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Classiques Garnier

Les muances du noir Les inflexions d’un détail dans le récit médiéval

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes / Journal of Medieval and Humanistic Studies
    2016 – 1, n° 31
    . varia
  • Auteur : Jeay (Madeleine)
  • Résumé : L’article porte sur la couleur noire et la façon dont elle participe à l’élaboration de l’œuvre. Il s’intéresse aux variations du sens qu’elle prend en fonction des configurations dans lesquelles elle se manifeste, notamment dans le couple qu’elle forme avec le blanc. Généralement considérée comme négative, elle peut s’inverser en signe positif et le blanc prendre une valeur négative. Le jeu avec les autres détails auxquels le noir est corrélé met en œuvres ces bifurcations du sens.
  • Pages : 199 à 221
  • Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes - Journal of Medieval and Humanistic Studies
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406060673
  • ISBN : 978-2-406-06067-3
  • ISSN : 2273-0893
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-06067-3.p.0199
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 25/07/2016
  • Périodicité : Semestrielle
  • Langue : Français
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Les muances du noir

Les inflexions dun détail dans le récit médiéval

À lissue de son article sur le rôle du noir dans Partonopeu de Blois, Pierre-Marie Joris conclut que ce qui aurait pu apparaître comme un simple détail sans véritable portée, participe en fait à lélaboration de lœuvre1. Son étude est exemplaire en ce sens quelle sappuie sur une méfiance salutaire à légard de significations archétypales considérées comme un donné et que son interprétation se construit en fonction de la singularité du texte et de la mise en perspective des occurrences de cette couleur aux fortes connotations2. On ne peut pourtant pas faire totalement abstraction de la charge symbolique que les sociétés accordent aux couleurs et en particulier au noir : « cest la société qui “fait” la couleur, qui lui donne ses définitions et ses significations, qui construit ses codes et ses valeurs, qui organise ses pratiques et détermine ses enjeux3 ». Si la présence de ce détail dans une œuvre contribue à son réseau de significations, cest aussi du fait de renvoyer à des ensembles paradigmatiques tels que les entend Claude Lévi-Strauss, cest-à-dire qui ressortissent des codes culturels fondamentaux. On sait comment les corrélations entre les codes alimentaire, sexuel, vestimentaire principalement, permettent de traduire la façon dont lêtre humain se représente dans lunivers. Mais un détail na de portée quinscrit dans des configurations en corrélation avec dautres éléments, ensembles qui une fois stabilisés se fixent en véritables topoï. Ainsi la couleur noire sinterprète différemment en fonction de la place quelle occupe par rapport à dautres composantes, selon les jeux dopposition ou de co-occurrence qui peuvent se manifester. De signe généralement considéré comme négatif par contraste avec le blanc, elle peut sinverser en signe positif et le blanc prendre une valeur négative, polyvalence propre aux systèmes symboliques : « les couleurs

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nont pas de sens mais seulement des emplois, leur dimension symbolique étant la somme de ces emplois4 ».

Cet article va sintéresser aux variations de sens du noir en fonction des configurations dans lesquelles il apparaît, dabord dans le couple quil constitue avec le blanc, puis dans des ensembles que leur forte récurrence a constitués en dispositifs topiques. Ceux-ci correspondent à des scénarios de déguisement, puis à diverses figures reliées à la sauvagerie où le noir se combine avec dautres détails pour constituer des portraits types où lon observera linversion évoquée plus haut. On retrouve en effet les mêmes composantes dans lélaboration du code hagiographique, les images de lanimalité repoussante devenant signes de transcendance. Cest la polysémie du détail telle que Daniel Arasse lobserve dans ses analyses iconographiques, qui permet, par le jeu avec les autres détails auxquels il est corrélé, ce type de bifurcation du sens5. Approcher ainsi le détail de la couleur noire dans les textes invite à sinterroger sur son statut de motif au sens où les études ethnographiques et narratologiques utilisent le terme. Il en possède le même caractère virtuel dans la mesure où son identification et son effet dans le texte dépendent de lopération de « détaille » quopère le lecteur6 et de lactualisation de cet élément dans un contexte précis, « associé à dautres motifs7 ». La dimension anthropologique de la littérature médiévale, sa « mythicité », portent même à lanalyser en termes de mythème, délément lexical où à linstar du mythe, les mots fonctionnent, au niveau du métalangage, « comme des paquets déléments différentiels8 ».

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Parlant des couleurs, du noir en particulier, les variations contextuelles sappuient, il faut le reconnaître, sur des représentations dordre symbolique quil est nécessaire de prendre en compte pour la compréhension des diverses configurations et que Michel Pastoureau a bien mises en évidence. En dépit de lambivalence quon peut reconnaître à cette couleur, par exemple lorsquelle est identifiée positivement à la fertilité de la terre, les connotations négatives dominent. La plupart des mythologies opposent à la lumière les ténèbres davant la création, tandis quà lorganisation trifonctionnelle des sociétés, correspond la triade récurrente dans les textes médiévaux du blanc, du rouge et du noir : le blanc est la couleur des prêtres, le rouge des guerriers et le noir celle des artisans producteurs9. Sil est vrai que la Bible chante la fiancée du Cantique des Cantiques, noire et pourtant belle, le noir y est le plus souvent pris en mauvaise part, opposant au blanc, couleur du Christ, le noir de Satan10. Les textes littéraires véhiculent abondamment cette identification au diable. Le géant menaçant qui se dirige vers Perceval armé dune longue perche dans la Continuation de Perceval de Gérard de Montreuil :

Bien sambloit deables dinfer

cil qui le porte : si noir fu

quil samble que trais soit du fu11.

Dans le Roman de la Rose de Jean de Meun, les brebis noires et blanches du parc du bon berger représentent les damnés et les élus. Les connotations négatives convergent et se surdéterminent pour associer le noir à la mort, à lexotisme maléfique de lAutre non chrétien, au monstrueux, à la laideur, associations qui prennent valeur de doxa12. Parmi les exemples quil nest pas nécessaire de multiplier, citons à titre de référence emblématique, cette description des Africains tirée de Girart de Roussillon :

E ac i dAufricans neirs cun arunde.

Segurans de Surie fist mapemunde

Aduicet cele gent cui Deus confunde13.

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Cest à partir de ces ensembles de représentations partagées que vont se moduler les emplois en fonction des textes, de leurs registres, de lenvironnement dans lequel se situe loccurrence de la couleur noire. La chanson de geste fait de la peau noire et de la laideur la caractéristique des païens et sarrasins. Il sagit bien dune notation dordre symbolique et non réaliste, comme le prouvent les portraits de la sarrasine qui fascine par sa beauté et sa blancheur14. La répétition formulaire de ce détail pour présenter Orable dans la Prise dOrange, avec les variations quoffre le narrateur dans les comparaisons qui font ressortir cette blancheur, créent un effet de leitmotiv musical. Elle a « blanche la char comme la fleur en lente », « comme est la flor despine », ou « la noif qui resplent » ou bien encore « la flor en esté15 ». Avec sa carnation « plus vermeille que la rose flerant » et ses cheveux blonds, ses traits reproduisent les conventions du portrait de la dame courtoise16. Il est vrai quil sagit de la sarrasine amoureuse dun chrétien et généralement en passe de se convertir, ce qui nest pas le cas de lépouse offerte à Huon de Bordeaux par le sarrasin Agrapart sil veut renier le christianisme, sa « suer germainne, [qui] noir est comme errement17 ». Le lai du Trot explicite laffinité entre lamour et le blanc et en revanche son antinomie avec le noir. Le chevalier Lorois qui est allé écouter le rossignol dans la forêt, rencontre quatre-vingts jeunes filles portant de beaux vêtements légers et montant des palefrois blancs, chacune accompagnée de son ami avec

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qui elle passe son temps en baisers et propos damour. Puis sortent de la forêt quatre-vingts dames avec leurs chevaliers, eux aussi pleins de joie. Les deux groupes sont suivis dune centaine de demoiselles vêtues de frocs noirs, sans compagnie dhommes, sur de maigres bourriques noires, menant grand deuil, puis dune centaine dhommes souffrant des mêmes tourments. Les premières ont loyalement servi lamour tandis que les secondes nont jamais daigné aimer18.

La norme des portraits est donc de vanter la blancheur du teint des personnages dont on fait valoir la beauté, par opposition à la peau foncée de ceux que frappe une disgrâce. Dans la transposition comique quen fait le fabliau de La Coille Noire, ce trait de la convention devient lobjet du récit. Un vilain de retour des champs laisse apparaître sa couille noire par les fentes de son habit déchiré : stupeur de lépouse qui « cuidoit quele fust blanche ». Dégoûtée, elle se plaint : « Lasse, fet ele, com noir vit / Et com noires coilles je voi ! » Puis elle soumet le cas à lévêque pour obtenir le divorce et se fait plus précise dans son plaidoyer :

Mes mariz a lo vit plus noir

De fer et la coille plus noire

Que chape a moine ne prevoire

Sest velue comme pel dorse.

Mais elle doit avouer quelle ne sest pas torchée depuis un an, ce qui explique la couleur foncée de lorgane de son mari. Les derniers vers concluent sur léquivalence du noir et du blanc : « Quautant de force a en un noir / Com en un blanc, ce sai de voir19 ! ». Le registre comique du fabliau se prête à la rhétorique du renversement et à la description dévalorisante des parties intimes de lhomme et de la femme. Dans La Saineresse, elle vise lorgane masculin dont

Loingnement issoit dun tuiel

Et si descendoit dun forel

Dune pel mout noire et hideuse20.

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Beaucoup plus fréquemment cependant, le dégoût est suscité par la « couleur morisque » et le « ort cul » de la femme dégradée par la vieillesse et la débauche21.

La congruence du noir et du blanc affirmée par le fabliau de La Coille Noire est loin de correspondre à lordre des choses puisque la norme veut quils se conçoivent de façon dichotomique. Le Tournoi de lAntéchrist de Huon de Méry sarticule sur cette opposition. Après avoir rejoué laventure dYvain à la fontaine merveilleuse dans la forêt de Brocéliande, le narrateur voit chevaucher vers lui une créature très laide, un Maure de Mauritanie accompagné dun riche équipage. Il nose pas laffronter et décide de le suivre dans ses entreprises, tournois ou batailles. Ce personnage du nom de Bras-de-Fer, sert de greffier à lAntéchrist, chargé de consigner les péchés sur des registres. Dans les descriptions contrastées de lAntéchrist et de ses séides et du roi de Paradis accompagné des vertus, lopposition du noir et du blanc a valeur structurante. LAntéchrist monté sur un cheval « mors » est muni dun « escu noir [] a faus miracles22 », tandis que chacun de ses barons, Belzébuth, Jupiter, Saturne, Apollon, Mercure, Hercule, Neptune, Mars, Pluton, Proserpine et Cerbère, porte « lescu noir a crochet de fer » et « armeüres / Plus noires que meures mëures23 ». Les vices surgissent après eux, dont Insolence, « qui du vis semble mor » et Vilenie dont les armes « Nerent pas blanches comme cignes » et dont le heaume est « Si noir, com sil venist denfer24 ». La même insistance dans la répétition du détail qui fait signe caractérise les êtres qui occupent le Paradis et les vertus qui permettent dy accéder. Cest la couleur blanche qui cette fois-ci scande la présentation des adversaires de lAntéchrist effrayé par la « blanche ensaigne » de Chérubin qui est « dune si blanche nue / Que de mule rien nert tachiée25 ». Les anges qui laccompagnent sont tous « plus blanc que cignes26 ». À chacune des vertus présentée et décrite, la précision est répétée, éventuellement accompagnée de la signification de cette blancheur. Virginité

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De blanches armes fu armée

Plus flamboianz que noif sor glace.

Li escuz ert plus blans que cignes.

De blanches touailles dautiex

Avoit fete cote a armer.

De nule tache niert tachiée,

Einz iert blanche com fleur de lis.

Sot blanches armes, ce mest vis,

Por ce quas anges de parvis

Est cosine, si com moi semble,

Et que virginité resemble

Les anges com leur suer germeine27.

Pitié arbore une manche « blanche comme noif qui siet sor branche » et le « blanc penoncel » de sa lance a été blanchi « Es lermes de componcïon28 ». Celui de Miséricorde a été lavé par Pitié, « blanchiz / Es lermes quelle avoit plorées29 ».

Dans son interpolation du manuscrit BnF, fr. 146 du Roman de Fauvel, Chaillou de Pesstain sinspire explicitement de Huon de Méry pour sa propre bataille des vices et vertus. Il reprend de façon tout aussi systématique la même opposition du noir et du blanc. Parmi les vices équipés, comme on sy attend, darmes noires, Charnalité montée sur un cheval moreau porte un surplis également « noir com meure30 ». Les vertus leur font face, aux armes « blans plus que nest en yver nois31 », notamment Virginité et Humilité dont la description reprend ce détail. Encore une fois, la réitération et lopposition avec le noir des suppôts de lAntéchrist confèrent à ces notations la valeur de « paradigme indiciaire32 ».

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Il est intéressant de voir après ces deux exemples de dichotomie nette, reflet dun système où les valeurs saffrontent sans ambiguïté, celui du Parzival de Wolfram von Eschenbach qui commence par établir lopposition pour ensuite la dépasser. Celui à qui échoit la couleur noire prend la teinte des ténèbres infernales, tandis que le persévérant garde la blancheur du ciel. Mais celui chez qui se mêlent les deux couleurs, à limage du plumage de la pie, peut se réjouir car en lui « sallient le courage intrépide et son contraire33 ». Les personnages de Wolfram représentent la totalité du monde connu englobant lOrient et lOccident. Feirefiz lAngevin, le fils de Gahmuret et de Belakane, la reine du pays de Zazamanc dont les habitants sont noirs comme la nuit, incarne par sa peau bicolore comme le plumage de la pie, la possibilité dune unité. Bien que païen, il se comporte en chevalier valeureux, connaît le français et propose dans cette langue une trêve à Parzival34. Son visage qui ressemble à « un parchemin rempli décritures, noir et blanc çà et là », traduit bien comment lécriture poétique permet de transcender les oppositions, en loccurrence celles que fonde, dans la chanson de geste la confrontation avec les sarrasins35.

La façon dont le roman de Partonopeu de Blois traite le noir met en évidence lambivalence des valeurs quil peut porter. Les amours du héros avec Mélior dans sa ville de Chef dOire, dont il partage le lit mais quil lui est interdit de voir, se trouvent associées à des animaux de couleur noire quil est porté à interpréter négativement. Un destrier et des lévriers noirs apparaissent à Partonopeu après sa première nuit damour avec Mélior qui par la suite lui offre douze chevaux de somme de cette couleur lorsquil retourne pour la première fois à Blois36. Toutefois les connotations négatives qui leur sont attachées nempêchent pas quils soient qualifiés de « bel37 ». Pourtant, lorsque le destrier noir de Partonopeu est tué au combat, il y voit un mauvais présage, conformément à linquiétante étrangeté qui semblait marquer dès le début son aventure amoureuse. La

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menace saccomplira, une fois la transgression commise et la beauté du visage de Mélior révélée, lorsque rejeté par la jeune fille, il se réfugiera dans une forêt dArdenne aux ténèbres infernales :

Li felon serpent sont es mons,

Les grans guivres es vaus parfons,

Desor les eves tenebroses ;

Noires les font et venimoses38.

Nous reviendrons sur la transformation quil y subit en homme sauvage. Lorsquil retrouvera lamour de Mélior, après avoir été ramené à la dignité chevaleresque par Urraque, la sœur de la jeune fille, la description des manteaux des deux sœurs se fait selon le triangle topique du noir, du blanc et du rouge au statut symbolique supérieur à celui des autres couleurs39. Comme lindique Pierre-Marie Joris, le noir perd dans ce triangle sa connotation négative car il figure comme une étape dans le processus qui conduit le héros à laccomplissement final. Il marque le début de laventure avec le cheval noir offert par Mélior, puis linterdit et les épreuves de la forêt dArdenne. Le temps de lexil et de la réhabilitation est accompagné par le cheval rouge que lui donne Urraque, et celui du triomphe final au tournoi organisé par Mélior pour que soit élu le vainqueur qui deviendra son époux, saccomplit avec le cheval blanc aux oreilles rouges fourni par la femme du cruel chevalier Armand40. Que le noir soit attaché à lidentité secrète de Mélior qui interdit quon la voie et ne révèle pas qui elle est, ou à la chute dans la sauvagerie de Partonopeu pour ne pas avoir respecté sa promesse, il représente la part obscure en chacun, à prendre en compte pour devenir pleinement humain. Chez Partonopeu, cette ambivalence du noir correspond à celle de ses sentiments à légard dune femme dont le mystère inquiète41.

Dans le scénario romanesque de la femme accusée à tort, le noir intervient également dans la période où elle se trouve rejetée aux marges de la société, contrainte de traverser une série dépreuves. Il figure, parmi dautres détails, comme composante du portrait de la femme déchue :

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le teint noirci par les privations et le soleil, les cheveux et les vêtements en désordre. Dans le récit des Enfants cygnes du Dolopathos de Herbert, les sept enfants, six garçons et une fille, que vient de mettre au monde une fée, lui ont été enlevés par la mère de son mari et remplacés par des chiots. Ayant pris sa femme en haine, il la fait enterrer jusquà la poitrine et ordonne à ses gens le lui verser sur la tête de leau sale et des déchets. Traitée ainsi pendant sept ans, ses vêtements se sont usés, son teint auparavant coloré se noircit, comme ses cheveux blonds. Une fois la vérité découverte, elle retrouve sa couleur, sa beauté et lamour de son mari42. Le même détail se rencontre dans les récits de la fille à la main coupée pour décrire lerrante qui fuit, après la menace dinceste de son père, la condamnation à mort infligée par la mère ou la tante de son mari. Dans La Belle Hélène de Constantinople, lhéroïne

Sen pain va demandant comme fame esgaree ;

Moult estoit mal vestue, et noire, et mascuree,

Du solail et du vent devint toute harlee43.

Dans le Roman du comte dAnjou de Jean Maillart, la notation sapplique au mari, le comte de Bourges, en quête de son épouse en fuite et par là même, réalisant un processus de rédemption parallèle à celui quelle accomplit :

Quer par force de grant froidure

La face li devint obscure

Et lez levres de noir li taingnent

Et ses denz souvent sentrataingnent44.

Dans ces épisodes romanesques, le noir emblématise le parcours dépreuves que doit traverser le héros, condition de son accomplissement final, autant mondain que spirituel. Sa négativité sinverse puisquil devient le signe dune démarche de progrès spirituel, signe que lon retrouve dans le récit hagiographique proprement dit auquel ces romans empruntent le scénario de rédemption dans le rabaissement. Lune

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des versions de la vie de Marie lÉgyptienne détaille comment, après sa conversion, menant une vie danachorète dans le désert, lancienne prostituée est « toute noirchie », depuis le menton jusquaux mains, aux bras et aux côtés : sous ses vêtements déchirés on voit sa « char bruslee / Del soleil et de le gelee45 ». Lermite que rencontre saint Gilles après avoir distribué ses richesses pour vivre lui-même en ascète est « meigres e senz colur, / taint del soleil e del labur46 ». Gilles, qui « la charn out blanche cume leit » du temps de sa splendeur, aura une fois devenu ermite, la face « tainte et greslee / del solail e de la gelee47 ». Lexpression formulaire fait sens par sa répétition. Linversion des signes érige le blanc en témoignage de vanité mondaine et surtout lorsquil concerne les femmes, de la séduction dangereuse quelles peuvent exercer. Les consignes que leur adresse Robert de Blois dans le Chastoiement des Dames sont explicites à cet égard :

De ce se fait dame blasmer

Qui seut sa blanche char mostrer

A ces de cui nest pas privee.

Aucune laisse desfermee

Sa poitrine, por ce quon voie

Confaitemant sa char blanchoie.

Blanche gorge, blanc col, blanc vis,

Blanche mains mostrent, ce mest vis,

Que bele soit desoz ses dras48.

Les deux récits hagiographiques, celui de Marie lÉgyptienne et celui de saint Gilles, opposent ainsi clairement le noir positif de lascète à la blancheur de leur corps au temps de leur vie de plaisir. La Vie de Marie lÉgyptienne emprunte à la topique du portrait romanesque pour décliner dabord la liste rituelle des parties de son corps caractérisées par leur

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blancheur, énumération reprise plus loin en mettant laccent sur leur noirceur, la répétition anaphorique des adjectifs mettant en évidence lintention morale qui leur est attachée49. La présentation de saint Gilles emprunte aussi aux procédés de la rhétorique romanesque pour signifier, par la même opposition, comment laccès à la transcendance passe par labandon des attributs corporels.

Nous reviendrons sur ce scénario de rabaissement préalable au progrès spirituel du personnage dans le récit romanesque aussi bien quhagiographique, pour mettre en évidence les autres composantes de cette configuration, les autres détails qui interviennent avec le noir de façon récurrente pour la constituer. Nous allons nous intéresser dabord à une autre configuration, à un topos qui constitue lun des ressorts narratifs les plus communs, celui du déguisement dont le noir est, dans nombre de cas, un élément constitutif50. Pour passer inaperçu parmi les sarrasins, le personnage de chanson de geste se noircit le visage et les mains à laide dherbes et prend éventuellement les insignes du pèlerin51. Deux exemples typiques se trouvent dans le Charroi de Nîmes et la Prise dOrange. Le narrateur utilise dans le Charroi une variante de lépisode du cheval de Troie lorsque Guillaume veut semparer de Nîmes occupée par les sarrasins : il se fera passer pour un marchand conduisant à la ville des tonneaux où seront cachés ses soldats. Cela donne la séquence topique du déguisement et de la liste de denrées qui accompagne de façon récurrente la figure du marchand. Son neveu Bertrand sest affublé dune cotte « dun burel enfumé », de bure noircie, et chaussé dinvraisemblables souliers de cuir de bœuf percés sur le dessus52. Plus tard, quand Guillaume veut aller rendre visite à la reine Orable dont il a entendu vanter les charmes, il se déguise en sarrasin accompagné de son neveu Guiélin et de Gilbert qui parle la langue. Ils font piler au mortier des herbes dont ils se teignent en noir le visage, la poitrine et les pieds : « Fardoillié furent dalun et darrement,

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/ Tres bien resemblent Sarrazin ou tirant53 ». Ils revêtent une esclavine, ce vêtement fait de peau velue associé à la tenue des pèlerins, dont Guillaume emprunte aussi le bâton, le « bordon ferré54 ». Le comique inhérent à ces scènes de déguisement, notamment dans la Prise dOrange marquée par la parodie, comme le rabaissement subi par les héros, ne remettent pas fondamentalement en question leur courage ni la valeur de leur lutte contre les sarrasins.

Le motif émigre dans le roman, comme le montre cet exemple du Roman du comte de Poitiers. Le comte qui désire se rendre à Poitiers incognito, échange ses vêtements avec un pèlerin qui prend une herbe que lui avait donnée un païen, Caïfas, ayant la vertu de noircir la peau, et grâce à quoi il ne sera pas reconnu55. Le motif du visage noirci par une herbe afin de dissimuler lidentité permet le dénouement dAucassin et Nicolette. Elle se fait passer pour un jongleur qui chante au jeune comte de Beaucaire les aventures quelle a vécues et où elle a appris quelle est la fille du roi de Carthagène, ce qui rendra possible leur mariage. Grâce à une autre herbe appelée esclaire, elle retrouvera son « cler vis », son lumineux visage56. Toutefois, le personnage emblématique que le destin contraint à la dissimulation, à la ruse, et même à lhumiliation, cest Tristan, le lépreux de la version de Béroul, le fou des folies de Berne et dOxford. Dans le Tristan de Béroul, la première occurrence du noir se situe lors de lépisode de la fuite des amants dans la forêt du Morrois où, à cause des privations « se color müent57 ». La seconde apparaît comme composante du motif du déguisement de Tristan en lépreux selon les instructions dYseut à qui il servira de monture pour traverser le bourbier du Mal Pas58. Il revêt un manteau de bure grossière tout noirci

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de fumée59. Dans la Folie dOxford, le désir de revoir Yseut le pousse à feindre la folie afin de parvenir jusquà elle. Pour ne pas être reconnu,

Od une herbete teinst sun vis,

Kil aporta de sun païs.

Il oinst sun vis de la licur,

Puis ennerci, muad culur60.

Dans Jehan et Blonde de Philippe de Rémi, le motif de lherbe qui sert à masquer le visage présente une variante qui rappelle lassociation qui peut être faite entre le noir et la décoloration du teint. Alors que les deux amants cherchent à échapper au comte de Gloucester qui veut épouser Blonde, Jehan envoie son serviteur Robin en reconnaissance après lui avoir pali le visage avec une herbe pour quon ne le reconnaisse pas :

Je palirai si ton visage

Dune erbe que je connois bien,

Nus ne te connoistroit pour rien.

[] Atant cuelli en la gaudine

Jehans dune herbe la rachine,

Si la au pumel de sespee

Broiie et diauwe destempree.

[] Plus pale que cire matie

Est sa chiere, et toute froncie61.

Dans un récit dont la portée est toute profane et qui sintéresse surtout à démontrer que lamour véritable et la valeur personnelle transcendent les privilèges de naissance, la reprise par le narrateur du motif sert surtout dartifice narratif. Il en est tout autrement dans La Belle Hélène de Constantinople, texte hybride qui combine chanson de geste, récit romanesque et hagiographique. On y retrouve la connotation négative du noir lorsquil est associé au sarrasin. Lun des chevaliers chrétiens, Amaury, véritable figure christique qui mourra crucifié, porte un écu

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où est représenté un Mahomet de couleur noire piétiné par Jésus62. Mais elle se fait signe positif pour souligner le caractère exemplaire des tribulations de lhéroïne. On a vu comment les difficultés de sa pérégrination ont halé son visage. Dans les circonstances que lui impose sa fuite, le déguisement qui la force à le noircir est destiné à camoufler une beauté funeste, afin de ne pas provoquer le désir des hommes et subir leurs avances : « Pour che quod bel viare cascuns le convoita, / Nonpourquant au matin souvent se mascura63 ».

Les personnages rencontrés jusquici, amenés à subir une série dépreuves qualifiantes destinées à assurer leur statut de héros ou éventuellement de saint, passent par un épisode de rabaissement aux frontières de lhumain. Le portrait donné deux sapparente dans lensemble de ses détails, à la figure de lhomme sauvage : reviennent systématiquement les notations sur le teint halé, la pilosité du corps ou les vêtements de peau à peine dégrossie, les nourritures offertes par la nature, venaison, herbes et fruits64. Ces traits constituent un ensemble stable qui sert à caractériser toute une palette dêtres aux franges de lhumanité normale, depuis le monstre repoussant jusquà lascète qui a renoncé aux avantages de la culture65. Sans apparaître tous dans chacune des manifestations, ils composent une constellation fonctionnant sur le mode du topos si bien quil suffit que certains soient mentionnés pour évoquer lensemble. Cest le cas de la description stéréotypée de la laideur sauvage. Celle du bouvier rencontré à lorée de la forêt par Calogrenant dans le Chevalier au lion de Chrétien de Troyes, sert de modèle avec ses comparaisons animales et lénormité de sa tête sur laquelle insiste le narrateur. Plus grosse que celle dun

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cheval de somme, son front « ot bien.ii. espanes de lé », deux empans de largeur66. Rencontrer ce détail dans limage qui est donnée de Partonopeu de Blois lorsque Urraque le trouve au fond de la forêt où il cache son désespoir, peut surprendre à première vue puisquil sagit dun noble chevalier dont on a vanté la beauté. Cest à peine si la jeune fille peut apercevoir son visage :

Mais el ni puet trover le vis,

Tant est soilliés par les grans dels

Et si est covers de cevels.

Nest mervelle sel ne lenterce :

Le cief a lé con une herce67.

Mais il prend toute sa signification comme donnée de la topique de présentation du chevalier momentanément ensauvagé, étape obligée préalable à sa rédemption. Des deux autres attributs qui composent le portrait, celui de la pilosité évoquée par les cheveux qui le cachent, est tout aussi récurrent que celui du visage souillé et noirci. Nudité et pilosité représentent les pôles reliés à la nature dans le schéma du code vestimentaire, par opposition à la culture et à ses atours. Les tenues dont sont revêtus les personnages à la marge de la normalité humaine, dissimulent à peine leur corps et évoquent la peau de lanimal, en particulier son aspect velu. Le gardien de taureaux du Chevalier au lion porte « Deux cuirs de nouvel escorchiés », celui dAucassin et Nicolette, avec ses jambières en cuir de bœuf maintenues par des écorces de tilleul, est habillé dun manteau sans envers ni endroit68. Dans la Vengeance Raguidel, une jeune fille dont lami a été tué par un chevalier félon, signale par son manteau mis la fourrure à lextérieur, létat liminaire dans lequel elle se trouve tant quil ne sera pas vengé69. Après avoir teint son visage en noir, sêtre rasé le haut du crâne pour ressembler a un fou et emprunté lhabit dun pêcheur, le Tristan de la Folie dOxford est accueilli à la cour de Marc par le portier qui se moque de lui :

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Entrez, fis Urgan le Velu.

Gras e velu estes assez ;

Urgan en so ben resemblez70.

Lesclavine, cette pèlerine à capuchon en laine brute portée par les pèlerins ou les lépreux et dont saffublent éventuellement les héros de chanson de geste comme Guillaume, représente bien la situation dentre deux où se trouve celui qui la revêt. Son apparence, que le fabliau a vulgarisée sous forme de proverbe, « plus velu quune esclavine71 », en fait lattribut approprié pour signifier le dépouillement auquel doit consentir le pénitent, comme on le trouve énoncé clairement dans Le Chevalier au cygne :

Jamais ne vestirai ne vair ne gris nermine

Nafublerai mantel orlé de sebeline,

[]

Ains vestirai la haire quist poignans con espine,

Saverai une gonne noire con esclavine.

Fuirai ment en.I. bois u en une gaudine ;

Illuec converserai avoec la salvegine.

Querrai une capele qui pres ci est voisine ;

La ferai.I. renclus, si vivrai de racine.

Mangerai erbes crues atote la furine72.

Le passage synthétise en quelques vers les motifs constitutifs du topos : la noirceur, le retrait dans un espace liminaire et lidentification à la nature des codes vestimentaire et alimentaire.

On peut faire, à propos de la nourriture, le même parcours que celui ébauché pour le type de vêtement : les épisodes de régression du héros ensauvagé saccompagnent de détails sur le caractère non apprêté des aliments. Comme on la constaté pour lopposition du noir et du blanc, les signes sinversent pour traduire laffinité paradoxale de linfra et du supra humain73. On peut revenir aux deux figures de saints déjà évoquées

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à propos de laltération que le renoncement au monde a imposée à leur teint. Gilles vit trois ans dans une cavité creusée dans le sol à se nourrir de racines et de cresson. Quant à Marie lÉgyptienne qui ne songeait quà « boire et mengier et luxure », elle a passé quarante ans dans le désert, sa nudité à peine couverte dun tissu déchiré, à manger de lherbe et des racines comme une bête sauvage74. Il suffit au narrateur de La Belle Hélène de Constantinople de la simple indication que les fils jumeaux de lhéroïne sont vêtus de feuilles, pour que le lecteur la décode selon la clé hagiographique, déjà mise en place avec la figure derrante dépouillée de sa beauté et dont les malheurs renvoient à la légende de saint Alexis. Ils deviendront respectivement saint Martin et le père de saint Brice. Le premier incarnera la charité dans la ville de Tours dont il sera lévêque et le second lascétisme. Leur double vocation se traduit par le contraste entre les nourritures auxquelles chacun deux est identifié :

Lun ne gouste de vin, lautre le va buvant ;

Li uns mengüe char, lautre nen va goustant,

Anchois a herbelettes, de quoy il va mengant75.

Sans enjeu proprement narratif, la répétition de ce dernier détail, la consommation dherbes et celle du fait de se vêtir de feuilles, est significative dans son incongruité même, pour permettre didentifier ces motifs à la figure de lermite. Ils définissent particulièrement le personnage de Félix, lermite qui avait recueilli et élevé les deux enfants, mentionnés les deux fois où il entre en contact avec le monde extérieur. Ainsi lorsquil se rend à Tours pour certifier que Brice et Martin sont les enfants quil a nourris, le narrateur indique quil ne touche rien du repas, se contente des herbes quil avait apportées et que « Vestus estoit de feulles et deriere et devant76 ».

Renaut de Montauban qui développe aussi un scénario de rédemption passant par le dépouillement, montre bien lambivalence des signes et des figures reliées à la sauvagerie. Après avoir passé sept ans dans la forêt pour fuir la vindicte de Charlemagne, ses frères et lui sont devenus

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noirs et « veluz come ors enchaenez », si bien que leur père qui ne les reconnaît pas, les prend pour des ermites, des pénitents : « Bien resenblez hermites ; estes peneancier77 ? ». À la fin de son parcours, Renaut partagera la vie de lermite Maugis78. On rencontre dans leur description et celle de leurs habitudes, les éléments constitutifs que sont la noirceur de la peau, la pilosité et la nourriture quoffre la nature. Maugis est pris pour un sarrasin car il est devenu « noirs comme more79 ». Il ne se nourrit que « de racines et dautre herbe salvage » et une « chape velue » cache sa nudité, tandis que Renaut ne boit que de leau et « vait paissant comme beste en paisture80 ». Laffinité avec lanimal peut aller jusquà la confusion, en particulier avec lours à qui par ailleurs on prête des traits humains81. Cest le cas du Merlin de la Vita Merlini, de son scribe Blaise isolé dans la forêt et que la Légende dorée, dans la Vie de saint Blaise, montre vivant dans une caverne comme un ours, en compagnie de bêtes sauvages quil a apprivoisées, autre motif de la représentation du saint anachorète82. Ambivalence, encore une fois dune image associée à la sexualité animale, celle du géant du Chevalier au lion « armé dune pel dours », mais qui peut être transcendée, comme le montre Yvain lui-même83. Le premier geste à son émergence de la forêt où il a caché sa folie damant indigne des promesses faites à sa dame, le premier signe de sa réhumanisation, passe par lacte déliminer la toison qui lui avait recouvert le visage. Cest ce que sempressent de faire les fées qui lont ramené à la raison grâce à un onguent magique :

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Si le baignent et son chief levent

Et le font rere et rouongnier,

Car on li peüst apongnier

La barbe a plain poing seur le faiche84.

La folie entre dans cette constellation de motifs, comme facette constamment évoquée dans ces scénarios de chute et de réhabilitation, folie dêtres portés à leurs limites par les exigences de lamour, quil soit humain ou divin. Elle pousse à un retrait du monde dans la forêt des amants en rupture et des ermites, dans la caverne ou le désert où ceux-ci se retirent. Mais la ville peut elle aussi fournir un cadre dautant plus approprié que le personnage en rupture doit affronter le regard et les quolibets. La référence sous-jacente à ce type de scénario est la Vie de saint Alexis et les dix-sept ans quil a passés dans la ville dEdesse. Elle a informé le parcours dHélène dans la Belle Hélène de Constantinople et sert également de repère à celui de Robert de Diable qui est passé de la folie du mal à celle où le conduit le repentir. Lermite à qui il sest confessé lui impose la pénitence suivante. Il devra aller par les rues en se comportant comme un fou sans répondre aux insultes, ne plus parler et ne manger que les restes de table disputés aux chiens, ce qui le rendra « velu et maigre85 ». La façon dont se fait la reconnaissance divine de la rémission de ses fautes permet de constater que le processus dinversion, avec le sens positif du noir, de lanimalisation, de la folie qui laccompagne, sinscrit dans un système de représentations où le blanc sert malgré tour de référence. À trois reprises, le pénitent recevra la visite dun magnifique chevalier tout équipé darmes blanches et monté sur un cheval blanc grâce à quoi il vaincra les Turcs venus assiégés Rome où il sest réfugié. Le traître qui saffuble dune armure blanche pour retirer à sa place les bénéfices de la victoire, sera désavoué par un miracle : la fille muette de lempereur retrouve la parole et révèle la vérité.

Nous allons clore la réflexion sur la façon dont loccurrence de certains détails doit alerter le lecteur, même si au premier abord, ils nont pas dincidence au plan narratif, avec un texte qui joue lui aussi de la porosité entre le romanesque et lhagiographique. La Vie de saint Jehan Paulus accumule sur à peine deux mille vers, les motifs qui entrent en

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corrélation avec le noir pour constituer le dispositif narratif de la chute et de la rédemption. Leur densité et leur accumulation, indiquent bien leur importance non seulement pour linterprétation de ce texte, mais plus généralement, dans lapproche herméneutique des récits où ils figurent et à ce titre, il servira de conclusion. Il vaut la peine de suivre la narration dans son déroulement pour constater leffet de concentration des détails topiques, accentué par le caractère formulaire de leur expression. Jehan qui a décidé de suivre le modèle de saint Alexis, fuit le monde « en desert ou en boscage », « atournés com hom estranges86 ». Il commence à mendier et ne reçoit que des rebuffades « Car il estoit et cras et blans87 ». Par la suite, il a tant souffert que

Molt li iert cangie la fache,

Car il estoit tains et palis,

Descoulourés et ennoirchis88.

Réfugié dans une forêt aux environs de Toulouse, il pénètre dans une clairière à travers un sentier épineux quune ourse avait tracé avec ses oursons et où il ne peut progresser quà quatre pattes, « si comme beste », où il décide de rester à se nourrir « Des pumetes et des rachines / Et de la glant et des faïnes » et à boire leau dune cavité que lourse avait creusée89. Après sept ans dune vie sainte dans son refuge, il est tenté par le diable qui lui rappelle les richesses de la maison paternelle et lui montre quil est réduit à létat de bête sauvage. Impuissant à le tenter, Satan transporte jusquà son oratoire la fille du roi de Toulouse à qui Jehan ne peut résister et quil tue pour cacher son méfait90. Il se livrera au mal jusquà ce quun jour, la lumière du soleil levant lui fasse prendre conscience de sa culpabilité. Il va se confesser à lévêque qui refuse de lui pardonner son meurtre. Jehan commence par aller trouver son père qui ne le reconnaît pas :

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Li prodom regarda lermite

Qui la car ot nue et despite.

Pales estoit, gaunes et vers,

Maint mal avoit eü li clers.

Aval lesgarda et amont,

Nel couneüst por tout le mont.

Pelus estoit et enhermis91.

Le portrait qui est alors tracé de Jehan comporte les détails attendus de la pilosité qui cache mal la nudité et du teint affecté par les privations, avec en ce cas dintéressantes variantes dans la caractérisation de la couleur. Il repart et pour rendre sa pénitence plus sévère, il décide de se déplacer à quatre pattes, ne parler que pour prier et boire à même source ou ruisseau, « comme beste boit92 ». Il se nourrit évidemment de fruits et de racines, ses habits déchirés couvrent mal son corps « maigres et souples / Gaunes estoit com uns escoufles93 ». La séquence suivante, celle de sa découverte par les chasseurs du roi de Toulouse à la poursuite dun sanglier, comporte la part de comique qui va avec tous ces épisodes de régression, quelle passe par un simple déguisement ou aussi par la perte de lidentité, par la folie à laquelle conduit linfraction aux règles sociales et religieuses. Ils le découvrent, « Tout pelu si com un oursel94 », et décident dapporter au roi cette bête qui ressemble tant à un homme. Il est exposé à tous et les demoiselles de la cour voyant « sa nature » exposée samusent à le prendre pour un loup-garou95. Un ange sadresse à lui par la bouche dun petit enfant pour lui signifier que le Christ lui a pardonné. Une fois vêtu, il raconte son aventure, puis conduit le roi et la reine au lieu où il avait jeté le cadavre de leur fille que Dieu ressuscite, vermeille « com rose nouvele96 ». La Vie de saint Jehan Paulus, cristallise en une image bien définie les détails que nous avons vu graviter autour du noir dans les

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textes épiques et romanesques. La légende hagiographique destinée à un public non lettré rend ainsi évidente la « texture mythique » de récits où peuvent se lire les étapes de parcours caractérisés par la séparation, la période de marge et lagrégation tels que Arnold van Gennep les a définis dans ses Rites de passage97.

Madeleine Jeay

McMaster University

1 P.-M. Joris, « Note sur le noir dans le Partonopeu de Blois », Les Couleurs au Moyen Âge, Senefiance, 24, 1988, p. 141-152, ici p. 151.

2 Joris, « Note sur le noir », p. 145 pour des considérations méthodologiques.

3 M. Pastoureau, Noir. Histoire dune couleur, Paris, Seuil, 2008, p. 17.

4 M. Pastoureau, « Les couleurs ont aussi une histoire », LHistoire, 92, 1986, p. 54, cité par Joris, « Note sur le noir », p. 145.

5 D. Arasse, Le Détail. Pour une histoire rapprochée de la peinture, Paris, Flammarion / Champs, 1996, p. 125-126 ; D. Boisseau, « De l“inexistance” du détail », Le Détail, éd. L. Louvel, Poitiers, La Licorne, 1999, p. 15-37.

6 Sur ce terme et cette opération, voir Boisseau, « De l“inexistance” du détail », p. 16.

7 D. Boutet, « Jehan de Lanson ». Technique et esthétique de la chanson de geste au xiiie siècle, Paris, Presses de lÉcole Normale Supérieure, 1988, p. 115. Sur la notion de motif relativement au récit médiéval, voir les travaux de J.-J. Vincensini, notamment « Le motif, champ morphologique du discours », Versus, 58, 1991, p. 9-26 ; Pensée mythique et narrations médiévales, Paris, Champion, 1996, p. 372 et 396-397 ; « Comprendre, décrire, interpréter un motif narratif. Lexemple de la “libération dune femme immergée dans leau par un jaloux” », Dans leau, sous leau. Le monde aquatique au Moyen Âge, éd. D. James-Raoul et Cl. Thomasset, Paris, Presses de lUniversité de Paris-Sorbonne, 2002, p. 387-411 et le numéro spécial dEthnologie Française, 25, 1995.

8 Cl. Lévi-Strauss, Anthropologie structurale deux, Paris, Plon, 1973, p. 170.

9 Pastoureau, Noir, p. 20-22.

10 Pastoureau, Noir, p. 30-31.

11 Gerbert de Montreuil, La Continuation de Perceval, éd. M. Oswald, Paris, Champion, 1975, t. 3, v. 16190-16192.

12 Pastoureau, Noir, p. 79-81.

13 La Chanson de Girart de Roussillon, éd. W. Mary Hackett, trad. M. de Combarieu du Grès et G. Gouiran, Paris, Librairie générale française, 1993, v. 3285-3287. Typique aussi ce détail dans La Prise dOrange où Guillaume voit arriver Gilbert. Longtemps retenu prisonnier par les Turcs, il sest évadé : « noir, taint et descoloré, / et megre et pale, velu et descharné », il est pris pour un sarrasin : La Prise dOrange, éd. et trad. Cl. Lachet, Paris, Champion, 2010, v. 143-144.

14 Cl. Lachet, « La Prise dOrange » ou la parodie courtoise dune épopée, Paris, Champion, 1986, p. 56-57 et 85-91.

15 La Prise dOrange, v. 205, 278, 665, 778.

16 La Prise dOrange, v. 666.

17 Huon de Bordeaux, éd. W. W. Kibler et Fr. Suard, Paris, Champion, 2003, v. 6737. Le Roman dAlexandre procède au même type deffacement des traits dexotisme chez les femmes dOrient qui entrent en contact avec Alexandre et ses soldats, les Amazones ou la « belle et blanche » reine Candace. Voir Thomas de Kent, Le Roman dAlexandre ou le Roman de toute chevalerie, éd. B. Foster et I. Short, trad. C. Gaullier-Bougassas et L. Harf-Lancner, Paris, Champion, 2003, v. 6943. On observe le même phénomène dans la version dAlexandre de Paris où les filles des arbres ont « cler le vis plus que nest flors de pres » (Alexandre de Paris, Le Roman dAlexandre, éd. E. C. Armstrong et al., trad. L. Harf-Lancner, Paris, Librairie générale française, 1994, v. 3373) et celle en prose de Jehan Wauquelin chez qui la reine « de blanc et de vermeil estoit a droit compassée » (Jehan Wauquelin, Les Faicts et les conquestes dAlexandre le Grand, éd. S. Hériché, Genève, Droz, 2000, p. 431).

18 « Le Lay del Trot », Lais féeriques des xiie et xiiie siècles, éd. A. Micha, Paris, Garnier-Flammarion, 1992, p. 314-330.

19 Nouveau Recueil Complet des Fabliaux (NRCF), éd. W. Noomen et N. Van den Boogaard, Assen-Maastricht, Van Gorcum, 1990, t. 5, p. 186-187, v. 8, 16-17, 60-63 et 120-121.

20 NRCF, 1988, t. 4, p. 309-312, v. 93-95.

21 M. Schwob, Le Parnasse satyrique du xve siècle, Paris, Welter, 1905, p. 61 ; Eustache Deschamps, Œuvres complètes, éd. Marquis de Queux de Saint-Hilaire, Paris, Firmin Didot, 1880-1889, rondeau 609, t. 4, p. 68, v. 2.

22 Huon de Méry, Le Tournoi de lAntéchrist, éd. G. Wimmer, Orléans, Paradigme, 1995, v. 551 et 538.

23 Le Tournoi, v. 595, 599-600.

24 Le Tournoi, v. 604, 978 et 984.

25 Le Tournoi, v. 1337 et 1340-1341.

26 Le Tournoi, v. 1353.

27 Le Tournoi, v. 1510-1511, 1516, 1520-1521, 1526-1527, 1333-1337.

28 Le Tournoi, v. 1566, 1570 et 1574.

29 Le Tournoi, v. 1968-1969. Ajoutons quAmour a fixé à sa manche « .I. blanc chevol / dalïance » (v. 1742-1743) et que larchange Raphaël portait une « blanche enseigne » à sa lance, v. 2883.

30 Gervais du Bus, Le Roman de Fauvel, éd. A. Långfors, Paris, Firmin Didot, 1914-1919, interpolation du manuscrit E, v. 1169. Voir aussi lédition plus récente dA. Strubel, Roman de Fauvel, Paris, Librairie générale française, 2012.

31 Fauvel, v. 1062.

32 Lexpression est empruntée à F. Terrasse-Riou, « Le détail balzacien : fantasmatique de la marque, idéologie du sens. Les enjeux idéologiques dun paradigme indiciaire », Le Détail, éd. Louvel, p. 143-135.

33 Wolfram von Eschenbach, Parzival, trad. D. Buschinger, W. Spiewok et J.-M. Pastré, Paris, Bourgois, 1989, p. 31.

34 Parzival, p. 329.

35 Parzival, p. 331.

36 Il faut ajouter un cheval de chasse que lui offre Urraque, la sœur de Mélior après sa transgression de linterdit : Joris, « Note sur le noir », p. 143.

37 Le Roman de Partonopeu de Blois, éd. O. Collet et P.-M. Joris, Paris, Librairie générale française, 2005, v. 1989.

38 Partonopeu de Blois, v. 5905-5908.

39 Pastoureau, Noir, p. 40.

40 Joris, « Note sur le noir », p. 150.

41 Le paradoxe est inscrit au cœur de Chef dOire, la cité enchantée de Mélior, illustré par lescarboucle, charbon devenu pierre de lumière : Partonopeu de Blois, p. 149.

42 Herbert, Le Roman de Dolopathos, éd. J.-L. Leclanche, Paris, Champion, 1997, t. 2, p. 351-379, notamment v. 9534-9578 et 10116-10122.

43 La Belle Hélène de Constantinople, éd. Cl. Roussel, Genève, Droz, 1995, v. 10284-10286.

44 Jean Maillart, Le Roman du comte dAnjou, éd. M. Roques, Paris, Champion, 1931, v. 5633-5636 ; voir M. Jeay, « Chercher une fille, une épouse. Sexualités déviantes et parcours de rédemption », Florilegium, 18, 2002, p. 65-82.

45 La Vie de Sainte Marie lÉgyptienne. Versions en ancien et en moyen français, éd. P. F. Dembowski, Genève, Droz, 1977, version T, v. 632 et 847-848. Voir M. Jeay, « Quête de la nudité eschatologique dans les vies de saints en français au xiiie siècle », Le Corps romanesque. Images et usages topiques sous lAncien Régime, éd. M. Moser-Verrey, L. Desjardins et C. Turbide, Québec, Presses de lUniversité Laval, 2009, p. 57-71.

46 Guillaume de Berneville, La Vie de saint Gilles, éd. et trad. F. Laurent, Paris, Champion, 2003, v. 949-950.

47 La Vie de saint Gilles, v. 59 et 731-732.

48 Robert de Blois, Le Chastoiement des Dames, éd. J. Howard Fox, Paris, Nizet, 1950, v. 189-194 et 203-205.

49 La Vie de Sainte Marie lÉgyptienne, v. 163-183 et 621-654 ; ladjectif blanc est répété cinq fois, noir lest sept fois.

50 G. Tanase, Jeux de masques, jeux de ruses dans la littérature française médiévale (xiie-xve siècles), Paris, Champion, 2010. Rappelons que le radical préroman *maska signifie « noir ».

51 Lachet, « La Prise dOrange » ou la parodie courtoise dune épopée, p. 56 ; Boutet, « Jehan de Lanson », p. 101-109 ; V. Galent-Fasseur, LÉpopée des pèlerins. Motifs eschatologiques et mutations de la chanson de geste, Paris, PUF, 1997, ici p. 199.

52 Le Charroi de Nîmes, éd. Cl. Lachet, Paris, Gallimard, 1999, v. 990.

53 La Prise dOrange, v. 451-452. Larrement désigne lencre ou les matières qui entrent dans sa composition, ainsi que le noir de corroyeur ou de cordonnier. Guillaume, décrit « taint comme charbon » (v. 799), le corps enduit dherbes broyées au mortier, ressemble au diable (v. 375-380).

54 Sur les connotations du déguisement de Guillaume, voir Tanase, Jeux de masques, p. 52-62.

55 Le Roman du comte de Poitiers, éd. B. Malmberg, Lund / Copenhague, 1940, p. 126, v. 775-798.

56 Aucassin et Nicolette, éd. J. Dufournet, Paris, Garnier-Flammarion, 1984, laisse XLI, p. 162, v. 2.

57 Béroul, Le Roman de Tristan, dans Tristan et Iseut, éd. Ph. Walter, Paris, Librairie générale française, 1989, v. 1646.

58 On sait que cest grâce à ce déguisement quelle pourra jurer quaucun homme nest entré entre ses cuisses sauf le roi Marc et le lépreux.

59 Béroul, v. 3571-3572.

60 Folie Tristan dOxford, dans Tristan et Iseut, éd. Walter, v. 213-216. Au moment où Yseut la reconnu, il lave son visage et reprend son apparence : « Le teint de lherbe e la licur / Tut en lavat od la suur », v. 985-986.

61 Philippe de Rémi, Jehan et Blonde, éd. S. Lécuyer, Paris, Champion, 1984, v. 3494-3496, 3529-3532 et 3537-3538.

62 La Belle Hélène de Constantinople : « .I. ymaige de noir a le fourme Mahon », v. 12042.

63 La Belle Hélène de Constantinople, v. 6632-6633. Hélène qui craint larrivée de son père incestueux se frotte le visage de suie : « Droit a le queminee fu Elaine apoiant, / De sieuie que la fu le sien vis torquant, / Un pau se mascura con nel fust connissant » (v. 7592-7594) ; elle explique à son hôtesse quelle se noircit le visage pour échapper aux avances : « Dame, che dist Elaine, je me suy mascuree / Pour che que ne voeul pas, douche dame loee, / Estre de ches sergans ne priie ne amee » (v. 7604-7606).

64 Sur la représentation de lhomme sauvage, voir R. Bernheimer, Wild Men in the Middle Ages. A Study in Art, Sentiment, and Demonology, New York, Octagon Books, 1970 ; C.-C. Kappler, Monstres, démons et merveilles à la fin du Moyen Âge, Paris, Payot, 1999, p. 157-165.

65 Merlin figure parmi ces êtres qui partagent les attributs de lHomme sauvage : Ph. Walter, Merlin ou le savoir du monde, Paris, Imago, 2000. Ces traits caractérisent aussi les créatures étranges rencontrées pas Alexandre en Orient, noirs et velus comme des ours ou couverts de peaux quand ils ne sont pas nus.

66 Chrétien de Troyes, Le Chevalier au Lion, éd. D. F. Hult, Paris, Librairie générale française, 1994, v. 296.

67 Partonopeu de Blois, v. 5936-5940.

68 Le Chevalier au Lion, v. 310 ; Aucassin et Nicolette, p. 116. Chez la plupart de ces personnages, il faut aussi ajouter la massue, autre attribut de lhomme sauvage.

69 Raoul de Houdenc, La Vengeance Raguidel, éd. G. Roussineau, Genève, Droz, 2004, v. 4915-4925 : elle chevauche avec les rênes inversées et vers la queue de son cheval.

70 Folie dOxford, v. 244-246. On rencontre Urgan le Velu dans le Tristan de Gottfried de Strasbourg où il est un géant tué par Tristan.

71 Dans le registre comique, le fabliau de Constant du Hamel décrit ce dernier « plus veluz cune esclavine », NRCF, 1983, t. 1, p. 103-126, v. 747.

72 Le Chevalier au Cygne, éd. J. A. Nelson, The University of Alabama Press, 1985, t. 2, v. 4206-4207 et 4210-4216.

73 R. Colliot, « Aspect de lermite dans la littérature épico-romanesque des xiie-xiiie siècles », Mélanges de langue et de littérature françaises du Moyen Âge offerts à Pierre Jonin, Aix-en-Provence, CUERMA, 1979, p. 161-180 ; A. Goddard Elliott, Roads to Paradise. Reading the Lives of the Early Saints, Hanovre et Londres, The University Press of New England, 1987, p. 138-141.

74 La Vie de Sainte Marie lÉgyptienne, v. 123.

75 La Belle Hélène de Constantinople, v. 5760-5762.

76 La Belle Hélène de Constantinople, v. 14933.

77 Renaut de Montauban, éd. J. Thomas, Genève, Droz, 1989, v. 3547 et 3797. Par fidélité envers Charlemagne, il se moquera ensuite de ses fils : « Noir estes et velu aussi come gaingnon » (v. 3700).

78 Sur la tension, lhésitation de lauteur entre le Maugis chrétien et pénitent et le magicien, voir Ch. Ferlampin-Acher, « Larron contre Luiton : les métamorphoses de Maugis », Entre épopée et légende. Les « Quatre fils Aymon ou Renaut de Montauban », éd. D. Quéruel, Langres, Guéniot, 2000, t. 3, p. 101-118.

79 La Chanson des quatre fils Aymon daprès le manuscrit La Vallière, éd. F. Castets, Genève, Slatkine Reprints, 1974 [éd. Montpellier, 1909], v. 14468 et 14307. Il est aussi décrit noir comme charbon (éd. J. Thomas, v. 12553).

80 La Chanson des quatre fils Aymon, dans Renaut de Montauban, éd. J. Thomas, v. 12608 et éd. F. Castets, v. 14408. Les variantes du manuscrit La Vallière précisent comment Renaut vit lui aussi de cueillette, v. 17989-17991, 17998.

81 Voir à ce sujet, Pastoureau, Noir, p. 56-57.

82 Voir Walter, Merlin ou le savoir du monde, p. 64, sur lapparence ursine de Merlin à sa naissance et sa relation à la mythologie de lours.

83 Le Chevalier au Lion, v. 4197. Voir Fr. Gingras, Érotisme et merveilles dans le récit français des xiie et xiiie siècles, Paris, Champion, 2002, p. 177.

84 Le Chevalier au Lion, v. 3134-3137.

85 Robert le Diable, éd. É. Gaucher, Paris, Champion, 2006, v. 1144.

86 La Vie de saint Jehan Paulus, éd. L. Allen, Two Old French Texts, Illinois Studies in Language and Literature, 18, 1935, p. 83-140, v. 789 et 797.

87 La Vie de saint Jehan Paulus, v. 831.

88 La Vie de saint Jehan Paulus, v. 874-876. La version en prose met bien en relief lopposition du noir et du blanc : « Et tant ala par nuit, par jour, par neges et par froidures, quil qui estoit cras et blans fu pales, magres et noirchis » (p. 136).

89 La Vie de saint Jehan Paulus, v. 922, 935-936. Voir v. 993 : « Derbe et de fruit iert sa viande ».

90 La Vie de saint Jehan Paulus, v. 1127 : « La fache avoit blance et vermelle ».

91 La Vie de saint Jehan Paulus, v. 1357-1363. Voir v. 1340 : « Jehans, ki ot le coulor pale ».

92 La Vie de saint Jehan Paulus, v. 1559. Version en prose : « mengoit pumes et rachinnes, et mengoit comme beste » (p. 138).

93 La Vie de saint Jehan Paulus, v. 1585-1586.

94 La Vie de saint Jehan Paulus, v. 1622.

95 La Vie de saint Jehan Paulus, v. 1720. Ici encore, la version en prose énonce les choses de façon directe : « Quant le roÿne et ses cambrieres leurent esgardé de tous lés, si furent moult grans risees, et boutoient lune lautre et ensignoient les membres genitaulz, dont disoit li une : “Cest uns ours”. Lautre disoit : “Uns leuwaroux” » (p. 138).

96 La Vie de saint Jehan Paulus, v. 1949.

97 Lexpression est empruntée à D. Bohler, « Le conte et la pensée mythique. Figures de lidentité et suspens du temps », Ethnologie française, 23, 1993, p. 37-47, ici p. 37) ; A. van Gennep, Les Rites de passage, Paris, Nourry, 1909.