« Étirer et ployer », encore et toujours
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Bulletin de la Société internationale des amis de Montaigne
2018 – 1, n° 67. varia - Auteur : Guerrier (Olivier)
- Pages : 143 à 156
- Revue : Bulletin de la Société internationale des amis de Montaigne
« Étirer et ployer »,
encore et toujours
Et encore et toujours, donc, pour point de départ, cet extrait du chapitre « Sur des vers de Virgile » consacré aux « beaux esprits » et à leur « langue » :
Le maniement et emploite des beaux espris donne pris à la langue : Non pas l’innovant tant, comme la remplissant de plus vigoreux et divers services, l’estirant et ployant. Ils n’y aportent point des mots, mais ils enrichissent les leurs, appesantissent et enfoncent leur signification et leur usage : Luy aprennent des mouvements inaccoustumés, mais prudemment et ingenieusement1. (III, 5, 873B/145).
Ces lignes, et plus largement le passage où elles prennent place, ont généré, et encore récemment, des commentaires fort pertinents2. Comme nous nous sommes nous-mêmes depuis quelques années engagés dans le débat3, 144nous aimerions y revenir pour encore préciser ce que selon nous peuvent signifier les verbes, ici au participe présent, du « maniement » des mots, dans les Essais.
Première lecture, presqu’immanente, et globale. Est manifestement en jeu un enrichissement, mais qui ne se situe pas sur le plan de la néologie. À ce titre, le procès désigné par « estirer » ne paraît pas d’abord s’effectuer sur le terrain quantitatif de l’innovation formelle et lexicale4, mais œuvre sur celui, qualitatif disons, du travail sur le déjà-là. Une isotopie de la profondeur est aisément repérable (« appesantir », « enfoncer », voire « remplir »), et induit que l’« étirement » touche avant tout le sens, le feuilleté des « significations » des termes, le paradigme sémantique si l’on veut, devenu plus large, en « vigoureux et divers services », dans l’« usage ».
Sous cet éclairage, « ployer » prend manifestement tout son relief. Apparu au xiiie siècle, il vient de l’ancien français ploier, issu lui-même de pleier, pleiier (vers 1100), qui remonte au latin plicare « plier, enrouler », lequel on apparente à plectere « plier, tresser, fléchir ». « Ployer » s’inscrit ainsi dans le sillage de « plier », dont il peut constituer comme le doublet. Le Thresor de Nicot de 1606 en fait foi, qui, à l’entrée « Plier », porte :
Plier, act acut. Est mettre en plis une chose estendue de son lonz & large, Plicare, Complicare. Selon ce on dit, Plier du drap, des soyes, du linge, du papier, &c. Ce qui s’entend en plis & replis. Plier aussi est courber, fléchir, Flectere. Selon quoy l’on dit, Plier une branche d’arbre, un baston, une verge, d’où procede le commun proverbe, Il vaut mieux plier que rompre, qui se dit à ceux qui ne veulent baisser la teste soubs le commandement de qui les peust châtier. Mais en cette signification on dit aussi Ployer. Incurvare5.
Mouvement inverse chez Furetière un peu moins d’un siècle plus tard, quand, à l’entrée « Ployer », il note « Voyez Plier, c’est la même chose6 » ; et, pour « Plier », quant à lui :
145Plier, ou Ployer. v. act & n. Mettre en ligne courbe, ou en angle une chose qui est en ligne droite7.
Au sens figuré comme au sens propre, les deux verbes sont donc ressentis comme ayant une forte proximité, « plier » tendant cependant peu à peu à mettre « ployer » « hors d’usage8 », puis à le faire considérer finalement, c’est le cas aujourd’hui, comme vieilli ou littéraire.
De fait, dans les Essais, « ployer » ou encore « ployable » sont déjà moins représentés que « plier » et ses dérivés. Montaigne privilégie d’ailleurs l’emploi figuré et le sens d’« adapter », que ce soit en évoquant la raison, les règles de la médecine ou encore l’attitude d’un homme de jugement9 ; ce qu’on retrouve dans des extraits contenant pour leur part « plier », qui traitent du corps ou des sectes philosophiques face à la loi civile10, dans un emploi pronominal du verbe dans le dernier exemple, lequel tour se rencontre également dans l’extrait suivant de l’Apologie :
Quand Mahumet promet aux siens un paradis tapissé, paré d’or et de pierrerie, peuplé de garses d’excellente beauté, de vins et de vivres singuliers, je voy bien que ce sont des moqueurs qui se plient à nostre bestise pour nous emmieler et attirer par ces opinions et esperances convenables à nostre mortel appetit. (II, 12, 518A/296)
146Où, sur l’Exemplaire de Bordeaux, « se plier » vient se substituer à « s’accommoder » présent dans toutes les versions antérieures, phénomène également observable avec « tourner » dans le chapitre « De la colere », cette fois sur une addition de 1588 :
Et aimeroys mieux produire mes passions que de les couver à mes despens : Elles s’alanguissent en s’esvantant et en s’exprimant : Il vaut mieux que leur poincte agisse au dehors, que de la plier contre nous. (II, 31, 719B/611)
Déjà présente à l’intérieur de certaines de ces occurrences, l’idée de contrainte est rendue elle aussi par « plier », sous la « force de la raison » d’un adversaire de joute puis « l’autorité » d’un témoin tel que Tacite dans « De l’art de conferer11 », et également à deux reprises par l’expression « plier sous le faix12 », qui fait advenir le sens propre du verbe, peu fréquent dans l’œuvre, sinon dans cette addition de 1588 au chapitre « Consideration sur Cicéron » où Montaigne évoque ses propres missives :
J’ay accoustumé les grands qui me connoissent à y supporter des litures et des trasseures, et un papier sans plieure et sans marge. Celles qui me coustent le plus, sont celles qui valent le moins : Depuis que je les traine, c’est signe que je n’y suis pas. Je commence volontiers sans project, le premier traict produict le second. Les lettres de ce temps sont plus en bordures et prefaces, qu’en matiere. Comme j’ayme mieux composer deux lettres que d’en clore et plier une, et resigne tousjours cette commission à quelque autre13. (I, 40, 253B/409-410).
Ceci nous conduit à un dernier ensemble où est en jeu le substrat linguistique. Le langage est perçu comme une matière labile, dont il faut 147apprendre de bonne heure les formes étrangères selon un extrait de « De l’institution des enfans », qui portait « façonner » dans les versions imprimées :
Je voudrois qu’on commençast à le promener des sa tendre enfance : Et premierement, pour faire d’une pierre deux coups, par les nations voisines où le langage est plus esloigné du nostre, et auquel si vous ne la formez de bon’heure la langue ne se peut plier. (I, 26, 153A/265)
Ou encore, dans cette perspective, et juste avant la séquence de « Sur des vers de Virgile » dont nous sommes partis, on lit l’aveu sur la langue italienne d’un Montaigne pourtant alors auteur d’une partie du Journal de voyage en cet « idiome » :
[B] Les imbecilles sentent encores quelque image de cecy. Car en Italie je disois ce qu’il me plaisoit en devis communs, mais aus propos roides je n’eusse osé me fier à un idiome que je ne pouvois plier ny contourner outre son alleure commune. (III, 5, 873/145)
Il y va alors naturellement, et pour finir, de la parole écrite, avec inflexion vers l’interprétation, dans l’Apologie toujours :
[A] Quand je prends des livres, j’auray apperceu en tel passage des graces excellentes, et qui auront feru mon ame, qu’un’autre fois j’y retombe, j’ay beau le tourner et virer, j’ai beau le plier et le manier, c’est une masse inconnue et informe pour moy. (II, 12, 566/376)
« Tourner », « virer », « manier », voilà réunis des verbes qui se situent dans la turbulence de « plier », et qui de plus ne sont pas sans rapport avec le « dictionnaire équestre14 » des Essais, ni avec nos lignes inaugurales sur « le maniement et emploite des beaux espris ».
Quoi qu’il en soit, à l’aune de ce rapide parcours, et si l’on accepte que « ployer » puisse toujours charrier des acceptions que « plier » prend dans la pratique désormais plutôt en charge, « étirer et ployer » impliquent un mouvement d’extension de la signification, allié à une adaptation, voire une « courbure », un « repli ». Les deux procès sont d’ailleurs presque associés, presque car inversés et avec ici présence de « replier », quand, dans un ajout manuscrit de « De l’affection des pères 148aux enfans », l’écrivain suggère de rabattre sur nous-mêmes les propos que nous tenons sur un autre :
Tous les jours et à toutes heures nous disons d’un autre ce que nous dirions plus proprement de nous si nous sçavions replier aussi bien qu’estendre nostre consideration. (II, 8, 395C/106)
La densité du tissu lexical d’ensemble, et le sujet de ce dernier texte, nous invitent alors à nous reporter à l’entreprise des Essais elle-même15. Soit d’abord à cet avatar du geste socratique d’auto-examen qu’expose « De la praesomption », et où « replie » vient remplacer « renverse » dans la version autographe :
[A] […] Le monde regarde tousjours vis à vis, moy je replie ma veue au dedans, je la plante, je l’amuse là. Chacun regarde devant soy, moy je regarde dedans moy : je n’ay affaire qu’à moy, je me considère sans cesse, je me contrerolle, je me gouste. Les autres vont tousjours ailleurs, s’ils y pensent bien : ils vont tousjours avant,
[A2] nemo in sese tentat descendere
[A] moi, je me roulle en moy-mesme. (II, 17, 657-658/522)
Arpentage de l’« esprit », effort pour « pénétrer les profondeurs opaques de ses replis internes » (II, 6, 378C/78) d’après l’addition manuscrite de la fin du chapitre « De l’exercitation », concrétisés en un ouvrage qui « enrolle » des observations toujours en rapport avec le sujet pensant, selon la suite de ce même passage, et la dynamique d’essai qu’il suppose :
Il y a plusieurs années que je n’ay que moy pour visée à mes pensées : que je ne contrerolle et estudie que moy : Et si j’estudie autre chose, c’est pour soudain le coucher sur moy, ou en moy, pour mieux dire. (Ibid., 378C/79)
Mais également, et dans le prolongement, un ouvrage où le « theme se renverse en soy » (III, 13, 1069C/432), dont une des propriétés essentielles est de concerner autant « les choses » que « le discours même » pour reprendre les termes de Marie de Gournay dans sa Préface de l’édition Dallin de 162516 – et cela de plus en plus, dans le « troisième allongeail » 149et les quelques « six cents additions aux deux premiers » livres de 1588, puis lors de la généralisation de l’écriture marginale aux trois tomes déjà existant, sur l’Exemplaire de Bordeaux17.
Soit, mais alors à quoi peut au juste renvoyer, sur le plan de la langue des Essais en tant que telle, l’opération d’« étirer et ployer » ? Nous prendrons ici le parti qu’elle s’applique en priorité au vocabulaire et, en celui-ci, aux substantifs et verbes qui en sont dérivés (et que du reste les Essais tendent volontiers à substantiver). Du point de vue du périmètre sémantique et la « polysémie » des termes, des choses importantes ont été écrites par Marie-Luce Demonet, analyses de micro-séquences de l’œuvre ou d’ensembles plus massifs comme le chapitre à l’appui, « polysémie » qu’elle reliait du reste aux réflexions de l’époque et non à notre définition moderne, pour conclure à l’existence de « mots voyageurs18 » chez Montaigne, où un sens spécialisé n’est souvent qu’une des possibilités offertes au lecteur par la langue en circulation. On peut s’accorder sur le fait que, dans les Essais, le sens d’un mot est foncièrement local, dicté par le contexte, expérimental ou, si l’on veut, pragmatique et empirique19. Mais cette logique horizontale ne supprime pas le halo de significations qui continue d’environner le vocable, soit la stratification et la sédimentation de ses utilisations dans les langues et les cultures « savantes » (latines notamment pour Montaigne, même si son texte répercute les problèmes qu’Amyot en particulier avait rencontrés avec le substrat hellénistique à l’occasion de ses traductions des Vies et des 150Moralia de Plutarque), mais également dans les langues vernaculaires à disposition, utilisations que l’ouvrage peut actualiser en d’autres endroits. On a là un fonctionnement des notions assez caractéristique de l’humanisme, transplantées dans des cadres nouveaux et modelées sur eux, mais qui restent adossées à un univers de représentations transmis par des gestes et habitus propres au temps, ce qui rend ardu de les hypostasier, ou d’y voir des « concepts20 ». Concrètement, cela confère du jeu au texte, un potentiel de sens aux occurrences, et du coup un rôle crucial au partenaire et « lecteur suffisant ».
Voilà de quoi doter les mots d’une vigueur que Montaigne appelle de ses vœux, sur le modèle, dans le chapitre « Sur des vers de Virgile », des paroles de Virgile et Lucrèce qu’il vient de « ruminer », qui « signifient plus qu’elles ne disent », et au sujet desquelles il précise un peu plus loin :
D’aucuns de ces mots que je viens de trier, nous en apercevons plus malaisément l’energie, d’autant que l’usage et la frequence nous en ont aucunement avily et rendu vulgaire la grâce. Comme en nostre commun, il s’y rencontre des frases excellentes, et des metaphores desquelles la beauté flestrit de vieillesse, et la couleur s’est ternie par maniement trop ordinaire. (III, 5, 874B/146)
Et dans « notre commun » figurent de façon privilégiée ceux de la chasse et la guerre :
En notre langage je trouve assez d’estoffe, mais, un peu, faute de façon. Car il n’est rien qu’on ne fit du jargon de nos chasses et de nostre guerre, qui est un généreux terrein à emprunter. Et les formes de parler, comme les herbes, s’amendent et fortifient en les transplantant. (Ibid.)
Il est bien établi que l’auteur suit là un mouvement de réhabilitation de la langue ordinaire, inauguré par le De vulgari eloquentia de Dante et sa traduction italienne par Trissino en 1529, et prolongé en France par le De philologia de Budé en 1532, la Défense et illustration de la langue 151française (II, 6 et 11) de Du Bellay en 1549, le « Suravertissement » des Odes de 1550 et la préface posthume de La Franciade de Ronsard, ou encore la Précellence du langage françois d’Estienne de 1579 ; mais, que contrairement à ce dernier et aux deux poètes, et avant eux Horace, il dénonce toute forme de néologie formelle21.
À la place, une « énergie » à restituer. L’energeia aristotélicienne, remobilisée par les rhétoriciens et poéticiens de la Renaissance, a gagné aussi bien la logique de Canaye (dont L’Organe est de 1589), la philosophie en langue vulgaire de Dupleix22 (dont la Physique est de 1603), que la lexicologie en constitution, et c’est là encore Nicot qui en fournit un bon exemple avec son Thresor de 1606. On croise en effet à quelques reprises dans ses « Commentaires » le tour « Selon l’énergie de ce mot », avec parfois adjonction de « la naïveté », autrement dit des « ordonnateurs sémantiques23 » qui visent à instaurer des filiations entre les acceptions, en particulier lors de l’évolution dans l’article du sens courant à celui plus spécialisé des disciplines que le titre complet de la somme met en vedette : c’est le cas pour « Escumeur », qui relève du lexique de la marine24, ou « rencontre », qui a une acception dans celui de la guerre25. Ce sentiment linguistique concerne également celui de la vénerie, ainsi 152que le révèle, un peu autrement, l’entrée consacrée à « pourchasser26 ». Mais comment, alors qu’il est exprimé ici au sein d’un dictionnaire et sur le mode taxinomique, ledit sentiment peut-il trouver un écho et une manifestation dans les Essais, œuvre qui obéit à un tout autre régime ?
Nous avons tenté de le démontrer, le « vocabulaire cynégétique27 » leste l’enquête montaignienne d’une part de « naturel », de spontanéité, à laquelle la relecture (par le scripteur) et la lecture (par le lecteur) doivent donner une consistance critique. La remotivation du paradigme a ainsi un impact sur les occurrences où les éléments de celui-ci sont employés dans un sens plus figuré. Pour ce qui est, de son côté, de la « rencontre » à strictement parler, on inférera que, si l’acception militaire est une parmi d’autres, la précision de sa définition dans le Français du temps, et que respectent les Essais quand il y a lieu, permet d’étoffer de ses virtualités des valeurs distinctes d’elle, en leur apportant une « énergie » supérieure : soit, en parallèle avec cet autre grand univers de référence du hasard des « rencontres » qu’est l’épicurisme et son clinamen, celui plus « moderne » de la guerre, domaine par excellence de la Fortune dans les consciences de l’époque, avec idée d’un lien fortuit et en « petit comité28 ». C’est ainsi finalement que, selon un fonctionnement en réseau propre au livre, lequel enregistre l’état contemporain de la langue, tandis qu’un sens est déterminé par un contexte, d’autres continuent dans le même temps de bruire autour de lui, en le « fortifiant ». Et c’est de la sorte une des manières de comprendre le binôme « étirer et ployer » que nous interrogeons.
153Mais il y a peut-être encore davantage, dans le droit fil de nos précédents développements traitant du « repli ». Le processus de rotation de l’objet sur le sujet, et de la « matière » sur la « manière », est peut-être lui aussi engagé dans l’expression considérée, requérant alors d’évoluer du contenu des mots à leur point d’application. Partons d’une observation rapide de « pli », justement, dans les Essais. Si on y trouve les sens propre et figuré (pli du corps, du visage, des vices, de la vertu, ou encore de Socrate29), insistons davantage ici sur la capacité du terme à glisser d’emploi généralisant à d’autres où est explicitement en jeu l’auto-désignation. Dans « De la vanité », par exemple, et avec proximité de « complexion » :
Je me suis pris tard au mesnage. Ceux que nature avait faict naistre avant moy m’en ont deschargé long temps : J’avois desjà pris un autre ply, plus selon ma complexion. (III, 9, 949B/253)
Ou encore, à la fin de « De l’art de conférer », et mieux encore puisqu’il est maintenant question du programme des Essais :
Je me presente debout et couché, le devant et le derriere, à droite et à gauche, et en tous mes naturels plis. (III, 8, 943C/248).
Le substantif est particulièrement adéquat à la peinture du skeletos nouvelle manière, et à l’autoportrait moral et intellectuel mené dans l’œuvre. Et, selon le principe de l’essai, les « naturel plis » englobent finalement la totalité du texte, soit également les énoncés à première apparence impersonnels : énoncés référentiels qui sont subsumés sous une perspective cavalière réflexive, qui pourra également toucher les paroles convoquées pour le dire. Le « pli » a toujours à voir avec cette 154affaire, si l’on en croit une remarque de l’Apologie, sévère à l’égard des « prognostications » déjà brocardées dans le chapitre 11 du Livre I :
Il n’est prognostiqueur, s’il a cette authorité qu’on le daigne feuilleter, et rechercher curieusement tous les plis et lustres de ses paroles, à qui on ne face dire tout ce qu’on voudra, comme aux Sibylles : car il y a tant de moyens d’interprétation qu’il est malaisé que, de biais ou de droit fil, un esprit ingénieux ne rencontre en tout sujet quelque air qui luy serve à son poinct. (II, 12, 586A/409)
« Plis » et « lustres ». Le point est d’importance car il nous met sur la voie de ce sur quoi portent, au fond, les investigations de Montaigne : les représentations, collectives ou individuelles, « enrollées » comme discours et soumises au regard critique, en un ensemble qui a même statut ontologique et gnoséologique qu’elles. C’est la raison pour laquelle, nos premiers travaux se sont employés à l’établir, des termes comme « fantaisies », ou encore « songes », sont particulièrement adéquats à l’esprit de l’entreprise puisque, non contents de véhiculer des arrière-plans culturels puissants à la Renaissance, ils désignent la totalité des développements des Essais, et jusqu’à la manière d’en conduire les tracés. Cette souplesse remarquable les inscrit dans la logique qu’exprime un Sextus Empiricus dès l’ouverture des Hypotyposes (pour chaque chose faire un rapport conforme à ce qui nous apparaît sur le moment), mais avec une subjectivation renforcée du propos et une attention des plus soutenues à la forme qu’il peut adopter. De la sorte, et sur le terrain du lexique, ils relèvent du « nouveau langage » qui selon l’Apologie fit défaut aux pyrrhoniens et leur valut bien des détracteurs, et grâce auquel le livre assume sa pleine cohérence, non dogmatique.
Les « jargons » plus modernes ne sont pas tout à fait en reste en la circonstance. Sans avoir probablement la force de structuration de la « fantaisie », certains de leurs composantes évoluent semblablement sur les plans de la description du sujet par lui-même, et de celle de l’ouvrage par l’ouvrier. La « reconnaissance », ainsi, implique l’identification du déjà-connu, mais aussi l’exploration de ce qui étranger, avec alors un emploi principal dans le domaine de la guerre30. Ce qui peut produire 155des équivoques fécondes, comme il arrive dans la séquence qui ouvre le dernier chapitre du second livre, « De la ressemblance des enfans aux peres » :
[A] Je veux representer le progrez de mes humeurs, et qu’on voye chaque piece en sa naissance. Je prendrois plaisir d’avoir commencé plustost, et à reconnoistre le trein de mes mutations. (II, 37, 758A/671)
Le verbe fait-il référence à une activité intellectuelle où le « je » retrouverait sans peine des traits familiers au sein du « trein de [ses] mutations », ou au parcours d’une instance qui examinerait un champ nouveau ? En tout cas, il est suggéré qu’à partir du moment où elle touche le rapport du sujet à lui-même, ainsi qu’aux « mutations » qui le rendent variable, la reconnaissance s’effectue nécessairement sur le registre de l’inspection de ce « moi » qui soudain n’est plus « moi », dramatisant d’autant l’acte de réconciliation.
C’est ce dont il est question à la toute fin du chapitre « Du parler prompt ou tardif », dans une addition autographe :
[C] Ceci m’advient aussi : Que je ne me trouve pas où je me cherche : et me trouve plus par rencontre que par l’inquisition de mon jugement. J’aurai eslancé quelque subtilité en escrivant (j’enten bien : mornée pour un autre, affilée pour moy. Laissons toutes ces honnestetez. < Ce >la se dit par chacun selon sa force). Je l’ay si bien perdue que je ne sçay ce que j’ay voulu dire : et l’a l’estranger descouverte par fois avant moy. Si je portoy le rasoir par tout où cela m’advient, je me desferoy tout. < Le > rencontre m’en offrira le jour quelque autre fois plus apparent que celui du midy : et me fera étonner de mon hésitation. (I, 10, 40/95-96).
Dans le cas présent, on assiste à une surdétermination de « rencontre ». Certes, l’acception militaire n’est pas directement convoquée, mais elle peut se maintenir à l’horizon d’un texte qui porte sur le télescopage fortuit de soi avec soi devenu un autre. En outre, la « subtilité » – ou 156du moins considérée comme telle – désormais inactuelle et incompréhensible, nous oriente vers un autre sens du terme à l’époque, celui de « bon mot », comme le confirme le repentir « pointe d’invention » lisible sur l’Exemplaire de Bordeaux. Ce qui, dans l’écriture puis la relecture, confère bien au substantif et à la notion un pouvoir de modélisation valable pour l’intégralité des Essais. Il est lui aussi un des vecteurs de choix d’une pratique scripturale qui réfléchit les fluctuations du monde, de l’esprit ou du langage.
S’il n’a composé ni un « beau petit dictionnaire » comme celui en Lanternois que Panurge promet à Pantagruel dans le chapitre xlvii du Tiers Livre, pas davantage qu’une quelconque Briefve Declaration comme celle que Rabelais joint à son Quart Livre de 1552, Montaigne possède une conscience vive des mots des Essais, et de la singularité du dictionnaire qu’on pourrait tirer de ces derniers31. Les lignes de « Sur des vers de Virgile » dont nous sommes partis concernent certes l’activité des « beaux esprits » en général ; mais elles disent à n’en pas douter aussi quelque chose de sa manière à lui de prêter à la langue des « mouvements inaccoutumés, mais prudemment et ingénieusement ». On peut même affirmer que l’écrivain radicalise certains aspects des débats du temps sur les questions linguistiques et lexicales, pour les « ployer », à leur tour, au « seul livre au monde de son espece, d’un dessein farouche et extravagant ».
Olivier Guerrier
Université Toulouse II – Jean Jaurès
1 Pour les citations des Essais, nous nous référons à l’édition Villey-Saulnier. L’orthographe et la graphie archaïsantes seront donc maintenues, en connaissance de cause, mais pas les alinéas. Nous mentionnerons entre parenthèses la pagination correspondant à l’édition procurée par André Tournon à l’Imprimerie nationale, Paris, 1998, coll. « La Salamandre », 3 volumes, dont nous restituerons autant que possible le système de ponctuation, à l’exception des guillemets ainsi que des tirets et du point-en-haut correspondant aux deux-points archaïques de Montaigne, remplacés par les deux-points classiques. Les passages autographes illisibles ou rognés sur l’Exemplaire de Bordeaux seront rétablis d’après ceux du texte de 1595, signalés entre crochets obliques, sur le modèle de cette édition critique, sur laquelle nous nous fonderons également pour ce qui est des variantes imprimées et des variantes autographes ou « repentirs », décelables sur l’Exemplaire de Bordeaux.
2 Voir ainsi la contribution de R. Menini et D. Knop, « L’art du provignement dans le livre III des Essais », Montaigne Le livre III des Essais, dir. R. Cappellen et D. Knop, Fabula, Colloques en ligne, 2017, URL : http://www.fabula.org/colloques/document4264.php, le premier des auteurs citant à bon droit le texte antérieur de J.-Ch. Monferran, « Le “dictionnaire tout à part [s]oi” de Montaigne. Quelques remarques sur les mots de métiers et les mots “paysans” dans les Essais », La Langue de Rabelais – La langue de Montaigne, dir. F. Giacone, Genève, Droz, 2009, p. 405-421.
3 Dans « Le dictionnaire fantastique », « Concepts et figures – Littérature et philosophie à la Renaissance », RHR, 64, Juin 2007, p. 47-58, puis dans Rencontre et reconnaissance – Les Essais ou le jeu du hasard et de la vérité, Paris, Classiques Garnier, 2016, en particulier p. 110-115.
4 Quelques nuances probantes sont apportées par R. Menini et D. Knop dans l’article cité plus haut, qui étudient la dérivation propre comme type de « provignement ».
5 J. Nicot, Thresor de la langue françoise […], Paris, David Douceur, 1606, p. 489.
6 A. Furetière, Dictionnaire universel […], éd. A. Rey, Paris, SNL-Le Robert, 1978, Tome III.
7 Ibid.
8 Dans le Dictionnaire universel, 2e édition […], La Haye et à Rotterdam, Arnoud et Reinier Leers, 1702, tome 2, p. 538, on lit cette remarque juste à la suite de la première entrée de « Plier » : « Vaugelas prétend qu’on ne doit pas confondre plier & ployer & qu’ils ont des significations très-differentes. Mais aujourd’huy l’on employe plier dans toutes les significations de ployer, ce qui a mis ce dernier presque hors d’usage ».
9 « J’appelle tousjours raison cette apparence de discours que chacun forge en soy – cette raison, de la condition de laquelle il y en peut avoir cent contraires autour d’un mesme subject : c’est un instrument de plomb, et de cire, alongeable, ployable, et accommodable à tous biais et à toutes mesures : il ne reste que la suffisance de le sçavoir contourner » (II, 12, 565A/374) ; « Celuy qui n’y employe que son jugement et son adresse, il y procede plus gayement. Il feinct, il ploye, il differe tout à son aise, selon le besoing des occasions » (III, 10, 1008B/341) ; « Les médecins ploient ordinairement avec utilité leurs règles à la violence des envies âpres qui surviennent aux malades » (III, 13, 1087B/459).
10 « Le corps encore souple, on le doit à cette cause plier à toutes façons et coustumes » (I, 26, 166A/285) ; « […] Les plus hardies sectes, Épicurienne, Pyrrhonienne, nouvelle Academique, encore sont elles contraintes de se plier à la loy civile, au bout du compte » (II, 12, 512C/288).
11 « Je me sens bien plus fier de la victoire que je gaigne sur moy, quand en l’ardeur mesme du combat je me faicts plier soubs la force de la raison de mon adversaire — que je ne me sens gré de la victoire que je gaigne sur luy, par sa foiblesse » (III, 8, 925B/220) ; « J’ay accoustumé, en telles choses, de plier soubs l’authorité de si grands tesmoings » (ibid., 942B/247).
12 « Tesmoing le peuple Thebain : lequel ayant mis en justice d’accusation capitale ses capitaines, pour avoir continué leur charge outre le temps qui leur avoit esté prescrit et preordonné, absolut à toutes peines Pelopidas, qui plioit sous le faix de telles objections, et n’employoit à se garantir que requestes et supplications » (I, 1, 8A/49) ; « Ce qui fait bruit se remue, ce qui se remue n’est pas gelé, ce qui n’est pas gelé est liquide, et ce qui est liquide plie soubs le faix » (II, 12, 460A/204).
13 À noter qu’E. Huguet, dans son Dictionnaire de la langue française du seizième siècle (Paris, Didier, 1973, t. VI, p. 38), donne, pour « Ployer », « Plier – Et sur ce point voys ma lectre ployer, Marot, Epistres, 37 ».
14 Pour reprendre le titre de l’article de M. Baulier et R. Menini dans ce volume. Nous les remercions au passage de nous avoir transmis ce dernier dès sa rédaction.
15 Voir sur ce point les développements d’É. Schneikert dans Montaigne dans le labyrinthe – De l’imaginaire du Journal de voyage à l’écriture des Essais, Paris, Champion, 2006, p. 319 sq.
16 « Les autres discourent sur les choses : cettui-ci sur le discours même, autant que sur elles ».
17 Sur le phénomène et ses possibles significations sur le statut de l’auteur comme du lecteur, voir notre article « ‘Replis’ – Retour sur le lecteur des Essais », BSAM, 65, 2017-1, p. 105-112.
18 Voir « Des mots voyageurs. Étude sur la polysémie dans les Essais », dans Montaigne, voyage et écriture, Paris, Champion, 1995, p. 191-208 ; repris dans À plaisir. Sémiotique et scepticisme chez Montaigne, Orléans, Paradigme, 2002, p. 199-217.
19 Voir dans cette perspective la méthode de lecture proposée par L. Gerbier pour le Discours de la servitude volontaire dans « Un ‘subject vulgaire et tracassé’ ? Note pour une lecture philosophique du Discours de la servitude volontaire », Seizième siècle, 11, 2015, p. 329-346. Méthode qui tient à l’examen, non de « concepts », mais de problèmes ponctuels, de « traces singulières déposées dans le flux du discours », à partir de lieux et de termes précis, et que l’auteur a appliquée, selon des paramètres historiques, politiques et linguistiques différents, à Machiavel dans son inédit d’Habilitation à Diriger les Recherches Machiavel moraliste – Essai sur le machiavélisme et les vertus morales (présenté le 10 janvier 2017 devant l’École Normale Supérieure de Lyon – ouvrage à paraître), pour monter en la circonstance l’existence d’une « langue de l’expérience », arrimée au plan d’immanence.
20 Le débat sur la question est toujours vif, et a été relancé lors de la soutenance de Thèse de T. Mollier, à partir de son travail présenté le 17 novembre 2017 devant l’Université de Lille III, Les ressorts littéraires de la pensée de Montaigne. Tout en établissant lui aussi que l’épaisseur du mot chez Montaigne tient à l’ensemble pluriel des représentations auxquelles il renvoie, l’auteur y décèle un « potentiel de conceptualité » actualisé ou non par les divers contextes où il prend place. Ce qui le conduit à identifier dans les Essais des temps de cohérence philosophique, des « philosophèmes » et à retrouver le « concept », mais dans un sens qui n’est pas tout à fait celui de la philosophie classique.
21 Voir J.-Ch. Monferran, art. cité.
22 Dans le travail inédit qu’elle a proposé dans son propre dossier d’Habilitation à Diriger les Recherches, Écrire la philosophie naturelle en langue française : des premiers textes à l’œuvre de Scipion Dupleix (présenté le 28 janvier 2017 devant l’École Normale Supérieure d’Ulm – ouvrage à paraître), V. Giacomotto-Charra montre l’importance du terme et de la notion dans la conception que Dupleix se fait de la langue scientifique (voir ainsi les p. 345 et 557). L’« énergie » revient souvent sous sa plume, en particulier dans la Liberté de la langue française, ouvrage tardif (1646) qui constitue un commentaire des Remarques de Vaugelas, auquel d’ailleurs Dupleix s’oppose pour ce qui concerne la néologie, à laquelle il est lui favorable.
23 Expression de T. Russon Wooldridge dans Les débuts de la lexicographie française – Estienne, Nicot et le Thresor de la langue française (1606) [1977], Le Net des Études françaises, Toronto, 2010, en ligne à http://www.etudes-francaises.net/dossiers/wooldridge_debuts/, 2.2.2.3.2.
24 « Selon l’energie & naïfveté du mot, est celuy qui oste l’escume […] », Thresor de la langue françoise, op. cit., p. 250.
25 « Selon cette mesme energie du mot, on dit Rencontre en fait militaire, le combat de deux troupes de deux armées ennemies, s’estant adventurierement & en endroit inopiné rencontrées. En quoy Rencontre differe de bataille. Car elle se fait d’une seule partie de l’armée querant adventure, & souvent par combat tumultuaire, & tantost de seules gens de cheval, & tantost de seules gens de pied. Là où bataille est de toute l’armee, & de gens de cheval & de pied ensemble, par bataillons ordonnez & rangez & avec artillerie : ce que Rencontre n’a pas […] », Thresor de la langue françoise, ibid., p. 555.
26 « C’est poursuyvre la chasse sans l’abandonner […] & est plus que Chasser, car il signifie Chasser à toute outrance par labeur et courage indefatigable […], L’energie duquel mot Iaques du Fouillou au cha.3 de sa venerie reprensentent en ces termes […]. De là vient qu’on dit par metaphore prinse des veneurs, pourchasser, pour avecques instance poursuivre quelque chose […] », ibid., p. 500.
27 Voir Rencontre et reconnaissance, op. cit., p. 231-234.
28 Même si, contrairement à « bataille » ou encore « escarmouche », qui ont alors un équivalent dans l’Italien, « rencontre » dans le sens militaire paraît propre au Français, on pourra encore ajouter dans cette optique le sens et les enjeux que Machiavel dans son œuvre prête à Riscontro et Riscontrare, à partir en particulier de ce passage célèbre du Prince qui évoque une manière de Kairos politique : « Je crois aussi qu’est heureux celui dont la façon de procéder rencontre la qualité des temps (quello che riscontra il modo del procedere suo con la qualita de’ tempi) et que, semblablement, est malheureux celui dont les procédés ne s’accordent pas avec les temps (quello che con il procedere suo si discordano e tempi) », Le Prince, chap. xxv, éd. G. Inglese, trad. J.-L. Fournel et J. C. Zancarini, Paris, PUF, 2014 [2000], p. 261.
29 « Le corps n’a, sauf le plus et le moins, qu’un train et qu’un pli » (I, 14, 57C/120) ; « [B] Nature nous descouvre cette confusion : Les peintres tiennent que les mouvemens et plis du visage qui servent au pleurer, servent aussi au rire » (II, 20, 674B/546) ; « Je trouve que nos plus grands vices prennent leur ply de nostre plus tendre enfance et que nostre principal gouvernement est entre les mains des nourrices » (I, 23, 110C/200) ; « [B] La vertu assignée aus affaires du monde est une vertu à plusieurs plis, encoigneures et couddes, pour s’apliquer et joindre à l’humaine foiblesse » (III, 9, 991/318) ; « Cette raison qui redresse Socrates de son vicieux ply, le rend obeïssant aux hommes et aux Dieux qui commandent en sa ville, courageux en la mort, non parce que son ame est immortele, mais parce qu’il est mortel » (III, 12, 1059C/418 ; « sa vicieuse pante » sur l’imprimé).
30 Nicot, à l’article « recognoistre », consacre à ce dernier un item, sous la forme d’une citation traduite de Tite-Live : « Deux fregates ont esté envoyées devant pour recognoistre les ennemis : Duae speculatoriae naves praemissae sunt. Livius », Thresor de la langue françoise, op. cit., p. 555. On le trouve donc aussi dans les ouvrages spécialisés, comme par exemple les Essais politiques et militaires de Mouchembert, dont l’« Aphorisme XXVII » porte : « Il n’y a rien de plus necessaire à un chef que de recongnoistre au certain les desseins de son ennemy, & remarquer ses forces. Car par l’ignorance du premier, & le mespris du second, il fait ses preparatifs, & bastit ses desseins sur des fondemens supposez & glissans : & se prive de plusieurs grands avantages qu’il auroit rencontré dans une meilleure prevoyance », Essais politiques et militaires, enrichis de diverses maximes et remarques tirées des anciens auteurs, par le sieur de Mouchembert, Paris, N. Buon, 1627, p. 206.
31 Voir le célèbre passage « J’ay un dictionnaire tout à part moy… » du chapitre « De l’expérience » (III, 13, 1111B/497). On rappellera cependant qu’il porte sur la « fraze ordinaire de passe-temps et de passer le temps », qu’il s’agit de remotiver, de « dégeler » de son usage en vogue par trop ludique.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-08398-6
- EAN : 9782406083986
- ISSN : 2261-897X
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-08398-6.p.0143
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 27/07/2018
- Périodicité : Semestrielle
- Langue : Français