Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Voyager d’Égypte vers l’Europe et inversement. Parcours croisés (1830-1950)
- Pages : 485 à 492
- Collection : Rencontres, n° 405
- Série : Littérature générale et comparée, n° 31
Résumés
François Moureau, « Un demi-siècle d’études sur la littérature de voyage de langue française (état des lieux) »
La synthèse d’un demi-siècle d’études sur la littérature de voyage montre comment, depuis les années 1960, les travaux ont dépassé le simple constat descriptif du réel pour intégrer ce que l’on appelle les sciences annexes de l’histoire. La spécificité du discours du voyage entra tardivement en littérature avec l’apparition au xixe siècle de l’écrivain-voyageur et du journaliste-reporter. Aujourd’hui, ce sont les voyages en miroir qui apportent du nouveau dans des études longtemps limitées aux langues européennes.
Randa Sabry, « Pourquoi voyage-t-on en Europe au temps de la Nahda ? »
Déplaçant le regard, du type de voyage entrepris par les écrivains partis en Europe, aux récits qu’ils en ont rédigés, nous examinons les commentaires qu’ils tiennent de leur aventure viatique. On voit se dégager ainsi les lignes de force d’un discours occidentaliste fondé notamment sur l’éloge du voyage comme moteur du progrès, l’image de l’Europe comme stimulant, le désir de s’élever au rang de porte-drapeau investi non d’une simple curiosité à l’égard de l’autre, mais d’une mission patriotique supérieure.
Nagwane Marmouche, « Deux voyages à Paris, entre choc et fascination »
Le parallèle proposé entre L’Or de Paris de Rifâ‘a al-Tahtâwî et Un Égyptien à Paris de Yahyâ Haqqî vise à démontrer que malgré tout ce qui sépare ces deux auteurs sur divers plans, il reste que le voyage en France suscite chez eux une sorte d’ébranlement similaire les amenant à une autocritique de soi et à l’affirmation du même respect envers des valeurs humaines considérées comme transculturelles.
486Aziza Saïd, « Le roman de formation d’un adolescent. Burhân al-dîn à la découverte de l’Occident »
À l’encontre d’une lecture réductrice qui ne retient dans ‘Alam ad-dîn que sa dominante encyclopédique, on projette ici la lumière sur un roman de formation qui, tout au long de cette somme pédagogique, se déploie autour du jeune Burhân al-dîn, cet adolescent que l’on voit débarquer en Europe avec son père, puis connaître ses premiers émois, devenant ainsi le héros d’une éducation sentimentale proche, par certains aspects, des romans de formation du xviiie siècle français.
Amani Mostafa, « Rihla fî Siqilliya [“Voyage en Sicile”] de Muhammad ‘Abduh ou le réformiste voyageur »
Figure emblématique de la Nahda, Muhammad ‘Abduh rédige en 1902 une relation de voyage en Sicile. Cet article met en évidence les thèmes d’intérêt retenus par ce chef de file du réformisme musulman durant son séjour à Palerme, – thèmes qui reflètent les positions de la revue Al-Manar où est publié ce récit viatique : valorisation du patrimoine architectural, défense de la peinture comme art utile, souci de la langue arabe, critique de certains traits de caractère siciliens, par-delà lesquels sont visés des travers égyptiens.
Sobhi Boustani, « L’Europe sous la plume d’un ecclésiastique libanais. Sifr al-akhbâr fî-safar al-ahbâr de Yûsuf al-Dibs »
Dans cette analyse de Sifr al-akhbâr fî-safar al-ahbâr publié par Yûsuf al-Dibs (1833-1907), un an après le voyage qu’il effectue en Italie et en France pour accompagner le Patriarche maronite de l’époque, l’article montre comment cet ouvrage reflète le regard d’un prélat libanais sur l’Occident. Admiratif devant l’organisation des capitales et le progrès technologique, l’auteur témoigne aussi de l’apport des intellectuels libanais à la culture universelle et à la transmission du savoir entre les deux rives de la Méditerranée.
Rania Gado, « Autour de l’optique dans Trois Égyptiens à Paris de Muwaylihî. Perspectives »
Cette contribution est axée sur la place qu’occupe l’optique dans Trois Égyptiens à Paris. À travers la déambulation du trio de visiteurs et d’un 487orientaliste français dans l’Exposition universelle de 1900, l’auteur rapporte des points de vue souvent contradictoires sur la civilisation occidentale. Parallèlement, l’appareillage optique de ce spectacle hypertrophié réfléchit une image non seulement du monde mais également du parcours des voyageurs.
Hoda Abaza, « L’Odyssée de deux Égyptiens. Muhammad Husayn Haykal et Mustafâ ‘Abd al-Râziq »
Les journaux tenus par deux intellectuels égyptiens sont lus ici comme une odyssée, soit la relation d’un voyage effectué dans la perspective du retour et où le « dit » est traversé par le « dire » : l’ancrage énonciatif des deux locuteurs. Dans cette perspective, le journal présente deux dimensions. L’une, temporelle, révèle l’évolution des deux voyageurs tandis que l’autre dévoile, en profondeur, sous le discours relatif à la terre d’accueil un discours en palimpseste sur Ithaque.
Inès El Sérafi, « Ce qu’être moderne signifie pendant la Nahda. Mudhakkirât al-shabâb [“Mémoires de jeunesse”] de Muhammad Husayn Haykal »
La modernité est au cœur de la pensée réformiste de la Nahda, période où s’impose aux intellectuels arabes l’urgence d’une dynamique qui permette à la société de se libérer de certaines traditions archaïques. Or le risque encouru est de créer une assimilation entre modernisation et européanisation. En examinant les « Mémoires de jeunesse » où Muhammad Haykal relate son premier séjour à Paris et sa rencontre avec la civilisation occidentale, cet article présente la réflexion qu’il mène sur l’essence de la modernité (madaniyya).
Chérine Chehata, « Taha Husayn en France et la conquête d’une nouvelle vision »
Comme l’indique le titre la Traversée intérieure, 3e volet du Livre des Jours, le voyage en Europe de Taha Husayn, s’effectue avant tout à l’intérieur du sujet lui-même. Deux traits sont mis en relief : contrairement à ceux qui l’ont précédé, le voyage est pour lui une véritable conquête de la culture française, et il est l’un des seuls pour qui la rencontre avec l’autre, le dialogue avec l’Occident, se double d’une union avec la jeune femme « qui lui offrit ses yeux » et qu’il place au centre d’une thématique salvatrice.
488Laïla Abdel Latif, « La problématique de la désorientation spatiale dans Adîb de Taha Husayn »
L’espace dans Adîb de Taha Husayn est une dimension incontournable qui structure et génère le récit. Cet article retrace les étapes de la quête qui anime le héros, quête mal maîtrisée, précipitée. On découvre que le rêve de changement radical fait virer cette aventure, commencée dans l’enthousiasme, vers une perte de repères par rapport à la réalité. Il est à la fois révélateur et troublant que le protagoniste, toutes attaches rompues, laisse après lui, pour seul vestige, le récit de son voyage en Occident.
Marwa Chahine, « Un voyage humoristique dans la ville Lumière. El-Sayyed wa mirâtuh fî Bârîs [“El-Sayyed et son épouse à Paris”] de Bayram Ettounsi »
Dans la tradition du voyage égyptien en Europe, le recueil de dialogues où Ettounsi met en scène Sayyed, un petit mécanicien, et sa femme, fraîchement débarqués à Paris, constitue un hapax par la condition des protagonistes, la langue familière utilisée et les thèmes triviaux abordés. D’où une version ouvertement satirique d’un modèle viatique perçu jusque-là comme une grande aventure intellectuelle.
Noha Abou Sedera, « Abdel Rahman Badawi, philosophe égyptien à Paris. Entre propos encyclopédique et omniprésence du moi »
Au premier tome de son autobiographie, Abdel Rahman Badawi dresse un tableau sans complaisance du Paris de l’immédiate après-guerre. Loin des stéréotypes admiratifs de ses prédécesseurs, la critique de la vie universitaire et du milieu des étudiants arabes alterne chez lui tantôt avec des digressions encyclopédiques, dans la tradition de la rihla, tantôt avec l’évocation tout égotiste des lieux qui deviendront les repères durables de sa mémoire personnelle.
Walid El Khachab, « Utopies de l’Universel et la Conquête de l’Autre comme Voyage. Bonaparte en Égypte »
En menant sa conquête de l’Égypte, le général Bonaparte construit une utopie fondée sur une conception de l’universel inspirée de deux conquérants illustres : en effet à la manière de César, il impose à l’Autre un modèle spécifique – celui des Lumières – universalisé par voie d’impérialisme, mais comme Alexandre, 489il tend à « composer » avec certains usages de l’islam, d’où le paradoxe d’un universel amené à intégrer le particularisme d’une culture différente.
Sarga Moussa, « Nerval lecteur de Lane. Médiation et résistance dans Les Femmes du Caire »
Cet article examine la lecture que fit Nerval des Modern Egyptians (1836), de l’orientaliste anglais Edward W. Lane. Ce dernier apparaît comme le drogman (guide-interprète) caché du narrateur du Voyage en Orient (1851), à qui il fournit le modèle d’une nouvelle posture « ethnologique ». Mais la volonté nervalienne d’acculturation est mise en échec par Zeynab, qui refuse le rôle de femme-esclave auquel veut la réduire son maître, dont l’auto-ironie met du même coup en lumière la capacité de résistance de l’Orient.
May Farouk, « L’Égypte en 1845 ou le périple idéologique de Victor Schœlcher »
Cette analyse de L’Égypte en 1845, vise moins à démonter les arguments par lesquels Schœlcher s’attaque au mythe d’un État modernisé par Méhémet-Ali, vice-roi « civilisateur », qu’à démontrer comment ce discours, mis au service des théories anti-esclavagistes de l’auteur, entraîne de sa part un certain nombre de dérives. L’article met notamment en évidence les desseins politiques moins humanistes qui se dissimulent sous ce récit de voyage à forte teneur polémique.
Névine Magued, « L’incipit dans les récits de voyage en Orient au xixe siècle »
Cette étude détermine, par l’examen détaillé des fonctions puis de l’esthétique de l’incipit des récits de voyage du xixe siècle chez un certain nombre d’écrivains – Chateaubriand, Nerval, Flaubert et Gautier – les stratégies, les stéréotypes d’ouverture, voire les tensions liées à cette phase du départ. L’analyse identifie aussi un désir d’innovation qui, bien que beaucoup moins spectaculaire que dans l’incipit romanesque, se fait sentir à des degrés variables chez les voyageurs.
Jean-Pierre Dubost, « “J’aurai dans l’esprit des lambeaux singuliers”. Les notes du voyage en Égypte de Fromentin »
Dans la réédition de 1874 d’Un été au Sahara et d’Une année au Sahel, Fromentin écrit : « Des voyages que j’ai faits depuis lors, j’ai résolu de ne 490rien dire. » Décision étonnante si l’on songe que Fromentin a participé en 1869 à la croisière sur le Nil organisée pour l’inauguration du canal de Suez. L’occultation de ce voyage est cependant signifiante. On s’interrogera sur cette « résolution de ne rien dire » en se demandant si l’on ne peut pas lire dans les notes prises en 1869 une véritable phénoménologie du voyage.
Héba El Sabbagh, « Pierre Loti et Louise Colet. Le désir d’exotisme déçu »
Dans leur Voyage en Égypte, Louise Colet et Pierre Loti manifestent leur déception face à l’européanisation en cours sous le régime khédivial. La réalité du pays dès la fin du xixe siècle ne correspond plus à l’imaginaire orientaliste qui s’est forgé depuis la traduction des Mille et une nuits et à travers les tableaux de peintres célèbres. Ces écrivains qui aspirent à retrouver sur cette terre un Orient pittoresque et fantasmatique voient leur attente déçue, d’où l’expression chez tous deux d’un désenchantement.
Heidi Zaki, « Le Sinaï entre enchantement et déception. Une lecture du Désert de Loti »
Cette lecture du Désert de Pierre Loti pose l’hypothèse que l’écriture y oscille entre la fascination au contact de cet espace nu et la désillusion née de l’échec de la quête religieuse et de la tentative de comprendre la culture du désert. Cette idée conduit à une réflexion sur la maturation de la vision de l’auteur au cours de son voyage, expérience qui le pousse à se distancer de l’illusion exotique relative aux habitants et au caractère présumé sacré de ces lieux.
Aziza Awad, « L’esprit des lieux dans Le Quatuor d’Alexandrie de Lawrence Durrell. Une approche géocritique »
C’est à la lumière d’une convergence entre la littérature et la géographie que l’article étudie la nouvelle image de l’espace littéraire qui surgit dans Le Quatuor d’Alexandrie de Lawrence Durrell. Dans cette approche géocritique, Alexandrie est, pour Durrell, plus qu’une simple toile de fond. Elle devient le véritable moteur de son écriture. L’auteur y traduit un nouveau rapport entre l’espace réel et sa représentation, laquelle lui vaudra l’hostilité du public égyptien.
491Rania Fathy, « Maalesh de Jean-Cocteau ou l’Égypte théâtralisée »
Description de l’Égypte ? Peinture de l’univers théâtral ? Les frontières sont loin d’être étanches dans Maalesh de Cocteau, ce « Journal d’une tournée de théâtre » dans l’Égypte de 1949 : les deux mondes tendent, en effet, à s’interpénétrer dans une réflexivité manifeste, chacun étant, à sa manière, le lieu d’affrontements, explicites ou sous-jacents. Toutes les composantes du « dramatique » sont ainsi à explorer dans ce texte fort controversé.
Élodie Gaden, « Voyageuses et militantes. Les contributions de Marcelle Capy et d’Alice Poulleau à la revue L’Égyptienne. Féminisme, sociologie, art (1925-1940) »
Cet article étudie les représentations du voyage dans la revue L’Égyptienne et examine la réception qu’un mensuel féministe égyptien, arabo-musulman et francophone a pu réserver à l’expérience viatique. Par la mise en évidence des contributions de deux Françaises voyageuses, il s’agit d’interroger les liens entre le voyage, en tant qu’expérience existentielle particulière de décentrement, et le périodique, en tant que lieu de publication éphémère qui ancre la lecture dans une temporalité particulière.
Mercedes Volait, « Égypte représentée ou Égypte en représentation ? La participation égyptienne aux Expositions universelles de Paris (1867) et de Vienne (1873) »
La participation de l’Égypte aux Expositions universelles de 1867 et 1873 a été notoirement brillante, sur les instructions du souverain égyptien. La comparaison des pavillons construits à Paris et à Vienne fait apparaître des différences notables dans les partis pris esthétiques adoptés pour leur construction. La contribution en restitue la raison, avec l’hypothèse qu’elle tient pour partie à des effets de connaissance, déterminés par une familiarisation accrue avec les monuments du Caire après 1868.
Rania Aly, « Mes expositions universelles (1889-1900) de Jean Lorrain. Exotomanie et cosmopolitisme »
Dans une série de chroniques décrivant les Expositions de Paris de 1880 et 1900, Jean Lorrain invite le lecteur à « voyager » et surtout à découvrir les 492pavillons de l’Orient et de l’Égypte. Ses commentaires très libres s’éloignent du discours des visiteurs fascinés par la vision souvent stéréotypée qu’on leur offre des merveilles de l’Orient. Séduit dans un premier temps, l’auteur ne tarde pas à fulminer contre la fièvre d’exotomanie qui saisit les foules, nous faisant découvrir l’envers de la fête tel que le subissent certains Parisiens.
- Thème CLIL : 4028 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes de littérature comparée
- ISBN : 978-2-406-08208-8
- EAN : 9782406082088
- ISSN : 2261-1851
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-08208-8.p.0485
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 20/06/2019
- Langue : Français