Les spatialités du care Une autre géographie des espaces naturels dits « protégés »
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Éthique, politique, religions
2013 – 2, n° 3. Prendre soin de la nature et des hommes - Auteur : Tollis (Claire)
- Pages : 103 à 120
- Revue : Éthique, politique, religions
Les spatialités du care
Une autre géographie des espaces naturels dits « protégés »
Si nous retenons la définition la plus partagée de la géographie, il s’agit d’une « science qui a pour objet l’espace des sociétés, la dimension spatiale du social » et qui recouvre à ce titre « trois réalités » : la paléogéographie (anciennement, un regard empirique et théorique sur l’ici et l’ailleurs), l’exploration et la description de la Terre (géographie physique) et un ensemble de discours sur les « genres de vie » (géographie humaine) (Lévy, 2003). Il s’agit d’une discipline extrêmement divisée. Certains s’occupent de décrire et expliquer les mécanismes historiques et contemporains de la Terre alors que d’autres s’attachent aux sociétés qui y vivent, contraignants ou contraints par, leur milieu.
Ici, nous souhaitons dire que recoudre avec les représentations, les affects, les discours et l’organisation des acteurs n’empêche pas de remettre la matérialité du monde au centre de la réflexion. Peut-être même que c’est cette matérialité qui permet de coudre ensemble les différentes dimensions du social. La proposition ici exposée découle d’une recherche menée ces six dernières années, mais avant tout d’une expérience de terrain où nous avons été amenés à nous soucier d’espaces singuliers qualifiés de « naturels ». Apprentie chercheuse, attachée à ces espaces et même affectée par eux, nous n’avons pas su nous satisfaire des théories formulées au sein du champ dans lequel nous aimerions pourtant nous inscrire …
La géographie des espaces naturels protégés s’emploie à étudier des territoires périmétrés. Dans ce mouvement, certains s’intéressent aux composantes de l’espace (géomorphologie, espèces en présence), d’autres se penchent sur les jeux d’acteurs. Parfois, ils se parlent pour faire état de leurs résultats respectifs, mais ils ne travaillent pour ainsi dire jamais ensemble. De ce fait, les problématiques scientifiques (naturalistes), sociales et politiques sont trop souvent traitées à part. Le
fait même de faire une géographie des « espaces naturels1 » est exclusif. Si l’on considère les lieux de provenance des visiteurs, la mobilité des espèces, ou même les conditions climatiques globales, ces espaces ne sont-ils pas liés à tout ce qui n’est pas eux ? Ils existent par ces liens avec « l’extérieur ». L’expérience de terrain et les recherches menées auprès de gestionnaires de ces espaces montrent qu’il n’est pas possible de prendre soin des espaces naturels si l’on focalise l’attention seulement sur eux. Car les frontières sont poreuses et les réseaux d’influence en constante recomposition, que ce soit pour aménager ou pour ménager ces espaces. Les espaces naturels existent à travers d’autres espaces (de concertation, de travail, de communication, etc.). Il convenait de mettre à jour la nature de cette sorte d’ubiquité et de parvenir à repenser ensemble les dimensions naturalistes, sociales et politiques de cette gestion2. Mais comment ?
Un signal fort émergeait du discours des gestionnaires : le terme « éthique » apparaissait fréquemment. Il semblait signifier que quelque chose était en train de changer, ils prenait en compte davantage de choses. Ce signal rencontrait en miroir, une opportunité académique : les géographes se saisissaient, eux aussi, de l’éthique (Proctor & Smith, 1999 ; Lévy, 2009 ; Ghorra-Gobin, 2010). Il était hors de question de traiter cet aspect comme une dimension en plus, une dimension à part des pratiques de gestion des espaces naturels. L’éthique devait permettre d’intégrer tout ce que nous voulions voir traiter ensemble : la nature, le social, le politique. L’enquête s’est donc focalisée sur des pratiques que nous avons qualifiées d’« éthiquetées », des pratiques qui affichaient prendre soin des espaces naturels. Notre réflexion ne se baserait pas sur des espaces a priori mais sur des initiatives. L’idée serait d’observer quels étaient les espaces mobilisés dans et affectés par ces actions. En empruntant aux théories de l’action (Thévenot, 2006), nous espérions alimenter la géographie par les marges, convaincus que dans sa mise en action, l’éthique se spatialisait (Tollis, 2010). La problématique travaillée et dont nous souhaitons rendre compte ici peut ainsi être formulée de
la façon suivante : quels sont les espaces impliqués dans les pratiques de gestion des espaces naturels qui se disent « éthiques » ?
L’idée d’échelle, chère aux géographes, posait plus spécifiquement question. Il s’agissait d’observer à quelles échelles les actions des gestionnaires se déployaient et, plus important encore, quels étaient les liens concrets entre les différentes échelles auxquelles ils opéraient. À travers cette analyse, nous cherchions à montrer que les espaces naturels comme périmètres de protection n’était pas l’échelle pertinente, ni du point de vue de l’action, ni depuis celui de la réflexion. Dans cette dynamique, les théories du care3 sont apparues d’un grand secours pour donner à voir ce que nous observions sur le terrain. Mais cette « solution » amenait un nouveau problème dont il convient dès à présent de rendre compte. Il semble que les théories du care s’attachent à décrire des relations interpersonnelles et donc, les appliquer aux « espaces de nature » impliquait de les tordre pour que des entités non-humaines puissent être prises en compte dans l’analyse. En fait, cette difficulté s’est dissipée du fait que, même si dans la plupart des analyses, l’accent est mis sur ces relations de personne à personne, le care englobe un nombre plus étendu de préoccupations : c’est « une activité caractéristique de l’espèce humaine qui inclut tout ce que nous faisons en vue de maintenir, de continuer ou de réparer notre monde, de telle sorte que nous puissions y vivre aussi bien que possible » (Fisher & Tronto, 1991)4. C’est donc à travers le prisme des théories du care que nous tenterons de rendre compte, ici, des façons dont le « prendre soin » des pratiques de gestion des espaces de nature se spatialise. Commençons par nous assurer que le care correspond bien au travail des gestionnaires avant de développer plus avant les différents types de care et leurs spatialités puis de tenter d’alimenter les questions d’ordre disciplinaire qui motivent notre propos.
Prendre en compte/prendre soin : quelle différence ? Quelles implications ?
Le care traduit des préoccupations humaines. Les enjeux de ces préoccupations concernent le monde dans lequel nous vivons. Il s’agit d’inquiétudes familières, ordinaires et quotidiennes. Lorsque les gestionnaires s’efforcent de protéger un espace, ils se préoccupent du devenir d’une pluralité d’êtres et de choses en mettant en œuvre des expérimentations politiques pour répondre de façon concrète aux besoins de ces autres. Nous nous basons sur les résultats d’observations5 menées sur trois initiatives singulières : la mise en œuvre d’une gestion durable des espaces verts de la ville de Grenoble (notamment la suppression des produits chimiques), la constitution d’un collectif de ramassage des déchets sur le massif de la Chartreuse (à la périphérie de Grenoble) et l’instauration de quotas à l’entrée de la Mount Jefferson Wilderness (Oregon, États-Unis).
Nous allons voir que la façon dont les acteurs rencontrés s’inquiètent de permettre à différents publics de cohabiter entre eux et avec les éléments « naturels » s’inscrit dans une perspective tout à fait proche du care.
— Le care : une disposition mais surtout un travail. Toutefois, le care ne se résume pas à cette simple prise en considération. Le soin compris dans la notion de care est empreint d’une sensibilité particulière et engage à des actions qui débordent les arguments pouvant être mobilisés. Le care ne correspond pas à une justification qui serait nouvelle. Il s’agit d’une disposition qu’ont certaines personnes pour une compétence qui est foncièrement éthique et qui consiste à transformer des situations concrètes. Cette disposition ne signifie pas que « l’on nait caring », on le devient par le travail, « c’est sous la contrainte de devoir s’occuper des autres que la disposition au care a quelque chance (pas toujours mais souvent) de se développer. La disposition ne précède pas le travail de care, elle y trouve l’occasion de s’y exercer » (Molinier, Laugier, Paperman,
2009, p. 15). Plus qu’une prise en compte occasionnelle, le care est donc un travail. Il apparaît que les gestionnaires que nous avons suivis – parce qu’ils « éthiquetaient » leurs pratiques – s’engageaient dans ce type de travail et cherchaient à le faire reconnaître.
— Une condition : accepter la commune vulnérabilité. À la base de ce travail de care, il y a une condition qu’il est très difficile de remplir. Il s’agit de la prise de conscience et de l’acceptation de l’interdépendance et in fine de la vulnérabilité de tous. Prendre soin d’autrui ne revient pas à le prendre en pitié – ce qui relèverait d’une forme de mépris, de malveillance déguisée en bienveillance – mais à le considérer comme un autre soi, aussi vulnérable que soi, dépendant de nous comme nous dépendons des autres. Or, il est délicat de s’avouer vulnérable et dépendant dans nos sociétés fondées sur l’idéal de l’autonomie.
Les théories du care mettent en avant des figures positives de la dépendance telles que l’autonomie relationnelle, aujourd’hui disparues dans nos sociétés qui considèrent que l’autonomie est une autosuffisance. Selon les penseurs du care, en prenant soin des autres, nous maintenons et réparons un monde, le nôtre. Cela signifie que nous préparons aussi les conditions dans lesquelles le soin peut nous être apporté. Cette vision suppose d’accepter que « nous sommes tous des destinataires de care, même si nous ne le sommes pas tous de la même façon ni de manière égale » (Molinier & al. 2009). Dans cette perspective, il n’y a pas des care-givers d’un côté et des care-receivers de l’autre. Nous sommes tous susceptibles d’être, à tour de rôle, des « aides » et des « aidés ». Sans que cela recouvre une dimension négative, l’attachement et le soin sont précaires et ambivalents. Cela suppose qu’il n’y ait pas de coupure entre l’individu et la communauté à laquelle il tient. Or, il semble que les espaces naturels (parcs, jardins, wilderness) aient intégré la sphère morale de nos communautés. Il existe une sorte de consensus autour du fait que « ces espaces nous font du bien », ce qui est exprimé à travers les expressions de « besoin de nature » (Boutefeu, 2005) ou encore de « retour au vert » (Kalaora, 2000). Ainsi, les actes de care tournés vers les espaces naturels peuvent-ils traduire la dépendance que nous avons aussi vis-à-vis d’eux, une dépendance de plus en plus assumée (Younès, 2008).
— Une éthique forcément politique. Accepter que nous dépendions tous les uns des autres, mais aussi plus largement de notre environnement, donne au care une dimension politique. S’il n’y a pas de dichotomie entre
ceux qui s’occupent (care-givers) et ceux dont on s’occupe (care-receivers), c’est parce que nous nous situons dans un modèle triangulaire (Molinier & al., 2009) où le vivre-ensemble joue un rôle clé. Bien entendu, penser le care n’amène pas à se désintéresser de la sphère privée. Il y a un aller-retour entre sphère privée et sphère publique. Des gestes et des attentions qui sont caring peuvent se développer dans des relations intimes ou familières, mais l’adhésion première à une vulnérabilité partagée suppose que cette relation n’ait pas lieu hors-cadre ou hors de toute considération politique. Certaines conditions matérielles propres aux soins qui sont dispensés requièrent aussi que le politique dans ses institutions s’intéresse aux activités de care. Cette éthique ne peut s’exercer que s’il existe un contexte propice à son déroulement. Même la relation mère-enfant qui apparaît comme une icône de la relation de soin, qui semble profondément ancrée dans une sphère privée, se situe pourtant dans une triade avec les institutions qui permettent, à travers des aides et parfois un accompagnement, à la mère de se rendre disponible pour s’occuper de cet autre.
Enfin, le care correspond à une activité dans la durée qui, nous l’avons dit, vise à maintenir, réparer, et perpétuer notre monde. Cela suppose une certaine continuité qui est le propre de certaines institutions ou certains objets (qui vont maintenir la mémoire, au-delà du geste de soin, pour que soit maintenue l’attention envers celui dont on s’est occupé). Ainsi, on peut parler d’un « continuum de care » qui impliquerait politiquement et moralement, des personnes, des êtres, des objets et des choses (des institutions, des lois, des lits d’hôpitaux ou des comptes rendus par exemple). Bien plus qu’une simple prise en compte des demandes et des besoins d’autrui – autrui compris au sens large puisqu’il peut concerner des objets et plus largement l’environnement – le care implique, dans sa politisation, que l’on souhaite se frotter aux autres (à leurs points de vue, à leurs expériences) dans une logique de rencontre attentive, d’accepter d’être transformé par la relation et d’appartenir à un monde commun que l’on cherche à maintenir et soigner ensemble. Il convient de se demander en quoi les pratiques des gestionnaires des « espaces de nature » que nous avons observées peuvent être interprétées comme des pratiques de care et quels sont les espaces mobilisés dans ces activités.
Différentes formes de care, différemment spatialisées, pour protéger les « espaces de nature »
Il convient ici de décliner les différentes formes du travail de care et les espaces que ces activités mobilisent et affectent. L’objectif est surtout de comprendre comment ces formes de care se conjuguent pour que le maintien des espaces naturels concernés soit rendu possible.
— Caring about : porter son attention vers ces personnes et ces choses qui importent. Caring about correspond au souci que l’on peut ressentir et exprimer à propos de quelqu’un ou quelque chose. Cette préoccupation est la forme de care la plus facilement identifiable dans le discours des acteurs, mais ce n’est pas la forme la plus visible dans l’espace. Parfois ce souci se solde par des actions concrètes de soin mais ce n’est pas toujours le cas. D’autres fois, les acteurs sont préoccupés par le devenir ou le maintien de certains autres mais ne parviennent pas à le formuler si bien que ces soucis restent muets. L’enjeu pour les gestionnaires des « espaces de nature » est d’exprimer leurs soucis (ceux dont ils « care about ») et de parvenir à identifier ce qui compte pour les autres en aménageant des interstices d’expression : la participation, la délibération et la confrontation sont des activités privilégiées par cette forme de care. Il s’agit de déterminer les besoins qui doivent être entendus comme un souci de protéger, fondement de leurs actions.
Cette forme de care peut être repérée dans notre corpus au niveau de toutes les demandes morales que nous avons identifiées et qui importent pour les décideurs. À un niveau plus global, c’est le manque de ce care qui est mis en avant le plus souvent par les gestionnaires. Les gestionnaires reprochent à leurs supérieurs hiérarchiques de ne pas se soucier assez de leurs propres préoccupations, ces reproches étant principalement cristallisés autour des financements qualifiés d’insuffisants. L’allocation de moyens (matériels et humains) est l’indice sur lequel se basent les gestionnaires pour évaluer combien les institutions (Ville de Grenoble, Parc Naturel Régional, État, US Forest Service) se soucient de l’objet de leur mission. En exprimant leurs inquiétudes, les gestionnaires arrivent parfois à convaincre ces instances de leur attribuer davantage, ce qui va permettre aux autres formes de care d’émerger. Enfin, il arrive
parfois que les gestionnaires invitent les personnes qui les sollicitent à convoquer directement l’attention de leurs supérieurs hiérarchiques (des groupes d’usagers contactent par exemple directement le Bureau Régional du Forest Service) pour que ce souci soit entendu et ressenti à ce niveau là et que des moyens supplémentaires soient ensuite alloués au niveau local. Les supérieurs, désormais convaincus de la nécessité de se soucier de tels problèmes seront alors dans la position de demander des comptes aux gestionnaires. En accordant des moyens matériels, ils accordent aussi un certain crédit à ces travailleurs, selon une chaîne de responsabilité dans laquelle le souci est confié de personne à personne, parfois relayé par des documents (lettres, documents officiels, contrats de subvention).
— Taking care of : se porter responsable pour quelqu’un ou quelque chose. Lorsque les gestionnaires demandent et reçoivent les moyens d’engager des actions à propos d’un souci (care about), ils prennent la responsabilité de gérer ce souci (taking care), c’est-à-dire de transformer ces moyens en actions concrètes. Cette forme de care consiste à s’organiser pour répondre aux demandes identifiées. Elle est endossée principalement par les gestionnaires en charge ou les chefs de projet : ceux qui travaillent dans les bureaux, même si ces derniers effectuent des allers-retours sur le terrain. Cependant, elle peut aussi revenir à une équipe bénévole (c’est le cas dans le Collectif de citoyens « Chartreuse Propre » qui se monte pour nettoyer un massif). Cette activité consiste à monter des équipes de travail, distribuer les moyens financiers et organiser un plan d’action sur un temps plus ou moins défini à l’avance. Il s’agit donc d’une activité plutôt logistique dont on garde des traces pour pouvoir justifier des crédits (à la fois financiers, mais aussi de confiance) alloués par les personnes qui se soucient de voir les problèmes gérés. Cette activité (taking care of) peut être menée (en partie ou complètement) à distance du problème que l’on a décidé de régler.
— Care giving : développer des compétences pour prodiguer un soin. Lorsque le travail est organisé, la responsabilité est alors confiée à ceux qui vont dispenser le soin (care giving) réclamé. Mais, dans l’approche par le care, il ne s’agit pas de la simple application d’un programme décidé à l’avance. La situation de care giving déborde largement les prévisions. Car, in situ, ceux qui dispensent le soin reçoivent des signes spécifiques leur indiquant comment le soin doit
être précisément prodigué pour répondre au mieux à ce (lui) dont ils s’occupent. Cette activité suppose de trouver un équilibre entre, d’une part, le geste technique et, d’autre part, le souci de l’autre dans la singularité de son besoin, sa souffrance, ce qui requiert une position proche de la sollicitude (Pattaroni, 2001). Layla Raïd remarque que nos sociétés dévalorisent ce travail de care-giving. Il est généralement confié aux femmes et aux émigrés (Raïd, 2009). Au niveau des « espaces de nature », les personnes qui l’exercent sont effectivement : les jardiniers (qui se sentent si dévalorisés qu’ils se mettent parfois en grève), les bénévoles chartrousins (dont certains trouvent qu’il n’est pas normal qu’aucun personnel du Parc ne soit présent les jours de ramassage) et enfin les gardes (saisonniers, non couverts par la sécurité sociale), soit des personnes peu valorisées. Les care-givers que nous avons interviewés ne se plaignent pas, mais il est vrai que leur situation matérielle diffère de celle des autres corps du care. Un des traits communs à la plupart de ces care-givers est la passion avec laquelle ils s’adonnent à leur tâche. Leur situation est précaire mais leur engagement ne l’est pas. Ce sont généralement des personnes qui ont accordé beaucoup de temps aux entretiens. Ils font part de motivations très personnelles (« quand j’étais petit, j’étais amoureux du jardinier de mes grands parents » « Mes parents m’ont appelé Jeff en Référence à Mt Jefferson ») et d’une très bonne connaissance des lieux dont ils s’occupent (« mes arbres », « mes coccinelles », « mon espace de surveillance »).
Enfin, il convient de noter que certains care-givers sont aussi des care-takers, c’est-à-dire des responsables investis au-delà de leurs heures de bureau, in situ pour prodiguer des soins à certaines plantes, certains insectes auxquels ils sont attachés. Concernant le collectif Chartreuse Propre, tous les care-takers sont des care-givers, ce qui tient au petit nombre de ses membres qui ne permet pas une distribution des tâches comme sur les autres terrains. Les jours de ramassage, ils oscillent entre ces deux positions, organisant la logistique de l’évènement et s’assurant du bien être des participants, tout en prêtant main forte au nettoyage du site.
— Care receiving : accepter de recevoir le soin prodigué, manifester un mieux-être. Le care n’est pas à considérer comme une activité à sens unique. C’est une éthique relationnelle, ce qui implique que
la personne ou l’objet du care a un rôle non négligeable à jouer dans la relation et dans la réussite de l’activité de soin qui est prodiguée, grâce aux deux autres niveaux du care (l’identification des besoins et la prise de responsabilité/allocation de moyens). La réception du care doit faire l’objet d’une observation attentive, si l’on veut que l’activité de care corresponde effectivement aux besoins identifiés. Autre obstacle, « le récepteur du care peut vouloir le diriger et non seulement le recevoir » (Raïd, 2009, p. 77). Il peut montrer des résistances ou de la récalcitrance. Comme les coquilles St Jacques6 ne se laissaient pas domestiquer (Callon, 1986), les destinataires du care – plantes, insectes, touristes – peuvent manifester des signes qui encouragent à penser que l’on n’a ou n’a pas pris soin d’eux, comme ils en avaient besoin. Pire, le doute de les avoir bien traités peut subsister longtemps si aucune manifestation n’est détectable. La question de la bonne réception du soin, et ce d’autant plus lorsque l’on s’intéresse à des êtres muets, est problématique. Elle demande l’attention de porte-paroles (qui peuvent être des personnes ou des objets) à même de jouer le rôle d’intermédiaires ou même de traducteurs (Callon, 1986 ; Latour, 1986) à partir de signaux singuliers.
Car une des conditions du maintien ou de la fidélisation des care-givers est la satisfaction personnelle – à défaut de gratification matérielle – qu’ils peuvent tirer de leur expérience auprès des care-receivers. Il faut qu’un résultat soit visible ou qu’en tout cas il puisse être interprété que leur action a fait une différence. Les nombreuses photos que les organisateurs prennent des piles de déchets sortis des points noirs en Chartreuse sont une façon de reconnaître l’action des bénévoles. De même, la publicisation de données recueillies par des biologistes après la mise en place de quotas dans la Mt Jefferson Wilderness, vise à faire état du retour de certaines plantes aux endroits qui avaient été dégradés par les (trop nombreux) visiteurs. Les témoignages de certains randonneurs, ravis d’avoir retrouvé le calme à cet endroit sont aussi mis en avant comme autant de signes de reconnaissance du site (dont les visiteurs sont une composante) envers ceux qui ont pris soin de lui.
Formes de care |
Eléments de caractérisation |
Exemples / indices de cette forme de care |
Caring about |
Se soucier du bien-être ou du devenir d’autrui |
Demande. Plainte. Discours officiel. Pétition. Allocation de moyens (don, subvention, ressources humaines). |
Taking care of |
Se porter responsable pour quelqu’un ou quelque chose |
Organiser un plan d’action. Distribuer les moyens affectés. Répartir les rôles. |
Care giving |
Prodiguer un soin à quelqu’un ou quelque chose. Geste technique / attention à la singularité des besoins de cette personne/chose |
Panser une ancienne plaie de coupe. Abriter et nourrir des auxiliaires. Arroser précautionneusement de jeunes arbres. Rendre visite aux habitants. Les écouter. Porter secours à des visiteurs égarés ou blessés. Ne pas ramasser les déchets au printemps. Ne pas utiliser de dynamite. |
Care receiving |
Accepter le soin prodigué. Etre reconnaissant Coopérer dans le soin |
Remercier. Manifester les signes d’un mieux être (l’herbe repousse, les animaux reviennent). |
Tableau 1 – Récapitulatif des formes de care, de leur caractérisation
et des exemples tirés des terrains pouvant éclairer ces formes.
Nous voyons que différentes formes de care peuvent être repérées. Ces formes mettent en valeur une pluralité d’attachements et une diversité de profils d’acteurs que nous commençons tout juste à dessiner. Le care permet avant tout d’alimenter la réflexion sur la façon dont l’éthique (en actes) se spatialise et nous pouvons aller plus loin.
Se soucier, prendre en charge, prendre soin, recevoir : quels choix d’échelle ?
En décrivant les activités de care, nous avons plusieurs fois fait référence à des « niveaux » sur lesquels se situaient les acteurs et leurs pratiques. Peut-on pour autant parler d’échelles géographiques ?
— Un emboîtement d’échelles. A priori le niveau du care receiving est le plus situé, le niveau le plus petit du care. Il s’agit de l’interaction de deux individus dont l’un gratifie, par des signes ostentatoires de mieux être, le care giver qui lui aura apporté un soin de façon tout à fait située également puisqu’il aura pris en considération cet autre dans la singularité de ses besoins7. En revanche, ceux qui se soucient (caring about) et ceux qui prennent la responsabilité et s’organisent pour que les conditions de ce soin soient réunies, semblent se situer à une autre échelle, plus éloignée dans le temps et l’espace de la situation de soin proprement dite. Mais cette situation là, visée par les deux premières étapes du care, n’est pas coupée, au moment où elle a lieu, de tout le processus qui l’a fait naître. Cette interaction est toujours cadrée par des règles, des codes, des comptes à rendre, des indicateurs, des organisations et des institutions dans lesquelles elle se situe. Un contexte beaucoup plus large déborde donc toute situation de care-giving ou care-receiving. De plus, lorsque les responsables « haut placés » (les « puissants » comme les appelle Tronto) se soucient, ils sont souvent sensibles à des situations précises, à des cas. Quand les instances régionales rappellent aux gestionnaires de la Mt Jefferson Wilderness qu’ils doivent restaurer le caractère sauvage de l’espace dont ils sont responsables, ils se réfèrent à des spots ou à des pics de fréquentation qui les alarment.
Ainsi, toute situation de care est prise, de manière simultanée, dans un ensemble plus large de préoccupations qui lui permet d’avoir lieu et toute situation de care-giving est susceptible d’influencer la naissance de scrupules ou de préoccupations plus larges. Elle ne transforme pas que les personnes ou les choses impliquées in situ. Aussi, lorsque le care-receiving faillit, les care-takers peuvent prendre le relais en gratifiant
eux-mêmes les care-givers. Il existe donc une communication entre les différentes sphères du care.
Enfin, chacune des étapes du care connaît des interactions plus étroites qu’il n’y paraît. Lorsqu’un responsable haut placé téléphone ou écrit un courriel à un gestionnaire pour lui signifier que des crédits seront accordés à son projet, il lui dit aussi que ce à quoi ce gestionnaire tient, compte pour lui (son institution, son pays). De même lorsque ce même gestionnaire prend à part l’un des jardiniers ou des gardes pour lui confier une tâche spécifique, cette interaction n’a pas lieu à un niveau macro. Chaque interaction est locale et située mais elle est aussi prise dans un réseau plus grand de soucis, de contraintes et de moyens. Le care apparaît ainsi comme une activité englobante car il agit sur plusieurs niveaux, il implique différents acteurs selon un processus complexe, difficilement prévisible. Dans les discours politiques, il apparaît comme un projet de société, une éthique globale. Or, les recherches qui portent sur les soins médicaux ou plus largement sur les relations de soin, mettent en évidence une éthique situationnelle et plurielle. Les care receivers sont en général des personnes ou de tout petits objets/espaces.
— Une éthique fragmentaire. Sur nos terrains, les acteurs ne se donnent pas comme objectif de « sauver la montagne » ou de « réduire l’obésité en Amérique ». Il s’agit le plus souvent d’un arbre, d’un point noir, d’une route ou de quelques terrains de bivouac dont l’herbe a disparu. Par ces objectifs, ils cherchent à participer à une visée plus grande : pourvoir des espaces verts sains et sans danger, nettoyer la Chartreuse ou encore ré-ensauvager Mt Jefferson Wilderness. Mais ils savent que ces tâches sont au-delà de ce qu’ils peuvent concrètement faire dans l’immédiat. Ce ne sont d’ailleurs pas des tâches mais des orientations. Ce qu’ils peuvent faire est bien différent, beaucoup plus fragmentaire. Les orientations sont nécessaires car elles fédèrent, autour d’elles, des moyens et de la confiance. Mais ces orientations ne mobilisent pas, alors que des objectifs plus situés, plus faisables, commensurables vont amener les acteurs à faire ou à faire faire des choses. « Sauver la Terre » est enthousiasmant mais difficile à concevoir. En revanche, « nettoyer le dessous d’un télésiège » est performatif8. Au « small is beautiful », on
pourrait répondre « small is efficient ». Car à l’action entreprise, il faut associer l’évaluation de la transformation apportée. Et là encore, les effets sont d’autant plus visibles et gratifiants si l’objet d’attention est circonscrit et commensurable.
— Une organisation en réseau : le rôle des objets dans la construction d’une continuité du care. Si l’éthique est fragmentaire, comment le soin peut-il en être un ? Toute expérience de care n’est-elle qu’un « one shot », isolé, discontinu et non reproductible ? Oui et non. D’une part, la perspective de care est, certes, orientée vers l’action de transformation de situations concrètes mais ce sont ces situations qui à la fois l’informent et la font travailler. Du fait que le care cherche à résoudre certains problèmes, il est souvent difficile de voir qu’il pourrait en poser. Pourtant, toutes les entités le long de la chaîne de responsabilité sont susceptibles de manquer ou de faillir. Les care-givers, par exemple, ont des besoins au même titre que les care-receivers dont ils s’occupent. Ainsi, il n’y a pas de relation proprement isolée d’un ensemble d’acteurs et de choses. Si les besoins des care-takers et des care-givers ne sont pas satisfaits, point de care. Le soin s’applique à de petits objets mais ceux-ci sont pris dans un réseau beaucoup plus étendu de relations. Par exemple, les insectes auxiliaires censés prendre soin9 des plantations dans un massif ornemental ou au sein d’un groupement d’arbres sont à même de « faire ce travail » parce que d’autres acteurs s’en sont occupés en les nourrissant et en les protégeant10 le temps qu’ils soient assez développés pour lutter contre les ravageurs. Chacun des maillons de la chaîne est pris dans un réseau complexe qui sous-tend la possibilité que le soin soit dispensé. Chacun des éléments (même ceux qui sont considérés comme les plus « puissants ») est vulnérable et dépend d’un réseau étendu d’entités qui le protège, le répare ou l’entretient. D’autre part, les soins prodigués ne le sont pas une fois pour toutes. Des traces subsistent pour qu’un relais soit possible. Les objets jouent, à ce niveau, un rôle indispensable. Ce sont eux qui – supports actifs de paroles, de promesse, de mesures – lient les acteurs, les choses et les évènements entre eux. Ils sont indispensables car il est très difficile d’entretenir la mémoire du care tant les entités
changent et se redistribuent. Lorsque les élagueurs prennent soin de panser une plaie de coupe sur un arbre, ils écrivent ce qu’ils ont fait sur des « fiches de suivi », ce qui permettra aux autres élagueurs d’en connaître les circonstances et l’auteur et d’observer l’évolution de cet évènement.
De plus, comme nous l’avons évoqué, le care est difficilement assumé pour beaucoup de care-receivers et les bénéfices restent délicats à identifier lorsque le destinataire du soin est muet. Garder la mémoire du soin (dans des dossiers ou sur des photographies) est, dans ces cas-là, une forme de gratification à l’égard des care-givers. Aux États-Unis, certaines formes de rétribution faites aux volontaires, suite au travail fourni, passent aussi par des objets (livres, matériel de randonnée, calendriers, pass annuel pour visiter les Parcs Nationaux). Ainsi le care se déploie dans des interactions toujours situées mais il déborde très largement la somme de ces actualisations, à la fois dans le temps et dans l’espace, et ce grâce aux objets.
Conclusion
Cette approche par le care permet de voir que les activités de gestion et de soin ne concernent et ne mobilisent pas seulement des personnes ; elles s’attachent à des êtres qui ne sont pas humains et elles s’appuient et se diffusent grâce à certains objets. La responsabilité de la protection des espaces naturels apparaît distribuée entre une pluralité d’entités à des échelles différentes. Sans les intermédiaires (personnes, objets, choses), les différents espaces du care ne pourraient pas communiquer : la continuité du soin depuis ceux qui se soucient jusqu’à ce(ux) dont on se soucie ne serait pas assurée. Le regard porté sur les espaces protégés via le prisme des théories du care nous permet d’entrevoir une géographie relationnelle et non exclusive de ces espaces : ils sont pris dans des réseaux de relations qui les maintiennent. En définitive, les espaces de nature n’apparaissent que comme la partie immergée, visible, du travail de care qui les concerne. La chaîne de responsabilité qui permet de les préserver va du très local au très global et réciproquement. L’approche
par les théories du care nous permet de voir à quel point ils sont dépendants de toute une série d’attachements, de liens mais également à quel point ces espaces sont peut-être aussi acteurs de leur préservation (care receiving). In fine les espaces naturels protégés sont les nœuds visibles d’un réseau d’autres espaces qui œuvrent à leur préservation, leur concèdent une place et des outils, fédèrent des publics et met leur avenir en perpétuelle négociation.
Claire Tollis
Université de Grenoble – PACTE
Bibliographie
Boutefeu E., 2005, La Demande sociale de nature en ville, enquête auprès des habitants de l’agglomération lyonnaise, Lyon, Éditions PUCA-CERTU, 85 p.
Callon Michel, 1986, « Eléments pour une sociologie de la traduction », L’année sociologique, Paris, PUF.
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1 Nous passons sur les difficultés voire la pertinence de cette appellation ! Pour une synthèse éclairante des débats à ce sujet, voir Depraz, 2009.
2 Il convient de préciser que nous ne sommes pas les seuls à aller dans ce sens, en témoigne les travaux de Michel Lussault sur les phénomènes urbains, Valérie November sur le risque ou Coralie Mounet sur les animaux « à problèmes », pour ne citer qu’eux.
3 Bien que nous ayons été sensibles à ces approches dès le début du travail, elles ne sont apparues comme un « outil théorique » qu’à l’issue du travail de terrain, ce qui permet de dire que les résultats obtenus ne sont pas un « pur produit » de leur utilisation. La période de cette mobilisation correspond à celle où nous avons été invités par J.P. Pierron au séminaire de Lyon dont cet ouvrage se fait l’écho.
4 La difficulté s’est dissipée mais elle n’a pas vraiment disparu puisque même si nous pouvons nous intéresser aux non-humains, les non-humains, eux, ne s’intéressent pas à nous (Hache, 2011), en tout cas, rien ne nous permet de le dire.
5 Il s’agit d’une cinquantaine de journées passées avec les gestionnaires de ces espaces, d’une soixantaine d’entretiens individuels, de questionnaires auprès des usagers (200) et de l’analyse d’un corpus de documents d’archives (lettres de plainte, comptes-rendus de réunions, communications internes).
6 Nous faisons allusion à cet article fondateur dans la manière de prêter attention à la réaction d’êtres non-humains à un processus d’innovation technique.
7 Encore que, nous avons vu que cette gratification pouvait être communiquée, médiatisée auprès d’un public élargi (notamment à destination des care takers et des responsables qui demandent des comptes ou s’intéressent).
8 Ce découpage fait écho au slogan caricatural (et souvent mal compris) « think global, act local » des mouvements militants, en particulier ceux qui s’intéressent à la protection de l’environnement.
9 Ils remplacent les produits phytosanitaires et luttent contre les insectes ravageurs des plantes, par exemple.
10 Les abris à coccinelles, notamment, sont conçus pour « aider les insectes à passer l’hiver » (Un gestionnaire, 2010).
- Thème CLIL : 3133 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Philosophie -- Philosophie contemporaine
- ISBN : 978-2-8124-2120-4
- EAN : 9782812421204
- ISSN : 2271-7234
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-2120-4.p.0103
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 06/02/2014
- Périodicité : Semestrielle
- Langue : Français