« Ma préface montre que je n’espérais pas tant oser », avait écrit Montaigne
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Bulletin de la Société internationale des amis de Montaigne
2014 – 2 et 2015 – 1, n° 60-61. varia - Auteur : Legros (Alain)
- Pages : 83 à 94
- Revue : Bulletin de la Société internationale des amis de Montaigne
« Ma préface montre
que je n’espérais pas tant oser »,
avait écrit Montaigne
Inutile de chercher cette citation de Montaigne dans une édition des Essais, quelle qu’elle soit, ni dans la Concordance de Leake, qui permet d’accéder par la petite porte à l’édition Villey-Saulnier, elle-même élaborée à partir du texte en partie reconstitué de l’Exemplaire de Bordeaux. Et pourtant, c’est bien sur l’Exemplaire de Bordeaux (désormais EB) qu’on la trouve, précisément au fo 390 (HHHHh ij), dans « Sur des vers de Virgile », chapitre du Livre III où Montaigne parle de poésie et de sexualité, de sa sexualité1.
Écrite tout au bas de la page sous une autre addition autographe, plus ample et déjà installée, cette phrase a été biffée, ainsi que les suivantes, y compris celle ou celles que le couteau d’un relieur a supprimée(s) en rognant l’exemplaire. De nouveaux ajouts ont pris place ensuite dans d’étroites interlignes, puis ils ont été eux-mêmes biffés, si bien que l’ensemble forme un écheveau quasi inextricable pour l’œil non exercé. L’éditeur des Essais qui prend pour base le texte hybride d’EB ne pourrait ici recourir au texte de 1595 comme il le fait chaque fois qu’il lui faut, sans toujours le dire, compenser des lignes ou bouts de ligne manquants et s’assurer du lieu d’insertion ou de la succession des ajouts manuscrits. En effet, de cet enchevêtrement d’additions biffées du fo 390 rien n’est resté, même réécrit, dans aucune des éditions posthumes de 1595 à nos jours.
Devant cette difficulté, le « cosmographe » de Montaigne ne s’attarde pas. Arguant de ce qu’on n’a pas à tenir compte de lignes qui ont été biffées en connaissance de cause et ne sont donc pas assumées par l’auteur, il passe outre2. Curieux des moindres détails, l’œil aux aguets et la loupe à la main, son « topographe », lui, prend son temps3. Il supprime mentalement les ratures, tente de déchiffrer mot par mot le texte sous-jacent, essaie de reconstituer la chronologie des interventions à la plume et de rétablir la logique du discours. Il lui arrive, ce faisant, de trouver, comme ici, de minuscules pépites, et il en fait alors sa récompense, à tout le moins sa justification.
Voici donc une transcription possible du texte en partie « récupéré », comme on dit aujourd’hui d’un fichier électronique que l’on pouvait croire perdu4 :
Suiuons. Et les præceptes de nos maistres et leurs exemples portent que tout esprit dort qui par fois ne se sent agité de quelque allegresse foliante. Ma preface liminere montre que ie n’esperois pas tant oser. Les plus saiges et sains escris des antiens m’ont despuis enhardi. Et le receuil qu’on a faict a mon premier proiet […] que ie me suis piqué a rompre la glace et montrer a nos […] receuil qu’ont faict a ma proposition […]
La deuxième phrase de ce texte partiellement restitué a été ajoutée dans l’interligne supérieure, là où Montaigne avait déjà inséré l’adjectif « liminere », qu’il lui a donc fallu enjamber pour poursuivre un nouvel ajout, dont le terme se trouve dans l’interligne inférieure, juste après « despuis enhardi », déjà installé pour remplacer un simple « enhardi » biffé
au début de la ligne suivante5. La fin est lacunaire (exemplaire rogné), mais on comprend que l’auteur y expliquait sa hardiesse de 1588 par le succès de ses premiers Essais : le bon accueil ou « receuil » qu’ils ont reçu (pensons à ce que lui dit le roi Henri III en son château de Saint-Maur6) a poussé leur auteur à se dévoiler plus, à « oser » dire plus sur des propos relevant de l’intime7. L’intérêt de cette réflexion rétrospective de Montaigne sur son livre en devenir n’échappera à personne.
D’abord, on y apprend quel nom il donnait lui-même à la toute première page des Essais adressée au lecteur : « preface », et non pas, comme nous l’appelons d’ordinaire, avis ou avertissement. La précision fournie par l’adjectif « liminere » dissipe toute ambiguïté : ce n’est pas au début du présent chapitre que pense Montaigne, mais au court texte
qu’il a placé au seuil du livre lui-même depuis 1580, là où les éditeurs de l’époque préféraient procurer à leur lectorat des portraits gravés, des épîtres dédicatoires ou des pièces d’éloge en vers. Ce fut, dit-il encore dans l’addition barrée, son « premier proiet », celui des Essais en deux livres.
Or que disait, en 1580, cette préface – puisqu’il faut l’appeler par son nom – des Essais de Messire Michel, seigneur de Montaigne ? Que celui qui se présentait alors moins comme auteur que comme champ d’expérimentation les destinait à la « commodité particulière » de ses « parens et amis ». Il ajoutait aussi que, si la bienséance ne l’en avait détourné, il s’y fût « tres-volontiers peint tout entier et tout nud », comme dans « ces nations qu’on dict vivre encore sous la douce liberté des premieres lois de nature ». En 1588, il ose cette nudité, et même plus, dans le chapitre « Sur des vers de Virgile ». C’est d’abord cette évolution de propos et de ton que constate l’addition raturée « je n’esperois pas tant oser ». Mais c’est aussi bien davantage : d’édition en édition et sous l’action du livre lui-même (« Je n’ay pas plus faict mon livre, que mon livre m’a faict8 »), la promotion ou plutôt la métamorphose de l’essayeur en auteur.
Cette transformation, toujours selon l’addition raturée, ne s’est pas faite sans une lecture renouvelée des Anciens, ceux du moins qui ont osé mêler à leurs sages propos la saine agitation de « quelque allegresse foliante » (un dérivé du mot « folie »). Mais elle a surtout été encouragée par la bonne réception des premiers Essais, ou plutôt du « premier proiet ». Pour dire comment il s’est senti aiguillonné par l’un et l’autre motif, Montaigne recourt aux métaphores : « se piquer de », c’est prendre intérêt à quelque chose que l’on avait entrepris sans ardeur, en somme se prendre au jeu, mais c’est aussi, au sens premier, se piquer soi-même pour se stimuler (de cela traite précisément le chapitre), voire prendre le pic pour attaquer sa propre « glace », en l’espèce celle des deux premiers livres publiés en 1580 (le « premier proiet » méritait plus d’audace à parler de soi, plus de liberté dans le ton). Chapitre publié en 1588 et allongé sur EB, le très libre et hardi « Sur des vers de Virgile » – titre que certains interprètent d’ailleurs comme une contrepèterie malicieuse – s’ajuste mieux au dessein primitif. Voilà, me semble-t-il, ce qu’exprimait, mélange d’heureuse surprise et d’autocritique, l’addition raturée.
Il reste à comprendre quelle place occupait cette addition dans la continuité du discours et pourquoi elle a été finalement abolie sans même que le contenu en soit repris ailleurs sous une autre forme.
Pour répondre à la première question, il faut disposer au moins de la page précédente (fo 387v) et d’un moyen d’agrandissement qui permette de bien voir les « guidons », ces signes conventionnels par lesquels Montaigne relie tel ajout manuscrit à tel autre ou bien à telle phrase du texte imprimé, signes qui par conséquent vont toujours par paires (appel et renvoi9). On en trouve deux en bas du fo 390. Le premier, qui a la forme d’un 4 et qui commande pour ainsi dire l’ensemble de l’addition, n’a pas de correspondant dans la page. C’est seulement au bas de la page précédente, donc au fo 389v, qu’on décèle, en bout de ligne, la partie supérieure angulaire d’un 4 équivalent. Mais pour restituer l’ensemble de cette dernière ligne rognée et s’assurer de la cohérence du propos, force est de recourir au texte de 1595. C’est seulement avec son aide qu’on peut combler la lacune créée par le relieur et retrouver la continuité du discours ajouté : « [Nostre vie est partie en folie] [fo 389v] partie en 4 [fo 390] 4 sagesse prudence : qui n’en escrit que reveremment et regulierement il en laisse en arriere plus de la moitie. θ Suiuons. ».
Sorte de théta grec (la barre médiane se prolonge toutefois bien au-delà des limites de l’ovale), ce second signe indique qu’il faut insérer ici un bloc textuel dont un autre θ doit en principe montrer où il commence. On le devine de fait, tout en haut de la page et en première place, mais de ce signe il ne reste guère que la base, et toute la ligne qui suit a été rognée par le relieur, si bien que sans recourir à une édition posthume on ne saurait le chercher à cet endroit précis. Cinq lignes plus loin, l’addition se prolonge dans la marge de droite, avec deux citations en prime qui chantent en latin l’attraction de la « rimula » (petite fente) et en français l’opportunité d’un « vit d’ami »… Elle s’achève sur « Quoi tant d’autres ? » (substitué à « Quoi tant d’autres approues »), puis sur deux mots biffés : « Suiuons. Pareillement ».
Là s’arrêtait l’addition de premier jet et l’impératif supprimé l’a manifestement été au moment où Montaigne a écrit, tout en bas de la page et juste après le θ, les lignes qui nous intéressent et qu’il a ensuite
raturées (y compris « Suiuons » qui avait d’abord été reporté là). Ce n’est que plus tard, sans doute après biffure de l’addition du bas, que celle de la marge trouvera son prolongement, sur douze lignes, jusqu’à la réitération de « Suiuons. Pareillement », cette fois conservé. Mais que faut-il placer après l’adverbe ? La phrase imprimée du fo 289v que précède un I d’insertion et dont le premier mot a été rayé, soit : « [fo 389v] Suiuons. Pareillement [> fo 390] Aussi d’où peut venir cette usurpation d’authorité souveraine, que vous prenez sur celles [i. e. les femmes que vous avez séduites], qui vous favorisent à leurs despens ? ». Là se loge, après cette saillie (anti-machiste et féministe avant la lettre), la très longue addition marginale du fo 389v qui aboutit au signe 4 tronqué, et par conséquent aux deux ajouts signalés par 4 entier puis θ entier au bas du fo 390.
Renchérissant sur une phrase déjà imprimée, elle commençait ainsi : « Et d’une lesion enormissime. Chacune de mes pieces [m]e faict esgalemant moi [qu]e toute autre. Et nulle autre ne me faict plus [pr]]oprement home que cetecy », à savoir cette mentula qu’évoque en face Martial, non longa satis, non bene crassa, pas assez longue et pas bien grosse, ou encore parua, donc petite au jugement des femmes d’expérience… « Lesion enormissime », dit plaisamment, avec les mots du droit, l’ancien juge Montaigne, comme pour compenser par l’humour sa plainte déjà imprimée contre « nature » : « Certes elle m’a traitté illegitimement et inciuilement ». Toujours dans cet ajout manuscrit du fo 389v, il déclare plus loin qu’il faut parler des « parties honteuses » sans inutiles détours, sans « scrupuleuse superstition uerbale ». La suite se lit en bas du fo 390, juste après le signe 4 de renvoi et devant « Suiuons », dans une première phrase qui, elle, n’a pas été biffée : « qui n’en escrit que reueremment et regulierement il en laisse en arriere plus de la moitie. » Autrement dit, parler en termes convenus, neutres, détachés, moraux, médicaux, de la sexualité, c’est la vider de sa substance, de sa vitalité, de sa vigueur. En recourant, comme Montaigne, à la poésie, celle de toutes les audaces (Catulle, Martial, Virgile et les Priapées émaillent le texte imprimé du fo 389v ; Théodore de Bèze et Mellin de Saint-Gelais vont les rejoindre à la page suivante), on lui redonne couleur et verdeur. Ce que l’auteur « ose » ici va cependant plus loin encore et il en est conscient : parler de ces choses-là en français et non plus en latin, en prose et non pas en vers, à propos de soi et non pas d’autrui ou de l’homme en général, dans un livre que la « preface » continue d’offrir aux « parens et amis ». Comme pour se rappeler à
lui-même autant qu’à ses lecteurs le contrat passé avec eux en 1580, il écrit dans la marge cette justification : « [I]e dois au publiq uniuersellemant mon portraict ». Or, ajoute-t-il, cette « piece », ce « membre » en fait partie, et plus peut-être que toute autre pièce du puzzle nommé Montaigne. Il le sait d’autant mieux depuis qu’il est atteint de la très douloureuse maladie de la pierre.
Ainsi prennent place la plupart des additions autographes, rayées ou non, du fo 390 et toutes celles du feuillet précédent : un ensemble copieux à insérer au beau milieu du fo 389v, dans la partie imprimée, juste après le signe I. Mais pourquoi l’avoir supprimée ? Ou plutôt quand Montaigne l’a-t-il supprimée ? Sans doute lorsqu’il a prolongé ainsi l’addition marginale du fo 390 après avoir raturé un premier « Suiuons. Pareillement » qui faisait le lien avec le texte imprimé de la page précédente : « I’ayme [la] modestie : et n’est par iugement que iai choisi cette sot/rte de parler licenti[eus] desuergon[de] scandaleus c’est nature qui la choisi pour moy : ie ne le louë pas non plus que toute[s] formes contreres a lusag[e] receu : mais ie l’excuse & par particulieres et generalles circonstances en allege laccusatio[n.] Suiuons. Pareillement ». Ici s’achève l’addition marginale et l’adverbe en suspens invite à retourner à l’imprimé de la page précédente, comme il a été dit ci-dessus.
Par un mouvement inverse de l’addition biffée du pied de page, celle-ci tempère la hardiesse du propos et justifie par les « circonstances » l’emploi de mots crus et malséants dès lors qu’ils sont parfaitement appropriés. Car c’est « nature » qui parle, même si elle le fait ici sans prosopopée. Sur les grands sujets, la vie, la mort, l’amour, Montaigne s’efface et veut la laisser dire, tantôt en latin, tantôt en « bon » français.
L’addition biffée qui nous intéresse n’était, tout compte fait, qu’un excursus, une réflexion qu’on se fait à soi-même, difficile à reverser dans le cours du propos. C’est bien la preuve qu’à ce stade EB était devenu un exemplaire de travail et qu’en tant que tel il se prête à l’étude génétique10. La « fantasie » supprimée n’était sans doute venue à l’esprit
de l’auteur que par la proximité d’une addition déjà écrite au bas du fo 390, mais juste au-dessus et en plus gros, comme si rien d’autre ne devait être écrit en ce lieu par la suite. Celle-ci, qui commence en fait dans la marge, doit être insérée quelques lignes plus haut, en même page. N’en retenons que la dernière phrase, qui peut avoir suggéré à Montaigne le mot principal de l’addition biffée sous-jacente : « On peut oser plus aiseemant ce que persone ne panse que uous oserez, qui deuient facile par sa difficulté ».
Ne serait-ce que pour éviter la répétition – ce à quoi veille toujours le correcteur du texte de 1588-EB – il fallait sans doute supprimer l’une des occurrences du verbe « oser ». Ce qui ne pouvait se faire pour l’addition déjà en place, car elle faisait le lien entre deux phrases imprimées d’apparence contradictoire et appartenait donc déjà au nouveau texte : « I’ay faict caler soubs l’interest de leur honneur [l’honneur des dames], le plaisir, en son plus grand effort, plus d’une fois : &/Et où la raison me pressoit, les ay armées contre moy, s/. Si [Si bien] qu’elles se conduisoyent plus seurement & seuerement, par mes reigles, quand elles s’y estoyent franchement remises, qu’elles n’eussent faict par les leurs propres. On peut oser plus aiseemant ce que persone ne panse que uous oserez, qui deuient facile par sa difficulté. Iamais homme n’eust ses approches plus impertinemment genitales. » Cette dernière déclaration trouve son explication dans l’addition : ce qui est « couuert » est paradoxalement plus « ouuert », parce que moins « defandu » Juste après le mot « genitales », une autre addition annoncée par le signe Ŧ donnait en marge intérieure cette autre précision, biffée depuis par plusieurs traits obliques : « Le dessein d’engendrer doit estre puremant legitime. »
On comprend que Montaigne ait supprimé cette phrase qui perturbait la succession des idées : « Iamais homme n’eust ses approches plus impertinemment genitales. Le dessein d’engendrer doit estre puremant legitime. Cette voye d’aymer est plus selon la discipline ». La déclaration ne manquait toutefois pas d’intérêt, puisqu’elle permettait de comprendre exactement ce que l’auteur entendait par « faire caler le plaisir en son plus grand effort » en évitant tout risque d’engendrement illégitime, donc hors mariage, bien que son « approche » fût franchement « génitale » :
j’y vois une confidence sur sa pratique, à ses yeux respectueuse, du coïtus interruptus. Mais c’était de l’histoire ancienne, comme le suggèrent les vers d’Horace qui lui permettent, en page suivante, d’évoquer son propre naufrage sous la forme d’un ex-voto fictif.
En 1588 et plus encore depuis, Montaigne a donc, au moins dans ces pages, franchi la limite qu’il s’était donnée en 1580. L’image nue du « cannibale » l’obsède, si proche de celle du philosophe cynique : « il se uoit qu’es lieus ou les fautes sont malefices les malefices ne sont que fautes : qu’es nations ou les loix de la bienseance sont plus rares et laches les loix primitiues et communes sont mieus obseruees. » Prise dans la longue addition manuscrite du fo 389v, cette considération sur les peuples primitifs ramenait l’auteur à sa « preface » : « Que si j’eusse esté parmy ces nations qu’on dit vivre encore souz la douce liberté des premieres loix de nature, je t’asseure que je m’y fusse très-volontiers peint tout entier, et tout nud. »
– « Meshui, c’est fait ! », eût-il pu dire pour remplacer l’addition que nous venons de révéler et d’étudier. Dans cette sorte de note de bas de page, finalement supprimée (sans remontée dans le texte, ni substitution, ni déplacement), il constatait, un peu surpris et plutôt satisfait, que la bonne réception de ses premiers Essais lui avait fait lâcher la bride pour mieux répondre à son projet. Dans ces pages, toutefois, la chose était si évidente qu’il a pu trouver finalement inutile une addition qui faisait le lecteur témoin de sa « mutation ».
Alain Legros
CESR, Tours
Illustrations
Fig. 1 – Exemplaire de Bordeaux, fo 390, The Montaigne Project,
The University of Chicago (Philippe Desan).
Fig. 2 – Exemplaire de Bordeaux, fo 390 :
addition biffée en bas de page, The Montaigne Project,
The University of Chicago (Philippe Desan).
Fig. 3 – Exemplaire de Bordeaux, f° 389v :
lieu d’insertion des additions du fo 390, The Montaigne Project,
The University of Chicago (Philippe Desan).
1 Texte de référence : Reproduction en quadrichromie de l’Exemplaire de Bordeaux procurée par Philippe Desan, Chicago-Fasano, 2002 (l’original se trouve à la Bibliothèque Mériadeck de Bordeaux). Ouvrages consultés : Montaigne, Les Essais, éds. J. Balsamo, M. Magnien, C. Magnien-Simonin, Paris, Gallimard (Bibliothèque de la Pléiade), 2007 ; Roy. E. Leake, Concordance des Essais de Montaigne, Genève, Droz, 1981, et Montaigne, Essais, éd. Villey-Saulnier, PUF, 1978.
2 Question abordée dans Composer, rassembler, penser les «Œuvres complètes », éds. Béatrice Didier, Jacques Neefs et Stéphane Rolet, Presses Universitaires de Vincennes, 2012 (voir en particulier A. Legros, « Éditer “tout” Montaigne ? L’épineuse question du contenu », p. 187-197).
3 On connaît cette distinction fameuse de Montaigne au début du chapitre « Des Cannibales » : « je me contente de cette information, sans m’enquerir de ce que les Cosmographes en disent. Il nous faudroit des topographes, qui nous fissent narration particuliere des endroits où ils ont esté. » (Les Essais, op. cit., I, 30, p. 211).
4 Cette transcription a été effectuée à la demande de Mathieu Duboc qui, dans le cadre du projet ANR Monloe (Bibliothèques Virtuelles Humanistes, dir. Marie-Luce Demonet, Centre d’Études Supérieures de la Renaissance, Université de Tours) s’est attelé à la lourde tâche de transcrire l’intégralité des corrections et additions manuscrites de Montaigne sur EB. Elle a été vérifiée ensuite par nos soins sur celle de la Reproduction typographique de l’Exemplaire de Bordeaux (éd. Armaingaud, tome III, Imprimerie Nationale, 1932), qui cependant omet le verbe « oser ». Ici et ci-dessous, dans les citations d’EB entre guillemets sont distingués le texte imprimé (en romain) et le texte manuscrit (en italique).
5 L’addition biffée (biffure supprimée ici par souci de lisibilité) se répartit sur deux lignes et deux interlignes, auxquelles il faudrait ajouter une ou deux lignes perdues au moins partiellement. Si l’on s’en tient à une transcription diplomatique et qu’on respecte la disposition de fait, la syntaxe est pour le moins brouillée : Et les præceptes liminere de nos maistres et leurs exemples portent que tout esprit dort qui par> / Suiuons. Ma preface montre que ie n’esperois pas tant oser. Les plus saiges et sains escris des antiens m’ont / despuis enhardi >fois ne se sent agité de quelque allegresse foliante. / enhardi. Et le receuil qu’on a faict a mon premier proiet […] que ie me suis piqué a rompre la glace et montrer a nos / […] receuil qu’ont faict a ma proposition – Adaptation possible en français moderne : « Poursuivons. Les préceptes de nos maîtres tout comme leurs exemples nous apprennent que tout esprit dort s’il ne se sent parfois agité d’un mouvement de folie. Mon avis liminaire au lecteur montre que je ne m’attendais pas à avoir tant d’audace. Les plus sages et les plus sains écrits des Anciens m’ont enhardi depuis. Et l’accueil qu’on a fait à mon premier livre a été tel que je me suis mis en tête de rompre la glace et de montrer à nos […] ».
6 Selon La Croix du Maine, Bibliotheque françoise, Paris, A. l’Angelier, 1584, p. 328-329 : « cet ouvrage a esté bien receu de tous hommes de lettres […] me plaist for[t] la response que ledit sieur [de Montaigne] fist au Roy de France Henry 3. lors qu’il luy dist que son livre luy plaisoit beaucoup. Sire (respondit l’autheur) il fault donq’ necessairement que ie plaise à vostre Maiesté, puisque mon livre luy est aggreable, car il ne contient autre chose qu’un discours de ma vie, et de mes actions. » On peut lire à ce sujet A. Legros, « Montaigne, son livre et son roi », Studi Francesi, 122, vol. XLI, fasc. 2, 1997, p. 259-274 (prière de corriger à la ligne 1 « Normandie » en « Vermandois » !). Signalons en passant qu’on trouve dans La Bibliothèque d’Antoine Du Verdier (Lyon, B. Honorat, 1585, p. 873-881), une édition séparée du chapitre « Des livres » dont, sauf erreur, on ne mentionne jamais l’existence. Les deux Bibliothèques sont téléchargeables sur Gallica.
7 Sur cette évolution du texte de 1580 à 1588 vers plus d’intimité, voir A. Legros « De Perse à Montaigne : dire le vide, exposer l’intime », Montaigne Studies, vol. XVII, 2005, p. 63-80 ; idem, « Pour illustrer Montaigne, trois gravures à l’essai », Journal de la Renaissance (CESR-Brepols), vol. IV, 2006, p. 249-264 (du modèle de l’imago d’ancêtre à la romaine, Montaigne est passé à celui du cannibale nu de Jean de Léry, puis à celui du skeletos de Vésale et Kalkar exposant ses nerfs et ses veines). L’imagerie médicale d’aujourd’hui aurait assurément intéressé l’auteur des Essais.
8 Les Essais, op. cit., II, 18, p. 703.
9 J’ai relevé une cinquantaine de signes d’insertion distincts sur EB. L’équipe des BVH (projet ANR Monloe) réfléchit au moyen de les encoder pour rendre compte le plus exactement possible de toutes les informations contenues dans EB.
10 Michel Jeanneret commençait ainsi, dans Genesis 25, 2505, p. 157, son compte rendu de Montaigne, Essais, I, 56, « Des prières » (édition par A. Legros des sept premiers états du texte avec étude de genèse et commentaire, Genève, Droz, 2003) : « Les généticiens le savent : les Essais de Montaigne leur offrent un terrain d’exercice privilégié. » La même « revue internationale de critique génétique » (ITEM) a publié depuis « Nous deux, mais c’était lui ou moi (Montaigne et/ou La Boétie) » (A. Legros, Genesis 29, 2008, p. 159-164), avec une reproduction du fo 71v en page de couverture (on lit dans la marge : « par ce que c’estoit luy », puis « par ce que c’estoit moy »).
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-8124-4846-1
- EAN : 9782812448461
- ISSN : 2261-897X
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-4846-1.p.0083
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 23/10/2015
- Périodicité : Semestrielle
- Langue : Français