 20, no 1, p. 9-30, p. 10.
- CLIL theme: 3133 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Philosophie -- Philosophie contemporaine
- ISBN: 978-2-406-07145-7
- EAN: 9782406071457
- ISSN: 2271-7234
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-07145-7.p.0123
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 09-19-2017
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- Keyword: War of aggression, laws of war, Great War, jus gentium, natural law