L’énergie latine du français dans les Essais
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Bulletin de la Société internationale des amis de Montaigne
2018 – 1, n° 67. varia - Auteur : Desbois-Ientile (Adeline)
- Pages : 157 à 173
- Revue : Bulletin de la Société internationale des amis de Montaigne
L’ÉNERGIE LATINE
DU FRANÇAIS
DANS LES ESSAIS
En faisant le portrait d’un Montaigne « bilingue », Floyd Gray ne pensait pas tant à la compétence linguistique de l’auteur des Essais, qu’à la place importante occupée par le latin dans l’œuvre1 : le texte des Essais est « bilingue », car émaillé de citations latines pour lesquelles Michel Magnien estime qu’elles ont, dans l’histoire de l’œuvre, d’abord présenté une valeur d’autorité avant de prendre une fonction ornementale. Les citations en latin sont « le signe d’un indéfectible attachement pour cette langue, voire d’un regret2 ».
Le discours épilinguistique dans les Essais met en œuvre la métaphore corporelle du nerf et de la chair3, qui fait écho aux critiques adressées par Montaigne à l’encontre d’une éloquence d’apparat attachée à la manière plus qu’à la matière. L’idéal linguistique de l’auteur est au contraire celui d’une langue « nerveuse » apte à exprimer des pensées profondes, « un parler simple et naif, tel sur le papier qu’à la bouche ; un parler succulent et nerveux, court et serré, non tant delicat et peigné comme vehement et brusque » (I, 26, 1714). Or le français serait une langue faible, et Montaigne n’hésite pas à condamner, chez ses contemporains, ces « parolles Françoises, si exangues, si descharnées et si vuides de matiere et de sens, que ce n’estoient voirement que paroles Françoises » (I, 26, 147). Le latin, tel qu’il est employé par les auteurs antiques, est au contraire défini comme une langue 158vigoureuse. Montaigne file ainsi la métaphore du corps au sujet de Virgile et Lucrèce, dont la richesse de pensée permettrait d’engendrer ce langage « nerveux » tant désiré :
[B] […] leur langage est tout plein et gros d’une vigueur naturelle et constante ; ils sont tout epigramme, non la queuë seulement, mais la teste, l’estomac et les pieds. Il n’y a rien d’efforcé, rien de treinant, tout y marche d’une pareille teneur. [C] Contextus totus virilis est ; non sunt circa flosculos occupati [« Leur discours est un tissu de beautés mâles, ils ne se sont pas amusés à des fleurettes »]. [B] Ce n’est pas une eloquence molle et seulement sans offence : elle est nerveuse et solide, qui ne plaict pas tant comme elle remplit et ravit, et ravit le plus les plus forts espris. Quand je voy ces braves formes de s’expliquer, si vifves, si profondes, je ne dicts pas que c’est bien dire, je dicts que c’est bien penser. […] Plutarque dit, qu’il veid le langage latin par les choses ; icy de mesme : le sens esclaire et produict les parolles ; non plus de vent, ains de chair et d’os. (III, 5, 873)
Le latin apparaît de ce fait comme le double valorisé du français, ce « langage moins ferme5 » soumis à la « branloire perenne » qu’est le monde et qui ôte aux œuvres tout espoir de pérennité :
[B] J’escris mon livre à peu d’hommes et à peu d’années. Si ç’eust été une matiere de durée, il l’eust fallu commettre à un langage plus ferme. Selon la variation continuelle qui a suivy le nostre jusques à cette heure, qui peut esperer que sa forme presente soit en usage, d’icy à cinquante ans ? [C] Il escoule tous les jours de nos mains et depuis que je vis s’est altéré de moitié. Nous disons qu’il est à cette heure parfaict. Autant en dict du sien chaque siecle. Je n’ay garde de l’en tenir là tant qu’il fuira et se difformera comme il faict. C’est aux bons et utiles escrits de le clouer à eux, et ira son crédit selon la fortune de nostre etat. (III, 9, 982)
L’inconstance linguistique qui caractérise le français ne semble toutefois pas irrémédiable et Montaigne, dans ce passage, assigne au contraire aux « bons et utiles écrits » la mission de « clouer » le français, c’est-à-dire de lui donner une stabilité en devenant un modèle, à l’exemple sans doute d’Amyot dont il loue « la naïfveté et pureté du langage » (II, 4, 363).
Le latin pourrait-il jouer un rôle en ce sens ? Ou n’est-il qu’un substitut du français lorsque la langue fait défaut ? La suite du passage sur les vers de Virgile met en évidence tout à la fois la richesse lexicale du 159français et son insuffisance conceptuelle6. Si l’une des réponses suggérées par Montaigne est le recours aux métaphores, la mention finale du latin pose également la question du rôle qui peut lui être assigné pour donner à la langue une subtilité et une densité plus grandes dans l’exposition d’idées jugées complexes :
[B] En nostre langage je trouve assez d’estoffe, mais un peu faute de façon : car il n’est rien qu’on ne fit du jargon de nos chasses et de nostre guerre, qui est un genereux terrein à emprunter ; et les formes de parler, comme les herbes, s’amendent et fortifient en les transplantant. Je le trouve suffisamment abondant, mais non pas [C] maniant et [B] vigoureux suffisamment. Il succombe ordinairement à une puissante conception. Si vous allez tendu, vous sentez souvent qu’il languit soubs vous et fleschit, et qu’à son deffaut le Latin se presente au secours, et le Grec à d’autres. (III, 5, 874)
Quelles sont donc les formes que peut prendre ce « secours » du français par le latin ? Telle est la question à laquelle je voudrais m’attacher ici.
UN FRANÇAIS NERVÉ DE LATIN
Une première réponse nous vient de la place explicite donnée par Montaigne au latin dans son œuvre : il semble bien que ce soit, avant tout, l’ensemble de la littérature latine déjà constituée qui vienne au secours du français, à travers les citations dont le nombre augmente à chaque réédition des Essais. Montaigne affirme encore :
[C] Qu’on voye, en ce que j’emprunte, si j’ay sçeu choisir de quoy rehausser mon propos. Car je fay dire aux autres ce que je ne puis si bien dire, tantost par foiblesse de mon langage, tantost par foiblesse de mon sens. (II, 10, 408)
Les citations ne viennent pas seulement nourrir ou compléter la pensée de l’écrivain (la « foiblesse de [s]on sens ») : elles viennent aussi pallier les défauts d’une langue jugée insuffisante pour exprimer la profondeur ou la force de la pensée (la « foiblesse de [s]on langage »). Cet avis est 160indirectement validé par certains critiques pour qui Montaigne « profit[e] des possibilités de compression syntaxique inhérentes à la langue latine » conférant à la phrase « une acuité et un éclat qui seraient forcément perdus dans une paraphrase française7 », ou pour qui la polysémie des citations (en particulier les vers de Virgile cités en III, 5) rend d’autant plus grande l’impuissance du français à les traduire8.
Toutefois, le passage au latin n’est pas nécessairement un renoncement au français, et Floyd Gray considère que les citations sont pour Montaigne des « béquilles » : « une certaine force lui est communiquée qui donne plus de stabilité à son français9 ». En ce sens, certaines citations latines peuvent sembler irradier le texte français. En particulier, si l’on analyse les « allongeails » portés sur l’Exemplaire de Bordeaux, considérés comme des unités discursives, on observe que les citations latines s’y répartissent à trois endroits : en ouverture de l’ajout, elles forment matière à commentaire ; au cœur de l’ajout, elles viennent en nourrir ou exemplifier la matière ; en fin d’ajout, elles jouent un rôle de clausule parfois renforcé par leur valeur gnomique. « Nihil est tam populare quam bonitas » [« Il n’y a rien de si populaire que la bonté »] (II, 17, 647) conclut ainsi Montaigne sa réflexion sur la vertu des princes. Dans certains cas, les ratures visibles sur l’Exemplaire de Bordeaux révèlent que la citation a été déplacée, parfois à plusieurs reprises, afin d’être placée en position finale d’un développement. L’énoncé gnomique « Non est ornamentum virile concinnitas » [« L’élégance est une parure qui ne convient pas à un homme »] figure ainsi, raturé, dès le chapitre « De l’institution des enfans », au sein du développement sur le parler nerveux, contre la tentation de l’affectation (I, 26, 172), avant de trouver sa place définitive dans le chapitre « Consideration sur Cicéron », mais là encore, il est raturé deux fois et se place, en définitive, à la toute fin du développement sur la « vertu parliere » des Essais (I, 40, 25110). Conclusion d’un développement en partie digressif, la citation est ici 161aussi ce qui permet de rattacher clairement l’ajout au chapitre : il ne sied pas à un homme de parler avec trop d’élégance, d’où le refus de Montaigne que l’on s’arrête à la langue des Essais plutôt qu’à son contenu. Langue virile, le latin est celui par lequel se dit la critique de l’élégance stylistique, et participe ainsi du style formulaire des Essais. Il vient au secours du français en ce qu’il offre non seulement de quoi nourrir le propos, mais aussi une manière plus vigoureuse de le dire et qui éveille, chez le lecteur versé dans les lettres latines, le souvenir de la lettre de Sénèque à Lucilius d’où l’énoncé est tiré.
Ce processus intertextuel va au-delà des citations, qui ne sont que la face visible, émergée, d’un processus d’imitation innervant toute l’écriture des Essais : si l’on s’en tient au seul exemple de Sénèque, son influence sur le plan stylistique touche aussi bien à l’élaboration d’une prose poétique française caractérisée par son style coupé11, qu’à celle d’une écriture imagée, Montaigne ayant emprunté à son modèle plusieurs métaphores contribuant à donner de la chair à l’expression12. Il semble qu’on puisse dès lors lui appliquer ce qu’il dit des « beaux esprits » :
[B] Le maniement et emploite des beaux espris donne pris à la langue, non pas l’innovant tant comme la remplissant de plus vigoreux et divers services, l’estirant et ployant. Ils n’y aportent point des mots, mais ils enrichissent les leurs, appesantissent et enfoncent leur signification et leur usage, luy aprenent des mouvements inaccoustumés, mais prudemment et ingenieusement. (III, 5, 873)
À travers l’imitation, le modèle latin permet de donner à la prose de Montaigne ces « mouvements inaccoutumés » qui contribuent pour partie à son allure si singulière.
Au fil des différents chapitres, le commentaire de Montaigne sur sa pratique des citations nourrit une réflexion sur sa propre langue, dans « Sur des vers de Virgile », ou « De l’institution des enfans », où il commente l’insertion, au sein d’ouvrages français contemporains, de citations tirées d’auteurs antiques. Opposant « la fondriere […] si 162basse et si profonde » du français, à la « piece haute, riche et eslevée jusques aux nuës » de la citation latine, il en vient à commenter sa propre pratique :
[C] Si sçay-je bien combien audacieusement j’entreprens moy mesmes à tous coups de m’esgaler à mes larrecins, d’aller pair à pair quand et eux, non sans une temeraire esperance que je puisse tromper les yeux des juges à les discerner. Mais c’est autant par le benefice de mon application que par le benefice de mon invention et de ma force. Et puis, je ne luitte point en gros ces vieux champions là, et corps à corps : c’est par reprinses, menues et legieres attaintes. Je ne m’y ahurte pas ; je ne fay que les taster ; et ne vay point tant comme je marchande d’aller. (I, 26, 147-148)
Loin d’être un renoncement passager au français, l’emprunt (affiché ou caché) à la littérature latine apparaît alors comme le lieu d’une rivalité larvée entre deux manières de dire et de penser, rivalité pensée peut-être a posteriori par Montaigne, dont les différents développements sur le français, en particulier dans son rapport au latin, figurent dans les ajouts de 1588 ou dans les marges de l’Exemplaire de Bordeaux.
Le génie des langues
Il semble toutefois que cette émulation ou rivalité entre le français et le latin ne se joue pas que sur le plan de l’intertextualité, mais mette également en jeu les propriétés mêmes des langues, et les citations en sont encore un indice. Les travaux consacrés aux citations dans les Essais ont mis en évidence la liberté avec laquelle Montaigne fait usage de ses emprunts13, qu’ils soient redondants ou qu’ils complètent sa pensée, qu’il les reprenne fidèlement ou bien qu’il en altère le sens et la lettre. Ces études s’intéressent à la manière dont Montaigne utilise les citations dans l’élaboration de son propre discours, mais l’enjeu est peut-être aussi linguistique. Sur le plan syntaxique, dans bien des cas, les citations font du latin le prolongement direct du français dans la mesure 163où elles s’intègrent syntaxiquement dans la phrase française, comme constituant essentiel (« Me si fata meis paterentur ducere vitam / Auspiciis14, je choisirois à la passer le cul sur la selle », III, 9, 987), ou détaché (« Et combien de marchans commencent leur trafique par la vente de leur metairie, qu’ils envoyent aux Indes / Tot per impotentia fretia15 ? », I, 14, 63) et peuvent venir redoubler un constituant déjà présent dans le texte français : « Y a il quelque pensée locale, qui vous ulcère extraordinaire, indigestible ? / Quae te nunc coquat et vexet sub pectore fixa16 » (III, 9, 987). Dans ce dernier exemple, la ponctuation de l’édition Villey estompe en partie l’articulation de la citation latine à la proposition française qui précède, car le point d’interrogation, originellement placé après « indigestible », a été déplacé par Montaigne après « fixa » dans l’Exemplaire de Bordeaux, renforçant ainsi le parallélisme entre les propositions française et latine.
Le mouvement de certaines phrases, notamment dans les cas de relatives disjointes, est même similaire à celui de passages « bilingues » avec citation, signe de l’équivalence fonctionnelle des deux langues :
Jamais cheval ne m’a failli, qui a sçeu faire avec moy la premiere journée. (III, 9, 974)
Il luy faut faire brider l’asne par la queuë,
Qui capite ipse suo instituit vestigia retro
[« Lui qui a décidé d’avancer la tête tournée vers l’arrière »] (I, 20, 84)
Il en résulte une prose labile qui glisse, presque insensiblement, du français au latin, comme on l’observe encore dans cet extrait où la négation permet d’articuler discours citant et discours cité, à quoi s’ajoute le fait que « domus » et « fundus » semblent fonctionner comme deux méronymes de « le posseder » :
C’est le jouïr, non le posseder, qui nous rend heureux :
Non domus et fundus, non aeris aceruus et auri
Aegroto domini deduxit corpore febres,
Non animo curas […]
164[« Ce ne sont pas une maison et des terres ni un monceau d’airain ou d’or (quand on est malade) qui guérissent les fièvres du corps et les soucis de l’âme »] (I, 42, 262)
Par endroits, le jeu citationnel introduit ainsi des échos entre français et latin, qui reposent aussi bien sur le parallélisme que sur le chiasme :
Nous loüons un cheval de ce qu’il est vigoureux et adroit,
volucrem
Sic laudamus equum, facilicui plurima palma
Fervet, et exultat rauco victoria circo
[« Ainsi nous louons un cheval pour sa vitesse, pour les palmes nombreuses qu’il remporte sans peine dans le cirque aux applaudissements des foules bruyantes »] (I, 42, 259)
Les rets aussi qu’on mettoit au devant du peuple, pour le defendre de la violence de ces bestes eslancées, estoient tyssus d’or,
auro quoque torta refulgent
Retia
[« Et les rets aussi brillent de l’or dont ils sont tissés »] (III, 6, 907)
Dans ces derniers exemples, si l’on se souvient de ce que Montaigne dit de l’écart entre français et latin, on peut se demander si le second ne viendrait pas simplement redire, avec plus de force, ce que le premier n’aurait pu dire que de manière « exsangue ». La confrontation entre les deux langues risque toujours de se faire au détriment du français, et Floyd Gray situe précisément dans les citations redondantes, qui font se confronter directement les langues, un lieu de la rivalité17. La citation ne joue pas seulement sur le plan de l’inventio, mais aussi sur celui de l’elocutio : à travers les figures de construction (hypozeuxe, chiasme), le français est placé en position d’égalité avec le latin, mais qu’en est-il précisément de sa valeur ?
Autant que lieu de confrontation, la citation est révélatrice des lignes de démarcation entre les langues. Les deux chiasmes cités mettent en effet en évidence l’absence de calque syntaxique, la figure se situant sur le seul plan lexical (« Nous loüons un cheval / vigoureux et adroit // volucrem / laudamus equum » ; « les rets / estoient tyssus d’or // auro… torta refulgent / retia »). Là où le latin exploite la liberté syntaxique qui 165lui est permise, le français adopte l’ordre sujet–verbe–complément attendu. Certaines citations latines introduites, puis finalement raturées au profit de leur traduction française dans l’Exemplaire de Bordeaux, révèlent de la même manière la méfiance de Montaigne à l’égard des calques, cette fois-ci lexicaux. Ainsi, au chapitre ii, 20, la citation latine « Labor voluptasque dissimillima natura, societate quadam naturali inter se sunt juncta. » est raturée et remplacée par une traduction en deux temps : « Le travail et la volupte le plaisir tres dissemblable de nature s’associent pourtant de je ne sçai quelle jouincture naturelle » (II, 20, éd. BVH ; éd. Villey, p. 673). On relève bien, ici ou là, des termes qui semblent « appelés » par une citation :
[B] Nous ne sommes ingenieux qu’à nous mal mener ; c’est le vray gibbier de la force de nostre esprit, [C] dangereux utile en desreglement !
[B] O miseri ! quorum gaudia crimen habent [« Oh ! malheureux, qui s’accusent de leurs joies ! »]
Hé ! pauvre homme, tu as assez d’incommodités necessaires, sans les augmenter par ton invention ; et és assez miserable de condition, sans l’estre par art. (III, 5, 879)
où, au jeu d’écho entre le latin et le français (« O miseri » / « Hé ! pauvre homme »), s’ajoute un jeu de parallélisme à l’intérieur de la prose française par l’hypozeuxe (« as assez… sans… par… / ès assez… sans… par… »), mais miserable est un terme bien attesté à l’époque, et Montaigne ne confond pas le mot avec son étymon. Il ne semble ainsi pas tout à fait accepter la subtile distinction que les grammairiens font entre dire mensonge et mentir, à partir du sens étymologique latin :
[A] Je sçay bien que les grammairiens font difference entre dire mensonge, et mentir : et disent, que dire mensonge, c’est dire chose fauce, mais qu’on a pris pour vraye, et que la definition du mot de mentir en Latin, d’où nostre François est party, porte autant, comme aller contre sa conscience, et que par consequent cela ne touche, que ceux qui disent contre ce qu’ils sçavent, desquels je parle. (I, 9, 35)
Comme pour confirmer cette rupture entre les langues, les travaux de Romain Menini et Déborah Knop sur la néologie dans les Essais, art du « provignement », révèlent que la plupart des mots nouveaux de Montaigne ne sont pas des emprunts, mais des mots de formation 166française, des dérivés « faits “sus un patron déjà receu”. Ils sont taillés sur une base connue, sur un radical accoutumé18 ». C’est à l’intérieur même du français que se jouerait avant tout le renouveau de la langue.
Ces quelques exemples mettent en évidence la sensibilité de Montaigne au « génie19 » des langues, comme on le voit également dans une citation de Martial, « Quod sis esse velis nihilque malis », dont Floyd Gray avait observé qu’elle avait été transposée par Montaigne de la seconde à la troisième personne du singulier (III, 13, 1078), peut-être pour « tradui[re] mieux le caractère général et indéfini du sujet français20 ». Au rebours de l’influence attendue, c’est ici le « génie de la langue française » qui semble influencer la forme que Montaigne donne à la citation.
Communiquer le français avec le latin
Les propos tenus par Montaigne au sujet de l’orthographe contribuent aussi à délimiter des lignes de partage linguistique. Dans un contexte où s’opposent les tenants de la francisation à ceux de la conservation de la forme originelle des noms21, Montaigne choisit systématiquement l’orthographe étymologisante des noms propres et loue Amyot d’avoir fait ce même choix, contre le jugement premier de l’oreille. L’enjeu, toutefois, n’est pas tant de « latiniser » le français que de rechercher la stabilité des noms :
[…] je sçay bon gré à Jacques Amiot d’avoir laissé, dans le cours d’un’ oraison Françoise, les noms Latins tous entiers, sans les bigarrer et changer pour leur donner une cadence Françoise. Cela sembloit un peu rude au commencement, mais des-jà l’usage, par le credit de son Plutarque, nous en a osté toute 167l’estrangeté. J’ay souhaité souvent que ceux qui escrivent les histoires en Latin, nous laissassent nos noms tous tels qu’ils sont : car, en faisant de Vaudemont, Vallemontanus, et les metamorphosant pour les garber à la Grecque ou à la Romaine, nous ne sçavons où nous en sommes et en perdons la connaissance. (I, 46, 277-278)
Dès lors, le fait que Montaigne recommande à ses imprimeurs, en tête de l’Exemplaire de Bordeaux, de suivre « l’orthografe antiene » n’est peut-être pas tant la revendication d’une orthographe conservatrice, qui renverrait aux Anciens, qu’une manière de s’en remettre à l’usage. Ses autres observations, sur le même document, soulignent son attention au jugement de l’oreille (ainsi, à orthographier ainsin devant consonne) ou au rôle diacritique de l’orthographe pour différencier des mots ou séquences dont on peut supposer qu’ils se prononçaient de la même manière à la Renaissance (cet / c’est)22. Par l’invitation à suivre « l’orthografe antiene », Montaigne, à la fois marqué par la prononciation occitane et proche des réformateurs dans ses pratiques personnelles23, demande à ses imprimeurs de supprimer ses gasconismes et d’opter pour une graphie non pas tant manifestement conservatrice que plus usuelle, comme le montre le terme même d’antien, systématiquement orthographié avec un t par Montaigne, mais repris avec un c par ses imprimeurs. Ce choix d’une orthographe coutumière s’explique peut-être par une volonté de prudence dans un contexte où il n’est pas bon d’être un réformateur24, ou par le désir de ne pas figer dans l’orthographe une prononciation trop fortement marquée par un ancrage territorial25. En refusant toutefois les tentatives orthographiques réformées, Montaigne s’en remet aussi indirectement au latin comme langue originelle du français, présente de manière latente dans les lettres quiescentes et garantissant une certaine stabilité au français écrit26.
168Les citations et les lettres quiescentes ne suffisent toutefois pas à elles seules à expliquer que les Essais semblent avoir revêtu, aux yeux des lecteurs contemporains, une parure latine. Dans la longue préface qu’elle donne aux Essais en 1595, Marie de Gournay répond aux détracteurs de Montaigne, en particulier sur la place du latin :
Premierement ils reprennent au langage quelque usurpation du Latin, et la fabricque de nouveaux mots : Je responds que je leur donne gaigné, s’ils peuvent dire pere, ny mere, frere, soeur, boire, manger, veiller, dormir, aller, veoir, sentir, ouyr, et toucher, ny tout le reste en somme des plus communs vocables qui tombent en nostre usage, sans parler Latin. Ouy, mais le besoin d’exprimer nos conceptions nous contraint à l’emprunt de ceulx là : et le besoin de ce personnage tout de mesme, l’a contraint d’emprunter outre toy, ceux cy, pour exprimer ses conceptions, qui sont outre les tiennes. […] J’aime à dire, gladiateur, j’ayme à dire, escrimeur à outrance, aussi faict ce livre : mais qui m’astreindroit à quitter l’un des deux, je retiendrois pour la brieveté, gladiateur : et si sçay bien quel bruit on en menera : par tout en chose semblable je ferois de mesme. […] On ne peut representer, que les conceptions communes par les mots communs : Quiconque en a d’extraordinaires, doit chercher des termes à s’exprimer. C’est au reste l’impropre innovation qu’il faut blasmer, et non l’innovation, aux choses, qu’on peut rendre meilleures27.
La mention de « l’usurpation du latin » est comprise, dans l’édition des Œuvres complètes de Marie de Gournay, comme une allusion aux critiques de Jean-Pierre Camus reprochant à Montaigne d’avoir accordé une place trop grande aux citations dans son œuvre28. La suite du propos de Marie de Gournay, pourtant, montre qu’elle pense aux latinismes dont elle justifie l’usage par deux arguments : celui de la consubstantialité du français et du latin, et celui de la nécessité philosophique de la néologie pour penser des choses nouvelles29. Dans ce contexte, la phrase « J’aime à dire, gladiateur, j’ayme à dire, escrimeur à outrance, aussi faict ce livre » n’est pas dite au hasard. Ces deux expressions, que Montaigne emploie à plusieurs reprises dans ses Essais, dont une fois en binôme synonymique 169(II, 23, 684), illustrent parfaitement ces audaces du langage : gladiateur est un latinisme, « usurpé » au latin au xiiie siècle (gladiator) dont il conserve l’exact signifié, tandis qu’escrimeur à outrance est une locution récente, attestée par le Franzözisches Etymologisches Wörterbuch chez Amyot et Montaigne, et dont les composants (escrimeur, a outrance) remontent au xve siècle (FEW, XVII, 119a et XIV, 10b30). Pasquier, dans une lettre à Claude Pellejay, relève également, parmi quelques « mots inaccoustumez » de Montaigne, le latinisme diversion (III, 4, 830), attesté au xve siècle dans le Guidon de Nicolas Panis, traduction du traité médical latin de Guy de Chauliac, avec le sens de « détournement des humeurs vers une autre partie du corps31 », mais auquel Montaigne serait le premier à donner un sens figuré32.
Marie de Gournay revient sur ce sujet dans deux traités (« Du langage françois » et « Deffence de la poesie ») où l’éloge d’une langue parfaite, qui soit au rebours de celle des courtisans, semble dessiner en creux le style de Montaigne, au moins dans les caractéristiques que Marie de Gournay veut s’attacher à défendre :
L’excellence et la perfection principales du langage, consistent selon leur opinion, à fuir quelques mots et quelques phrases que les communs parleurs de la Cour ne disent pas : mots empruntez du Latin, grand reproche à leur goust, ou vieillissans s’il les en faut croire, ou derivez d’autres termes, ou particuliers à quelque Province de la France : je dis fuir, à quelque quelque prix, circonspection et necessité qu’on les peust employer : parce qu’ils sont si jolis de croire, que parler parfaitement, et parler François simple et pur, sont mesme chose. Ignorans que la simplicité ou la pureté ne sont qu’une partie de la perfection d’une Langue, et davantage mescognoissans en la nostre la vraye essence de ceste pureté : puis qu’ils la reputent incompatible avec l’uberté, et cette heureuse part des biens qu’elle a cy-devant acquis : outre qu’ils luy denient de plus encore pour l’avenir, le droict d’emprunt, de translation et de propagation, ainsi qu’ils feroient à quelque Langue morte33.
Quelle merveille, puis qu’un langage est fils de l’esprit, que la pluspart de ses richesses soient abstraites et profondes à l’imitation de celles de son pere ! Ou comment jouiroient ces bonnes gens des abstraites et profondes richesses 170de ce mesme langage, eux qui logent leur douceur dont il est question, c’est à dire leur principal soin et but ; à fuyr, non seulement les metaphores frequentes et les proverbes dequoy nous parlions n’aguere, ains encore, les traits comiques, l’emprunt des estrangers, le nouveau bastiment de manieres de parler expressives, et la plus part des dictions fortes, et de ces voix breves, qui fortifient à toute heure une clause en la resserrant, sur tout en la Poesie34.
Dans ces passages, Marie de Gournay défend l’usage de tours étrangers ou nouveaux, qui ne sont pourtant pas perçus comme étrangers à la langue française. C’est ainsi qu’elle invite les détracteurs de Montaigne à imiter son style « sans qu’un Lecteur y puisse rien accuser, que nouveauté, mais bien Françoise35 ».
On peut dès lors se demander si le « secours » du français par le latin ne pourrait pas également se faire à l’intérieur du français lui-même, dans cette manière de donner à la langue des « mouvements inaccoustumés, mais prudemment et ingenieusement » (III, 5, 873), en quelque sorte de tordre son naturel sans l’en affranchir, par la « communication36 » entre les langues.
À côté des latinismes qui ont pu surprendre ses premiers lecteurs, Montaigne aurait-il fait subir à la langue française des torsions, par mimétisme de tournures latines, contribuant à ce « nouveau bastiment de manieres de parler expressives » évoqué par Marie de Gournay ? Cette question est évidemment difficile, tant la syntaxe du français de la Renaissance est elle-même complexe et volontiers latinisante dans certains tours particulièrement prisés à l’époque (proposition infinitive, participe absolu ou encore emploi des pronoms relatifs), sans que l’on puisse y voir des constructions propres à Montaigne. Une des principales caractéristiques de la langue latine, semble-t-il, aux yeux des grammairiens de la Renaissance, est son ordre des mots spécifique ou, comme le dit Ramus : « en l’oraison Francoyse l’ordre (comme j’ay predit) [est] singulierement gardé au pris des Grecs et Latins, qui ont ordinairement leurs hyperbates et traverses de mots37 ». Là où le français suit un ordre 171« logique », le latin adopte un ordre inverse, ordre des faits plutôt que de la raison, selon Meigret :
De vrey si nou’ consideron’ bien le stile de la lãge Latin’ ę çeluy de la notre, nou’ lę’ trouverons contręres ęn çe qe comunemęnt nou’ fęzons la fin de claoz’ ou d’un discours, de çe qe lę’ Latins font leur comęnçemęnt : ę si nou’ considerons bien l’ordre de nature, nou’ trouverõs qe le stile Françoęs s’y ranje beaocoup mieus qe le Latin38.
Meigret critique dans le même chapitre ceux qui « sõt sí friands de suyvre le style Latin, ę d’abandoner le notre, qe combien qe leur’ parolles soęt nayvemęnt Françoęzes : la maovęz’ ordonançe ręnt toutefoęs le sęns obscur, avęq un gran’ mecontęntemęnt de l’oręlle du lecteur, ę de l’assistęnçe39. » Pour Ramus, en revanche, qui qualifie d’« hyperbate » le bouleversement dans l’ordre des mots, les inversions en latin et en grec relèvent avant tout de visées oratoires, tandis que celles du français correspondent à des actes de langage spécifiques, comme l’interrogation40. Refusée par Meigret, l’hyperbate comme inversion de l’ordre des mots est ainsi intégrée par Ramus au système du français, mais de manière contrainte41.
Pour l’ordre du sujet et du verbe, la prose de Montaigne manifeste un respect de l’« ordre de nature » dans des proportions comparables à celles de ses contemporains42. De fait, les deux chiasmes cités précédemment mettent en évidence le « génie » naturel de chacune des deux langues (ordre sujet-verbe-complément pour le français ; disjonction des syntagmes ou postposition du sujet pour le latin), le discours citant et le discours cité fonctionnant presque en miroir. L’ordre des mots, pourtant, est bousculé en de nombreux endroits des Essais par les hyperbates, 172figure qui se définit d’abord, à la Renaissance, comme une inversion de l’ordre des mots avant de se spécialiser comme ajout43. Françoise Charpentier a montré que c’était une figure-clé du style de Montaigne, en particulier dans le livre III44 : figure mimant les mouvements de la pensée, elle bouleverse l’ordre de nature, et on peut peut-être aussi y voir une manière d’assouplir le cadre de la phrase française telle qu’elle s’esquisse à la Renaissance. Montaigne justifie l’« alteration » de son français par « la barbarie de [s]on creu » (II, 17, 639), mettant tout sur le compte de son occitanisme, mais consciemment ou inconsciemment il donne aussi à lire par endroits une syntaxe audacieuse qui fait primer l’expressivité sur l’ordre proprement logique énoncé par Meigret.
L’hyperbate comme figure d’ajout, qu’elle concerne les syntagmes adjectivaux (« un autre mal peut lui succéder, et pire », III, 9, 253) ou nominaux (« la connaissance de mon père les avait seule incités à cela, et l’honneur de sa mémoire », III, 10, 319) bouleverse l’ordre des mots et entraîne, lorsque l’ajout occupe la fonction de sujet, une postposition du second sujet par rapport au seul verbe exprimé. Comble syntaxique, Montaigne n’hésite pas à combiner postposition du sujet nominal, avec double hyperbate et attelage : « Pour l’estimation et preference de Terence, faict beaucoup que le pere de l’eloquence Romaine l’a si souvent en la bouche, et seul de son rang, et la sentence que le premier juge des poëtes Romains donne de son compagnon. » (II, 10, 411). L’hyperbate donne au français des Essais une grande souplesse sur le plan syntaxique tout en en renforçant l’expressivité : c’est bien le principal effet de cette figure que de déplacer ou réorienter la pensée tout en contribuant à un effet de pointe.
Comment comprendre enfin cette articulation entre le français et le latin, par rapport à l’idéal que Montaigne élabore d’une langue naturelle, et qu’il semble ériger en impératif d’écriture pour lui-même ? Faisant l’éloge de la langue naturelle, par opposition à une langue artificielle définie comme une rupture entre les mots et les choses et en particulier entre l’auteur et son langage, Montaigne dit corriger les fautes dues à l’inadvertance et non celles liées à la coutume, parmi lesquelles 173il mentionne les métaphores, les mots gascons, et les « phrases dangereuses » que l’on entend « emmy les rues françoises » même si elles sont non conformes à la grammaire (III, 5, 875). Revendiqué comme langue maternelle (I, 26, 173 et II, 17, 639), même si ces affirmations ne correspondent peut-être pas à la réalité45, le latin est également situé par Montaigne du côté de la « nature », mais d’une nature qui serait comme enfouie sous le français :
[B] Le langage latin m’est, comme naturel, je l’entens mieux que le François, mais il y a quarante ans que je ne m’en suis du tout poinct servy à parler, ny à escrire : si est-ce que à des extremes et soudaines esmotions où je suis tombé deux ou trois fois en ma vie, et l’une, voyent mon pere tout sain se renverser sur moy, pasmé, j’ay tousjours eslancé du fond des entrailles les premieres paroles Latines : [C] nature se sourdant et s’exprimant à force, à l’encontre d’un long usage. (III, 2, 810-811)
Langue perdue, qu’il aurait maîtrisée dans le passé puis oubliée, le latin apparaît comme la langue d’une nature originelle, perdue, qui rejaillit par endroits et exerce encore son pouvoir de séduction : « Et m’aperçoy que le latin me pippe à sa faveur par sa dignité, au delà de ce qui luy appartient, comme aux enfans et au vulgaire. » (II, 17, 634). Montaigne fait dans les Essais, délibérément, le choix du français, mais les sirènes latines ne cessent d’enchanter son propre discours. Visible dans la bigarrure linguistique des Essais, le latin innerve également, de manière plus discrète, la prose montaignienne de l’intérieur.
Adeline Desbois-Ientile
Université Paris-Sorbonne
1 F. Gray, Montaigne bilingue : le latin des Essais, Paris, Champion, 1991.
2 M. Magnien, « Latin (langue) » dans Ph. Desan (dir.), Dictionnaire de Michel de Montaigne, Paris, Champion, 2007, p. 657.
3 B. Méniel a proposé une analyse genrée de cette métaphore, opposant la féminité du français à la virilité du gascon et du latin (B. Méniel, « La façon virile de Montaigne », Itinéraires, numéro inaugural, 2008, p. 63-76).
4 Sauf mention contraire, les références renvoient à l’édition Villey-Saulnier.
5 F. Charpentier, « Un langage moins ferme », MS, 2, 1990, p. 48-59.
6 Sur l’importance de la conception dans la pensée du langage par Montaigne, voir D. Knop, « Abondance ou brièveté ? Le style crétois de Montaigne », dans R. Menini et C. Silvi (dir.), Styles, genres, auteurs, 16, Paris, PUPS, 2016, p. 91-114.
7 M. Metschies, La Citation et l’art de citer dans les Essais de Montaigne, Paris, Champion, 1997, p. 110.
8 Ch. Brousseau-Beuermann, La Copie de Montaigne. Étude sur les citations dans les Essais, Champion-Slatkine, Paris-Genève, 1989, p. 27.
9 F. Gray, op. cit., p. 27.
10 Voir, pour les ratures, l’édition numérique de l’Exemplaire de Bordeaux, établie sous la direction de M.-L. Demonet et publiée sur le site des Bibliothèques Virtuelles Humanistes [BVH].
11 N. Dauvois, Prose et poésie dans les Essais de Montaigne, Paris, Champion, 1997, p. 89-122.
12 M.-C. Thomine, « Le goût de la langue : Remarques sur l’usage des mots concrets dans le chapitre “De ménager sa volonté” », Montaigne Le livre III des Essais, dir. R. Cappellen et D. Knop, Fabula, Colloques en ligne, 2017, URL : http://www.fabula.org/colloques/document4232.php.
13 Voir par exemple l’analyse que F. Gray donne d’une citation de Lucain (op. cit., p. 50-51).
14 « quant à moi, si le destin me permettait de passer ma vie à ma guise ».
15 « à travers tant de mers déchaînées ».
16 « qui plantée dans votre cœur vous consume et vous ronge ».
17 F. Gray, op. cit., p. 55.
18 D. Knop et R. Menini « L’art du provignement dans le livre III des Essais », Montaigne Le livre III des Essais, dir. R. Cappellen et D. Knop, Fabula, Colloques en ligne, 2017, URL : http://www.fabula.org/colloques/document4264.php, § 30.
19 Le terme est employé par Marie de Gournay dans « Du langage françois » (Œuvres complètes, dir. J.-C. Arnould, Paris, Champion, 2002, t. I, p. 696).
20 F. Gray, op. cit., p. 42.
21 M. Huchon, « Variations rabelaisiennes sur l’imposition du nom », dans Prose et prosateurs de la Renaissance, Paris, SEDES, 1988, p. 93-100.
22 Ces consignes sont analysées ici même par A. Legros (« Langues et façons d’écrire dans les manuscrits de Montaigne »), qui souligne le fait qu’elles ne sont pas toutes contemporaines.
23 N. Catach, « L’orthographe de Montaigne et sa ponctuation, d’après l’Exemplaire de Bordeaux », dans Éditer les Essais de Montaigne, dir. C. Blum et A. Tournon, Paris, Champion, 1997, p. 135-172.
24 C’est l’hypothèse de N. Catach (art. cité, p. 147).
25 G. Couffignal, « “Est-ce pas ainsi que je parle ?” : la langue à l’œuvre chez Pey de Garros et Montaigne », thèse de doctorat, dir. J.-F. Courouau et M.-L. Demonet, Université Toulouse II – Le Mirail, 2014, p. 263-270.
26 Voir à ce sujet les travaux de B. Cerquiglini, notamment Une Langue orpheline, Paris, Éditions de Minuit, 2007.
27 M. de Gournay, « Preface sur les Essais de Michel, seigneur de Montaigne », dans M. de Montaigne, Les Essais, Paris, Abel L’Angelier, 1595, f. ã3 vo.
28 M. de Gournay, Œuvres complètes, op. cit., t. I, p. 285, n. a. J. P. Camus, pourtant, n’est pas si sévère vis-à-vis des citations de Montaigne, et le loue même par ailleurs d’avoir inventé des « mots nouveaux aux oreilles pures Françoises » (J.-P. Camus, Les Diversitez, dans O. Millet, La première réception des Essais de Montaigne (1580-1640), Paris, Champion, 1995, p. 162-192).
29 M. de Gournay applique ici à Montaigne ce qu’il dit lui-même d’Horace (III, 5, 873).
30 W. von Wartburg, Französisches Etymologisches Wörterbuch. Eine Darstellung des galloromanischen Sprachschatzes, Bonn/Heidelberg/Leipzig-Berlin/Bâle, Klopp/Winter/Teubner/Zbinden, 1922-2002, 25 vol.
31 Dictionnaire du Moyen Français, ATILF – Nancy Université & CNRS, 2015, en ligne.
32 É. Pasquier, « À M. de Pelgé », dans O. Millet, op. cit., p. 144.
33 M. de Gournay, « Du langage françois », Œuvres complètes, op. cit., t. I, p. 694-695.
34 Ibid., « Deffence de la poesie. Second traicté », p. 1152-1153.
35 Id., « Preface », dans M. de Montaigne, Les Essais, Paris, Abel L’Angelier, 1595, f. ã4 ro.
36 L’expression est de Claude de Seyssel, traducteur de Louis XII, qui disait avoir voulu enrichir la langue française par l’imitation de la latine (Les Histoires universelles de Trogue Pompée, abbrégées par Justin, historien, translatée de latin en françois, par messire Claude de Seyssel, Paris, Michel de Vascosan, 1559, « Prologue », n. p.)
37 P. de La Ramée, Grammaire, Paris, André Wechel, 1572, p. 158-160.
38 L. Meigret, Le Trętté de la grammęre Françoęze, Paris, Chrestien Wechel, 1550, f. 143ro-vo.
39 Ibid., f. 143ro.
40 P. de La Ramée, op. cit., p. 158.
41 Les positions de Meigret et de Ramus sont analysées par V. D. Le Flanchec dans « De la langue au style : l’hyperbate au xvie siècle », dans A.-M. Paillet et C. Stolz (dir.), L’hyperbate aux frontières de la phrase, Paris, PUPS, 2011, p. 45-56.
42 S. Prévost a observé que le pourcentage d’inversions du sujet chez Montaigne était légèrement inférieur à celui de ses contemporains (Yver, Poissenot, Brantôme) : 6 % pour les sujets nominaux et 4 % pour les sujets pronominaux. Ces inversions s’expliquent soit par un « principe fonctionnel » (élément anaphorique en tête de phrase ou sujet à valeur informationnelle élevée) soit par un souci de marquage stylistique (S. Prévost, « Inversion du sujet et cohésion syntaxique à la fin du 16e siècle », dans Problèmes de cohésion syntaxique de 1550 à 1720, dir. J. Baudry et P. Caron, Limoges, PULIM, 1998, p. 115-138).
43 V. D. Le Flanchec, art. cité.
44 F. Charpentier, « L’hyperbate : une maîtresse forme du troisième allongeail », dans Montaigne et les Essais, actes du congrès de Paris (1988), dir. Cl. Blum, Paris, Champion, 1990, p. 239-247.
45 Voir M. Magnien, art. cité, p. 567.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-08398-6
- EAN : 9782406083986
- ISSN : 2261-897X
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-08398-6.p.0157
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 27/07/2018
- Périodicité : Semestrielle
- Langue : Français