Les muances du noir Les inflexions d’un détail dans le récit médiéval
- Publication type: Journal article
- Journal: Cahiers de recherches médiévales et humanistes / Journal of Medieval and Humanistic Studies
2016 – 1, n° 31. varia - Author: Jeay (Madeleine)
- Pages: 199 to 221
- Journal: Journal of Medieval and Humanistic Studies
Les muances du noir
Les inflexions d’un détail dans le récit médiéval
À l’issue de son article sur le rôle du noir dans Partonopeu de Blois, Pierre-Marie Joris conclut que ce qui aurait pu apparaître comme un simple détail sans véritable portée, participe en fait à l’élaboration de l’œuvre1. Son étude est exemplaire en ce sens qu’elle s’appuie sur une méfiance salutaire à l’égard de significations archétypales considérées comme un donné et que son interprétation se construit en fonction de la singularité du texte et de la mise en perspective des occurrences de cette couleur aux fortes connotations2. On ne peut pourtant pas faire totalement abstraction de la charge symbolique que les sociétés accordent aux couleurs et en particulier au noir : « c’est la société qui “fait” la couleur, qui lui donne ses définitions et ses significations, qui construit ses codes et ses valeurs, qui organise ses pratiques et détermine ses enjeux3 ». Si la présence de ce détail dans une œuvre contribue à son réseau de significations, c’est aussi du fait de renvoyer à des ensembles paradigmatiques tels que les entend Claude Lévi-Strauss, c’est-à-dire qui ressortissent des codes culturels fondamentaux. On sait comment les corrélations entre les codes alimentaire, sexuel, vestimentaire principalement, permettent de traduire la façon dont l’être humain se représente dans l’univers. Mais un détail n’a de portée qu’inscrit dans des configurations en corrélation avec d’autres éléments, ensembles qui une fois stabilisés se fixent en véritables topoï. Ainsi la couleur noire s’interprète différemment en fonction de la place qu’elle occupe par rapport à d’autres composantes, selon les jeux d’opposition ou de co-occurrence qui peuvent se manifester. De signe généralement considéré comme négatif par contraste avec le blanc, elle peut s’inverser en signe positif et le blanc prendre une valeur négative, polyvalence propre aux systèmes symboliques : « les couleurs
n’ont pas de sens mais seulement des emplois, leur dimension symbolique étant la somme de ces emplois4 ».
Cet article va s’intéresser aux variations de sens du noir en fonction des configurations dans lesquelles il apparaît, d’abord dans le couple qu’il constitue avec le blanc, puis dans des ensembles que leur forte récurrence a constitués en dispositifs topiques. Ceux-ci correspondent à des scénarios de déguisement, puis à diverses figures reliées à la sauvagerie où le noir se combine avec d’autres détails pour constituer des portraits types où l’on observera l’inversion évoquée plus haut. On retrouve en effet les mêmes composantes dans l’élaboration du code hagiographique, les images de l’animalité repoussante devenant signes de transcendance. C’est la polysémie du détail telle que Daniel Arasse l’observe dans ses analyses iconographiques, qui permet, par le jeu avec les autres détails auxquels il est corrélé, ce type de bifurcation du sens5. Approcher ainsi le détail de la couleur noire dans les textes invite à s’interroger sur son statut de motif au sens où les études ethnographiques et narratologiques utilisent le terme. Il en possède le même caractère virtuel dans la mesure où son identification et son effet dans le texte dépendent de l’opération de « détaille » qu’opère le lecteur6 et de l’actualisation de cet élément dans un contexte précis, « associé à d’autres motifs7 ». La dimension anthropologique de la littérature médiévale, sa « mythicité », portent même à l’analyser en termes de mythème, d’élément lexical où à l’instar du mythe, les mots fonctionnent, au niveau du métalangage, « comme des paquets d’éléments différentiels8 ».
Parlant des couleurs, du noir en particulier, les variations contextuelles s’appuient, il faut le reconnaître, sur des représentations d’ordre symbolique qu’il est nécessaire de prendre en compte pour la compréhension des diverses configurations et que Michel Pastoureau a bien mises en évidence. En dépit de l’ambivalence qu’on peut reconnaître à cette couleur, par exemple lorsqu’elle est identifiée positivement à la fertilité de la terre, les connotations négatives dominent. La plupart des mythologies opposent à la lumière les ténèbres d’avant la création, tandis qu’à l’organisation trifonctionnelle des sociétés, correspond la triade récurrente dans les textes médiévaux du blanc, du rouge et du noir : le blanc est la couleur des prêtres, le rouge des guerriers et le noir celle des artisans producteurs9. S’il est vrai que la Bible chante la fiancée du Cantique des Cantiques, noire et pourtant belle, le noir y est le plus souvent pris en mauvaise part, opposant au blanc, couleur du Christ, le noir de Satan10. Les textes littéraires véhiculent abondamment cette identification au diable. Le géant menaçant qui se dirige vers Perceval armé d’une longue perche dans la Continuation de Perceval de Gérard de Montreuil :
Bien sambloit deables d’infer
cil qui le porte : si noir fu
qu’il samble que trais soit du fu11.
Dans le Roman de la Rose de Jean de Meun, les brebis noires et blanches du parc du bon berger représentent les damnés et les élus. Les connotations négatives convergent et se surdéterminent pour associer le noir à la mort, à l’exotisme maléfique de l’Autre non chrétien, au monstrueux, à la laideur, associations qui prennent valeur de doxa12. Parmi les exemples qu’il n’est pas nécessaire de multiplier, citons à titre de référence emblématique, cette description des Africains tirée de Girart de Roussillon :
E ac i d’Aufricans neirs cun arunde.
Segurans de Surie fist mapemunde
Aduicet cele gent cui Deus confunde13.
C’est à partir de ces ensembles de représentations partagées que vont se moduler les emplois en fonction des textes, de leurs registres, de l’environnement dans lequel se situe l’occurrence de la couleur noire. La chanson de geste fait de la peau noire et de la laideur la caractéristique des païens et sarrasins. Il s’agit bien d’une notation d’ordre symbolique et non réaliste, comme le prouvent les portraits de la sarrasine qui fascine par sa beauté et sa blancheur14. La répétition formulaire de ce détail pour présenter Orable dans la Prise d’Orange, avec les variations qu’offre le narrateur dans les comparaisons qui font ressortir cette blancheur, créent un effet de leitmotiv musical. Elle a « blanche la char comme la fleur en l’ente », « comme est la flor d’espine », ou « la noif qui resplent » ou bien encore « la flor en esté15 ». Avec sa carnation « plus vermeille que la rose flerant » et ses cheveux blonds, ses traits reproduisent les conventions du portrait de la dame courtoise16. Il est vrai qu’il s’agit de la sarrasine amoureuse d’un chrétien et généralement en passe de se convertir, ce qui n’est pas le cas de l’épouse offerte à Huon de Bordeaux par le sarrasin Agrapart s’il veut renier le christianisme, sa « suer germainne, [qui] noir est comme errement17 ». Le lai du Trot explicite l’affinité entre l’amour et le blanc et en revanche son antinomie avec le noir. Le chevalier Lorois qui est allé écouter le rossignol dans la forêt, rencontre quatre-vingts jeunes filles portant de beaux vêtements légers et montant des palefrois blancs, chacune accompagnée de son ami avec
qui elle passe son temps en baisers et propos d’amour. Puis sortent de la forêt quatre-vingts dames avec leurs chevaliers, eux aussi pleins de joie. Les deux groupes sont suivis d’une centaine de demoiselles vêtues de frocs noirs, sans compagnie d’hommes, sur de maigres bourriques noires, menant grand deuil, puis d’une centaine d’hommes souffrant des mêmes tourments. Les premières ont loyalement servi l’amour tandis que les secondes n’ont jamais daigné aimer18.
La norme des portraits est donc de vanter la blancheur du teint des personnages dont on fait valoir la beauté, par opposition à la peau foncée de ceux que frappe une disgrâce. Dans la transposition comique qu’en fait le fabliau de La Coille Noire, ce trait de la convention devient l’objet du récit. Un vilain de retour des champs laisse apparaître sa couille noire par les fentes de son habit déchiré : stupeur de l’épouse qui « cuidoit qu’ele fust blanche ». Dégoûtée, elle se plaint : « Lasse, fet ele, com noir vit / Et com noires coilles je voi ! » Puis elle soumet le cas à l’évêque pour obtenir le divorce et se fait plus précise dans son plaidoyer :
Mes mariz a lo vit plus noir
De fer et la coille plus noire
Que chape a moine ne prevoire
S’est velue comme pel d’orse.
Mais elle doit avouer qu’elle ne s’est pas torchée depuis un an, ce qui explique la couleur foncée de l’organe de son mari. Les derniers vers concluent sur l’équivalence du noir et du blanc : « Qu’autant de force a en un noir / Com en un blanc, ce sai de voir19 ! ». Le registre comique du fabliau se prête à la rhétorique du renversement et à la description dévalorisante des parties intimes de l’homme et de la femme. Dans La Saineresse, elle vise l’organe masculin dont
L’oingnement issoit d’un tuiel
Et si descendoit d’un forel
D’une pel mout noire et hideuse20.
Beaucoup plus fréquemment cependant, le dégoût est suscité par la « couleur morisque » et le « ort cul » de la femme dégradée par la vieillesse et la débauche21.
La congruence du noir et du blanc affirmée par le fabliau de La Coille Noire est loin de correspondre à l’ordre des choses puisque la norme veut qu’ils se conçoivent de façon dichotomique. Le Tournoi de l’Antéchrist de Huon de Méry s’articule sur cette opposition. Après avoir rejoué l’aventure d’Yvain à la fontaine merveilleuse dans la forêt de Brocéliande, le narrateur voit chevaucher vers lui une créature très laide, un Maure de Mauritanie accompagné d’un riche équipage. Il n’ose pas l’affronter et décide de le suivre dans ses entreprises, tournois ou batailles. Ce personnage du nom de Bras-de-Fer, sert de greffier à l’Antéchrist, chargé de consigner les péchés sur des registres. Dans les descriptions contrastées de l’Antéchrist et de ses séides et du roi de Paradis accompagné des vertus, l’opposition du noir et du blanc a valeur structurante. L’Antéchrist monté sur un cheval « mors » est muni d’un « escu noir […] a faus miracles22 », tandis que chacun de ses barons, Belzébuth, Jupiter, Saturne, Apollon, Mercure, Hercule, Neptune, Mars, Pluton, Proserpine et Cerbère, porte « l’escu noir a crochet de fer » et « armeüres / Plus noires que meures mëures23 ». Les vices surgissent après eux, dont Insolence, « qui du vis semble mor » et Vilenie dont les armes « N’erent pas blanches comme cignes » et dont le heaume est « Si noir, com s’il venist d’enfer24 ». La même insistance dans la répétition du détail qui fait signe caractérise les êtres qui occupent le Paradis et les vertus qui permettent d’y accéder. C’est la couleur blanche qui cette fois-ci scande la présentation des adversaires de l’Antéchrist effrayé par la « blanche ensaigne » de Chérubin qui est « d’une si blanche nue / Que de mule rien n’ert tachiée25 ». Les anges qui l’accompagnent sont tous « plus blanc que cignes26 ». À chacune des vertus présentée et décrite, la précision est répétée, éventuellement accompagnée de la signification de cette blancheur. Virginité
De blanches armes fu armée
Plus flamboianz que noif sor glace.
Li escuz ert plus blans que cignes.
De blanches touailles d’autiex
Avoit fete cote a armer.
De nule tache n’iert tachiée,
Einz iert blanche com fleur de lis.
S’ot blanches armes, ce m’est vis,
Por ce qu’as anges de parvis
Est cosine, si com moi semble,
Et que virginité resemble
Les anges com leur suer germeine27.
Pitié arbore une manche « blanche comme noif qui siet sor branche » et le « blanc penoncel » de sa lance a été blanchi « Es lermes de componcïon28 ». Celui de Miséricorde a été lavé par Pitié, « blanchiz / Es lermes qu’elle avoit plorées29 ».
Dans son interpolation du manuscrit BnF, fr. 146 du Roman de Fauvel, Chaillou de Pesstain s’inspire explicitement de Huon de Méry pour sa propre bataille des vices et vertus. Il reprend de façon tout aussi systématique la même opposition du noir et du blanc. Parmi les vices équipés, comme on s’y attend, d’armes noires, Charnalité montée sur un cheval moreau porte un surplis également « noir com meure30 ». Les vertus leur font face, aux armes « blans plus que n’est en yver nois31 », notamment Virginité et Humilité dont la description reprend ce détail. Encore une fois, la réitération et l’opposition avec le noir des suppôts de l’Antéchrist confèrent à ces notations la valeur de « paradigme indiciaire32 ».
Il est intéressant de voir après ces deux exemples de dichotomie nette, reflet d’un système où les valeurs s’affrontent sans ambiguïté, celui du Parzival de Wolfram von Eschenbach qui commence par établir l’opposition pour ensuite la dépasser. Celui à qui échoit la couleur noire prend la teinte des ténèbres infernales, tandis que le persévérant garde la blancheur du ciel. Mais celui chez qui se mêlent les deux couleurs, à l’image du plumage de la pie, peut se réjouir car en lui « s’allient le courage intrépide et son contraire33 ». Les personnages de Wolfram représentent la totalité du monde connu englobant l’Orient et l’Occident. Feirefiz l’Angevin, le fils de Gahmuret et de Belakane, la reine du pays de Zazamanc dont les habitants sont noirs comme la nuit, incarne par sa peau bicolore comme le plumage de la pie, la possibilité d’une unité. Bien que païen, il se comporte en chevalier valeureux, connaît le français et propose dans cette langue une trêve à Parzival34. Son visage qui ressemble à « un parchemin rempli d’écritures, noir et blanc çà et là », traduit bien comment l’écriture poétique permet de transcender les oppositions, en l’occurrence celles que fonde, dans la chanson de geste la confrontation avec les sarrasins35.
La façon dont le roman de Partonopeu de Blois traite le noir met en évidence l’ambivalence des valeurs qu’il peut porter. Les amours du héros avec Mélior dans sa ville de Chef d’Oire, dont il partage le lit mais qu’il lui est interdit de voir, se trouvent associées à des animaux de couleur noire qu’il est porté à interpréter négativement. Un destrier et des lévriers noirs apparaissent à Partonopeu après sa première nuit d’amour avec Mélior qui par la suite lui offre douze chevaux de somme de cette couleur lorsqu’il retourne pour la première fois à Blois36. Toutefois les connotations négatives qui leur sont attachées n’empêchent pas qu’ils soient qualifiés de « bel37 ». Pourtant, lorsque le destrier noir de Partonopeu est tué au combat, il y voit un mauvais présage, conformément à l’inquiétante étrangeté qui semblait marquer dès le début son aventure amoureuse. La
menace s’accomplira, une fois la transgression commise et la beauté du visage de Mélior révélée, lorsque rejeté par la jeune fille, il se réfugiera dans une forêt d’Ardenne aux ténèbres infernales :
Li felon serpent sont es mons,
Les grans guivres es vaus parfons,
Desor les eves tenebroses ;
Noires les font et venimoses38.
Nous reviendrons sur la transformation qu’il y subit en homme sauvage. Lorsqu’il retrouvera l’amour de Mélior, après avoir été ramené à la dignité chevaleresque par Urraque, la sœur de la jeune fille, la description des manteaux des deux sœurs se fait selon le triangle topique du noir, du blanc et du rouge au statut symbolique supérieur à celui des autres couleurs39. Comme l’indique Pierre-Marie Joris, le noir perd dans ce triangle sa connotation négative car il figure comme une étape dans le processus qui conduit le héros à l’accomplissement final. Il marque le début de l’aventure avec le cheval noir offert par Mélior, puis l’interdit et les épreuves de la forêt d’Ardenne. Le temps de l’exil et de la réhabilitation est accompagné par le cheval rouge que lui donne Urraque, et celui du triomphe final au tournoi organisé par Mélior pour que soit élu le vainqueur qui deviendra son époux, s’accomplit avec le cheval blanc aux oreilles rouges fourni par la femme du cruel chevalier Armand40. Que le noir soit attaché à l’identité secrète de Mélior qui interdit qu’on la voie et ne révèle pas qui elle est, ou à la chute dans la sauvagerie de Partonopeu pour ne pas avoir respecté sa promesse, il représente la part obscure en chacun, à prendre en compte pour devenir pleinement humain. Chez Partonopeu, cette ambivalence du noir correspond à celle de ses sentiments à l’égard d’une femme dont le mystère inquiète41.
Dans le scénario romanesque de la femme accusée à tort, le noir intervient également dans la période où elle se trouve rejetée aux marges de la société, contrainte de traverser une série d’épreuves. Il figure, parmi d’autres détails, comme composante du portrait de la femme déchue :
le teint noirci par les privations et le soleil, les cheveux et les vêtements en désordre. Dans le récit des Enfants cygnes du Dolopathos de Herbert, les sept enfants, six garçons et une fille, que vient de mettre au monde une fée, lui ont été enlevés par la mère de son mari et remplacés par des chiots. Ayant pris sa femme en haine, il la fait enterrer jusqu’à la poitrine et ordonne à ses gens le lui verser sur la tête de l’eau sale et des déchets. Traitée ainsi pendant sept ans, ses vêtements se sont usés, son teint auparavant coloré se noircit, comme ses cheveux blonds. Une fois la vérité découverte, elle retrouve sa couleur, sa beauté et l’amour de son mari42. Le même détail se rencontre dans les récits de la fille à la main coupée pour décrire l’errante qui fuit, après la menace d’inceste de son père, la condamnation à mort infligée par la mère ou la tante de son mari. Dans La Belle Hélène de Constantinople, l’héroïne
Sen pain va demandant comme fame esgaree ;
Moult estoit mal vestue, et noire, et mascuree,
Du solail et du vent devint toute harlee43.
Dans le Roman du comte d’Anjou de Jean Maillart, la notation s’applique au mari, le comte de Bourges, en quête de son épouse en fuite et par là même, réalisant un processus de rédemption parallèle à celui qu’elle accomplit :
Quer par force de grant froidure
La face li devint obscure
Et lez levres de noir li taingnent
Et ses denz souvent s’entrataingnent44.
Dans ces épisodes romanesques, le noir emblématise le parcours d’épreuves que doit traverser le héros, condition de son accomplissement final, autant mondain que spirituel. Sa négativité s’inverse puisqu’il devient le signe d’une démarche de progrès spirituel, signe que l’on retrouve dans le récit hagiographique proprement dit auquel ces romans empruntent le scénario de rédemption dans le rabaissement. L’une
des versions de la vie de Marie l’Égyptienne détaille comment, après sa conversion, menant une vie d’anachorète dans le désert, l’ancienne prostituée est « toute noirchie », depuis le menton jusqu’aux mains, aux bras et aux côtés : sous ses vêtements déchirés on voit sa « char bruslee / Del soleil et de le gelee45 ». L’ermite que rencontre saint Gilles après avoir distribué ses richesses pour vivre lui-même en ascète est « meigres e senz colur, / taint del soleil e del labur46 ». Gilles, qui « la charn out blanche cume leit » du temps de sa splendeur, aura une fois devenu ermite, la face « tainte et greslee / del solail e de la gelee47 ». L’expression formulaire fait sens par sa répétition. L’inversion des signes érige le blanc en témoignage de vanité mondaine et surtout lorsqu’il concerne les femmes, de la séduction dangereuse qu’elles peuvent exercer. Les consignes que leur adresse Robert de Blois dans le Chastoiement des Dames sont explicites à cet égard :
De ce se fait dame blasmer
Qui seut sa blanche char mostrer
A ces de cui n’est pas privee.
Aucune laisse desfermee
Sa poitrine, por ce qu’on voie
Confaitemant sa char blanchoie.
Blanche gorge, blanc col, blanc vis,
Blanche mains mostrent, ce m’est vis,
Que bele soit desoz ses dras48.
Les deux récits hagiographiques, celui de Marie l’Égyptienne et celui de saint Gilles, opposent ainsi clairement le noir positif de l’ascète à la blancheur de leur corps au temps de leur vie de plaisir. La Vie de Marie l’Égyptienne emprunte à la topique du portrait romanesque pour décliner d’abord la liste rituelle des parties de son corps caractérisées par leur
blancheur, énumération reprise plus loin en mettant l’accent sur leur noirceur, la répétition anaphorique des adjectifs mettant en évidence l’intention morale qui leur est attachée49. La présentation de saint Gilles emprunte aussi aux procédés de la rhétorique romanesque pour signifier, par la même opposition, comment l’accès à la transcendance passe par l’abandon des attributs corporels.
Nous reviendrons sur ce scénario de rabaissement préalable au progrès spirituel du personnage dans le récit romanesque aussi bien qu’hagiographique, pour mettre en évidence les autres composantes de cette configuration, les autres détails qui interviennent avec le noir de façon récurrente pour la constituer. Nous allons nous intéresser d’abord à une autre configuration, à un topos qui constitue l’un des ressorts narratifs les plus communs, celui du déguisement dont le noir est, dans nombre de cas, un élément constitutif50. Pour passer inaperçu parmi les sarrasins, le personnage de chanson de geste se noircit le visage et les mains à l’aide d’herbes et prend éventuellement les insignes du pèlerin51. Deux exemples typiques se trouvent dans le Charroi de Nîmes et la Prise d’Orange. Le narrateur utilise dans le Charroi une variante de l’épisode du cheval de Troie lorsque Guillaume veut s’emparer de Nîmes occupée par les sarrasins : il se fera passer pour un marchand conduisant à la ville des tonneaux où seront cachés ses soldats. Cela donne la séquence topique du déguisement et de la liste de denrées qui accompagne de façon récurrente la figure du marchand. Son neveu Bertrand s’est affublé d’une cotte « d’un burel enfumé », de bure noircie, et chaussé d’invraisemblables souliers de cuir de bœuf percés sur le dessus52. Plus tard, quand Guillaume veut aller rendre visite à la reine Orable dont il a entendu vanter les charmes, il se déguise en sarrasin accompagné de son neveu Guiélin et de Gilbert qui parle la langue. Ils font piler au mortier des herbes dont ils se teignent en noir le visage, la poitrine et les pieds : « Fardoillié furent d’alun et d’arrement,
/ Tres bien resemblent Sarrazin ou tirant53 ». Ils revêtent une esclavine, ce vêtement fait de peau velue associé à la tenue des pèlerins, dont Guillaume emprunte aussi le bâton, le « bordon ferré54 ». Le comique inhérent à ces scènes de déguisement, notamment dans la Prise d’Orange marquée par la parodie, comme le rabaissement subi par les héros, ne remettent pas fondamentalement en question leur courage ni la valeur de leur lutte contre les sarrasins.
Le motif émigre dans le roman, comme le montre cet exemple du Roman du comte de Poitiers. Le comte qui désire se rendre à Poitiers incognito, échange ses vêtements avec un pèlerin qui prend une herbe que lui avait donnée un païen, Caïfas, ayant la vertu de noircir la peau, et grâce à quoi il ne sera pas reconnu55. Le motif du visage noirci par une herbe afin de dissimuler l’identité permet le dénouement d’Aucassin et Nicolette. Elle se fait passer pour un jongleur qui chante au jeune comte de Beaucaire les aventures qu’elle a vécues et où elle a appris qu’elle est la fille du roi de Carthagène, ce qui rendra possible leur mariage. Grâce à une autre herbe appelée esclaire, elle retrouvera son « cler vis », son lumineux visage56. Toutefois, le personnage emblématique que le destin contraint à la dissimulation, à la ruse, et même à l’humiliation, c’est Tristan, le lépreux de la version de Béroul, le fou des folies de Berne et d’Oxford. Dans le Tristan de Béroul, la première occurrence du noir se situe lors de l’épisode de la fuite des amants dans la forêt du Morrois où, à cause des privations « se color müent57 ». La seconde apparaît comme composante du motif du déguisement de Tristan en lépreux selon les instructions d’Yseut à qui il servira de monture pour traverser le bourbier du Mal Pas58. Il revêt un manteau de bure grossière tout noirci
de fumée59. Dans la Folie d’Oxford, le désir de revoir Yseut le pousse à feindre la folie afin de parvenir jusqu’à elle. Pour ne pas être reconnu,
Od une herbete teinst sun vis,
K’il aporta de sun païs.
Il oinst sun vis de la licur,
Puis ennerci, muad culur60.
Dans Jehan et Blonde de Philippe de Rémi, le motif de l’herbe qui sert à masquer le visage présente une variante qui rappelle l’association qui peut être faite entre le noir et la décoloration du teint. Alors que les deux amants cherchent à échapper au comte de Gloucester qui veut épouser Blonde, Jehan envoie son serviteur Robin en reconnaissance après lui avoir pali le visage avec une herbe pour qu’on ne le reconnaisse pas :
Je palirai si ton visage
D’une erbe que je connois bien,
Nus ne te connoistroit pour rien.
[…] Atant cuelli en la gaudine
Jehans d’une herbe la rachine,
Si l’a au pumel de s’espee
Broiie et d’iauwe destempree.
[…] Plus pale que cire matie
Est sa chiere, et toute froncie61.
Dans un récit dont la portée est toute profane et qui s’intéresse surtout à démontrer que l’amour véritable et la valeur personnelle transcendent les privilèges de naissance, la reprise par le narrateur du motif sert surtout d’artifice narratif. Il en est tout autrement dans La Belle Hélène de Constantinople, texte hybride qui combine chanson de geste, récit romanesque et hagiographique. On y retrouve la connotation négative du noir lorsqu’il est associé au sarrasin. L’un des chevaliers chrétiens, Amaury, véritable figure christique qui mourra crucifié, porte un écu
où est représenté un Mahomet de couleur noire piétiné par Jésus62. Mais elle se fait signe positif pour souligner le caractère exemplaire des tribulations de l’héroïne. On a vu comment les difficultés de sa pérégrination ont halé son visage. Dans les circonstances que lui impose sa fuite, le déguisement qui la force à le noircir est destiné à camoufler une beauté funeste, afin de ne pas provoquer le désir des hommes et subir leurs avances : « Pour che qu’od bel viare cascuns le convoita, / Nonpourquant au matin souvent se mascura63 ».
Les personnages rencontrés jusqu’ici, amenés à subir une série d’épreuves qualifiantes destinées à assurer leur statut de héros ou éventuellement de saint, passent par un épisode de rabaissement aux frontières de l’humain. Le portrait donné d’eux s’apparente dans l’ensemble de ses détails, à la figure de l’homme sauvage : reviennent systématiquement les notations sur le teint halé, la pilosité du corps ou les vêtements de peau à peine dégrossie, les nourritures offertes par la nature, venaison, herbes et fruits64. Ces traits constituent un ensemble stable qui sert à caractériser toute une palette d’êtres aux franges de l’humanité normale, depuis le monstre repoussant jusqu’à l’ascète qui a renoncé aux avantages de la culture65. Sans apparaître tous dans chacune des manifestations, ils composent une constellation fonctionnant sur le mode du topos si bien qu’il suffit que certains soient mentionnés pour évoquer l’ensemble. C’est le cas de la description stéréotypée de la laideur sauvage. Celle du bouvier rencontré à l’orée de la forêt par Calogrenant dans le Chevalier au lion de Chrétien de Troyes, sert de modèle avec ses comparaisons animales et l’énormité de sa tête sur laquelle insiste le narrateur. Plus grosse que celle d’un
cheval de somme, son front « ot bien.ii. espanes de lé », deux empans de largeur66. Rencontrer ce détail dans l’image qui est donnée de Partonopeu de Blois lorsque Urraque le trouve au fond de la forêt où il cache son désespoir, peut surprendre à première vue puisqu’il s’agit d’un noble chevalier dont on a vanté la beauté. C’est à peine si la jeune fille peut apercevoir son visage :
Mais el n’i puet trover le vis,
Tant est soilliés par les grans dels
Et si est covers de cevels.
N’est mervelle s’el ne l’enterce :
Le cief a lé con une herce67.
Mais il prend toute sa signification comme donnée de la topique de présentation du chevalier momentanément ensauvagé, étape obligée préalable à sa rédemption. Des deux autres attributs qui composent le portrait, celui de la pilosité évoquée par les cheveux qui le cachent, est tout aussi récurrent que celui du visage souillé et noirci. Nudité et pilosité représentent les pôles reliés à la nature dans le schéma du code vestimentaire, par opposition à la culture et à ses atours. Les tenues dont sont revêtus les personnages à la marge de la normalité humaine, dissimulent à peine leur corps et évoquent la peau de l’animal, en particulier son aspect velu. Le gardien de taureaux du Chevalier au lion porte « Deux cuirs de nouvel escorchiés », celui d’Aucassin et Nicolette, avec ses jambières en cuir de bœuf maintenues par des écorces de tilleul, est habillé d’un manteau sans envers ni endroit68. Dans la Vengeance Raguidel, une jeune fille dont l’ami a été tué par un chevalier félon, signale par son manteau mis la fourrure à l’extérieur, l’état liminaire dans lequel elle se trouve tant qu’il ne sera pas vengé69. Après avoir teint son visage en noir, s’être rasé le haut du crâne pour ressembler a un fou et emprunté l’habit d’un pêcheur, le Tristan de la Folie d’Oxford est accueilli à la cour de Marc par le portier qui se moque de lui :
Entrez, fis Urgan le Velu.
Gras e velu estes assez ;
Urgan en so ben resemblez70.
L’esclavine, cette pèlerine à capuchon en laine brute portée par les pèlerins ou les lépreux et dont s’affublent éventuellement les héros de chanson de geste comme Guillaume, représente bien la situation d’entre deux où se trouve celui qui la revêt. Son apparence, que le fabliau a vulgarisée sous forme de proverbe, « plus velu qu’une esclavine71 », en fait l’attribut approprié pour signifier le dépouillement auquel doit consentir le pénitent, comme on le trouve énoncé clairement dans Le Chevalier au cygne :
Jamais ne vestirai ne vair ne gris n’ermine
N’afublerai mantel orlé de sebeline,
[…]
Ains vestirai la haire qui’st poignans con espine,
S’averai une gonne noire con esclavine.
Fuirai m’ent en.I. bois u en une gaudine ;
Illuec converserai avoec la salvegine.
Querrai une capele qui pres ci est voisine ;
La ferai.I. renclus, si vivrai de racine.
Mangerai erbes crues atote la furine72.
Le passage synthétise en quelques vers les motifs constitutifs du topos : la noirceur, le retrait dans un espace liminaire et l’identification à la nature des codes vestimentaire et alimentaire.
On peut faire, à propos de la nourriture, le même parcours que celui ébauché pour le type de vêtement : les épisodes de régression du héros ensauvagé s’accompagnent de détails sur le caractère non apprêté des aliments. Comme on l’a constaté pour l’opposition du noir et du blanc, les signes s’inversent pour traduire l’affinité paradoxale de l’infra et du supra humain73. On peut revenir aux deux figures de saints déjà évoquées
à propos de l’altération que le renoncement au monde a imposée à leur teint. Gilles vit trois ans dans une cavité creusée dans le sol à se nourrir de racines et de cresson. Quant à Marie l’Égyptienne qui ne songeait qu’à « boire et mengier et luxure », elle a passé quarante ans dans le désert, sa nudité à peine couverte d’un tissu déchiré, à manger de l’herbe et des racines comme une bête sauvage74. Il suffit au narrateur de La Belle Hélène de Constantinople de la simple indication que les fils jumeaux de l’héroïne sont vêtus de feuilles, pour que le lecteur la décode selon la clé hagiographique, déjà mise en place avec la figure d’errante dépouillée de sa beauté et dont les malheurs renvoient à la légende de saint Alexis. Ils deviendront respectivement saint Martin et le père de saint Brice. Le premier incarnera la charité dans la ville de Tours dont il sera l’évêque et le second l’ascétisme. Leur double vocation se traduit par le contraste entre les nourritures auxquelles chacun d’eux est identifié :
L’un ne gouste de vin, l’autre le va buvant ;
Li uns mengüe char, l’autre n’en va goustant,
Anchois a herbelettes, de quoy il va mengant75.
Sans enjeu proprement narratif, la répétition de ce dernier détail, la consommation d’herbes et celle du fait de se vêtir de feuilles, est significative dans son incongruité même, pour permettre d’identifier ces motifs à la figure de l’ermite. Ils définissent particulièrement le personnage de Félix, l’ermite qui avait recueilli et élevé les deux enfants, mentionnés les deux fois où il entre en contact avec le monde extérieur. Ainsi lorsqu’il se rend à Tours pour certifier que Brice et Martin sont les enfants qu’il a nourris, le narrateur indique qu’il ne touche rien du repas, se contente des herbes qu’il avait apportées et que « Vestus estoit de feulles et deriere et devant76 ».
Renaut de Montauban qui développe aussi un scénario de rédemption passant par le dépouillement, montre bien l’ambivalence des signes et des figures reliées à la sauvagerie. Après avoir passé sept ans dans la forêt pour fuir la vindicte de Charlemagne, ses frères et lui sont devenus
noirs et « veluz come ors enchaenez », si bien que leur père qui ne les reconnaît pas, les prend pour des ermites, des pénitents : « Bien resenblez hermites ; estes peneancier77 ? ». À la fin de son parcours, Renaut partagera la vie de l’ermite Maugis78. On rencontre dans leur description et celle de leurs habitudes, les éléments constitutifs que sont la noirceur de la peau, la pilosité et la nourriture qu’offre la nature. Maugis est pris pour un sarrasin car il est devenu « noirs comme more79 ». Il ne se nourrit que « de racines et d’autre herbe salvage » et une « chape velue » cache sa nudité, tandis que Renaut ne boit que de l’eau et « vait paissant comme beste en paisture80 ». L’affinité avec l’animal peut aller jusqu’à la confusion, en particulier avec l’ours à qui par ailleurs on prête des traits humains81. C’est le cas du Merlin de la Vita Merlini, de son scribe Blaise isolé dans la forêt et que la Légende dorée, dans la Vie de saint Blaise, montre vivant dans une caverne comme un ours, en compagnie de bêtes sauvages qu’il a apprivoisées, autre motif de la représentation du saint anachorète82. Ambivalence, encore une fois d’une image associée à la sexualité animale, celle du géant du Chevalier au lion « armé d’une pel d’ours », mais qui peut être transcendée, comme le montre Yvain lui-même83. Le premier geste à son émergence de la forêt où il a caché sa folie d’amant indigne des promesses faites à sa dame, le premier signe de sa réhumanisation, passe par l’acte d’éliminer la toison qui lui avait recouvert le visage. C’est ce que s’empressent de faire les fées qui l’ont ramené à la raison grâce à un onguent magique :
Si le baignent et son chief levent
Et le font rere et rouongnier,
Car on li peüst apongnier
La barbe a plain poing seur le faiche84.
La folie entre dans cette constellation de motifs, comme facette constamment évoquée dans ces scénarios de chute et de réhabilitation, folie d’êtres portés à leurs limites par les exigences de l’amour, qu’il soit humain ou divin. Elle pousse à un retrait du monde dans la forêt des amants en rupture et des ermites, dans la caverne ou le désert où ceux-ci se retirent. Mais la ville peut elle aussi fournir un cadre d’autant plus approprié que le personnage en rupture doit affronter le regard et les quolibets. La référence sous-jacente à ce type de scénario est la Vie de saint Alexis et les dix-sept ans qu’il a passés dans la ville d’Edesse. Elle a informé le parcours d’Hélène dans la Belle Hélène de Constantinople et sert également de repère à celui de Robert de Diable qui est passé de la folie du mal à celle où le conduit le repentir. L’ermite à qui il s’est confessé lui impose la pénitence suivante. Il devra aller par les rues en se comportant comme un fou sans répondre aux insultes, ne plus parler et ne manger que les restes de table disputés aux chiens, ce qui le rendra « velu et maigre85 ». La façon dont se fait la reconnaissance divine de la rémission de ses fautes permet de constater que le processus d’inversion, avec le sens positif du noir, de l’animalisation, de la folie qui l’accompagne, s’inscrit dans un système de représentations où le blanc sert malgré tour de référence. À trois reprises, le pénitent recevra la visite d’un magnifique chevalier tout équipé d’armes blanches et monté sur un cheval blanc grâce à quoi il vaincra les Turcs venus assiégés Rome où il s’est réfugié. Le traître qui s’affuble d’une armure blanche pour retirer à sa place les bénéfices de la victoire, sera désavoué par un miracle : la fille muette de l’empereur retrouve la parole et révèle la vérité.
Nous allons clore la réflexion sur la façon dont l’occurrence de certains détails doit alerter le lecteur, même si au premier abord, ils n’ont pas d’incidence au plan narratif, avec un texte qui joue lui aussi de la porosité entre le romanesque et l’hagiographique. La Vie de saint Jehan Paulus accumule sur à peine deux mille vers, les motifs qui entrent en
corrélation avec le noir pour constituer le dispositif narratif de la chute et de la rédemption. Leur densité et leur accumulation, indiquent bien leur importance non seulement pour l’interprétation de ce texte, mais plus généralement, dans l’approche herméneutique des récits où ils figurent et à ce titre, il servira de conclusion. Il vaut la peine de suivre la narration dans son déroulement pour constater l’effet de concentration des détails topiques, accentué par le caractère formulaire de leur expression. Jehan qui a décidé de suivre le modèle de saint Alexis, fuit le monde « en desert ou en boscage », « atournés com hom estranges86 ». Il commence à mendier et ne reçoit que des rebuffades « Car il estoit et cras et blans87 ». Par la suite, il a tant souffert que
Molt li iert cangie la fache,
Car il estoit tains et palis,
Descoulourés et ennoirchis88.
Réfugié dans une forêt aux environs de Toulouse, il pénètre dans une clairière à travers un sentier épineux qu’une ourse avait tracé avec ses oursons et où il ne peut progresser qu’à quatre pattes, « si comme beste », où il décide de rester à se nourrir « Des pumetes et des rachines / Et de la glant et des faïnes » et à boire l’eau d’une cavité que l’ourse avait creusée89. Après sept ans d’une vie sainte dans son refuge, il est tenté par le diable qui lui rappelle les richesses de la maison paternelle et lui montre qu’il est réduit à l’état de bête sauvage. Impuissant à le tenter, Satan transporte jusqu’à son oratoire la fille du roi de Toulouse à qui Jehan ne peut résister et qu’il tue pour cacher son méfait90. Il se livrera au mal jusqu’à ce qu’un jour, la lumière du soleil levant lui fasse prendre conscience de sa culpabilité. Il va se confesser à l’évêque qui refuse de lui pardonner son meurtre. Jehan commence par aller trouver son père qui ne le reconnaît pas :
Li prodom regarda l’ermite
Qui la car ot nue et despite.
Pales estoit, gaunes et vers,
Maint mal avoit eü li clers.
Aval l’esgarda et amont,
Nel couneüst por tout le mont.
Pelus estoit et enhermis91.
Le portrait qui est alors tracé de Jehan comporte les détails attendus de la pilosité qui cache mal la nudité et du teint affecté par les privations, avec en ce cas d’intéressantes variantes dans la caractérisation de la couleur. Il repart et pour rendre sa pénitence plus sévère, il décide de se déplacer à quatre pattes, ne parler que pour prier et boire à même source ou ruisseau, « comme beste boit92 ». Il se nourrit évidemment de fruits et de racines, ses habits déchirés couvrent mal son corps « maigres et souples / Gaunes estoit com uns escoufles93 ». La séquence suivante, celle de sa découverte par les chasseurs du roi de Toulouse à la poursuite d’un sanglier, comporte la part de comique qui va avec tous ces épisodes de régression, qu’elle passe par un simple déguisement ou aussi par la perte de l’identité, par la folie à laquelle conduit l’infraction aux règles sociales et religieuses. Ils le découvrent, « Tout pelu si com un oursel94 », et décident d’apporter au roi cette bête qui ressemble tant à un homme. Il est exposé à tous et les demoiselles de la cour voyant « sa nature » exposée s’amusent à le prendre pour un loup-garou95. Un ange s’adresse à lui par la bouche d’un petit enfant pour lui signifier que le Christ lui a pardonné. Une fois vêtu, il raconte son aventure, puis conduit le roi et la reine au lieu où il avait jeté le cadavre de leur fille que Dieu ressuscite, vermeille « com rose nouvele96 ». La Vie de saint Jehan Paulus, cristallise en une image bien définie les détails que nous avons vu graviter autour du noir dans les
textes épiques et romanesques. La légende hagiographique destinée à un public non lettré rend ainsi évidente la « texture mythique » de récits où peuvent se lire les étapes de parcours caractérisés par la séparation, la période de marge et l’agrégation tels que Arnold van Gennep les a définis dans ses Rites de passage97.
Madeleine Jeay
McMaster University
1 P.-M. Joris, « Note sur le noir dans le Partonopeu de Blois », Les Couleurs au Moyen Âge, Senefiance, 24, 1988, p. 141-152, ici p. 151.
2 Joris, « Note sur le noir », p. 145 pour des considérations méthodologiques.
3 M. Pastoureau, Noir. Histoire d’une couleur, Paris, Seuil, 2008, p. 17.
4 M. Pastoureau, « Les couleurs ont aussi une histoire », L’Histoire, 92, 1986, p. 54, cité par Joris, « Note sur le noir », p. 145.
5 D. Arasse, Le Détail. Pour une histoire rapprochée de la peinture, Paris, Flammarion / Champs, 1996, p. 125-126 ; D. Boisseau, « De l’“inexistance” du détail », Le Détail, éd. L. Louvel, Poitiers, La Licorne, 1999, p. 15-37.
6 Sur ce terme et cette opération, voir Boisseau, « De l’“inexistance” du détail », p. 16.
7 D. Boutet, « Jehan de Lanson ». Technique et esthétique de la chanson de geste au xiiie siècle, Paris, Presses de l’École Normale Supérieure, 1988, p. 115. Sur la notion de motif relativement au récit médiéval, voir les travaux de J.-J. Vincensini, notamment « Le motif, champ morphologique du discours », Versus, 58, 1991, p. 9-26 ; Pensée mythique et narrations médiévales, Paris, Champion, 1996, p. 372 et 396-397 ; « Comprendre, décrire, interpréter un motif narratif. L’exemple de la “libération d’une femme immergée dans l’eau par un jaloux” », Dans l’eau, sous l’eau. Le monde aquatique au Moyen Âge, éd. D. James-Raoul et Cl. Thomasset, Paris, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 2002, p. 387-411 et le numéro spécial d’Ethnologie Française, 25, 1995.
8 Cl. Lévi-Strauss, Anthropologie structurale deux, Paris, Plon, 1973, p. 170.
9 Pastoureau, Noir, p. 20-22.
10 Pastoureau, Noir, p. 30-31.
11 Gerbert de Montreuil, La Continuation de Perceval, éd. M. Oswald, Paris, Champion, 1975, t. 3, v. 16190-16192.
12 Pastoureau, Noir, p. 79-81.
13 La Chanson de Girart de Roussillon, éd. W. Mary Hackett, trad. M. de Combarieu du Grès et G. Gouiran, Paris, Librairie générale française, 1993, v. 3285-3287. Typique aussi ce détail dans La Prise d’Orange où Guillaume voit arriver Gilbert. Longtemps retenu prisonnier par les Turcs, il s’est évadé : « noir, taint et descoloré, / et megre et pale, velu et descharné », il est pris pour un sarrasin : La Prise d’Orange, éd. et trad. Cl. Lachet, Paris, Champion, 2010, v. 143-144.
14 Cl. Lachet, « La Prise d’Orange » ou la parodie courtoise d’une épopée, Paris, Champion, 1986, p. 56-57 et 85-91.
15 La Prise d’Orange, v. 205, 278, 665, 778.
16 La Prise d’Orange, v. 666.
17 Huon de Bordeaux, éd. W. W. Kibler et Fr. Suard, Paris, Champion, 2003, v. 6737. Le Roman d’Alexandre procède au même type d’effacement des traits d’exotisme chez les femmes d’Orient qui entrent en contact avec Alexandre et ses soldats, les Amazones ou la « belle et blanche » reine Candace. Voir Thomas de Kent, Le Roman d’Alexandre ou le Roman de toute chevalerie, éd. B. Foster et I. Short, trad. C. Gaullier-Bougassas et L. Harf-Lancner, Paris, Champion, 2003, v. 6943. On observe le même phénomène dans la version d’Alexandre de Paris où les filles des arbres ont « cler le vis plus que n’est flors de pres » (Alexandre de Paris, Le Roman d’Alexandre, éd. E. C. Armstrong et al., trad. L. Harf-Lancner, Paris, Librairie générale française, 1994, v. 3373) et celle en prose de Jehan Wauquelin chez qui la reine « de blanc et de vermeil estoit a droit compassée » (Jehan Wauquelin, Les Faicts et les conquestes d’Alexandre le Grand, éd. S. Hériché, Genève, Droz, 2000, p. 431).
18 « Le Lay del Trot », Lais féeriques des xiie et xiiie siècles, éd. A. Micha, Paris, Garnier-Flammarion, 1992, p. 314-330.
19 Nouveau Recueil Complet des Fabliaux (NRCF), éd. W. Noomen et N. Van den Boogaard, Assen-Maastricht, Van Gorcum, 1990, t. 5, p. 186-187, v. 8, 16-17, 60-63 et 120-121.
20 NRCF, 1988, t. 4, p. 309-312, v. 93-95.
21 M. Schwob, Le Parnasse satyrique du xve siècle, Paris, Welter, 1905, p. 61 ; Eustache Deschamps, Œuvres complètes, éd. Marquis de Queux de Saint-Hilaire, Paris, Firmin Didot, 1880-1889, rondeau 609, t. 4, p. 68, v. 2.
22 Huon de Méry, Le Tournoi de l’Antéchrist, éd. G. Wimmer, Orléans, Paradigme, 1995, v. 551 et 538.
23 Le Tournoi, v. 595, 599-600.
24 Le Tournoi, v. 604, 978 et 984.
25 Le Tournoi, v. 1337 et 1340-1341.
26 Le Tournoi, v. 1353.
27 Le Tournoi, v. 1510-1511, 1516, 1520-1521, 1526-1527, 1333-1337.
28 Le Tournoi, v. 1566, 1570 et 1574.
29 Le Tournoi, v. 1968-1969. Ajoutons qu’Amour a fixé à sa manche « .I. blanc chevol / d’alïance » (v. 1742-1743) et que l’archange Raphaël portait une « blanche enseigne » à sa lance, v. 2883.
30 Gervais du Bus, Le Roman de Fauvel, éd. A. Långfors, Paris, Firmin Didot, 1914-1919, interpolation du manuscrit E, v. 1169. Voir aussi l’édition plus récente d’A. Strubel, Roman de Fauvel, Paris, Librairie générale française, 2012.
31 Fauvel, v. 1062.
32 L’expression est empruntée à F. Terrasse-Riou, « Le détail balzacien : fantasmatique de la marque, idéologie du sens. Les enjeux idéologiques d’un paradigme indiciaire », Le Détail, éd. Louvel, p. 143-135.
33 Wolfram von Eschenbach, Parzival, trad. D. Buschinger, W. Spiewok et J.-M. Pastré, Paris, Bourgois, 1989, p. 31.
34 Parzival, p. 329.
35 Parzival, p. 331.
36 Il faut ajouter un cheval de chasse que lui offre Urraque, la sœur de Mélior après sa transgression de l’interdit : Joris, « Note sur le noir », p. 143.
37 Le Roman de Partonopeu de Blois, éd. O. Collet et P.-M. Joris, Paris, Librairie générale française, 2005, v. 1989.
38 Partonopeu de Blois, v. 5905-5908.
39 Pastoureau, Noir, p. 40.
40 Joris, « Note sur le noir », p. 150.
41 Le paradoxe est inscrit au cœur de Chef d’Oire, la cité enchantée de Mélior, illustré par l’escarboucle, charbon devenu pierre de lumière : Partonopeu de Blois, p. 149.
42 Herbert, Le Roman de Dolopathos, éd. J.-L. Leclanche, Paris, Champion, 1997, t. 2, p. 351-379, notamment v. 9534-9578 et 10116-10122.
43 La Belle Hélène de Constantinople, éd. Cl. Roussel, Genève, Droz, 1995, v. 10284-10286.
44 Jean Maillart, Le Roman du comte d’Anjou, éd. M. Roques, Paris, Champion, 1931, v. 5633-5636 ; voir M. Jeay, « Chercher une fille, une épouse. Sexualités déviantes et parcours de rédemption », Florilegium, 18, 2002, p. 65-82.
45 La Vie de Sainte Marie l’Égyptienne. Versions en ancien et en moyen français, éd. P. F. Dembowski, Genève, Droz, 1977, version T, v. 632 et 847-848. Voir M. Jeay, « Quête de la nudité eschatologique dans les vies de saints en français au xiiie siècle », Le Corps romanesque. Images et usages topiques sous l’Ancien Régime, éd. M. Moser-Verrey, L. Desjardins et C. Turbide, Québec, Presses de l’Université Laval, 2009, p. 57-71.
46 Guillaume de Berneville, La Vie de saint Gilles, éd. et trad. F. Laurent, Paris, Champion, 2003, v. 949-950.
47 La Vie de saint Gilles, v. 59 et 731-732.
48 Robert de Blois, Le Chastoiement des Dames, éd. J. Howard Fox, Paris, Nizet, 1950, v. 189-194 et 203-205.
49 La Vie de Sainte Marie l’Égyptienne, v. 163-183 et 621-654 ; l’adjectif blanc est répété cinq fois, noir l’est sept fois.
50 G. Tanase, Jeux de masques, jeux de ruses dans la littérature française médiévale (xiie-xve siècles), Paris, Champion, 2010. Rappelons que le radical préroman *maska signifie « noir ».
51 Lachet, « La Prise d’Orange » ou la parodie courtoise d’une épopée, p. 56 ; Boutet, « Jehan de Lanson », p. 101-109 ; V. Galent-Fasseur, L’Épopée des pèlerins. Motifs eschatologiques et mutations de la chanson de geste, Paris, PUF, 1997, ici p. 199.
52 Le Charroi de Nîmes, éd. Cl. Lachet, Paris, Gallimard, 1999, v. 990.
53 La Prise d’Orange, v. 451-452. L’arrement désigne l’encre ou les matières qui entrent dans sa composition, ainsi que le noir de corroyeur ou de cordonnier. Guillaume, décrit « taint comme charbon » (v. 799), le corps enduit d’herbes broyées au mortier, ressemble au diable (v. 375-380).
54 Sur les connotations du déguisement de Guillaume, voir Tanase, Jeux de masques, p. 52-62.
55 Le Roman du comte de Poitiers, éd. B. Malmberg, Lund / Copenhague, 1940, p. 126, v. 775-798.
56 Aucassin et Nicolette, éd. J. Dufournet, Paris, Garnier-Flammarion, 1984, laisse XLI, p. 162, v. 2.
57 Béroul, Le Roman de Tristan, dans Tristan et Iseut, éd. Ph. Walter, Paris, Librairie générale française, 1989, v. 1646.
58 On sait que c’est grâce à ce déguisement qu’elle pourra jurer qu’aucun homme n’est entré entre ses cuisses sauf le roi Marc et le lépreux.
59 Béroul, v. 3571-3572.
60 Folie Tristan d’Oxford, dans Tristan et Iseut, éd. Walter, v. 213-216. Au moment où Yseut l’a reconnu, il lave son visage et reprend son apparence : « Le teint de l’herbe e la licur / Tut en lavat od la suur », v. 985-986.
61 Philippe de Rémi, Jehan et Blonde, éd. S. Lécuyer, Paris, Champion, 1984, v. 3494-3496, 3529-3532 et 3537-3538.
62 La Belle Hélène de Constantinople : « .I. ymaige de noir a le fourme Mahon », v. 12042.
63 La Belle Hélène de Constantinople, v. 6632-6633. Hélène qui craint l’arrivée de son père incestueux se frotte le visage de suie : « Droit a le queminee fu Elaine apoiant, / De sieuie que la fu le sien vis torquant, / Un pau se mascura c’on nel fust connissant » (v. 7592-7594) ; elle explique à son hôtesse qu’elle se noircit le visage pour échapper aux avances : « Dame, che dist Elaine, je me suy mascuree / Pour che que ne voeul pas, douche dame loee, / Estre de ches sergans ne priie ne amee » (v. 7604-7606).
64 Sur la représentation de l’homme sauvage, voir R. Bernheimer, Wild Men in the Middle Ages. A Study in Art, Sentiment, and Demonology, New York, Octagon Books, 1970 ; C.-C. Kappler, Monstres, démons et merveilles à la fin du Moyen Âge, Paris, Payot, 1999, p. 157-165.
65 Merlin figure parmi ces êtres qui partagent les attributs de l’Homme sauvage : Ph. Walter, Merlin ou le savoir du monde, Paris, Imago, 2000. Ces traits caractérisent aussi les créatures étranges rencontrées pas Alexandre en Orient, noirs et velus comme des ours ou couverts de peaux quand ils ne sont pas nus.
66 Chrétien de Troyes, Le Chevalier au Lion, éd. D. F. Hult, Paris, Librairie générale française, 1994, v. 296.
67 Partonopeu de Blois, v. 5936-5940.
68 Le Chevalier au Lion, v. 310 ; Aucassin et Nicolette, p. 116. Chez la plupart de ces personnages, il faut aussi ajouter la massue, autre attribut de l’homme sauvage.
69 Raoul de Houdenc, La Vengeance Raguidel, éd. G. Roussineau, Genève, Droz, 2004, v. 4915-4925 : elle chevauche avec les rênes inversées et vers la queue de son cheval.
70 Folie d’Oxford, v. 244-246. On rencontre Urgan le Velu dans le Tristan de Gottfried de Strasbourg où il est un géant tué par Tristan.
71 Dans le registre comique, le fabliau de Constant du Hamel décrit ce dernier « plus veluz c’une esclavine », NRCF, 1983, t. 1, p. 103-126, v. 747.
72 Le Chevalier au Cygne, éd. J. A. Nelson, The University of Alabama Press, 1985, t. 2, v. 4206-4207 et 4210-4216.
73 R. Colliot, « Aspect de l’ermite dans la littérature épico-romanesque des xiie-xiiie siècles », Mélanges de langue et de littérature françaises du Moyen Âge offerts à Pierre Jonin, Aix-en-Provence, CUERMA, 1979, p. 161-180 ; A. Goddard Elliott, Roads to Paradise. Reading the Lives of the Early Saints, Hanovre et Londres, The University Press of New England, 1987, p. 138-141.
74 La Vie de Sainte Marie l’Égyptienne, v. 123.
75 La Belle Hélène de Constantinople, v. 5760-5762.
76 La Belle Hélène de Constantinople, v. 14933.
77 Renaut de Montauban, éd. J. Thomas, Genève, Droz, 1989, v. 3547 et 3797. Par fidélité envers Charlemagne, il se moquera ensuite de ses fils : « Noir estes et velu aussi come gaingnon » (v. 3700).
78 Sur la tension, l’hésitation de l’auteur entre le Maugis chrétien et pénitent et le magicien, voir Ch. Ferlampin-Acher, « Larron contre Luiton : les métamorphoses de Maugis », Entre épopée et légende. Les « Quatre fils Aymon ou Renaut de Montauban », éd. D. Quéruel, Langres, Guéniot, 2000, t. 3, p. 101-118.
79 La Chanson des quatre fils Aymon d’après le manuscrit La Vallière, éd. F. Castets, Genève, Slatkine Reprints, 1974 [éd. Montpellier, 1909], v. 14468 et 14307. Il est aussi décrit noir comme charbon (éd. J. Thomas, v. 12553).
80 La Chanson des quatre fils Aymon, dans Renaut de Montauban, éd. J. Thomas, v. 12608 et éd. F. Castets, v. 14408. Les variantes du manuscrit La Vallière précisent comment Renaut vit lui aussi de cueillette, v. 17989-17991, 17998.
81 Voir à ce sujet, Pastoureau, Noir, p. 56-57.
82 Voir Walter, Merlin ou le savoir du monde, p. 64, sur l’apparence ursine de Merlin à sa naissance et sa relation à la mythologie de l’ours.
83 Le Chevalier au Lion, v. 4197. Voir Fr. Gingras, Érotisme et merveilles dans le récit français des xiie et xiiie siècles, Paris, Champion, 2002, p. 177.
84 Le Chevalier au Lion, v. 3134-3137.
85 Robert le Diable, éd. É. Gaucher, Paris, Champion, 2006, v. 1144.
86 La Vie de saint Jehan Paulus, éd. L. Allen, Two Old French Texts, Illinois Studies in Language and Literature, 18, 1935, p. 83-140, v. 789 et 797.
87 La Vie de saint Jehan Paulus, v. 831.
88 La Vie de saint Jehan Paulus, v. 874-876. La version en prose met bien en relief l’opposition du noir et du blanc : « Et tant ala par nuit, par jour, par neges et par froidures, qu’il qui estoit cras et blans fu pales, magres et noirchis » (p. 136).
89 La Vie de saint Jehan Paulus, v. 922, 935-936. Voir v. 993 : « D’erbe et de fruit iert sa viande ».
90 La Vie de saint Jehan Paulus, v. 1127 : « La fache avoit blance et vermelle ».
91 La Vie de saint Jehan Paulus, v. 1357-1363. Voir v. 1340 : « Jehans, ki ot le coulor pale ».
92 La Vie de saint Jehan Paulus, v. 1559. Version en prose : « mengoit pumes et rachinnes, et mengoit comme beste » (p. 138).
93 La Vie de saint Jehan Paulus, v. 1585-1586.
94 La Vie de saint Jehan Paulus, v. 1622.
95 La Vie de saint Jehan Paulus, v. 1720. Ici encore, la version en prose énonce les choses de façon directe : « Quant le roÿne et ses cambrieres l’eurent esgardé de tous lés, si furent moult grans risees, et boutoient l’une l’autre et ensignoient les membres genitaulz, dont disoit li une : “C’est uns ours”. L’autre disoit : “Uns leuwaroux” » (p. 138).
96 La Vie de saint Jehan Paulus, v. 1949.
97 L’expression est empruntée à D. Bohler, « Le conte et la pensée mythique. Figures de l’identité et suspens du temps », Ethnologie française, 23, 1993, p. 37-47, ici p. 37) ; A. van Gennep, Les Rites de passage, Paris, Nourry, 1909.
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- ISBN: 978-2-406-06067-3
- EAN: 9782406060673
- ISSN: 2273-0893
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-06067-3.p.0199
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 07-25-2016
- Periodicity: Biannual
- Language: French