Résumés
- Publication type: Article from a collective work
- Collective work: Balzac, l’invention de la sociologie
- Pages: 337 to 341
- Collection: Encounters, n° 374
- Series: Nineteenth century studies, n° 41
Résumés
Jacques Noiray, « L’anthropologie de Balzac et le modèle des sciences naturelles »
La méthode classificatrice des sciences naturelles inspire Balzac après 1830. Mais cette influence reste ambiguë : elle est source de comique, et le modèle classificateur semble d’abord disqualifié. Cependant, la notion essentielle d’« espèces sociales » replace le projet balzacien sous le signe d’une zoologie enrichie par l’apport de la sociologie. Fort de cette méthode, le romancier, à l’exemple de Cuvier, se fait le scrutateur des éléments du réel pour reconstruire l’ensemble de ce réel même.
Gérard Gengembre, « Pour lire Balzac : de la famille et de la propriété selon Bonald »
Chez Bonald, l’homme social reçoit tout de la famille et de la société. La famille, fondée sur la propriété, moteur de l’activité humaine, a été atteinte dans son intégrité traditionnelle par la Révolution et la mutation économique. De là le discours antimoderniste de la Contre-révolution. Dans Le Médecin de campagne, Balzac récupère cette analyse, mais l’adapte à la réalité sociale et politique du xixe siècle et l’instrumentalise pour définir la restauration possible d’une société organique.
Jean-Yves Pranchère, « Une extension inattendue de la sociologie bonaldienne. La guerre des sexes dans la relation conjugale selon Balzac »
Balzac a trouvé dans l’œuvre de Bonald le modèle d’une « science sociale » dont l’objet est la logique structurale des rôles sociaux qui transforment les individus en personnes. Le fait conjugal confirme ce modèle et le déborde. Mariage et guerre des sexes témoignent à la fois de la nécessité objective des lois de la reproduction de l’ordre social et des impossibilités subjectives induites par l’intime discordance, au sein même de la nature, entre le biologique, le social et l’idéal.
338Francesco Spandri, « De l’argent comme dissolvant social. La Cousine Bette »
Le chapitre 58 de l’édition originale de La Cousine Bette s’intitulait : « Où l’on voit la puissance de ce grand dissolvant social, la misère ». Après avoir raconté la désagrégation d’une famille, les Hulot, Balzac attire l’attention du lecteur sur la prochaine désagrégation d’une autre famille, les Steinbock. La Famille menacée d’une inévitable dissolution est le thème qui préoccupe le romancier. Mais la logique du roman-feuilleton sous-entend une vérité paradoxale : l’argent comme lien social irremplaçable et comme rupture du lien social.
Andrea Del Lungo, « La méthode sociologique balzacienne, ou comment subvertir l’enquête sociale et la statistique morale »
Cet article observe le détournement fictionnel qu’opère le roman balzacien sur deux méthodes propres à la sociologie naissante, l’enquête et la statistique. L’analyse de quelques exemples, comparés aux traités de Villermé, montre que le roman, minant la prétendue objectivité de ces paradigmes de déchiffrement de l’état social, se détache de leur empreinte positiviste, pour fonder une vision sociologique moderne affranchie de toute portée morale, moins attentive aux valeurs normatives qu’aux différences individuelles.
Boris Lyon-Caen, « Le roman petit bourgeois »
Aux prises avec « les infiniment petits de l’existence bourgeoise », La Comédie humaine s’aventure en territoire sociologiquement neuf. La petite bourgeoisie féconde et modèle le roman, qui se confond avec ses intrigues les plus retorses ; les opérations de distinction et les stratégies de prédation de ses créatures « lilliputiennes » appellent l’usage du microscope et sont de nature constitutivement narrative. Des romans comme Les Employés ou Les Petits Bourgeois caractérisent ainsi comme littéraire la micro-sociologie balzacienne.
Marie-Astrid Charlier, « L’ordinaire et l’innombrable. Sociographie de la vie quotidienne dans La Comédie humaine »
La représentation balzacienne de la vie quotidienne témoigne du bouleversement sémantique, empirique et symbolique de la quotidienneté sous la monarchie de Juillet, avec le développement de l’ère médiatique. Ordinaire 339et innombrable, matériau essentiel pour une étude sociographique des mœurs contemporaines, la vie quotidienne met à l’épreuve le roman balzacien qui doit aussi accueillir l’intrigue, le secret, le « romanesque ». Chez Balzac, l’invention du quotidien s’articule de diverses façons à l’invention du roman.
Paolo Tortonese, « Le bourgeois de Balzac et la girafe de Lamarck. Distinction, imitation, habitude »
Balzac a pensé la société moderne comme habitée par la tension permanente entre la pulsion distinctive et la compulsion imitative. Mais la dynamique produite par ces deux forces donne lieu à un cercle vicieux : d’une part le désir de se distinguer semble se réaliser, ou se dissoudre, en une répétition généralisée ; d’autre part, l’enchaînement des imitations, la production de modèles, ne semble pouvoir se produire que sur le fondement idéologique et psychologique de l’individualisme.
Owen Heathcote, « Balzac sexologue ? »
La complexité de la représentation du sexe chez Balzac concerne le corps biologique des personnages mais aussi leur comportement, voire leur identité sexuelle. Cette complexité place Balzac entre une ère « pré-sexuelle » – où la notion de (homo-)sexualité n’a pas encore trouvé de nom – et une ère « post-sexuelle » – où les dualismes homme/femme et homosexualité/hétérosexualité se voient nuancés par la notion de « genre » et des rapports sociaux de sexe. Les sexologues actuels trouvent donc dans Balzac un modèle et une propédeutique.
Jérôme David, « Back to Balzac. L’envers de l’histoire contemporaine de la sociologie »
La Comédie humaine eut pour contexte d’émergence une constellation de savoirs sur la société qu’aucune institution académique ne disciplinait encore et au sein de laquelle le romancier intervint de façon cruciale en adossant ses descriptions à la notion de type. Aujourd’hui, certains sociologues s’émerveillent en lisant Balzac : ils ont oublié que le premier xixe siècle fut le laboratoire épistémologique de leurs pratiques et que le romancier fut lu par ses contemporains statisticiens, enquêteurs sociaux ou publicistes.
340Pierre Glaudes, « Balzac, Durkheim, et l’anomie »
Les intuitions de Balzac, théoricien du social, trouvent-elles un écho dans les travaux des promoteurs de la sociologie, nouvelle discipline du savoir qui émerge à la fin du xixe siècle ? C’est à cette question que cet article tente de répondre en partie en examinant comme l’auteur de La Comédie humaine et Durkheim se rejoignent souvent dans leur commune attention aux manifestations sociales de l’anomie.
Bernard Lahire, « Sur quelques schèmes d’interprétation du social chez Balzac »
En lisant Balzac, le sociologue contemporain fait le rapprochement entre certaines manières de mettre en scène le monde social et les concepts d’une partie de la sociologie empirique actuelle. Le romancier éclaire certains grands faits ou mécanismes sociaux : les hiérarchies sociales et culturelles, l’homologie entre le social incorporé et le social objectivé, le caractère agonistique de certaines sphères sociales ou les effets du pouvoir symbolique sur tous ceux qui partagent la croyance en la légitimité d’un certain ordre social.
Jacques-David Ebguy, « Représenter l’être social. Balzac avec les sociologues ? »
Ce article fait se rencontrer la représentation balzacienne de l’être social et l’appréhension qu’en proposent divers modèles sociologiques : celui de l’« agent social » (P. Bourdieu), celui de l’« homme pluriel » (B. Lahire) celui de l’« acteur social » (L. Boltanski). Il s’agit donc de lire Balzac avec les sociologues, de faire usage de leurs notions pour caractériser ses textes et sa pensée de l’homme social, avant de prendre la mesure de ce qui sépare l’approche romanesque de l’analyse sociologique.
Agathe Novak-Lechevalier, « Microsociologie balzacienne. Balzac, Goffman et le théâtre du monde »
L’usage constant que fait Balzac de la métaphore théâtrale permet de rendre à nouveau visible et lisible le fonctionnement des interactions sociales dans le monde post-révolutionnaire. L’analyse du roman Modeste Mignon montre que plus que du côté de l’utilisation classique de la métaphore du théâtre du monde, c’est en aval, du côté des analyses microsociologiques d’Erving 341Goffman que se situe Balzac : tous les principaux concepts goffmaniens se trouvent déjà mis en lumière par La Comédie humaine.
Nathalie Heinich, « Le Balzac du sociologue, entre réel, imaginaire et symbolique »
La sociologie peut et doit élargir son objet, en incluant le réel mais aussi les représentations, imaginaires et symboliques. C’est dans cette perspective que l’œuvre de Balzac peut être observée avec un œil neuf, qui ne s’intéresse pas seulement à sa dimension réaliste, mais aussi à ce qu’elle révèle d’un imaginaire collectif ainsi que des représentations symboliques, tant au niveau individuel qu’au niveau collectif. Balzac apparaît ainsi comme un objet de choix pour une sociologie compréhensive des représentations et des valeurs.
- CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN: 978-2-406-08344-3
- EAN: 9782406083443
- ISSN: 2261-1851
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-08344-3.p.0337
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 01-17-2019
- Language: French