La « culture de la guerre » dans les arts figuratifs des cours d’Italie centrale (Mantoue et Ferrare, 1494-1512)
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes / Journal of Medieval and Humanistic Studies
2019 – 2, n° 38. varia - Auteur : Rivière (Jean-Marc)
- Pages : 161 à 174
- Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes - Journal of Medieval and Humanistic Studies
LA « CULTURE DE LA GUERRE1 »
dans les arts figuratifs des cours d’Italie centrale
(Mantoue et Ferrare, 1494-1512)
« La politique a besoin des images », a écrit Horst Bredekamp dans sa Théorie de l’acte d’image, précisant qu’« elle fait naître des images, mais elle se conforme aussi à des images2 ». Si ce rapport essentiel et réciproque de la geste politique à l’image se vérifie pleinement en Italie dans le contexte courtisan de la seconde moitié du Quattrocento puis, à partir de l’éclosion du Maniérisme, dans les centres artistiques romain et florentin, le jugement de Bredekamp se heurte, durant la première phase des guerres d’Italie, à un enchaînement logique moins linéaire. À compter de l’entrée des troupes de Charles VIII, on assiste en effet à une déconnexion entre les images produites dans la Péninsule et la politique, considérée dans ce qui fait sa spécificité conjoncturelle, à savoir ses développements militaires3.
Alors que les scènes de bataille font pleinement partie de la tradition figurative de la seconde moitié du xve siècle4, John R. Hale signale ainsi 162l’existence de seulement trois représentations de la guerre réalisées par des artistes œuvrant en Italie entre 1494 et 15295 et souligne le contraste entre cette faible visibilité contemporaine du conflit et l’abondante imagerie produite dans les autres États intervenant, directement ou par l’intermédiaire de troupes mercenaires, dans les affaires péninsulaires. Dès la fin du xve siècle, on trouve en effet dans l’aire germanique des témoignages figuratifs d’épisodes militaires liés à la campagne italienne6, mais aussi, surtout à partir de 1510, de nombreuses scènes illustrant la vie militaire ou l’insertion sociale des soldats dans la vie civile7. En France, une attention spécifique est portée aux épisodes prestigieux, telles l’entrée de Louis XII à Milan ou la prise de Gênes8, ou bien favorables sur le plan militaire, comme les batailles de Fornoue, d’Agnadel ou de Marignan9. Justifiant cette différence de traitement par des particula163rismes régionaux (notamment une plus grande valorisation sociale de la figure du soldat dans l’aire germanique), Hale aboutit à la conclusion que ce type d’images reste « hors des limites de l’imagination des artistes italiens10 », sans aller plus avant dans l’explicitation d’un tel trouble de la représentation.
Or, cette crise de la figurabilité11 apparaît d’autant plus problématique que l’irruption soudaine de la « furie française12 » trouve, aux yeux des contemporains, une résonnance très forte. La nouvelle manière de faire la guerre, sanglante et impitoyable, introduite par les Français plonge les observateurs péninsulaires dans un état de sidération (dans la description, du moins, qu’en donnent Machiavel et Guicciardini), accentué par l’inédite quantification du nombre des morts qui accompagne désormais chaque épisode militaire13. Il n’est qu’à voir la majesté avec laquelle, sur le manuscrit de la Cronaca de Ferraiolo conservé à la Pierpont Morgan Library de New York, un illustrateur napolitain anonyme a représenté les troupes françaises entrant à Naples à la suite de Charles VIII pour comprendre le saisissement que suscite, partout, le passage de cette 164armée14. De ce fait, comme le note Franco Cardini dans son ouvrage consacré à La culture de la guerre,
quelque chose d’irréparable s’était produit lorsque le roi de France, Charles VIII, avait fait irruption en Italie : c’en était fini des rencontres peu sanglantes, des campagnes interminables ponctuées de ballets diplomatiques. Le doux jardin clos, hortus conclusus, auquel s’étaient accoutumés les princes italiens était dévasté et mis sens dessus dessous. La guerre n’était plus un passe-temps, ou le moyen d’occuper des mercenaires par trop turbulents : elle était devenue l’instrument principal d’une lutte politique pour l’hégémonie à l’échelle européenne15.
La guerre devient ainsi le point cardinal autour duquel s’articule désormais la réflexion politique, puis historiographique, car il s’agit là, selon les mots d’Andrea Matucci, « d’une nouveauté trop attendue et trop crainte pour ne pas se manifester, d’abord dans les esprits, ensuite dans les œuvres16 ». Le décalage chronologique relevé par Matucci sépare deux temps distincts : à celui de la perception d’une inadéquation entre la réalité historique et les outils dont on dispose pour la comprendre et la décrire, devenus brutalement obsolètes, succède celui de l’élaboration d’un appareil linguistique et conceptuel capable de réaliser la jonction entre ces plans hétérogènes et d’amener ainsi une synthèse productrice de sens. Chez Machiavel et Guicciardini, le point de bascule entre ces deux moments, pour des raisons qui relèvent autant de leur parcours individuel que de la conjoncture, se réalise durant les années 1512-151317.
Que le conflit soit longuement exclu du champ figuratif interroge sur la possibilité d’une transposition dans le domaine artistique d’une semblable dichotomie. Dans la mesure où le geste esthétique relève d’une mise en ordre du monde, on peut en effet douter de sa compatibilité avec un univers au sein duquel, selon les mots de Daniel Arasse et 165d’Andreas Tönnesmann, « la structure même de la réalité est devenue labile18 » depuis l’irruption de Charles VIII. Dès lors, tout comme dire la guerre nécessite d’avoir un recul suffisant pour en percevoir pleinement les enjeux dans un espace géopolitique élargi, vouloir la représenter ne nécessiterait-il pas une prise de distance par rapport à la narration événementielle, puisqu’aucune forme de causalité simple ne permet plus d’expliquer l’enchevêtrement factuel dans lequel se trouve plongée la Péninsule ? Ceci reviendrait à dire que, pas davantage qu’on ne peut raisonner de la guerre lorsqu’on la fait19, on ne pourrait la montrer de façon concomitante, sauf à inventer de nouvelles modalités discursives, dont l’avènement du Maniérisme et l’invention de la peinture de bataille en tant que genre, durant la troisième décennie du xvie siècle20, seraient les premières occurrences. L’objet de notre étude n’est donc pas la question théorique du statut documentaire de l’œuvre d’art, ni même celle des modalités, techniques ou esthétiques, selon lesquelles le conflit ou la violence sont représentés dans les arts. Notre démarche est au contraire d’ordre phénoménologique : il s’agit d’analyser la manière dont un événement, générateur d’un état de crise, travaille la relation entre le fait historique et l’œuvre d’art, puis d’observer selon quel « tempo » – pour reprendre le terme employé par Florence Alazard à propos du Sac de Rome21 – s’effectue ce mouvement.
Compte tenu des liens complexes autour desquels se noue la relation entre un artiste et ses commanditaires, et à défaut de pouvoir mener ici une étude extensive à l’échelle péninsulaire, nous concentrerons notre attention sur les cours de Mantoue et de Ferrare. Celles-ci présentent en effet la particularité commune d’être des entités dynastiques pérennes qui, quoique touchées sur leur territoire par les guerres d’Italie, parviennent à 166conserver leur autonomie politique, notamment grâce à leur implication aux côtés de la France22, offrant ainsi un cadre stable aux artistes qui y œuvrent. Elles sont par ailleurs liées entre elles par un solide réseau familial et diplomatique23, mais aussi artistique24, ce qui en fait un champ d’études homogène. En outre, comme le signalent Guido Beltrami et Aldolfo Tura, le fort retentissement des sanglants épisodes militaires y ancre profondément la « culture de la guerre » qui nous intéresse ici25. Afin que la comparaison avec le domaine historiographique soit cohérente sur le plan chronologique, nous nous intéresserons plus spécifiquement à la période qui court de l’entrée de Charles VIII en Italie jusqu’aux pleins développements de la bataille de Ravenne, sans pour autant refuser, au terme de notre étude, une ouverture sur la période successive.
Tout comme Hale l’a perçu à l’échelle de la péninsule italienne, la guerre en elle-même est presque absente du corpus pris ici en considération. Le seul épisode militaire dont nous ayons retrouvé un témoignage figuratif est la bataille de Polesella (1509), dont un artiste anonyme a fait en 1511 le sujet d’une xylographie, insérée dans un volume intitulé Rotta facta per il Duca de Ferrara a la Bastia et conservé à la Biblioteca Comunale de Trente26. S’appuyant sur une technique sommaire, l’auteur de cette xylographie met en relief le rôle joué par 167l’artillerie ferraraise dans la victoire sur la flotte vénitienne et représente Alphonse Ier se tenant derrière ses troupes, dans une position d’observateur-stratège. Concomitamment se développe une imagerie qui montre Alphonse d’Este en chef de guerre remerciant l’intercession divine pour ses victoires. Il est ainsi figuré en armure, l’épée au côté et le bassinet aux pieds, agenouillé devant saint Maurielo, sur l’une des trois plaques d’argent gravées en 1512 par Giannantonio Leli da Foligno et conservées dans la basilique Saint-Georges à Ferrare. En retrait se tient son destrier caparaçonné, surveillé par deux écuyers armés, tandis qu’on distingue en arrière-plan une puissante forteresse posée sur un promontoire27. C’est toujours en armure et en prière, les yeux dirigés vers le ciel, qu’Alphonse est représenté à l’intérieur d’une lettrine peinte par Matteo da Milano dans les années 1510-1512 sur le manuscrit de l’Offiziolo alfonsino, conservé au Museu Calouste Gulbenkian de Lisbonne28. Le choix, commun à ces deux œuvres, d’une représentation de profil témoigne de la volonté commémorative29 qui procède à leur réalisation. L’image du Duc n’est toutefois pas encore fixée dans sa forme définitive : il faut attendre les années 1534-1536, avec le Portrait d’Alphonse d’Este de Battista Dossi (Modène, Galleria Estense), bien plus moderne dans sa forme comme dans ses intentions, pour que soit figuré un souverain autrement plus volontaire et maître de sa puissance, dont la victoire militaire doit désormais davantage à ses qualités de commandement (ce dont témoigne le parfait ordonnancement de ses troupes, représentées en arrière-plan) qu’à la volonté divine.
La représentation d’Alphonse Ier, telle qu’elle se met en place durant les années 1510-1512, n’est guère originale, puisqu’elle imite le célèbre prototype composé par Mantegna pour François de Gonzague. C’est en effet agenouillé et en tenue de combat que le marquis de Mantoue se trouve portraituré en donateur sur le retable de la Vierge de la Victoire, installée dans l’église de Santa Maria della Vittoria le 6 juillet 1496 pour commémorer le premier anniversaire de la bataille de Fornoue30. 168Tout aussi désireux que les Français de donner à cet épisode militaire au dénouement douteux les contours d’une indéniable victoire, François met en exergue son rôle décisif dans l’issue du combat, dont faisaient écho les mots « victoriae memor » inscrits en haut du cadre original, aujourd’hui disparu. Si l’épisode militaire en lui-même n’est pas figuré sur le tableau, ses traces y sont disséminées et tissent un réseau de relations symboliques aisément déchiffrable. Outre que l’armure du marquis est une parfaite représentation de celle qu’il portait le jour de la bataille, la lance brisée de saint Georges est une allusion aux dangers qu’il a affrontés ce jour-là, au péril de son intégrité physique, tandis que la présence de Longin (qui est venu mourir à Mantoue après s’être converti) renvoie au fait que Francesco a offert la lance avec laquelle il a combattu à son frère Sigismondo, qui l’a alors comparée « au fer de la lance de Longin qui, telle celle ayant servi à verser le sang pour la rédemption de l’homme, fut cette fois l’outil du salut et de la libération de l’Italie31 ».
François de Gonzague n’entend donc pas être un simple supplétif de l’armée française, mais clame sa vocation à jouer un rôle central dans le grand chambardement géopolitique qui semble se dessiner. On en veut pour preuve le fait que, simultanément, il confie à Sperandio la réalisation d’une médaille, sur le revers de laquelle il se fait représenter sur le champ de bataille, une fois la victoire acquise, sous l’inscription « ob restitutam italiae libertatem ». Cœur d’un projet figuratif global, la bataille de Fornoue est en outre le sujet d’un tableau commandé en octobre 1495 à Francesco Bonsignori32, destiné à être associé, au sein du Palais San Sebastiano, aux Triomphes de César de Mantegna (1484-1495) et à L’expulsion des Buonacolsi de Domenico Morone (1494), qui célèbre l’instauration de la seigneurie gonzaguienne en 1328. Ces tableaux s’insèrent dans un cycle commémoratif plus large encore, puisque François commande à plusieurs autres peintres, dont Pietro Antonio Guerzo, des œuvres destinées à chanter les triomphes militaires de son aïeul Ludovic 169pour la salle dite « des victoires » de son château de Guastalla33. La célébration de l’épisode de Fornoue permet donc non seulement à François de Gonzague d’affirmer ses futures ambitions politiques dans une Italie sous domination française, mais également d’affirmer sa place au sein d’une prestigieuse lignée dynastique, légitimant ainsi doublement son prestige personnel dans un contexte peu lisible, riche de potentielles opportunités, mais aussi de menaces encore mal perceptibles.
Ce serait toutefois fortement restreindre la présence figurative du conflit que de la limiter à ces seules images de seigneurs en représentation. Nombreuses sont en effet les traces laissées par la guerre dans des œuvres dont la thématique relève de l’istoria religieuse. La plus aisée à observer est la propension à faire figurer en arrière-plan, parmi les éléments du décor, des bâtiments militaires, places-fortes, châteaux ou bourgades fortifiées. Tel est le cas dans nombre d’œuvres de Domenico Panetti (Saint André, 1497-1500, Ferrare, Pinacoteca Nazionale), de Boccaccio Boccaccino (Adoration des mages, 1499-1500, Naples, Galleria Nazionale di Capodimonte ; Vierge et l’Enfant entre sainte Catherine d’Alexandrie, une sainte martyre, saint Pierre et saint Jean-Baptiste, vers 1506, Venise, Galleria dell’Accademia), de Garofalo (Vierge et l’Enfant, 1499-1502, Assise, Museo-Tesoro del Sacro Convento ; Vierge et l’Enfant en majesté, entre saint Dominique et sainte Catherine de Sienne, 1499-1502, Londres, National Gallery) ou encore de Ludovico Mazzolino (Vierge et l’Enfant en majesté, 1509, Berlin, Staatliche Museen ; Sainte Famille avec saint Albert de Trapani, vers 1509, collection privée34).
Si la présence de ces bâtiments n’est pas inédite en elle-même, elle prend toutefois un sens nouveau à partir de 1494. Durant le dernier quart du xve siècle, ceux-ci jouaient en effet un rôle structurant sur le plan de la composition, mais étaient souvent dénués de tout réalisme architectural, à l’image du château féérique que l’on aperçoit par la fenêtre dans la Nativité peinte vers 1490 par Lorenzo Costa (Lyon, Musée des Beaux-Arts). Dans les œuvres réalisées après le tournant du siècle, les forteresses se multiplient, gagnent en réalisme et, surtout, perdent leur fonction strictement picturale pour entretenir désormais un rapport 170fondamental avec le territoire figuré en arrière-plan. Leur présence symbolique témoigne de la densité du maillage défensif mis en place dans les États de Mantoue et de Ferrare et, par ricochet, du bon gouvernement des seigneurs qui ont su anticiper la tempête qui s’est abattue sur l’Italie. Comme l’ont noté Jean-Louis Fournel et Jean-Claude Zancarini à propos de la situation antérieure à 1521, « les villes qui sont prises », dans un espace dilaté par l’impétueuse guerre de conquête menée par les Français35, « sont celles qui ne se défendent pas36 ». Or, le territoire ici figuré se caractérise, au contraire, par sa faculté de borner l’espace et de l’enfermer dans un réseau défensif serré, garantissant par là un ordre qui a disparu ailleurs.
Ceci est d’autant plus perceptible que toute violence militaire semble exclue des œuvres de notre corpus. Si des soldats sont bel et bien présents en arrière-plan, ils y jouent, pour la plupart, un rôle anecdotique. Chez Panetti (Vierge et l’Enfant en majesté avec deux dévots, 1497-1500, Ferrare, Museo della Cattedrale), on les distingue à peine, tandis que, dans l’Adoration des mages de Mazzolino (1500-1502, Avignon, Musée du Petit Palais), les cavaliers armés qui occupent la partie gauche du tableau ne semblent guère concernés par la scène principale. Un exemple intéressant de cette présence militaire diffuse se trouve sur la Vierge et l’Enfant en majesté entre saint Antoine de Padoue et saint Sébastien du Maestro della Maddalena Assunta (1504-1505, Richmond, Virginia Museum of Fine Arts) : reprenant la solution employée par Ercole de’ Roberti sur sa Pala Portuense (1479-1481, Milan, Pinacoteca di Brera)37, le peintre y a représenté des soldats visibles à travers un orifice rectangulaire percé dans le socle du trône de la Vierge. La mise en abîme ainsi créée illustre bien la relation complexe qui, dans ces exemples, lie la présence militaire à l’istoria. La balance entre nécessité historique et hétérogénéité thématique bascule cependant parfois en faveur de la première : sur l’Adoration des Mages de Lorenzo Costa (1499, Milan, Pinacoteca di Brera), les soldats figurés au centre du tableau repoussent ainsi à l’extrême gauche, en position annexe, le sujet central du tableau.
171Toutefois, lorsque le sujet impose la présence de soldats, ceux-ci sont intégrés au contexte contemporain grâce au réalisme de leurs armures et de leur armement. C’est le cas dans la Montée au Calvaire de Boccaccino (vers 1497, Londres, National Gallery) : le condottiere qui fixe le spectateur du haut de son destrier présente tous les atours du réalisme historique, tout comme les soldats qui entraînent le Christ38. Ainsi en va-t-il de ceux qui occupent la partie gauche du Salomé présentant à Hérode la tête de saint Jean-Baptiste de Dosso Dossi (vers 1510, Milan, collection privée39). Notons que, dès lors que des soldats en viennent à commettre des actes de violence, ils perdent ce lien mimétique avec la réalité contemporaine : les hommes d’armes que Mazzolino représente au second plan de sa Nativité (1506-1507, Parme, Collezioni d’arte della Cassa di Risparmio di Parma e Piacenza) sont des soldats d’opérette, plus proches de ceux que Mantegna a représentés dans ses Triomphes de César que des troupes qui traversent les campagnes émiliennes. Cette tendance à la décontextualisation de la violence atteint son paroxysme chez Mazzolino : lorsque celui-ci insère, dans une série de trois œuvres (La Vierge et l’Enfant en majesté, La Sainte Famille avec saint Albert de Trapani et La Sainte Famille avec saint Sébastien et saint Roch40), des bas-reliefs figurant des combats, il fait le choix d’une synthèse visuelle entre des décors de sarcophages romains, les fresques de Piero della Francesca à Arezzo et le Combat d’hommes nus de Pollaiuolo.
La guerre se trouve donc saisie dans son aspect phénoménologique, à travers les traces qu’elle laisse sur un territoire, soit en creux à travers le réticule des forteresses qui garantissent la solidité défensive des États considérés, soit plus directement à travers la présence des soldats qui, tout comme ils peuplent l’espace réel, jalonnent l’espace pictural. C’est une rassurante impression de maîtrise et de stabilité qui se dégage de cet univers d’où est éliminé tout indice d’un possible chaos à venir : les bâtiments ne portent pas les stigmates du conflit, pas plus que les soldats ne viennent troubler l’ordre de l’istoria ou qu’on n’observe de dérèglements au niveau visuel, comme ce sera le cas durant le moment maniériste. 172Ce n’est donc pas parce qu’elle n’est pas là qu’on ne voit pas la guerre, mais bien parce qu’un ordre politique et pictural est établi, dans le but de faire rempart aux incertitudes conjoncturelles41. Or, comme le note Marie-Luce Liberge, le rôle de l’artiste est « de prendre en charge, de façon esthétique – c’est-à-dire en élaborant des formes – ce qui semble relever d’un inexprimable apparent », c’est-à-dire « de se confronter à cet inexprimable, de le déjouer, et d’en faire quelque chose42 ». Le discours artistique sur les guerres d’Italie ne peut, par conséquent, faire l’économie d’une confrontation avec cette aporie.
La solution choisie par plusieurs artistes consiste alors à investir le champ de la métaphore, en saturant l’espace visuel d’un élément qui, mieux que tout autre, symbolise le conflit en cours : l’épée. Ainsi retrouve-t-on de manière récurrente – et parfois saugrenue – des espadons dans nombre de tableaux de notre corpus : songeons par exemple à ceux, dont l’anachronisme par rapport à l’istoria saute aux yeux, que tiennent chez Boccaccino sainte Catherine (Vierge et l’Enfant entre saint Jean-Baptiste et Catherine d’Alexandrie, 1504-1505, Venise, Museo Correr) ou saint Paul (Vierge et l’Enfant entre saint Pierre et saint Paul). Deux exemples indiquent que cette présence revêt une puissante signification symbolique. Dans la Montée au Calvaire (vers 1497, Londres, National Gallery) de Boccaccino, c’est bien vers l’immense épée tenue au premier plan par un écuyer qu’est fixé le regard du Christ, tandis que, dans la Vierge et l’Enfant en majesté (1503, Ferrare, Pinacoteca Nazionale) de Panetti, le pommeau de l’épée que tient saint Guy est orienté vers le point de fuite, dirigé sur l’entrejambe de la Vierge, là où se lient sa main et le pied de Jésus.
Cette épée, bien sûr, est l’attribut majeur du Portrait d’un guerrier avec un écuyer, dit Gattamelata, attribué à Giorgione (1501, Florence, Offices), qui domine de sa puissance l’arsenal des armes posées sur la table devant lui43. L’épée du condottiere se dresse à ses côtés dans une verticalité parfaite, telle un crucifix. D’ailleurs, dans la peinture des cours de Ferrare et de 173Mantoue, ce sont, à l’inverse, les crucifix qui prennent la forme d’une épée. Tel est fréquemment le cas chez Boccaccino (Vierge et l’Enfant, 1504-1505, Birmingham, Birmingham Museum and Art Gallery ; Vierge et l’Enfant entre saint Jean-Baptiste et Catherine d’Alexandrie ; Saint Jérôme, 1504-1505, Cremone, Museo Civico Ala Ponzone ; Vierge et l’Enfant entre sainte Catherine d’Alexandrie, une sainte martyre, saint Pierre et saint Jean-Baptiste), mais aussi chez Panetti, qui nous en offre une version tout à fait étonnante : dans sa Vierge et l’Enfant en majesté (vers 1495, Hanovre, Niedersächsische Landesgalerie), du sang semble s’écouler de l’extrémité inférieure du Crucifix tenu par saint Jérôme, comme s’il s’agissait là de la pointe d’une épée. Osons l’hypothèse que cette assimilation entre le crucifix, arme des fidèles, et l’épée, arme des soldats, tire sa source de la Vierge de la Victoire. Mantegna, dont l’importance comme inventeur de prototypes se vérifie à nouveau, y structure en effet l’espace en fonction des éléments verticaux qui rythment sa composition, dans un jeu de rappels complexe et raffiné : si, dans la partie gauche, le crucifix de saint André fait écho, tant dans sa forme que par sa position, à l’épée de saint Michel, à droite la lance de saint Georges répond à la lance brisée de Longin, qui se prolonge dans le fin crucifix tenu par saint Jean-Baptiste enfant.
Plus la situation géopolitique se décante et s’éclaire, et plus les traces de la « condition des temps » deviennent perceptibles dans les arts figuratifs. Ainsi, les soldats armés de hallebardes, de lances et de rondaches qui, vêtus à la manière des lansquenets, occupent le second plan de l’Agonie dans le Jardin des Oliviers de Battista Dossi (vers 1516, Ferrare, Pinacoteca Nazionale) semblent en alerte et prêts au combat, loin de ceux qui, deux décennies plus tôt, discutaient tranquillement avec des chasseurs chez Panetti (Vierge et l’Enfant en majesté avec deux dévots). Simultanément, les soldats deviennent les sujets de portraits individuels. Dosso Dossi semble s’en faire une spécialité, peignant coup sur coup un Portrait d’homme (vers 1517, Florence, Offices), un Portrait d’homme au béret noir (vers 1517, Stockholm, Nationalmuseum) et un Portrait d’homme au béret rouge et à l’épée (1517-1518, Cambridge, Fogg Art Museum). Le soldat n’est plus un motif accessoire qu’un peintre figure dans un angle de sa composition : élément central de la vie péninsulaire, il acquiert une place équivalente dans le tableau, mais gagne également sa place aux côtés de son seigneur, qui partage désormais avec lui ses honneurs. 174Ainsi Lorenzo Costa peint-il en 1522 Frédéric II de Gonzague au milieu de ses troupes pour célébrer sa nomination, l’année précédente, comme Capitaine de l’Église44. Cette évolution prépare l’avènement, à partir du milieu du xvie siècle, de la grande saison de la peinture de batailles, grâce à laquelle la « culture de la guerre » entre pleinement dans le champ figuratif italien45.
Refermons cette étude sur un étonnant paradoxe : si, comme nous le suggérons ici, on admet l’idée que les champs figuratif et historiographique avancent sur des voies parallèles durant cette période si particulière, c’est un épisode en tout point déconnecté de la réalité contemporaine, la Bataille d’Anghiari de Léonard de Vinci, qui synthétise visuellement le mieux ce que Machiavel et Guicciardini, parmi d’autres, ressentent sur le plan intellectuel, à savoir l’entremêlement chaotique des actions et la confusion d’une lutte noyée sous une poussière qui empêche de distinguer les mouvements des uns et des autres. On est bien là au cœur de la spécificité d’un art qui, comme l’a indiqué Daniel Arasse, « est amené à remplir une fonction exceptionnelle : donner une solution, imaginaire, certes, mais efficace à ce niveau, aux questions que le siècle multiplie46 ».
Jean-Marc Rivière
Aix-Marseille Université
Centre Aixois d’Études Romanes
1 Cette expression, reprise de l’ouvrage La culture de la guerre. xe-xviiie siècle, nous semble intéressante par l’ampleur du champ qu’elle couvre : outre les considérations strictement militaires, Franco Cardini y inclut les éléments sociologiques et juridiques, mais aussi les aspects littéraires et artistiques, ainsi que les données économiques, technologiques, logistiques, tactiques ou encore stratégiques, dans F. Cardini, La culture de la guerre. xe-xviiie siècle, Paris, Gallimard, 1992, p. 12-13.
2 H. Bredekamp, Théorie de l’acte d’image, Paris, Éditions de la Découverte, 2015, p. 182.
3 Ainsi Jean-Louis Fournel indique-t-il que l’« l’émergence dans la péninsule d’une nouvelle façon de penser et d’écrire l’histoire et la politique […] met justement au centre de la réflexion la question de la “guerre” », dans J.-L. Fournel, « La “brutalisation” de la guerre. Des guerres d’Italie aux guerres de Religion », Astérion [En ligne], 2, 2004, § 2, mis en ligne le 05 avril 2005 (consulté le 31.03.2018). Précisons d’emblée que notre champ de réflexion est ouvert à ce qui relève du contexte militaire de façon directe (représentation de batailles ou de soldats), mais aussi à ce qui, plus largement, informe de la guerre, comme témoignage de celle-ci (représentation des conséquences de la guerre sur les populations ou sur le territoire) ou simple expression de sa présence.
4 Voir Orlando Furioso 500 anni. Cosa vedeva Ariosto quando chiudeva gli occhi, éd. G. Beltramini et A. Tura, Ferrare, Fondazione Ferrara Arte, 2016, p. 259-262.
5 Ces œuvres sont une gravure signée d’un « Na. Dat. » non identifié représentant la bataille de Ravenne, une gravure sur bois imprimée à Venise par Giovanni Andrea Vavassore illustrant la bataille de Marignan et un tableau sur panneau de bois consacré à la bataille de Camollia (1526) attribué à Lorenzo Cini et faisant office de couverture au livre des gabelles de Sienne, dans J. R. Hale, Artists and Warfare in the Renaissance, New Haven & London, Yale University Press, 1990, p. 140-144. Il faut ajouter à cette liste deux œuvres mineures non recensées par Hale : une xylographie anonyme représentant la bataille de Polesella, sur laquelle nous reviendrons par la suite, ainsi qu’un ex-voto conservé dans le sanctuaire de la Madonna del Monte de Cesena commémorant un épisode de la bataille éponyme (la reddition d’un soldat, qui lui a permis d’avoir la vie sauve), reproduit dans A. Merendoni, Armi e armati nell’Italia dei secoli xv-xvi, Rimini, Il Cerchio, 1993, p. 39. Nous n’incluons dans cette liste ni la Bataille d’Anghiari de Léonard de Vinci ni la Bataille de Cascina de Michelange qui, si elles contribuent fortement à former l’esthétique du genre de la peinture de bataille durant la seconde moitié du xvie siècle, délaissent toute référence directe au contexte contemporain.
6 Peter Paret cite ainsi deux représentations germaniques de la campagne française contre Gênes : un dessin de Niklaus Manuel représentant l’assaut de la forteresse de Castellazzo par les troupes françaises, secondées par des mercenaires suisses, au printemps 1507, ainsi que des illustrations de la Luzerner Chronik (1513) réalisées par Diebold Schilling le Jeune, dans P. Paret, Imagined Battles. Reflections of War in European Art, Chapel Hill & Londres, The University of North Carolina Press, 1997, p. 1-10.
7 Sur l’avènement du genre de la Soldatenleben, voir Hale, Artists and Warfare, p. 42-72 et 92-108.
8 L’entrée de Louis XII à Milan est le sujet d’une miniature réalisée vers 1500 sur le manuscrit de Les Alarmes de Mars sur le voyage de Milan, avec la conqueste et entrée d’icelle conservé à la BnF de Paris, tandis qu’à la prise de Gênes est consacrée une miniature de Jean Marot insérée dans le manuscrit du Voyage de Gênes, daté de 1508 environ et conservé lui aussi à la BnF.
9 La bataille de Fornoue est notamment l’objet de deux représentations : une estampe insérée dans la seconde édition des Chroniques de Bretagne d’Alain Bouchart, imprimée en 1518 par Michel Angier (site tablettes-rennaises.fr, consulté le 25.04.2018), et une gravure extraite de La Mer des histoires, reproduite dans J.-L. Fournel et J.-Cl. Zancarini, Les guerres d’Italie. Des batailles pour l’Europe (1494-1559), Paris, Gallimard, 2003, p. 25. Louis XII et ses vassaux sont représentés honorant les soldats tombés à Agnadel sur une miniature de Raoul Bollart conservée à la Bibliothèque de Genève et reproduite dans J. Gagné, « Counting the Dead : Traditions of Enumeration and the Italian Wars », Renaissance Quarterly, 67, 2014, p. 805. Une miniature contemporaine figurant la bataille de Marignan, attribuée au Maître à la Ratière, est conservée au Musée Condé de Chantilly.
10 Hale, Artists and Warfare, p. 93. Il y a, derrière ce propos, l’ébauche d’un questionnement esthétique plus profond qu’il n’y paraît : Jackie Pigeaud indique ainsi, parmi ses interrogations majeures, sa volonté de « comprendre comment, affrontée à un problème pratique, l’imagination éprouve ses propres limites », dans J. Pigeaud, L’art et le vivant, Paris, Gallimard, 1995, p. 14.
11 Ce terme est ici employé dans l’acception qu’en donne Georges Didi-Huberman : « la figurabilité s’oppose à ce que nous entendons habituellement par “figuration”, de même que le moment visuel, qu’elle fait advenir, s’oppose ou plutôt fait obstacle, incision et symptôme, dans le régime “normal” du monde visible, régime où l’on croit savoir ce que l’on voit, c’est-à-dire où l’on sait dénommer chaque aspect que l’œil aime à capturer », dans G. Didi-Huberman, Devant l’image, Paris, Les Éditions de Minuit, 1990, p. 38.
12 Sur l’usage de cette expression, notamment chez Francesco Guicciardini, voir J.-L. Fournel et J.-Cl. Zancarini, « Come scrivere la storia delle guerre d’Italia ? », La “Storia d’Italia” di Guicciardini e la sua fortuna, éd. C. Berra et A. M. Cabrini, Milan, Cisalpino, 2012, p. 181-182, ainsi que M. Pellegrini, Le guerre d’Italia. 1494-1530, Bologne, Il Mulino, 2009, p. 29-41.
13 L’« effet de réel » ainsi créé est finement analysé dans Gagné, « Counting the Dead », p. 791-840.
14 Cet appareil iconographique est reproduit dans Una cronaca napoletana figurata del Quattrocento, éd. R. Filangieri, Naples, L’Arte tipografica, 1956.
15 Cardini, La culture de la guerre, p. 82.
16 « Ma la guerra nuova è soprattutto […] incontenibile e straordinaria violenza, morte e strage : è realizzazione nella storia, anche al di là dello stesso dato storico reale, di una novità troppo attesa e troppo temuta per non manifestarsi, prima nella mente e poi nelle opere », dans A. Matucci, « “E farai alcun fiume” : il mito della battaglia di Fornovo fra Leonardo e Machiavelli », Les guerres d’Italie. Histoire, pratiques, représentations, éd. D. Boillet et M.-F. Piéjus, Paris, Université Paris III Sorbonne Nouvelle, 2002, p. 111.
17 Voir J.-M. Rivière, L’expérience de l’autre. Les premières missions diplomatiques de Machiavel, Vettori et Guicciardini, Aix-en-Provence, PUP, 2018, p. 10-19.
18 D. Arasse et A. Tönnesmann, La Renaissance maniériste, Paris, Gallimard, 1997, p. 43.
19 Rappelons les mots de Machiavel qui, dans sa lettre à Guiccardini en date du 3 janvier 1526, écrit : « Sempre, mentre che io ho di ricordo, o e’ si fece guerra, o e’ se ne ragionò », dans N. Machiavelli, Lettere a Francesco Vettori e a Francesco Guicciardini, éd. G. Inglese, Milan, Rizzoli, 1996, p. 340.
20 La réalisation de la Chambre de Constantin, qui marque historiquement la confluence de ces deux nouveautés, date des années 1520-1524 : Federico Zeri signale ainsi La Bataille de Constantin contre Maxence, exécutée par Giulio Romano à partir d’un carton de Raphaël, comme un élément basilaire de la « préhistoire » du genre de la peinture de bataille, dans La battaglia nella pittura del xvii e xviii secolo, éd. P. Consigli, Parme, Silva Editore, 1994, p. xviii.
21 F. Alazard, « Les tempos de l’histoire : à propos des arts dans l’Italie de la Renaissance », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 2002/5, no 49-4bis, p. 32-34.
22 Sur la proximité de François de Gonzague avec le cœur du pouvoir français, voir L. Vissière, « Une amitié hasardeuse : Louis II de la Trémoille et le marquis de Mantoue (1495-1503) », Louis XII en Milanais, éd. Ph. Contamine, Paris, Champion, 2003, p. 149-171. Sur le positionnement diplomatique et militaire de Ferrare et de Mantoue durant les guerres d’Italie, voir D. Frigo, « ‘Small States’ and Diplomacy : Mantua and Modena », Politics and Diplomacy in Early Modern Italy. The Structure of Diplomatic Practice, 1450-1800, éd. D. Frigo, Cambridge, Cambridge University Press, p. 147-175.
23 Voir notamment T. Dean, « Francesco II Gonzaga, Marquis of Mantua », The French Descent into Renaissance Italy 1494-1495. Antecedents and Effects, éd. D. Abulafia, Aldershot, Variorum, 1995, p. 217-229, ainsi que M. Menegatti, « Cronistoria biografica di Alfonso I d’Este (1476-1534) », dans Alfonso I d’Este. Le immagini e il potere : da Ercole de’ Roberti a Michelangelo, éd. V. Farinella, Milan, Officina Libraria, 2014, p. 726-928.
24 Lorenzo Costa, né à Ferrare en 1460, meurt ainsi à Mantoue en 1535. Un autre témoignage significatif des liens artistiques qui unissent ces deux cours est le passage de Dosso Dossi de Mantoue à Ferrare, au sujet duquel on consultera P. Humfrey e M. Lucco, Dosso Dossi. Pittore di corte a Ferrara nel Rinascimento, Ferrare, Ferrara Arte, 1998, p. 3-4.
25 « Va detto che la cultura della guerra è parte integrante del mondo delle corti padane fra Quattro e Cinquecento, ed esperienza personale del vissuto di ciascuno. Le battaglie di Polesella (1509) e soprattutto quella di Ravenna (1512) sono eventi che scuotono profondamente le coscienze », dans G. Beltrami et A. Tura, « Cosa vedeva Ariosto quando chiudeva gli occhi », Orlando Furioso, éd. Beltramini et Tura, p. 20.
26 Alfonso I d’Este, éd. Farinella, p. 242.
27 Alfonso I d’Este, éd. Farinella, p. 263.
28 Alfonso I d’Este, éd. Farinella, p. 262-263.
29 Sur le sens et l’usage du profil dans les portraits italiens du xve et du début du xvie siècle, voir J. Lipman, « The Florentine Profile Portrait in the Quattrocento », The Art Bulletin, Vol. 18, no 1 (mar. 1936), p. 64-97.
30 Sur les circonstances dans lesquelles cette œuvre a été réalisée, voir Mantegna. 1431-1506, éd. G. Agosti et D. Thiébaut, Paris, Hazan – Musée du Louvre Éditions, 2008, p. 293-296.
31 Mantegna. 1431-1506, p. 306.
32 L’existence du tableau de Bonsignori, aujourd’hui disparu, était encore avérée au xixe siècle, bien qu’on ignore tout de sa composition et de son sujet exact. Les études préliminaires montrent toutefois l’intérêt du peintre pour la topographie du champ de bataille, comme le signale J. Kliemann, dans Gesta dipinte. La grande decorazione nelle dimore italiane dal Quattrocento al Seicento, Cinisello Balsamo, Silvana Editoriale, 1993, p. 102.
33 Voir J. Burckhardt, Italian Renaissance Paintings according to Genres, Los Angeles, Getty Publications, 2005, p. 182.
34 Ce tableau est reproduit dans A. Ballarin, Dosso Dossi. La pittura a Ferrara negli anni del ducato di Alfonso I, Cittadella, Bertoncello Artigrafiche, 1995, fig. 68.
35 Fournel, « La “brutalisation” de la guerre », § 8.
36 « Le città che si prendono sono dunque quelle che non si difendono », dans Fournel et Zancarini, « Come scrivere », p. 189.
37 Il s’agit là d’une modalité figurative propre à l’école ferraraise des années 1470, puisqu’on la retrouve, par exemple, dans le Triomphe de sainte Ursule (vers 1475) du Musée Jacquemart-André, attribué à Francesco del Cossa.
38 L’intérêt de Boccaccino pour la représentation réaliste des soldats est d’ailleurs confirmé par l’étude d’un homme de troupe vu de dos, réalisée vers 1502 et conservée au Fogg Art Museum de Cambridge.
39 Ballarin, Dosso Dossi, fig. 81.
40 La présence sur le marché londonien de ce tableau, daté de 1511, est attestée dans Ballarin, Dosso Dossi, fig. 76.
41 On touche là du doigt un axe problématique majeur de la réflexion sur l’image, dont la production, comme l’a noté Éric Michaud, « n’engage pas tant un processus de figuration du réel qu’un processus de sélection et d’interprétation de ce qu’elle mémorise », dans É. Michaud, « La construction de l’image comme matrice de l’histoire », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 2001/4 (no 72), p. 42.
42 M.-L. Liberge, Images & violences de l’histoire, Paris, L’Harmattan, 2014, p. 9.
43 Notons que c’est une épée presque identique (et cette fois anachronique) que, toujours chez Giorgione, tient Judith dans le tableau éponyme (vers 1504, Saint-Pétersbourg, Hermitage).
44 Nous nous appuyons ici sur une fiche de la Fondazione Federico Zeri (http://catalogo.fondazionezeri.unibo.it, consulté le 12.05.2018), qui montre une reproduction en noir et blanc de ce tableau et le localise à la National Gallery de Prague. Nous n’avons cependant pas été en mesure d’identifier ce tableau, soit qu’il ait été détruit, soit qu’il s’agisse là d’une erreur d’attribution ou de localisation.
45 Voir notamment Bellum. Battaglie nell’arte, éd. F. Arisi, Pesaro, Mondavio, 1994, ainsi que J. Delaplanche et A. Sanson, Peindre la guerre, Paris, Nicolas Chaudun, 2009.
46 D. Arasse, L’homme en jeu, Paris, Hazan, 2012, p. 17.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-10454-4
- EAN : 9782406104544
- ISSN : 2273-0893
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-10454-4.p.0161
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 01/04/2020
- Périodicité : Semestrielle
- Langue : Français
- Mots-clés : Arts, Renaissance, guerre, histoire, représentations