Presence and Absence of the Marvellous in Perceforest Rationalising the Text with the Images
- Publication type: Journal article
- Journal: Encomia
2022, n° 44. varia - Author: Blaizeau (Coline)
- Pages: 29 to 65
- Journal: Encomia
Présence et absence du merveilleux dans Perceforest
La rationalisation du texte par les images
La merveille tend à tenir une place de choix dans les romans médiévaux. Elle sert de moteur à la progression du récit, y est souvent mise en valeur et abonde parfois au point de saturer le texte. Ceci est particulièrement vrai du Perceforest, une œuvre anonyme du Moyen Âge tardif qui ne contient pas moins de trois-cents épisodes dits ‘merveilleux’.1 Entendons par là des passages du récit narrant la rencontre entre un personnage et une merveille – objet, créature, ou phénomène extraordinaire – qui le plonge dans un état de stupéfaction profonde. La merveille a en effet cette caractéristique notable qu’elle résiste à la compréhension des individus qui en font l’expérience.2 Le Perceforest se plaît ainsi à mettre en scène le doute de ses protagonistes, sur la base duquel ils se construisent et font des choix déterminants pour le reste de leur histoire.
On le voit, ce merveilleux est à la fois omniprésent et essentiel dans le Perceforest. Malgré cela, il reste étrangement absent des miniatures qui illustrent le texte dans deux des quatre séries de manuscrits où celui-ci est encore préservé de nos jours. (Il s’agit des manuscrits des versions A et D du Perceforest.3 Les manuscrits de la version C ne sont pas illustrés et les miniatures des manuscrits de la version B n’ont pas été complétées.) 30Sur les trente-huit miniatures qui décorent les pages de A et D, seules quatre d’entre elles font allusion aux merveilleux.4 Priorité est donnée à la représentation d’un quotidien certes idéalisé, mais d’un quotidien quand même. On retrouve dans ces miniatures les us et coutumes qui fondent l’identité courtoise du héros, qui, s’il n’est pas occupé à batailler contre un autre valeureux chevalier (douze scènes de combat au total), passe le temps en conversations galantes (quatorze scènes).
Ces scènes existent dans le récit et y sont d’une importance telle qu’il est compréhensible qu’elles figurent dans le programme illustratif des manuscrits. Cependant, leur attractivité n’est pas, en théorie, supérieure à celle des épisodes merveilleux. Au contraire, tout dans le texte semble indiquer que la merveille doit être remarquée des personnages comme du lecteur. Son caractère spectaculaire autant que l’enjeu souvent vital de sa perception font de la merveille un sujet qui se prête exceptionnellement bien au format visuel de la reproduction picturale. Pour quelle raison, alors, n’apparaît-elle qu’à peine dans les illustrations ? Comment expliquer le déséquilibre manifeste entre un texte où le merveilleux foisonne et des images dans lesquelles il se fait si rare ? C’est ce que nous nous proposerons d’examiner dans l’étude qui suit.
Celle-ci est d’autant plus souhaitable que les miniatures du Perceforest n’ont été que très peu discutées par la critique, qui les ignore si ce n’est dans quelques ouvrages à portée descriptive où on aura cherché à en déterminer la provenance plus qu’à en faire l’analyse. Pascale Charron et Marc Gil cherchent dans les miniatures de la série D les indices qui leur serviront à dater les manuscrits, tandis qu’Ilona Hans-Collas et Pascal Schandel se concentrent sur les miniatures de la série A pour en identifier le style et les inclure dans le répertoire de plusieurs enlumineurs connus.5 Ont ainsi été rassemblées des données précieuses, mais rien qui ne nous explique véritablement le pourquoi et le comment de ces miniatures. Il sera donc utile de remédier à ce manque en regardant 31de plus près les images du Perceforest, pour elles-mêmes autant que pour l’éclairage nouveau qu’elles peuvent apporter sur le texte.
Un article par Christine Ferlampin-Acher fait exception à cet état de la recherche, qui est doublement pertinent en cela qu’il se focalise non seulement sur les illustrations du Perceforest mais aussi, et plus exactement, sur la représentation de la merveille dans ces illustrations.6 Pour autant, si Ferlampin-Acher y fait également le constat d’un écart entre texte et images, elle s’intéresse davantage aux effets de ce qu’elle appelle une ‘banalisation’ du merveilleux plutôt qu’à ses possibles causes. Elle observe que les miniatures, en n’adhérant pas strictement au récit, proposent inévitablement une relecture de l’épisode merveilleux qui contribue à sa polysémie et, donc, à la confusion normalement associée à la merveille. Notre question reste entière sur ce qui aura amené la quasi-disparition du merveilleux, même si cela joue finalement en faveur de son ambiguïté.
Une première explication possible est l’erreur. En l’occurrence, l’erreur d’un artiste qui ne serait pas familier du récit qu’il doit illustrer et, donc, ignorerait son patrimoine merveilleux. C’est, au demeurant, un problème connu des spécialistes qui voient souvent dans cette méconnaissance du texte par les enlumineurs la raison d’un décalage entre texte et images.7 Toutefois, cela ne paraît pas être le cas des illustrateurs du Perceforest qui, s’ils avaient dû travailler en aveugle, auraient sûrement eu recours aux rubriques qui accompagnent les images pour combler leurs lacunes (un procédé observé dans bon nombre d’ouvrages). Or, dans nos manuscrits, le contenu des miniatures dépasse à diverses reprises le cadre des rubriques pour faire appel à des éléments qu’on ne trouve que dans le corps du texte. Ces images témoignent dès lors d’une compréhension certaine du récit par les illustrateurs.
32Fig. 1 – Prière de Troÿlus à Vénus
(ms. Paris, BnF, fr. 347, fol. 341r © cliché BnF).
La miniature représentant la prière de Troÿlus à Vénus (fig. 1), par exemple, va de pair avec une rubrique qui ne fait aucune mention de cet épisode : ‘Comment Troÿlus, après ce qu’il eut vaincu Nervin, se mist en chemin pour trouver sa dame Zellandine. Comment Zéphir s’apparut à lui et le porta en la tour où Zellandine estoit.’ C’est donc que l’illustrateur a connaissance du récit par-delà les informations glanées dans la rubrique. C’est cette même connaissance du texte qui permet à un autre illustrateur de compléter la description donnée par une rubrique (fig. 2), là où la miniature nous informe de la présence d’une jeune femme dans la scène du combat entre Gadifer le Jeune et Nestor tandis que la rubrique l’omet : ‘Comment le preu Gadifer et le Chevalier Doré, son frère, se mirent en queste pour trouver Lyonnel du Glat. Comment ilz mirent l’un l’autre en péril de mort et comment le preu Lyonnel ne sceurent que ilz devindrent.’
33Fig. 2– Combat entre Gadifer et Nestor
(ms. Londres, B.L., Royal 19 E II, fol. 318v © cliché B.L.).
Cela dit, il se peut que cette familiarité des illustrateurs avec le texte ne se fasse qu’au travers des instructions laissées par un maître d’œuvre – figure intermédiaire en charge d’établir le programme illustratif.8 C’est une pratique courante à la fin du Moyen Âge, qui plus est dans des ateliers aussi développés que ceux dans lesquels les manuscrits du Perceforest ont été conçus.9 Comme toute communication comporte le risque d’un malentendu, des incompréhensions peuvent surgir entre l’artiste et le maître d’œuvre qui donnent lieu à des curiosités picturales du genre de celle que l’on discerne dans l’illustration du don d’un reliquaire au roi Perceforest (fig. 3). Dans cette illustration, le lecteur est effectivement confronté au dessin étrange de deux serpents qui semblent s’échapper du reliquaire alors qu’il n’en est rien dans le récit.
34Fig. 3– Don d’un reliquaire à Perceforest
(ms. Londres, B.L., Royal 19 E II, fol. 243r © cliché B.L.).
Il y est bien question, en revanche, de serpents finement ouvragés en or et en argent qui décorent le magnifique reliquaire.10 Si magnifique qu’il fait l’objet d’une longue et minutieuse description dans le texte, qu’un maître d’œuvre aura certainement eu à cœur de voir restituée à l’image au risque de se faire mal comprendre de son collègue enlumineur. On imagine aisément comment les indications du maître d’œuvre, si elles ne sont que celles de peindre un reliquaire avec des serpents, aient pu être mal interprétées. Les serpents inanimés auraient ainsi pris vie sous le pinceau de l’artiste. Il n’empêche que cette méprise est un cas isolé. Il n’y en a pas d’autres exemples dans nos manuscrits, où, comme nous allons le voir, le merveilleux manque franchement aux illustrations plus qu’il n’y est incompris. Il paraît donc improbable que nous trouvions une réponse à nos questions dans le rapport confus entre un illustrateur et son maître d’œuvre.11
35Au lieu d’erreurs involontaires répétées (peu crédibles), il se dégage des images du Perceforest l’impression d’une entreprise générale et délibérée de neutralisation de la merveille. L’illustrateur, directement ou indirectement, a connaissance du texte et de sa propension au merveilleux ; malgré cela, il fait systématiquement le choix de son éviction. L’opportunité se présente ouvertement et plus d’une fois de peindre la merveille, où celle-ci est délaissée au profit d’une scène plus banale. C’est le cas de la miniature qui orne la rubrique ‘Comment Gadifer, filz aisné du roy d’Escoce, trouva Pierote, la damoiselle messagière à la royne de la Roide Montaigne. Comment il aceva son emprise et des merveilleuses adventures qui lui advindrent durant son voyage.’ Ici, il faut trancher en faveur soit de l’épisode dans lequel Gadifer rend visite à Pierote tandis qu’elle gît malade dans son lit, soit d’un épisode merveilleux (comme celui du chevalier Le Tor se transformant en taureau à sept têtes, pour ne citer qu’une seule des nombreuses merveilles disponibles).
Fig. 4 – Visite de Gadifer à Pierote
(ms. Londres, B.L., Royal 19 E II, fol. 105r © cliché B.L.).
Or c’est l’épisode de la visite à Pierote qui l’emporte (fig. 4). La décision, en outre, est prise indépendamment de considérations telle que sa place – première – dans l’ordre du récit. Car s’il semble naturel que l’épisode en question serve d’illustration au texte qui s’apprête à en faire la narration, l’existence dans le même manuscrit d’au moins un autre exemple comme celui-ci dément cette logique : la merveille y prime chronologiquement parlant sans toutefois être retenue pour la miniature qui l’accompagne (fig. 5). Si l’image devait représenter l’évènement qui ouvre une nouvelle partie du récit, alors elle devrait comprendre à cet endroit ‘quatre chevaliers du Franc Palais [qui] furent arrestez par enchantemens à une fontaine’. Pourtant, il n’en est rien. Il n’y a ni fontaine ni chevaliers endormis, et la merveille s’efface une fois de plus tandis qu’on traite sans plus attendre l’épisode qui lui succède.
Fig. 5– Zellandin accompagne Bruyant sans Foi ?
(ms. Londres, B.L., Royal 19 E II, fol. 216v © cliché B.L.).
Un certain schéma commence dès lors à se dégager de ces miniatures qui ne prennent jamais la merveille pour modèle, même quand les circonstances le suggèrent. Le merveilleux, clairement, ne trouve pas grâce aux yeux des illustrateurs. Ce n’est pas tout ; on se rend compte en continuant notre examen qu’il ne s’agit pas simplement d’éviter la merveille en se concentrant sur des passages du récit où elle n’apparaît pas, mais de l’éliminer jusque dans les épisodes qui indiquent formellement sa présence. 37Ainsi va-t-il de l’étonnante trouvaille du Chevalier à l’Esprivier, dont il est dit qu’il pose les yeux sur ‘le plus grant quesne, non point qu’il fust grant de tyve, mais branchu et espars, et le plus beau qu’il eust oncques veu. Et au dessus estoit la maysoncelle d’un hermite bien gentement assise, ou huit personnes se fussent bien logiez a ung besoin’.12
Le texte est limpide dans son intention merveilleuse. L’usage non pas d’un mais de deux superlatifs, l’un renchérissant sur l’autre en quelque sorte, rend immédiatement identifiable la merveille que caractérise un langage toujours hyperbolique. Que n’est-on pas surpris, alors, de s’apercevoir que l’arbre fabuleux et le logis qu’il abrite ont disparu de la miniature pour n’être remplacés que par un paysage quelconque (fig. 6). Ce paysage est constitué d’un point d’eau et d’une formation rocheuse qui, de façon à la fois opportune et révélatrice, s’avèrent tellement encombrants qu’ils occulteraient tout arbre gigantesque s’il en était un. Autrement dit, il n’y a littéralement pas de place pour la merveille. Ne reste plus désormais que le portrait de l’interaction entre un chevalier et un ermite dans ce qu’elle a de plus conventionnel.
Fig. 6 – Lucidés rencontre un ermite
(ms. Paris, BnF, fr. 347, fol. 10r © cliché BnF).
Le même esprit de mise en valeur des codes sociaux régissant la vie de gentilhomme oriente les décisions de l’illustrateur du couronnement de Perceforest. De cet épisode pourtant haut en couleurs (il faut voir le nombre d’évènements merveilleux qui ponctuent cette journée dans le texte), il ne subsiste que la cérémonie dont le ton formel est éloquent. Tout respire l’ordre au sein de cette image à la symétrie impeccable, y compris dans le paysage parfaitement structuré qui s’étend au loin (fig. 7). On célèbre les environnements harmonieux, pas la merveille et le trouble dont elle est synonyme. Aussi, la dame qui apporte la couronne de Perceforest perd de son aura féerique : est supprimée de la miniature toute allusion à ses apparitions et disparitions mystérieuses, ainsi qu’au nain qui lui sert de compagnon, et jusqu’à la blancheur de sa robe qui est souvent à travers le Perceforest le signe facile et éminemment reconnaissable d’une origine surnaturelle.
Fig. 7– Couronnement de Perceforest
(ms. Paris, BnF, fr. 345, fol. 1r © cliché BnF).
Certes, on observe au second plan une scène de chasse que les chercheurs Hans-Collas et Schandel ont interprétée comme la poursuite par un écuyer de la dame qui, dans le récit, se métamorphose en biche une fois qu’elle a accompli sa mission d’apporter au roi sa couronne.13 Selon cette lecture, donc, l’illustrateur n’aurait pas complètement éradiqué la merveille de notre miniature. Cependant, il est possible de souscrire à l’évaluation de Hans-Collas et Schandel quant à l’identification de l’épisode représenté tout en continuant d’affirmer que ce dessin ne suffit pas de lui-même à convoquer efficacement le merveilleux. Le reste de cet article nous éclairera sur les raisons qui poussent à penser ainsi. En attendant, notons que la merveille est de toute façon reléguée au second plan et n’est pas, par conséquent, considérée comme sujet prioritaire par les illustrateurs qui lui ont préféré le décorum du couronnement royal.
Plus parlante encore dans son projet de neutralisation de la merveille, la miniature censée représenter les mystifications de Zéphir sur le chevalier Estonné s’éloigne tellement du récit qu’elle en devient à peine reconnaissable (fig. 8). On ne saurait de quoi il ressort s’il n’était la rubrique qui permet au lecteur d’identifier l’épisode. Car cette illustration passe sous couvert un fait crucial, qui est que le jeune homme servant de guide à Estonné n’est autre que Zéphir déguisé – un luiton dont les pouvoirs lui permettent de faire tomber Estonné dans une rivière avant de l’emporter dans les airs vers la destination qui était la sienne. Rien de tout cela n’est conté dans l’image, alors que ces détails fantastiques font tout l’intérêt de ce passage dans le texte. La scène est ‘coupée au montage’, pour ainsi dire : de cet épisode, on ne voit que la situation initiale (Zéphir en jeune homme) et le dénouement (le château de Falmar, au fond à droite, comme point d’arrivée).
40Fig. 8– Zéphir piège Estonné
(ms. Londres, B.L., Royal 19 E III, f. 37r © cliché B.L.)
Avec cela, il devient évident que l’absence presque totale de merveilleux dans les manuscrits du Perceforest est à dessein : les illustrateurs prennent soin de sélectionner des épisodes où la merveille ne figure pas et vont jusqu’à l’écarter des épisodes où elle figure. C’est donc qu’on souhaite qu’elle disparaisse. A ce stade de notre étude, il faut pourtant nuancer ces notions d’absence et de disparition. En effet, toute absence n’est pas forcément contraire au merveilleux en cela qu’elle lui conserve sa part de mystère. La subtilité de la merveille à l’image est propice à sa représentation. Toutefois, et comme nous nous apprêtons à le voir, cela ne se fait pas de n’importe quelle façon. On considérera ainsi dans les lignes qui suivent l’idée (paradoxale, il est vrai) que la disparition de la merveille en soit aussi la suggestion, pourvu qu’elle se fasse dans des conditions particulières qui ne sont pas celles constatées dans nos miniatures jusqu’à présent.
Pour comprendre cette proposition, il nous faut revenir à cette caractéristique clé de l’écriture merveilleuse qu’est le doute qui accompagne invariablement l’expérience de la merveille. Dans le texte du Perceforest, cela se traduit notamment par une certaine difficulté que les personnages ont à percevoir (et donc à connaître) l’objet merveilleux.14 Des 41châteaux qui deviennent soudainement invisibles aux métamorphoses qui changent les êtres, en passant par les illusions constantes qui sont au monde comme autant de fils dans un tissu de mensonges, toute rencontre avec la merveille contribue à faire du réel une donnée instable qui devient par-là même impossible à comprendre. Par conséquent, il est permis de voir dans la disparition du merveilleux une allusion à sa nature insaisissable. La merveille dans l’image, comme la merveille dans le texte, se dérobe à quiconque s’efforce de l’appréhender.
Cependant, il faut que cette dérobade opère dans l’image comme elle opère dans le texte, c’est-à-dire que la merveille doit d’abord se montrer pour mieux filer, par la suite, entre les doigts de ceux qui l’avaient trouvée. Cela signifie deux choses pour le merveilleux tel qu’il devrait être représenté dans les miniatures. Premièrement, et nous l’avons précisé plus haut, qu’il est remarquable et donc que la merveille doit non seulement apparaître, mais apparaître dans des conditions qui garantissent sa visibilité (aussi partielle soit-elle). En d’autres termes, il faut que la merveille se distingue, ressorte du paysage verbal ou graphique au milieu duquel elle émerge. Penser le merveilleux en matière d’absence totale serait faire fi de son besoin impérieux d’être considéré. Car cette ostentation initiale est nécessaire à la mise en place d’une expérience du doute : il s’agit d’intriguer l’individu à travers la soudaine remise en question de ce qui, un moment auparavant, semblait occuper tout le réel.
La deuxième chose, c’est que le merveilleux est pétri de contradictions et qu’il réside en son sein le remarquable mais aussi l’imperceptible, le visible et l’invisible, le factuel et l’hypothétique. Le merveilleux, en un mot, est une écriture de l’ambiguïté, faite de contraires qui s’attirent et qui se supportent par on-ne-sait quel secret. C’est ce contresens, précisément, qui façonne la merveille en une substance glissante ayant la faculté de se soustraire encore et toujours à la raison des personnages. Sans la coexistence de deux aspects a priori irréconciliables, il ne peut y avoir de merveilleux tel qu’il est conçu par le Perceforest. Que l’image transmette cette dualité intrinsèque est donc indispensable. Il ne suffit pas de faire disparaître la merveille pour la représenter, pas plus d’ailleurs qu’il ne suffit de la faire apparaître. La présence aussi bien que l’absence de la merveille, telles les deux faces d’une même pièce, sont nécessaires à son évocation.
42Prenons un exemple concret – puisqu’après nous être intéressés aux miniatures de l’ordinaire, il est temps d’examiner les quelques miniatures de l’extraordinaire qui ont survécu à la réticence des illustrateurs. Il s’agit, pour l’une d’elles, de l’épisode du Chastel Desvoyé dans lequel le roi Perceforest et son neveu, le chevalier Gadifer, arrivent à un château que ses occupants ont rendu invisible. Gadifer, qui bénéficie des pouvoirs d’un anneau magique, est tout à fait capable de distinguer ledit château malgré l’enchantement qui en estompe les contours. À l’inverse, le roi Perceforest, de même que la demoiselle et le valet qui sont à ses côtés, tombent dans le piège de cette illusion qui leur fait voir, en lieu et place du château, une rivière tumultueuse. Celle-ci leur ferait facilement rebrousser chemin si ce n’était grâce à Gadifer qui les convainc de poursuivre, mais pas avant que les deux partis ne se disputent longuement en conséquence de leurs variations de perception.15
Dans le conflit qui oppose Perceforest à Gadifer, on retrouve la dualité mentionnée à l’instant : le château est une merveille qui existe pour certains et qui n’existe pas pour d’autres. Présence et absence. Justement, cette double appartenance est exactement ce que l’illustrateur nous communique dans la miniature qui représente cet épisode (fig. 9). Preuve, s’il en fallait, de sa capacité à concevoir l’ambivalence qui est constitutive du merveilleux dans une œuvre comme le Perceforest. On y distingue un château dont l’existence est indiquée par le fait qu’il soit visible à notre œil (et bien visible, puisqu’il sied sur un promontoire qui le rehausse et que sa silhouette se détache sur le fond céleste). Plus encore, son existence est confirmée par le doigt pointé du personnage au centre, qu’on devine être Gadifer, et qui attire le regard du spectateur aussi bien que le regard des autres personnages en direction de l’édifice.
43Fig. 9– Désaccord au Chastel Desvoyé
(ms. Paris, BnF, fr. 347, fol. 71r © cliché BnF).
Celui-ci, donc, est relativement immanquable. Et pourtant, on distingue aussi dans cette image un château qui n’existe pas. Le statut ontologique de la merveille est rendu problématique par un certain nombre d’éléments qui insinuent que le château est invisible et, partant, irréel. Le fait qu’il n’occupe qu’une place marginale, par exemple – relégué à l’arrière-plan et au coin de l’image, en haut à gauche – alors que la merveille est supposée capter toute notre attention. Il le concède dès lors aux personnages, dont la réaction face à la merveille (et non la merveille elle-même) est le véritable objet de la miniature. Or, cette réaction n’est pas homogène. Les personnages ont des comportements variés qui établissent aussitôt le contexte de mésentente raconté par le texte et, en cela, reflètent efficacement l’ambiguïté qui est l’attribut du merveilleux dans le Perceforest.
Le Chastel Desvoyé est un sujet qui divise, nous dit l’illustrateur. On a, d’une part, un individu qui a connaissance du château puisqu’il 44le pointe du doigt (Gadifer) et, d’autre part, trois personnages qui doivent très certainement l’ignorer puisqu’il faut le leur montrer (le roi Perceforest, la demoiselle et le valet). La gestuelle correspond par ailleurs aux conventions iconographiques de l’époque, qui désignent traditionnellement les figures d’autorité en les peignant l’index braqué sur la matière qu’elles enseignent tandis que les apprenants se tiennent passivement à leurs côtés.16 Les attitudes tranquilles voire apathiques du roi Perceforest et de la demoiselle en bas à droite – en retrait par rapport au ‘sage’, les bras le long du corps, main au repos – contrastent ainsi avec le dynamisme de Gadifer et expriment leur impuissance à admettre une réalité dont ils ne font pas l’expérience.
Quant au valet situé tout à gauche de l’image, il synthétise les évènements de cette scène de confusion grâce à son expression interrogatrice. La main levée devant la bouche, dans un mélange de surprise et d’hésitation, il semble ne pas pouvoir choisir entre un château qui serait là et un château qui ne le serait pas. La position tortueuse de son corps trahit l’inconfort épistémologique dans lequel il se trouve, tournant le dos à la merveille comme pour s’en éloigner, mais la cherchant aussi du regard, tête rejetée en arrière en réponse aux injonctions de Gadifer. Qu’il soit en face-à-face avec ce-dernier, enfin, symbolise le choc de leurs impressions respectives. On comprend bien que l’existence du château fait l’objet d’une controverse dans cette image, qui est donc fidèle au texte qu’elle illustre en restituant le merveilleux comme il se doit.
C’est cet éclairage polémique qui manque à la miniature du couronnement de Perceforest mentionnée tout à l’heure.17 La métamorphose d’une dame en biche n’y fait pas l’objet d’une confusion, ni pour les personnages qui la peuplent ni pour les spectateurs qui la regardent. Au lieu de confusion, on se retrouve face au résultat d’un évènement qui ne fait aucun doute pour personne alors même que le texte nous conte la stupéfaction du roi et la façon dont celle-ci contraste avec l’indifférence d’un de ses conseillers – un autochtone qui invite Perceforest à ouvrir sa conscience aux merveilles de Bretagne.18 Cette dimension du récit reste inexplorée si on ne se base que sur la miniature, qui repose entièrement 45sur le texte pour véhiculer l’idée merveilleuse, sans nous expliquer que la biche du second plan est aussi la dame du premier plan (et ne posant pas, dans le même temps, le problème de sa nature duelle).
Une fois qu’on a montré qu’une restitution convenable du merveilleux consiste à donner à voir son ambiguïté métaphysique, il reste à préciser que cette opération, si elle est possible, est néanmoins compliquée. Dans la miniature du Chastel Desvoyé étudiée ci-dessus, imag(in)er la merveille sans qu’elle n’apparaisse ni ne disparaisse entièrement requiert de la subtilité et un effort particulier de la part de l’illustrateur. C’est que rendre la nature équivoque de la merveille en termes picturaux n’est pas chose aisée. Dans le cas d’une métamorphose comme celle de la dame en biche, par exemple, faut-il peindre l’être d’origine, l’être transformé, ou les deux ? S’il y a illusion, décrit-on le mensonge ou la réalité vraie ? L’invisible, le changeant, le double sont autant d’obstacles au travail de l’illustrateur qui doit faire cohabiter des antithèses à l’image, montrer tout et son contraire, au risque de perdre en lisibilité.
Il est donc probable que les manuscrits du Perceforest soient avares de merveilleux pour une raison d’ordre pratique qui est qu’il est difficile à représenter. Il est dès lors coûteux en temps et en argent, notamment face aux images d’Épinal que sont les tournois et conversations galantes, plus simples d’exécution. Mais de pointer la solution de facilité n’est pas suffisant pour expliquer le projet de suppression de la merveille à l’œuvre dans nos manuscrits. D’abord parce que l’examen de leur contexte de production fait relativiser l’effort que constitue l’illustration du merveilleux dans notre cas, où l’on verra que les illustrateurs du Perceforest avaient à leur disposition des ressources considérables. Ensuite parce qu’un sujet même difficile est porté à l’image s’il a suffisamment de mérite aux yeux de l’artiste et/ou du commanditaire. Il semblerait ainsi que l’on se trouve devant le résultat d’un jugement de valeur : le merveilleux est absent des manuscrits car il n’est pas digne de la peine (et du temps et de l’argent) qu’on se donnerait à l’y inclure.
Développons maintenant ces différents points qui, en continuant d’explorer la question de la représentation du merveilleux, nous éclaireront sur les habitudes possibles de conception et de réception du Perceforest. À commencer par l’environnement hautement spécialisé dans lequel les manuscrits des séries A et D seraient apparus. La critique s’accorde en effet à dire que l’origine de ces manuscrits est à trouver dans le 46Comté de Flandre, et plus particulièrement à Bruges, entre 1470 et 1500 (à l’exception de ms. Paris, BnF, fr. 347 qui viendrait de Lille, et de ms. Paris, BnF, fr. 348 dont le lieu d’origine est inconnu).19 Or, le Comté de Flandre est, dans ces années-là, un pôle majeur de l’économie européenne en ce qui concerne le marché du manuscrit enluminé.20 S’y concentrent quantité d’enlumineurs talentueux, qui s’organisent en un réseau complexe d’ateliers et d’écoles et qui ont les moyens de leurs ambitions au sein de ce territoire réunissant à la fois le capital, les matériaux et l’infrastructure nécessaires à la pleine expression de leurs capacités artistiques.
Ceci est d’autant plus vrai qu’on pousse les artistes à se surpasser dans ce qui est essentiellement devenu une industrie du luxe, où le manuscrit enluminé est un objet d’apparat. Le Comté de Flandre, au quinzième siècle, est dominé par les ducs de Bourgogne, dont la politique expansionniste implique un étalage de richesse synonyme de pouvoir. On parle ainsi de la ‘splendeur’ qui aurait caractérisé les cours de Philippe le Bon et de Charles le Téméraire, à nulle autre pareilles.21 Cette recherche du faste comprend, entre autres, l’acquisition d’un nombre impressionnant de manuscrits, rassemblés par les ducs de Bourgogne en de monumentales collections qui sont comme l’extension de leur propre magnificence. Autant dire que la qualité des enluminures est primordiale, afin que celles-ci soient à l’image (somptueuse) des princes qui en font la commande.
Les manuscrits du Perceforest n’ont pas été conçus pour les ducs de Bourgogne. Cela dit, leurs véritables destinataires ne sont pas tellement 47différents eu égard à ce type de mécénat, puisque l’influence des ducs est telle que la noblesse dans son ensemble, de l’État bourguignon et d’ailleurs, est gagnée par la même fièvre bibliophilique à cette époque.22 La série A est attribuée à Louis de Bruges, seigneur de Gruuthuse et chevalier de la Toison d’Or, connu pour être lui aussi un collectionneur avide de manuscrits illustrés, tandis qu’on a longtemps prêté la série D au roi Édouard IV d’Angleterre, qui aurait été inspiré par la bibliothèque de son ami Louis de Bruges lors d’un séjour.23 De bien illustres personnages, donc, pour qui les manuscrits étaient exécutés avec soin puisqu’il s’agissait de servir le projet de propagande d’une élite soucieuse d’exhiber son prestige.
Aussi, on imagine mal comment les manuscrits du Perceforest aient pu être confiés à qui que ce soit d’autre qu’à des illustrateurs tout spécialement brillants. Le travail d’identification opéré par les historiens de l’art sur nos miniatures le confirme d’ailleurs, où ceux-ci ont cru reconnaître la ‘griffe’ de quelques maîtres enlumineurs. On retrouverait ainsi le Maître du Froissart de Philippe de Commynes dans mss. Paris, Bnf, fr. 345–346, le Maître aux grisailles fleurdelisées dans ms. Paris, BnF, fr. 347, et le Maître de la Chronique d’Angleterre dans ms. Paris, BnF, fr. 348, ainsi qu’un continuateur du Maître des Livres de prières ou, peut-être, le Maître d’Édouard IV, dans mss. Londres, B.L., Royal 15 E V et 19 E III–II. Bien sûr, il faut recevoir ces évaluations avec prudence, étant donné qu’il est souvent malaisé de distinguer entre les styles dans ce climat d’échange intense.24 En attendant, le simple fait que nos miniatures aient pu être associées à des artistes si fameux suffit à appuyer la théorie d’une main experte.
On sera donc en droit de présumer des illustrateurs du Perceforest, quels qu’ils aient été, qu’ils possèdent tous les outils nécessaires à la 48représentation d’un sujet aussi compliqué que le merveilleux. Parmi ces outils, on comptera la maîtrise des conventions iconographiques évoquées tout à l’heure, qui formait la base de l’instruction et de la pratique du métier d’enlumineur. C’est que dans les arts plastiques comme en littérature, le Moyen Âge met l’accent sur la réutilisation, d’une œuvre à l’autre, des mêmes motifs. Il ne s’agit pas d’être original, dit Veronica Sekules, ni de donner d’un thème une vision révolutionnaire, le réaffirme Wendy A. Stein, mais de s’inscrire dans la tradition.25 L’artiste médiéval doit être en mesure de puiser dans ce répertoire, qui sert de langage universel et, partant, lui permet d’instaurer du dialogue avec ses pairs (présents et passés) mais aussi avec son public – pour être bien compris d’eux.
Nous le précisons parce que ce fonds de référence partagé par les enlumineurs est particulièrement riche dès lors qu’on s’attache au champ sémantique de la merveille. Sans doute, entre autres choses, parce que la pensée médiévale s’est longuement et profondément inquiétée du problème de la représentation de l’irreprésentable. Autour du dogme chrétien selon lequel il faut distinguer le plan du sensible (inférieur et trompeur) du plan de l’intelligible (supérieur et vrai) s’installe un vaste débat philosophico-théologique sur l’image et sa capacité à montrer une réalité qui ne soit pas perceptible. En d’autres mots, peut-on (et doit-on) représenter le divin ? La question fait rage. Cependant, le ‘oui’ l’emporte très largement avec le soutien du droit canon catholique. Le Moyen Âge occidental n’est pas, dans son ensemble, une époque iconoclaste – même si cette tendance a continué à exister tout du long. Au contraire, on fait le choix de l’image.26
Les artistes n’hésitent donc pas à représenter des sujets dont l’‘être’ est ambigu, de ces vérités cachées qui existent sans toutefois être présentes à 49nos sens. L’invisible, le changeant, le double sont non seulement peints, mais peints fréquemment en ce qu’ils relèvent d’un discours pieux qui a la faveur des commanditaires. Se constitue alors un véritable arsenal de techniques destinées à contourner les difficultés pratiques inhérentes à ces sujets. On introduit des rais de lumière dorés pour signifier le lien invisible qui unit le corps de saint François d’Assise à celui du Christ lors du transfert des stigmates.27 On insère une image dans l’image, que l’on entoure généralement d’une bordure ondulée comme celle d’un nuage, pour suggérer le passage d’un niveau de réalité à un autre.28 Ou bien encore, on donne au Christ deux visages pour indiquer qu’il est le Fils mais aussi Dieu le Père.29 On aimerait en dire plus tant les exemples sont nombreux et admirables.
On le voit, ces considérations portent d’abord sur l’illustration des textes sacrés. Mais elles s’étendent très vite au reste de la production artistique médiévale. Tout comme les auteurs de littérature profane – la Matière de Bretagne, notamment – ne se privent pas d’aller chercher l’inspiration dans des textes à caractère religieux, les enlumineurs n’hésitent pas non plus à emprunter au langage iconographique chrétien les techniques dont ils ont besoin pour illustrer la merveille romanesque. On retrouve ainsi nos rais de lumière dorés dans bon nombre de représentations du Graal, dans lesquelles ils servent à exprimer la relation que cet objet entretient avec le divin. Quant à la bordure ondulée, elle se banalise tellement au fil des siècles qu’on la repère jusque dans les images de Gauvain et du Lit Périlleux, où elle symbolise l’apparition inexpliquée des flèches qui menacent le chevalier après avoir soudainement pénétré la même réalité que lui.30
50Voilà, en résumé, le type de ressources auxquelles les illustrateurs des manuscrits du Perceforest auraient pu faire appel s’ils avaient souhaité traiter la merveille plus amplement. Et si jamais ces ressources – qui sont riches mais ont leurs limites – s’avéraient lacunaires ou mal adaptées à l’illustration de quelque épisode merveilleux excessivement réfractaire à la représentation visuelle, alors il était toujours possible à l’enlumineur de s’en affranchir un tant soit peu pour faire des conventions iconographiques un usage inventif. Certes, l’art du Moyen Âge respecte et valorise la tradition, mais il témoigne aussi d’une forme de flexibilité par rapport à elle qui autorise d’infinis variations à l’intérieur de thèmes communs.31 Surtout quand les œuvres qui nous concernent sont issues de la période tardive, c’est-à-dire d’une période où la notion d’artiste a changé au point que celui-ci doive désormais chercher à se distinguer par la démonstration de la supériorité de ses connaissances et de son savoir-faire.32
On constate justement cette créativité dans une autre des quelques miniatures qui représentent fidèlement le merveilleux perceforestien, à savoir la miniature illustrant le somnambulisme du chevalier Pellinor (fig. 10). Dans cet épisode, le chevalier fait halte près d’un perron extraordinaire qui a la faculté de plonger les individus dans un sommeil profond tout en préservant la mobilité des corps. Pellinor continue ainsi de chevaucher, tout inconscient qu’il est, jusqu’à ce qu’un ennemi ne le trouve qui profite de sa condition pour le faire prisonnier. L’histoire est simple (du moins en apparence), cependant elle pose immédiatement à l’illustrateur le problème de la représentation de cet état ambigu du chevalier, qui est entre éveil et sommeil, activité et passivité, monde vrai et monde onirique. Comment suggérer au spectateur, sans qu’il ait automatiquement besoin de se référer au texte, que Pellinor est à la fois endormi et animé ?
51Fig. 10 – Somnambulisme de Pellinor
(ms. Paris, BnF, fr. 347, fol. 43r © cliché BnF).
La solution trouvée est ingénieuse : s’inspirant des conventions iconographiques dont il est familier sans y être entièrement soumis, notre illustrateur peint dans la même image la rencontre avec la merveille (à droite, Pellinor somnole près du perron extraordinaire) et son résultat (à gauche, il est emmené captif par un autre chevalier). C’est là une méthode connue des enlumineurs du Moyen Âge, qui consiste à faire cohabiter deux spatio-temporalités distinctes afin d’établir de la continuité entre les évènements qui se déroulent dans chacune d’elles. Son utilisation dans cette scène est efficace. Grâce à elle, le spectateur est à même de visualiser la progression du chevalier d’un point A à un point B de la miniature, tandis que ses yeux fermés nous indiquent formellement qu’il est assoupi. Mouvement et sommeil ainsi conjugués, on comprend bien que Pellinor est en proie à une crise de somnambulisme.
La position de son corps nous assure par ailleurs de la justesse de cette lecture. Non seulement le Pellinor du point A est tourné en direction du 52point B pour montrer que c’est à cet endroit que nous le retrouverons, mais il est imité en cela par le Pellinor du point B qui, toujours orienté vers la gauche, devient l’exacte copie du premier chevalier. Encore une fois, c’est le sentiment d’une continuité entre les deux séquences narrées par l’image qui nous permet de comprendre celle-ci. Ajoutons à cela les attributs identiques et aisément identifiables que l’illustrateur prête aux deux Pellinor – une coiffe d’une forme singulière et un écu marqué d’un aigle d’or – et l’identité du héros ne fait plus aucun doute, ni, donc, sa chevauchée rêveuse. L’architecture pour le moins atypique du perron (un pilier surmonté d’une pomme de pin ?) et les inscriptions magiques qui le recouvrent, enfin, donnent un dernier coup de pouce au spectateur en direction d’une interprétation merveilleuse.
On est obligés de constater que les illustrateurs du Perceforest étaient tout à fait en mesure de relever le défi constitué par la représentation de la merveille. Simplement, ils s’en seraient épargné la tâche. S’ils le pouvaient, c’est que le merveilleux n’est pas essentiel au projet servi par les miniatures. De fait, l’examen du contexte de production nous a mis sur la piste d’une noblesse bourguignonne demandeuse de manuscrits enluminés qu’elle utilise en vue de son propre rayonnement culturel et politique. À travers eux, elle entend se constituer en élite du monde médiéval tardif (ce à quoi elle réussit très bien d’ailleurs). Pour cela, il faut que les manuscrits en question soient vus du plus grand nombre, c’est-à-dire de ceux qui sont extérieurs à la cour de Bourgogne, pour qu’elle exerce sur eux son influence, mais aussi de ceux qui en font partie intégrante, pour qu’ils aient l’envie de s’y maintenir et, parallèlement, se conforment au modèle qu’elle propose.
Cela peut sembler évident, pourtant ces pratiques collectives ne sont qu’assez nouvellement appréciées de la critique. Ces dernières années, en effet, des chercheurs comme Joyce Coleman, Mark Cruse et Kathryn A. Smith ont souligné l’urgence qu’il y avait à reconsidérer la dimension sociale du manuscrit enluminé à la fin du Moyen Âge, dont on sait désormais qu’il était lu en public, exposé, prêté, offert, bref qu’il circulait et contribuait par-là même à créer du lien entre les différents membres d’un réseau de lecteurs.33 Les notions d’exploit guerrier, de 53beau parler et de gouvernement par la justice qui sont celles mises en avant dans les manuscrits bourguignons se constituent ainsi en socle de la communauté courtoise. Les images tiennent un rôle crucial dans ce projet puisqu’elles se font habituellement l’écho des valeurs promues par le texte (elles en sont même le point d’entrée) et, ce faisant, participent activement à la réalisation d’une identité commune.34
Nous nous arrêtons sur cet aspect communautaire de la miniature bourguignonne parce que c’est peut-être là que se trouve la réponse au phénomène de dévalorisation de la merveille à l’origine de sa disparition. L’épisode merveilleux tel qu’il est présenté dans le texte se prête mal à l’expérience de partage voulue par les images. C’est le contraire ; il correspond davantage à une réception silencieuse, individuelle et privée de la merveille. Car celle-ci est affaire d’intimité dans le récit. Elle se révèle différemment à chacun des personnages, qui l’appréhendent toujours de manière subjective et, ainsi confrontés à leurs propres limites (perceptives et cognitives), sont forcés d’effectuer une profonde remise en cause d’eux-mêmes et du savoir qui est le leur. La crise épistémologique qui accompagne l’événement merveilleux ouvre la voie à l’humilité et l’introspection.
Or, humilité et introspection sont des piliers de la spiritualité chrétienne qui place une importance toute particulière sur la vie intérieure des fidèles. C’est en cela que l’on peut dire de la merveille qu’elle est initiation à la pratique de la foi – de la vraie foi, celle du Dieu Souverain que les héros du Perceforest adoptent à mesure que l’Histoire se déroule, justement parce que leur rencontre préalable avec la merveille les a mis dans de bonnes dispositions pour accueillir une vérité qui transcende le réel, devenu instable. Il faut que la merveille expose l’individu au vide de sa conscience pour qu’il puisse ensuite la remplir de croyances nouvelles. Il n’est pas anodin que la conversion du roi Perceforest lui-même soit immédiatement précédée d’un épisode merveilleux, dans lequel il fait l’expérience déroutante de son ignorance avant que l’ermite Dardanon n’explique que c’est par cette ignorance que la ‘creance [est] mue’.35
On sait les inclinations morales de la littérature bourguignonne en cette fin de Moyen Âge. Que ce discours autour de la nécessité d’une autocritique s’étende des personnages du Perceforest à son lecteur n’étonnera guère. En parcourant ce récit, on est encouragés à suivre l’exemple des 54héros qui apprennent à tourner vers eux-mêmes leur regard pour y trouver les ressources indispensables à une émancipation de l’esprit. C’est le cas du roi Perceforest, mais aussi d’Alexandre le Grand, de Lyonnel du Glat et bien plus encore, qui sont dignes d’appartenir à une élite chevaleresque chrétienne parce qu’ils ont accepté de se soumettre à cet exercice réfléchissant (dans tous les sens du terme) de la pensée. De la même façon, on est incités à rejeter l’exemple des Aroès, Estonné et autres personnages à la fierté mal placée, dont la fin sinistre suggère tout le mal qu’il y aurait à les imiter.
Le merveilleux engage donc un genre de réflexion personnelle très peu adapté à l’usage public que l’on faisait généralement des manuscrits enluminés à la cour de Bourgogne, dans le brouhaha des échanges et la communion avec son prochain plutôt que dans le retrait du monde et le mode contemplatif. On produisait bien des images destinées au recueillement, mais ce n’est vraisemblablement pas dans cette optique que les illustrations du Perceforest ont été envisagées. Ici, c’est le sentiment appuyé d’une appartenance au groupe que le spectateur est supposé tirer de nos miniatures. Car il ne suffit pas d’observer que la merveille y est abolie ; il faut voir ce qui la remplace. Qu’a-t-on pris du texte qui ait été perçu comme plus approprié que le merveilleux pour servir les ambitions communautaires sous-jacentes aux images du Perceforest ?
Fig. 11– Troÿlus à la rescousse
(ms. Londres, B.L., Royal 19 E III, fol. 109v © cliché B.L.).
Nous l’avons vu plus haut : des passages dont la thématique est diamétralement opposée au merveilleux en cela qu’ils mettent l’emphase sur des valeurs collectives et extrinsèques plutôt que sur l’intime, c’est-à-dire l’exploit guerrier, l’art de la conversation galante et la démonstration d’une intégrité qui fondent l’identité courtoise du héros bourguignon au quinzième siècle. On reconnaît effectivement ces trois qualités dans la plupart des miniatures du Perceforest, qui s’appliquent à en faire la publicité au travers de scènes de combat (duels, tournois…), de dialogues aimables (entre un chevalier et une dame, un vassal et son seigneur, un aventurier et un ermite, ou deux courtisans entre eux) et de comportement éthique (comme Troÿlus sauvant d’un viol deux demoiselles (fig. 11), ou encore Lyonnel mettant fin à la punition des enchanteresses qui lui avaient fait outrage (fig. 12)).
Fig. 12– Mansuétude de Lyonnel
(ms. Londres, B.L., Royal 19 E II, fol. 348v © cliché B.L.).
Nos miniatures peuvent ainsi être lues en parallèle d’autres miniatures de la même époque qui exhortent la noblesse à cultiver (et afficher !) les caractéristiques qui sont celles du gentilhomme idéal. La bibliothèque de Philippe le Bon nous en donne un excellent aperçu quand elle vante les mérites de la performance martiale à travers des images de croisades et de conquête.36 Certains manuscrits – comme celui étudié par Mark 56Cruse dans lequel on trouve un Roman d’Alexandre richement illustré – se concentrent, eux, sur la représentation des interactions sociales entre individus afin de fournir au spectateur un guide concret sur les manières à déployer dans la sphère publique.37 D’autres illustrations, enfin, donnent en exemple des figures d’autorité vertueuse qui ont vocation à instruire une classe dirigeante sur la probité avec laquelle elle doit exercer son pouvoir.38
On se trouve donc face à un corpus d’images conçues comme instruments d’apprentissage. Pour remplir cette fonction éducative, il est impératif qu’elles commandent un certain respect. Il s’agit d’affirmer avec aplomb des idées auxquelles le spectateur devra souscrire. Le discours que ces images empruntent se fait ainsi sur le ton de l’assertion plutôt que sur celui de l’interrogation. Il leur faut emporter l’adhésion totale et immédiate du public, pas tergiverser sur la nature de la leçon qu’elles ont à offrir. Or, la miniature merveilleuse va à l’encontre de cette dynamique, elle qui marque le temps de l’hésitation pour laisser place à un questionnement presque philosophique. On comprend bien, alors, que la merveille soit écartée du projet didactique que servent les manuscrits du Perceforest, dans lesquels on n’a pas intérêt à illustrer des objets d’incertitude.
Aussi, là où le texte fait s’immiscer le doute, l’image contraint l’épisode merveilleux à faire sens. Ainsi rationalisée, la merveille disparaît (presque entièrement) du programme illustratif et ne contrecarre plus sa mission de persuasion. Reprenons, pour illustrer ce phénomène d’un exemple, la miniature où Lyonnel met fin à la punition des enchanteresses qui lui avaient fait outrage.39 Dans ce dessin, on ne voit que trois demoiselles sur un bûcher qu’un chevalier s’emploie à éteindre. Rien n’indique que les flammes qui lèchent les robes de ces demoiselles sont magiques, qu’elles ne peuvent être éteintes si ce n’est d’un seul homme au monde (Lyonnel) et qu’elles tourmentent leurs victimes sans consumer leurs chairs. Évènement hautement merveilleux dans le récit, qui n’est pas rendu à l’image où le feu n’est qu’un simple feu, car on préfère attirer 57l’attention sur le geste de pardon d’un chevalier miséricordieux envers des coupables qui ont expié leur crime, comme il est juste.
Un meilleur exemple encore est celui d’une des deux miniatures qui représentent la scène du chevalier Nestor tombant nez à nez avec une créature fabuleuse mais redoutable, la Beste Glatissante. Dans le texte, celle-ci est décrite comme un monstre hybride composé de différentes parties animales dont la beauté étrange a la faculté notoire d’immobiliser quiconque s’abîme dans la contemplation de son pelage chatoyant et des visions fantasmagoriques qu’ils y détectent.40 La Beste s’insère ainsi dans le registre du merveilleux, à interroger le réel par le biais de cet état hallucinatoire dans lequel elle plonge ceux qui l’admirent – entre réalités matérielle et imaginée. Néanmoins, cette ambiguïté constitutive de l’expérience merveilleuse ne semble pas émouvoir l’illustrateur de ms. Londres, B.L., Royal 19 E II, qui s’efforce d’ôter son mystère à la rencontre (fig. 13).
Fig. 13– Nestor rencontre la Beste Glatissante
(ms. Londres, B.L., Royal 19 E II, fol. 166r © cliché B.L.).
Dans cette miniature, le sujet merveilleux perd de son secret et devient pure évidence. L’illustrateur nous révèle de la Beste tout ce qu’il y a à en savoir. Ses couleurs vives, sa position centrale dans l’image, ainsi que sa taille imposante (qui laisse à peine assez de place au chevalier Nestor en bas à droite) requièrent notre pleine et entière attention. Les yeux fixés sur la Beste, on peut dès lors procéder à la ‘dissection’ de son anatomie composite où l’on distingue nettement la tête d’un chien, les pattes d’un cheval et le plumage d’un paon. Ainsi exposée au regard jusque dans le moindre détail, la Beste nous rappelle les créatures des bestiaires – ces encyclopédies du monde animal qui montrent pour instruire – et s’éloigne du même coup de la merveille et de l’impénétrabilité qui la caractérise.
Par ailleurs, ses composantes elles-mêmes sont porteuses de sens. On notera en effet que les parties animales choisies par l’illustrateur ne correspondent pas à celles qui sont énumérées par le texte, où il est dit que la Beste a une tête de serpent et les pieds d’un cerf, et où il n’est fait nulle mention de plumes de paon. Ces modifications et ajouts apportent à la merveille une couche explicative supplémentaire : la tête de chien évoque les aboiements effrayants de la Beste, qui la définissent (d’où le nom de Beste Glatissante) et trahissent le danger mortel qui se cache sous ses allures attrayantes, tandis que les plumes de paon (symboles du Christ) suggèrent le rôle joué par la Beste dans l’annonce d’une nouvelle religion à venir, puisque c’est dans les éclats colorés de son pelage que le roi Perceforest a la vision de la fête qu’il donnera en l’honneur du Dieu Souverain. (Et ceci n’est qu’une seule des multiples interprétations que Ferlampin-Acher offre de ce thème du paon, hautement significatif.)41
De ce fait, il est particulièrement intéressant de comparer cette image à la seconde des miniatures qui représentent la rencontre entre Nestor et la Beste. C’est que l’illustrateur de ms. Paris, BnF, fr. 347 négocie cette scène de manière très différente en décidant, au contraire, de conserver l’ambiguïté qui est caractéristique du merveilleux dans le texte (fig. 14). Pour y arriver, il procède d’abord à une décentralisation de la merveille qui, comme c’était déjà le cas dans l’illustration du Chastel Desvoyé, figure bien dans la miniature sans pour autant constituer son objet principal. Aussi, la Beste y est relativement petite, vue de trois-quart dos et 59la moitié basse de son corps n’est même pas dans l’image. L’illustrateur nous montre donc de la merveille autant qu’il dissimule et réoriente l’attention du public vers d’autres éléments de la scène.
Fig. 14– Nestor rencontre la Beste Glatissante
(ms. Paris, BnF, fr. 347, fol. 232v © cliché BnF).
Place est faite aux effets déconcertants que la Beste a sur son entourage : la réaction du chevalier, bien sûr, dont on observe qu’il a la main levée devant la bouche dans une possible expression de surprise et de doute similaire à celle du valet dans la miniature du Chastel Desvoyé, mais aussi la réaction des animaux qui sont sous le charme hypnotisant de la Beste. Tous sont tournés vers elle et s’oublient tellement dans la contemplation de sa beauté qu’ils se fondent dans le décor au point de ne faire qu’un avec lui. L’illustrateur estompe les traits qui devraient séparer l’animal du végétal pour suggérer la disparition au monde des victimes de la Beste, qui quittent progressivement le réel pour s’abandonner à la 60rêverie. Ces lignes troubles marquent un flou synonyme de confusion généralisée et nous traduise en même temps l’incertitude qui règne autour de l’événement merveilleux.
Une dernière miniature merveilleuse reste à signaler – celle de la prière à Vénus, qu’on a eu l’occasion d’évoquer au début de cet article. La statue de la déesse y est peinte avec l’index et le majeur levés (fig. 1). Signe d’une prise de parole d’après Hans-Collas et Schandel, ou geste de bénédiction selon Ferlampin-Acher.42 Il n’y a pas à trancher ici puisque, dans les deux cas, l’artiste choisit d’animer l’inanimé et donc de représenter, même de façon très subtile, l’ambiguïté ontologique de la merveille. Avec cela, nous sommes désormais en mesure de remarquer que toutes les miniatures merveilleuses du Perceforest sont situées dans le même manuscrit : ms. Paris, BnF, fr. 347. La part de merveilleux y est donc beaucoup plus importante que si l’on s’en tient à une vue d’ensemble, avec quatre images merveilleuses sur les douze qui le composent, soit 1/3 de la production picturale de ce manuscrit (contre zéro dans les autres).
Une suite possible à la présente étude consisterait par conséquent à chercher les raisons de cette irrégularité de ms. Paris, BnF, fr. 347 (au sein de sa propre série) qui, dans son goût prononcé pour le merveilleux et l’entretien du doute, semble faire du Perceforest une lecture plus fidèle. Son commanditaire, pourtant, n’est pas spécialement connu pour son amour de la merveille bretonne ou, plus généralement, de la littérature arthurienne. Au contraire, nous dit la critique : ‘Au culte du chevalier errant, aux exploits isolés et de fiction, Louis de Bruges préfère les Droits d’armes qui fixent les règles de combat ou le Livre des tournois détaillant le cérémonial d’un tournoi’.43 De ce point de vue, la présence même du Perceforest dans sa bibliothèque peut étonner, comme nous étonnera la mise en valeur dans ms. Paris, BnF, fr. 347 de ses aspects les plus ouvertement romanesques telle que la merveille.44
61C’est sur ces questions de genre qu’il y a matière à réflexion. Car si le texte du Perceforest s’amuse à brouiller les pistes de son appartenance générique en invoquant sans arrêt le statut de chronique en même temps qu’il embrasse la forme et la matière propres aux romans en prose, les images, elles, en rationalisant la merveille, ne se réclameraient que du mode historique ou pseudo-historique. Ce qui ne surprendra guère étant donnée la préférence marquée de la cour de Bourgogne pour ce type de littérature, qu’elle met au service de son projet identitaire. On se rassemble autour d’une histoire commune comme on se rassemble autour d’images qui font la promotion de valeurs uniformisantes. Il y aurait ainsi continuité entre les intentions communautaires des miniatures du Perceforest et de possibles intentions historicisantes, qui ont elles aussi intérêt à rationaliser le merveilleux pour étouffer du texte son souffle romanesque et en attiser, au contraire, les flammes de la chronique.
Un travail de comparaison qui, cette fois-ci, dépasserait le cadre du Perceforest constituerait une autre suite valable à la présente étude et confirmerait peut-être cette idée d’une rupture du programme illustratif avec le genre romanesque. Car notre corpus se pose à première vue à contre-courant de la tendance observée par Laurence Harf-Lancner dans des manuscrits de la même tradition littéraire que lui, qui auraient dû influencer sa composition. La rareté de la merveille dans nos miniatures, en effet, est d’autant plus remarquable que les illustrateurs de romans merveilleux antérieurs au Perceforest, comme ceux de Chrétien de Troyes, ne se refusent absolument pas à l’y représenter. ‘La part du merveilleux dans l’iconographie, nous dit Harf-Lancner, varie […] de 1/4 à 1/3 pour les manuscrits du xive siècle.’45 Une proportion bien plus importante que celle des manuscrits du Perceforest, où elle s’élève seulement à 1/10 (concentrée, qui plus est, dans un seul exemplaire).
Il conviendra dès lors de souligner la singularité de nos manuscrits par rapport à ceux dont le Perceforest se réclame pourtant l’héritier, à cheval entre un texte qui s’inscrit dans la lignée du roman arthurien et 62des images qui, elles, semblent le rejeter.46 Reste à savoir si ce phénomène d’une prise de distance avec la tradition merveilleuse est observable dans les manuscrits dont le Perceforest est, non plus l’héritier, mais le contemporain. On pourra pour cela examiner les miniatures des romans en prose tardifs, afin de voir si elles aussi atténuent les aspects les plus fantastiques des textes qu’elles illustrent pour en réhausser le propos historique. Cela nous permettrait par exemple de rejoindre (ou non) la thèse, défendue par Laurence Harf-Lancner et Anne Berthelot entre autres spécialistes du merveilleux médiéval, d’un mouvement généralisé de rationalisation de la merveille à la fin du Moyen Âge.47
Coline Blaizeau
University of Exeter
c.blaizeau@exeter.ac.uk
63Annexe
Liste des miniatures du Perceforest et leur description
Manuscrit |
Édition |
Sujet |
BnF, fr. 345, fol. 1r |
1.1, p. 106 |
Une dame présente à Alexandre le Grand la couronne qui doit servir à couronner Perceforest. |
BnF, fr. 346, fol. 12r |
2.1, p. 2 |
Le roi Gadifer d’Écosse tient conseil avec ses meilleurs chevaliers. |
BnF, fr. 347, fol. 1r |
3.1, p. 2 |
Les chevaliers de Perceforest discutent d’un tournoi, puis quittent le Franc Palais pour y prendre part. |
BnF, fr. 347, fol. 10r |
3.1, p. 27 |
Le Chevalier à l’Esprivier (Lucidés) rencontre un ermite qui lui offre ses conseils. |
BnF, fr. 347, fol. 20v |
3.1, p. 57 |
Le Chevalier à l’Esprivier se distingue au premier tournoi du Chastel aux Pucelles. |
BnF, fr. 347, fol. 43r |
3.1, p. 123 |
Le Chevalier à l’Aigle d’Or (Pellinor) chevauche endormi sous les effets d’un enchantement. |
BnF, fr. 347, fol. 60r |
3.1, p. 176 |
Le Chevalier à l’Escu d’Asur (Pellinor) se distingue au second tournoi du Chastel aux Pucelles. |
BnF, fr. 347, fol. 71r |
3.1, p. 208 |
Gadifer le Jeune tente de montrer le Chastel Desvoyé, qui est invisible, au roi Perceforest. |
BnF, fr. 347, fol. 123v |
3.1, p. 358 |
Lyonnel et Gadifer le Jeune planifient la bataille contre les Romains, qui seront vaincus. |
BnF, fr. 347, fol. 158v |
3.2, p. 59 |
Gadifer le Jeune apprend d’une vieille dame que Pierote est malade. |
BnF, fr. 347, fol. 192v |
3.2, p. 147 |
Le Chevalier aux Papegaulx (Pallidés) se distingue au septième tournoi du Chastel aux Pucelles. |
BnF, fr. 347, fol. 232v |
3.2, p. 215 |
Le Chevalier Doré (Nestor) rencontre la Beste Glatissante, qui envoûte les animaux de la forêt. |
BnF, fr. 347, fol. 341r |
3.3, p. 79 |
En réponse aux prières de Troÿlus, Vénus aide le chevalier à retrouver son amie Zellandine. |
BnF, fr. 347, fol. 404v |
3.3, p. 214 |
Troÿlus, en quête de son amie Zellandine, se dirige vers un château où il sera fait prisonnier. |
BnF, fr. 348, fol. 31r |
5.1, p. 83 |
Jules César est assassiné par Ursus Bouche Suave et ses compagnons. |
64
BnF, fr. 348, fol. 120r |
5.1, p. 313 |
Le Chevalier à la Tout Passe (Galafur) défait les chevaliers qui voulaient lui prendre l’Épée Vermeille. |
BnF, fr. 348, fol. 182r |
5.1, p. 377 |
Norgal désespère de ne pas mériter l’affection de la belle Blanchette. |
BnF, fr. 348, fol. 200r |
5.1, p. 401 |
Quatre chevaliers s’affrontent à la joute au neuvième tournoi de la Fontaine aux Pastoureaux. |
BnF, fr. 348, fol. 258r |
5.1, p. 640 |
Quatre chevaliers s’affrontent à l’épée au douzième tournoi de la Fontaine aux Pastoureaux. |
B.L., Royal 15 E V, fol. 3r |
-- |
L’auteur présente à son seigneur l’œuvre qu’il a composée pour lui. |
B.L., Royal 19 E III, fol. 37r |
2.1, p. 173 |
Zéphir, qui a pris l’apparence d’un jeune homme, guide Estonné vers le château de Falmar. |
B.L., Royal 19 E III, fol. 70r |
2.1, p. 272 |
Quatre chevaliers envoyés par Britus exigent de la reine Ydorus qu’elle quitte le Neuf Chastel. |
B.L., Royal 19 E III, fol. 109v |
2.1, p. 366 |
Troÿlus vient à la rescousse de deux demoiselles à qui de mauvais chevaliers allaient faire violence. |
B.L., Royal 19 E III, fol. 133r |
2.2, p. 19 |
Lyonnel rencontre un vieil homme qui lui offre ses conseils. |
B.L., Royal 19 E III, fol. 152r |
2.2, p. 67 |
Les Chevaliers aux Douze Vœux rencontrent une demoiselle qui leur offre ses conseils. |
B.L., Royal 19 E III, fol. 216r |
2.2, p. 208 |
Lyonnel défie le Chevalier aux Lettres d’Or (Troÿlus) à la joute. |
B.L., Royal 19 E III, fol. 275v |
2.2, p. 338 |
Gadifer le Jeune chevauche en compagnie de Pierote qui le guide vers la Roste Montaigne. |
B.L., Royal 19 E II, fol. 54v |
3.1, p. 288 |
Troÿlus montre à Lyonnel le château qu’il lui a fait construire. |
B.L., Royal 19 E II, fol. 105r |
3.2, p. 60 |
Gadifer le Jeune rend visite à Pierote qui gît malade dans son lit. |
65
B.L., Royal 19 E II, fol. 129v |
3.2, p. 145 |
Le Chevalier aux Papegaulx gagne l’affection de Camille au septième tournoi du Chastel aux Pucelles. |
B.L., Royal 19 E II, fol. 144r |
3.2, p. 164 |
Flamine voyage en compagnie de Gadifer le Jeune et du Chevalier Muet (Luces). |
B.L., Royal 19 E II, fol. 166r |
3.2, p. 215 |
Le Chevalier Doré rencontre la Beste Glatissante dans la Forêt du Glat. |
B.L., Royal 19 E II, fol. 216v |
3.2, p. 317 |
Zellandin et Bruyant sans Foi chevauchent en direction du château de ce dernier. (Incertain) |
B.L., Royal 19 E II, fol. 243r |
3.3, p. 1 |
Un artisan présente au roi Perceforest le reliquaire commandé pour le Temple au Dieu Souverain. |
B.L., Royal 19 E II, fol. 276v |
3.3, p. 61 |
Une dame du pays de Zellande offre l’hospitalité à Troÿlus. |
B.L., Royal 19 E II, fol. 305r |
3.3, p. 142 |
Le Chevalier au Griffon (Maronès) se distingue au onzième tournoi du Chastel aux Pucelles. |
B.L., Royal 19 E II, fol. 318v |
3.3, p. 159 |
Lyonnel parle à une demoiselle qui se désole de l’affrontement entre Gadifer le Jeune et Nestor. |
B.L., Royal 19 E II, fol. 348v |
3.3, p. 196 |
Lyonnel délivre trois mauvaises enchanteresses du feu inextinguible qui les punissaient. |
1 Le comptage est le mien.
2 Voir Francis Dubost, Aspects fantastiques de la littérature narrative médiévale (xiie–xiiie siècles) : l’Autre, l’Ailleurs, l’Autrefois (Paris : Champion, 1991) ; Jean-René Valette, La poétique du merveilleux dans le Lancelot en prose (Paris : Champion, 1998) ; Jeff Rider, ‘Le Merveilleux, le pseudo-merveilleux et l’énigme’, in Merveilleux et marges dans le livre profane à la fin du Moyen Âge (xiie–xve siècle), éd. Adeline Latimier-Ionoff, Joanna Pavlevski-Malingre et Alicia Servier (Turnhout : Brepols, 2017), pp. 17–23.
3 Pour A, il s’agit plus précisément d’un groupe de quatre manuscrits comprenant les livres I, II, III et V du Perceforest : Paris, Bibliothèque nationale de France, Français 345–48. Pour D, il s’agit de trois manuscrits comprenant les livres I, II et III du Perceforest : Londres, British Library, Royal 15 E V ; 19 E III–II.
4 Il s’agit des miniatures illustrant : le somnambulisme de Pellinor (fig. 10) ; le désaccord au Chastel Desvoyé (fig. 9) ; la rencontre de Nestor avec la Beste Glatissante (fig. 14) ; et, enfin, la prière de Troÿlus à Vénus (fig. 1). Une liste complète des miniatures du Perceforest est donnée en appendice.
5 Pascale Charron et Marc Gil, ‘Les enlumineurs des manuscrits de David Aubert’, in Les manuscrits de David Aubert, ‘escripvain’ bourguignon, éd. Danielle Quéruel (Paris : Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 1999), pp. 81–100, pp. 95–6 ; Ilona Hans-Collas et Pascal Schandel, Manuscrits enluminés des anciens Pays-Bas méridionaux. I. Manuscrits de Louis de Bruges (Paris : Bibliothèque nationale de France, 2009), pp. 168–73.
6 Christine Ferlampin-Acher, ‘Donner à voir le merveilleux : Miniatures et merveilleux dans quelques romans arthuriens en prose (xiiie–xve siècles)’, in L’univers du livre médiéval : Substance, lettre, signe, éd. Karin Ueltschi (Paris : Champion, 2014), pp. 221–39.
7 Laurence Harf-Lancner, ‘Le dialogue entre texte et image’, Perspectives médiévales, numéro jubilaire Trente ans de recherches en langues et en littératures médiévales (2005), 239–56.
8 Alison Stones, ‘Indications écrites et modèles picturaux. Guides aux peintres de manuscrits enluminés aux environs de 1300’, in Artistes, artisans et production artistique au Moyen Âge. III. Fabrication et consommation de l’œuvre, éd. Xavier Barral i Altet (Paris : Picard, 1990), pp. 321–49.
9 Le détail en est donné plus loin.
10 Perceforest, éd. Gilles Roussineau, vol. 3.3 (Genève : Droz, 1993), p. 1.
11 N’étant pas en position de montrer plus avant la contribution d’un maître d’œuvre aux manuscrits du Perceforest, nous proposons de continuer à utiliser le terme d’‘illustrateur’ que nous prendrons au sens large pour qu’il désigne dans cet article l’ensemble des professionnels directement impliqués dans la production des miniatures, c’est-à-dire l’artiste peintre lui-même (ou les artistes, s’il s’agit d’une collaboration) et un possible maître d’œuvre. Quant à utiliser d’autres termes tels que ‘miniaturiste’ ou ‘imagier’, nous leur préférons ‘illustrateur’ simplement parce qu’il met en avant le dialogue entre texte et image qui nous intéresse ici.
12 Perceforest, éd. Gilles Roussineau, vol. 3.1 (Genève : Droz, 1988), p. 27.
13 Ilona Hans-Collas et Pascal Schandel, Manuscrits enluminés des anciens Pays-Bas méridionaux, p. 169.
14 C’est le motif du ‘regard empêché’ décrit par Christine Ferlampin-Acher dans ‘Merveilles’et topique merveilleuse dans les romans médiévaux (Paris : Champion, 2003), pp. 91–170.
15 Perceforest, vol. 3.1, pp. 205–18.
16 François Garnier, Le langage de l’image au Moyen Âge : Signification et symbolique (Paris : Le Léopard d’Or, 1982), pp. 166–69.
17 Il s’agit, pour rappel, de la miniature de ms. Paris, BnF, fr. 345, fol. 1r.
18 Perceforest, éd. Gilles Roussineau, vol. 1.1 (Genève : Droz, 2007), pp. 106–07.
19 Gilles Roussineau, ‘Réflexions sur la genèse de Perceforest’, in Perceforest : Un roman arthurien et sa réception, éd. Christine Ferlampin-Acher (Rennes : Presses Universitaires de Rennes, 2012), pp. 255–67 (p. 256) ; Pascale Charron et Marc Gil, ‘Les enlumineurs des manuscrits de David Aubert’, pp. 95–6 ; Chrystèle Blondeau, ‘Arthur et Alexandre le Grand sous le principat de Philippe le Bon : Les témoins d’un imaginaire en mutation’, Publications du Centre Européen d’Études Bourguignonnes, 41 (2001), 223-46 ; Hanno Wijsman <http://telma.irht.cnrs.fr//outils/luxury-bound/listemanuscrits/> [consulté le 09 septembre 2021].
20 Hanno Wijsman, Luxury Bound : Illustrated Manuscript Production and Noble and Princely Book Ownership in the Burgundian Netherlands (1400-1550), trad. Lee Preedy (Turnhout : Brepols, 2010), pp. 37–79.
21 Splendour of the Burgundian Court : Charles the Bold (1433-1477) éd. Susan Marti, Till-Holger Borchert et Gabriele Keck (Bruxelles : Mercatorfonds, 2009) ; Staging the Court of Burgundy : Proceedings of the Conference ‘The Splendour of Burgundy’, éd. T.-H. Borchert et al. (Londres : Harvey Miller, 2013).
22 Marina Belozerskaya, Rethinking the Renaissance : Burgundian Arts across Europe (Cambridge : Cambridge University Press, 2002), pp. 146–220.
23 La question s’est compliquée depuis avec les contributions de Chrystèle Blondeau et de Pascale Charron et Marc Gil, qui ont émis l’hypothèse que la série D ait appartenue non pas à Édouard IV mais à Henri VII d’Angleterre. Hanno Wijsman, cependant, conteste cette hypothèse sous prétexte que le roi Henri VII était en conflit avec Marguerite d’York, qui avait la garde de ces manuscrits à l’époque et ne les aurait sans doute pas échangés avec un ennemi. Voir références en note 18.
24 Dominique Vanwijnsberghe, ‘La miniature “flamande” : Vers la cartographie fine d’une production transrégionale’, in Miniatures flamandes, 1404-1482, éd. Bernard Bousmanne et Thierry Delcourt (Paris – Bruxelles : Bibliothèque nationale de France ; Bibliothèque royale de Belgique, 2011), pp. 19–37.
25 Veronica Sekules, Medieval Art (Oxford : Oxford University Press, 2001), pp. 55–56 ; Wendy A. Stein, How to Read Medieval Art (New York : Metropolitan Museum of Art, 2016), p. 13. Voir également Robert W. Scheller, A Survey of Medieval Model Books (Haarlem : Erven F. Bohn, 1963).
26 Hans Belting, Likeness and Presence : A History of the Image before the Era of Art, trad. Edmund Jephcott (Chicago : The University of Chicago Press, 1994) ; Herbert L. Kessler, Spiritual Seeing : Picturing God’s Invisibility in Medieval Art (Philadelphie : University of Pennsylvania Press, 2000) ; Alixe Bovey, ‘“From Material to Immaterial Things” : Gothic Art and Immaterial Culture’, in The Routledge History of Medieval Christianity, 1050–1500, éd. R. N. Swanson (Londres : Routledge, 2015), pp. 197–215 ; Birgit Meyer et Terje Stordalen, Figurations and Sensations of the Unseen in Judaism, Christianity, and Islam : Contested Desires (New York : Bloomsbury Academic, 2019).
27 Hans Belting, ‘Saint Francis and the Body as Image : An Anthropological Approach’, in Looking Beyond : Visions, Dreams, and Insights in Medieval Art and History, éd. Colum Hourihane (Princeton, N. J. : Index of Christian Art, 2010), pp. 3–14, p. 12.
28 Sixten Ringbom, ‘Some Pictorial Conventions for the Recounting of Thoughts and Experiences in Late Medieval Art’, in Medieval Iconography and Narrative : A Symposium, éd. Flemming G. Andersen et al. (Odense : Odense University Press, 1980), pp. 38–69, pp. 53–55.
29 Deirdre Jackson, Marvellous to Behold : Miracles in Medieval Manuscripts (Londres : The British Library, 2007), p. 23.
30 Par exemple dans ms. Paris, BnF, fr. 12577, fol. 45r. Plus d’exemples dans : Roger Sherman Loomis, Arthurian Legends in Medieval Art (New York : Modern Language Association of America, 1938) ; Muriel Whitaker, The Legends of King Arthur in Art (Woodbridge : Brewer, 1990) ; Word and Image in Arthurian Literature, éd. Keith Busby (Londres : Garland, 1996) ; La légende du roi Arthur, éd. Thierry Delcourt (Paris : Bibliothèque nationale de France – Seuil, 2009).
31 Jonathan J. G. Alexander, ‘Facsimiles, Copies, and Variations : The Relationship to the Model in Medieval and Renaissance European Illuminated Manuscripts’, Studies in the History of Art, 20 (1989), 61–72 ; Robert W. Scheller, Exemplum : Model-Book Drawings and the Practice of Artistic Transmission in the Middle Ages (ca. 900-ca. 1470), trad. Michael Hoyle (Amsterdam : Amsterdam University Press, 1995) ; Jérôme Baschet, ‘Inventivité et sérialité des images médiévales : Pour une approche iconographique élargie’, Annales. Histoire, Sciences Sociales, 51.1 (1996), 93–133.
32 Beate Fricke, ‘Artifex and Opifex – The Medieval Artist’, in A Companion to Medieval Art : Romanesque and Gothic in Northern Europe, éd. Conrad Rudolph, 2e éd. (Hoboken : Wiley-Blackwell, 2019), pp. 45–69, p. 47.
33 The Social Life of Illumination : Manuscripts, Images, and Communities in the Late Middle Ages, éd. Joyce Coleman, Mark Cruse et Kathryn A. Smith (Turnhout : Brepols, 2013) ; Joyce Coleman, Public Reading and the Reading Public in Late Medieval England and France (Cambridge : Cambridge University Press, 1996).
34 Kim W. Woods, ‘Art at Court’, in Art and Visual Culture, 1100–1600 : Medieval to Renaissance, éd. Kim W. Woods (Londres : Tate Publishing, 2012), pp. 173–209.
35 Perceforest, 1.1, p. 349.
36 Elizabeth J. Moodey, Illuminated Crusader Histories for Philip the Good of Burgundy (Turnhout : Brepols, 2012).
37 Mark Cruse, ‘Pictorial Polyphony : Image, Voice, and Social Life in the Roman d’Alexandre (Oxford, Bodleian Library, MS Bodley 264)’, in The Social Life of Illumination : Manuscripts, Images, and Communities in the Late Middle Ages (2013), pp. 371–401 ; Mark Cruse, Illuminating the Roman d’Alexandre : Oxford, Bodleian Library, MS Bodley 264. The Manuscript as Monument (Cambridge : Brewer, 2011).
38 Rosalind Brown-Grant, Visualizing Justice in Burgundian Prose Romance : Text and Image in Manuscripts of the Wavrin Master (1450s–1460s) (Turnhout : Brepols, 2020).
39 Il s’agit, pour rappel, de la miniature de ms. Londres, B.L., Royal 19 E II, fol. 348v.
40 Perceforest, éd. Gilles Roussineau, vol. 3.2 (Genève : Droz, 1991), pp. 215–17.
41 Christine Ferlampin-Acher, ‘Donner à voir le merveilleux : Miniatures et merveilleux dans quelques romans arthuriens en prose (xiiie–xve siècles)’, pp. 229–30.
42 Ilona Hans-Collas et Pascal Schandel, Manuscrits enluminés des anciens Pays-Bas méridionaux, p. 170 ; Christine Ferlampin-Acher, ‘Donner à voir le merveilleux : Miniatures et merveilleux dans quelques romans arthuriens en prose (xiiie–xve siècles)’, p. 229.
43 Ilona Hans-Collas et Pascal Schandel, Manuscrits enluminés des anciens Pays-Bas méridionaux, p. 12.
44 Peut-être, alors, faut-il chercher du côté de l’artiste pour expliquer la part de merveilleux dans ms. Paris, BnF, fr. 347 ? D’autant qu’un bref regard à d’autres œuvres du Maître aux grisailles fleurdelisées indique une possible spécialisation dans la représentation de l’extraordinaire, profane et religieux. Par exemple, ses miniatures illustrant Bellérophon et Persée contre les monstres de Lycie (Paris, BnF, fr. 3692, fol. 65v), Hercule contre les lions de la forêt de Némée (idem, fol. 95r), ou encore Saint Antoine tourmenté par les démons (ms. Los Angeles, J. Paul Getty Museum, Ludwig XI 8, fol. 6v) et la résurrection des morts (ms. Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, 9048, fol. 39).
45 Laurence Harf-Lancner, ‘L’image et le fantastique dans les manuscrits des romans de Chrétien de Troyes’, in Les manuscrits de Chrétien de Troyes, vol. 1, éd. Keith Busby, Terry Nixon, Alison Stones et Lori Walters (Amsterdam : Rodopi, 1993), pp. 457–88.
46 Souvenons-nous que le texte du Perceforest est, selon la majorité des spécialistes, composé au quatorzième siècle, tandis que les manuscrits et les miniatures qui les composent datent du quinzième. En cent ans d’histoire, le rapport à la merveille a vraisemblablement changé.
47 Laurence Harf-Lancner, Les fées au Moyen Âge. Morgane et Mélusine : la naissance des fées (Paris : Champion, 1984) ; Anne Berthelot, ‘Magiciennes et enchanteurs : comment apprivoiser l’Autre “faé”’, in Chant et enchantement au Moyen Âge, éd. Groupe de Recherches ‘Lectures Médiévales’ (Toulouse : Éditions universitaires du Sud, 1997).
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- Periodicity: Annual
- Language: French
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