Résumés
- Publication type: Article from a collective work
- Collective work: États des lieux dans les récits français et francophones des années 1980 à nos jours
- Pages: 347 to 353
- Collection: Encounters, n° 372
- Series: Twentieth and twenty-first century literature, n° 35
Résumés
Pierre Schoentjes, « “Où sont passés les géants gracieux, les rois de la mer ?” Le Règne du vivant d’Alice Ferney : la vie de Saint Magnus »
Le Règne du vivant d’Alice Ferney marque un moment charnière : il s’agit du premier texte littéraire récent qui choisit de manière explicite l’engagement en faveur de l’environnement. S’inspirant de l’action de Paul Watson et de la Sea Shepherd Conservation Society, le roman offre le portrait d’un activiste-pirate dévoué à la préservation des océans. Cette contribution, qui s’inscrit dans la perspective de l’écopoétique, s’interroge sur les formes que l’auteur (ré)active pour porter un message militant.
Hannes De Vriese, « L’art d’être contemporain dans le récit préhistorique. Une archéologie du paysage (Chevillard, Michon, Ollier, Rouaud, Trassard) »
Chez Chevillard, Trassard, Michon, Ollier et Rouaud, le récit préhistorique procède à une compression de l’espace (paysage que l’on parcourt) et du temps (accumulation de strates géologiques) et superpose ainsi le parcours de l’homme contemporain à celui de son ancêtre préhistorique selon un principe de simultanéité que Soja n’a pas manqué de relever chez Borges. Les auteurs tendent de la sorte un miroir à l’homme contemporain qui découvre dans les traces du passé l’empreinte de ses propres pas.
Laurent Demanze, « Les cartographies imaginaires de Pierre Senges »
Pierre Senges emboîte le pas aux cartographes et aux explorateurs : c’est le plaisir de mesurer le monde, mais aussi de le réinventer. L’auteur ne cesse de dire dans ses livres l’alliance de l’attesté et du frauduleux, du véridique et du mensonger, en décelant derrière toute cartographie une fiction. Il revendique aussi le geste des érudits positivistes qui tentaient de situer les contrées imaginaires : il n’y décèle aucune naïveté, mais le désir d’enraciner mythes et légendes au cœur de notre monde prosaïque.
348Sylvie Vignes, « De la tempête au port ? Surimpression de lieux et d’espaces dans Cet imperceptible mouvement d’Aude et La Loge de mer de Jean-Yves Laurichesse »
Le recueil de nouvelles d’Aude et le roman de Jean-Yves Laurichesse se présentent tous deux avant tout au lecteur à travers un prisme pictural qui n’a rien de fortuit. Les illustrations de couvertures élues par les auteurs témoignent d’une troublante complicité d’imaginaires spatiaux où les marines occupent une place centrale. Les lieux réels, concrets, sont habités par une sourde menace, héritée d’un passé plus ou moins lointain et plus ou moins occulté, doublée d’une attraction qui tient de l’appel de sirène.
Cédric Chauvin, « Figures de l’ouvert chez Alain Damasio »
Selon quel type de dialectique la littérature de science-fiction, ou apparentée, conjugue-t-elle tension spatiale du dedans et du dehors et opposition anthropologique de l’intériorité et de l’extériorité ? Chez Alain Damasio, de La Zone du Dehors (1999-2007) aux nouvelles d’Aucun souvenir assez solide (2012), l’appel vers un dehors spatial, traditionnel en science-fiction mais apparemment en crise, se trouve transféré vers les formes d’une ouverture, par l’imaginaire, de l’être humain lui-même.
Bruno Blanckeman, « L’hyperlieu. Éco-figure d’une œuvre pionnière : l’ultima Yourcenar »
On sait l’engagement de Marguerite Yourcenar dans les premières associations écologistes américaines, mais on mésestime son approche littéraire de la question environnementale. L’écrivain tente de représenter en pionnière un continuum du vivant par lequel des hommes et des lieux entretiennent une relation d’intelligence sensible. L’hyperlieu désignera la place dominante que ces lieux occupent dans son œuvre et sa correspondance, lorsqu’ils échappent à leur seule fonction de repères spatiaux.
Chantal Lapeyre, « Hétérotopies de la fiction contemporaine. Rien n’aura eu lieu que le lieu »
Certains romans ou récits de Pierre Silvain, Pierre Michon ou Richard Millet mettent en scène des espaces et des lieux que le concept d’hétérotopie, 349promu par Michel Foucault, permet d’interroger à nouveaux frais. Ces romans ou récits établissent en effet une cartographie implicite de lieux dissidents, et, par là, inventent, dans l’espace réel et littéraire, des hétérotopies, ces « lieux absolument différents », qui apparaissent comme autant de contestations du lieu où nous vivons.
Théo Soula, « La préférence du lieu. Voyage et localisation dans l’œuvre de Jacques Réda »
À une époque charnière qui voit s’épanouir une littérature « voyageuse » et se réaffirmer la tradition de la flânerie, l’œuvre de Réda interroge un certain attachement au lieu. Parce qu’elles se font à l’échelle d’un arrondissement, les déambulations du poète seraient-elles dépourvues de toute dimension « voyageuse » ? Cet article montre que cette préférence du lieu, plutôt que de conduire à une contradiction entre localité et voyage, enrichit le champ d’une littérature de la mobilité en pleine reconfiguration.
Jean-Yves Casanova, « Suspension et figement du temps et de l’espace. Les Quartiers d’hiver de Jean-Paul Goux »
Le triptyque Les Quartiers d’hiver de Jean-Paul Goux met en scène une organisation de l’espace et du temps selon des schémas liés à la propre perception du narrateur et des personnages. L’architecture et le paysage sont ainsi tributaires de l’érosion inexorable du temps menant à la mort dans un jardin dont on devine les origines et les fondements, mais qui restitue l’image exemplaire d’une destinée humaine meurtrie par ce que Claude Simon nomme le « nonchalant, impersonnel et destructeur travail du temps ».
Dominique Rabaté, « Des lieux pour disparaître ? »
D’ordinaire un lieu est un endroit où habiter et se réaliser. Paradoxalement, cette contribution examine plutôt comment on peut chercher aujourd’hui des lieux où disparaître, en échappant au contrôle social. La question devient donc : peut-on dessiner une géographie actuelle de l’évanouissement subjectif ? En examinant le fantasme romanesque de disparition, l’article analyse des romans de Carrère, Modiano, Quignard et Echenoz et esquisse une conception du lieu comme transit nécessaire.
350Jean-Christophe Bailly, « Le carnet photographique. Notes sur la notation »
À la question posée sur le traitement des enjeux liés à l’espace dans la littérature française d’aujourd’hui, l’écrivain répond de la façon la plus libre, en faisant retour sur sa propre pratique, dominée par la dimension d’un dehors sans fin traversé en même temps qu’impossible à atteindre. Étant donné que cette question se négocie pour lui presque quotidiennement via des carnets plus ou moins régulièrement tenus, il en donne quelques exemples avant de réfléchir sur les raisons de ce recours à la notation.
Jean-Yves Laurichesse, « Écrire le monde rural aujourd’hui »
La fin du monde rural sous sa forme traditionnelle, au cours des années soixante, continue de susciter chez les écrivains d’aujourd’hui (Trassard, Michon, Bergounioux, Millet, Jourde, Lafon) des récits exigeants, distincts d’une littérature « de terroir » plus complaisante, qui ne dissocient pas la tentative de restitution anthropologique d’une méditation sur les rapports du présent au passé, entre mélancolie et souci de la mémoire, dans une confrontation parfois violente avec la réalité actuelle des campagnes.
Elena-Brandusa Steiciuc, « L’espace rural et l’espace urbain de la Roumanie postcommuniste dans la prose de Felicia Mihali »
Les écrits de Felicia Mihali se situent dans un entre-deux constant, à partir d’une interrogation permanente sur la condition féminine, sur l’aliénation de l’être humain. L’article analyse l’expérience de l’espace dans la prose mihalienne et la manière dont celle-ci englobe la Roumanie à la charnière des millénaires et des régimes politiques, ainsi que les fonctions de l’espace (rural ou urbain) dans l’économie des récits et les mutations profondes produites dans l’identité des héroïnes.
Guy Larroux, « L’usine, dehors, dedans. François Bon »
Un désir et un regret d’usine traversent l’œuvre de François Bon, dès son premier livre Sortie d’usine, qui se présente comme une ethnographie de la vie ouvrière. La singularité de ce roman social tient à la position assumée par l’intérimaire, être du dedans et du dehors qui occupe des postes de travail et à partir duquel s’ordonnent des lignes de discours. L’auteur invente une 351forme très originale d’écrit qui dévoile l’insu de la vie ouvrière et introduit à ce lieu méconnu, physique et mental, qu’est l’usine.
Anne-Lise Blanc, « L’imaginaire et la mélancolie du foyer dans quelques textes narratifs contemporains »
Cet article envisage quelques textes (Le Tramway de Claude Simon, Chantier de Gisèle Fournier, Villa Bunker de Sébastien Brebel) où personnages ou narrateurs constatent que le foyer dont ils cherchent la trace ou éprouvent la faillite n’est peut-être qu’une utopie. La narration, diversement marquée par la scission, y prend la forme et la place des foyers disjoints ou disparus et s’y offre comme un foyer précaire, mobile et transitoire, mais fertile et ouvert, y compris au lecteur de ces récits.
Béatrice N’Guessan-Larroux, « L’espace à l’épreuve de la socioautobiographie. Annie Ernaux »
Autobiographie « vide » et pourtant récit de vie, l’œuvre d’Annie Ernaux s’élabore selon une triade spatiale bientôt ramenée à un clivage entre milieu populaire et milieu bourgeois. Ces deux versants spatiaux rendent compte des places sociales pensées et distribuées selon des trajets types. Les pratiques d’espaces révèlent un rapport complexe entre ces lieux qui implique, personnellement et littérairement, une narratrice en quête d’un tiers espace qui ne se découvre que dans la collusion entre intimité et extimité.
Alessandra Ferraro, « Les lieux de la photographie dans l’œuvre d’Annie Ernaux. L’Usage de la photo, L’Autre fille, Écrire la vie »
La représentation des lieux est prise en compte à travers l’analyse du statut du document photographique et des ekphraseis de quelques ouvrages d’Annie Ernaux ayant rapport au genre autobiographique. L’étude du lien entre texte autobiographique et photos des lieux, ainsi que la consultation des manuscrits et dossiers préparatoires, permet de dégager les traits d’une écriture qui intègre les images aux paroles dans la tentative d’évoquer d’une manière efficace le passé et les êtres disparus sans susciter le pathos.
352Mathilde Bonazzi, « Les bottes de ces lieux. Écrire le territoire dans le western contemporain »
À quelques années d’intervalle, trois auteures s’emparent du genre codifié du western. Dans Western, Christine Montalbetti repousse les lieux communs du genre tandis que le narrateur trouve dans la description de détails la possibilité de multiples paysages. Dans Faillir être flingué, Céline Minard met à mal l’idée de conquête dans un récit où les personnages avancent au gré du vent, selon des trajectoires incertaines. Dans Naissance d’un pont, Maylis de Kerangal insère au cœur d’un western métaphorique un western véritable.
Hyacinthe Carrera, « Des mots et du lieu. Des rivières plein la voix de Ludovic Janvier »
Quelle est la nature du lieu, dans le texte de Ludovic Janvier, Des rivières plein la voix, bâti autour des rivières de France dont le nom se termine par un « e » muet ? Place des noms propres, rapport image et icône, retour sur la notion de « soupçon » et ce sur quoi il porte, constituent les axes d’une réflexion sur le lieu de Ludovic Janvier, ou plutôt des mots pour dire le lieu, et dont l’auteur précise qu’on « les croit faits pour désigner les choses, or ils désignent le manque d’elles ».
Lorna Milne, « Marie Nimier et le lieu de l’écriture »
Dans La Nouvelle Pornographie de Marie Nimier, une écrivaine se consacre à son texte pornographique dans sa petite cuisine, vue comme un lieu d’écriture et d’érotisme. Cet article explore les liens entre ces trois thèmes – l’espace restreint, le sexe, l’écriture – en les plaçant dans le contexte de la littérature de jouissance au sens de Barthes. L’analyse de ces structures relationnelles confirme que chez Nimier, la pulsion la plus puissante et vitale de toutes n’est autre que celle d’écrire.
Catherine Delpech-Hellsten, « Édouard Glissant, poétique et politique de la spatialité. Le cas de Fastes, poème-archipel »
Pour introduire à une lisibilité des notions poético-politiques de la spatialité qui construisent le processus d’écriture d’Édouard Glissant, cet article interroge deux de ses propositions : « Le lieu est incontournable » et « Le 353monde entier s’archipélise ». Le concept de la relation est abordé sous l’angle du processus phénoménologique de la spatialisation poétique, la lecture de Fastes repère des indices topo-biographiques évoqués au fil des poèmes et met ainsi en relief une cartographie inédite du recueil.
André-Alain Morello, « Vassilis Alexakis. Entre nomadisme linguistique et géographie de la dépossession »
Les personnages de romans de Vassilis Alexakis sont tous de grands voyageurs, des exilés qui s’arrangent avec l’exil, des nostalgiques qui compensent leur désarroi par la découverte de terres et de langues nouvelles. En combinant une écriture de la perte et de l’exil avec une réflexion toujours renouvelée sur le miracle des mots, cette œuvre est aussi un pari sur une reconquête des lieux et sur un bonheur d’habiter le monde, pleinement associé à la dimension heuristique, et ludique, de l’écriture.
Isabelle Serça, « Ponctuation et promenade dans les allées des phrases. De Gracq à Kerangal en passant par Bailly »
Cet article étudie la ponctuation comme lieu du texte : rapprochant typographie et topographie, le texte apparaît comme un lieu qu’on arpente et permet de suivre la marche du lecteur dans les phrases balisées par les signes de ponctuation. L’analyse, qui fait écho aux perspectives développées par Jean-Christophe Bailly dans La Phrase urbaine, esquisse chez Gracq (Un balcon en forêt) et Kerangal (Réparer les vivants) l’allure de la phrase – autrement dit dessine sa forme et donne à entendre son rythme.
- CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN: 978-2-406-07989-7
- EAN: 9782406079897
- ISSN: 2261-1851
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-07989-7.p.0347
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 01-07-2019
- Language: French