Introduction La Lectura des Métamorphoses au Moyen Âge
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : Un commentaire médiéval aux Métamorphoses. Le Vaticanus Latinus 1479, Livres I à V
- Pages : 15 à 86
- Collection : Textes littéraires du Moyen Âge, n° 56
- Série : Ovidiana textes, n° 1
Introduction
La Lectura des Métamorphoses au Moyen Âge
« Quaque patet domitis Romana potentia terris, / ore legar populi, perque omnia saecula fama, / (si quid habent veri vatum praesagia) vivam1 ». Les praesagia vatum, les prédictions des poètes auxquelles Ovide fait référence, se sont révélées tout à fait véridiques : les Métamorphoses figurent parmi les œuvres latines les plus lues et réinterprétées2. Cependant, le succès du poème n’a pas été continu au cours des siècles.
Dans le même ier siècle qui a vu sa naissance et dans les siècles qui ont suivi, l’œuvre a rencontré la faveur des critiques et des poètes3. Sénèque le 16Rhéteur et Quintilien en donnèrent un jugement positif, de même qu’on retrouvait, comme les études les plus récentes l’ont montré, beaucoup de vers des Métamorphoses dans la poésie des différents genres : dans le poème de Lucain, par exemple, ainsi que dans les vers de Claudien ou d’Ausone4.
Dans l’Antiquité tardive, en outre, l’œuvre a certainement été étudiée à l’école, où les magistri devaient organiser de manière didactique la présentation biographique de l’auteur et synthétiser la longue série de mythes qu’Ovide raconte dans le poème.
La première forme d’une Vita Ovidii a été créée au moment où les manuscrits des Métamorphoses ont commencé à être assez systématiquement précédés, comme Ovide l’avait voulu, par les vers des Tristes I 7, 35-405 : « Orba parente suo quicumque volumina tangis, / his saltem vestra detur in Urbe locus. / Quocumque magis faveas, haec non sunt edita ab ipso, / sed quasi de domini funere rapta sui. / Quicquid in his igitur vitii rude carmen habebit, / emendaturus, si licuisse, erat »6. Ces célèbres distiques élégiaques étaient si indissociables du texte qu’ils se sont même confondus, dans les plus anciens manuscrits, avec les premiers vers du poème, au moins jusqu’au xiie siècle, époque où les magistri médiévaux ont composé les vitae et les accessus qui introduisaient à la lecture des Métamorphoses7. Ils ont alors probablement suivi ce modèle, en continuant à puiser dans 17les Tristes les données plus strictement biographiques sur les origines du poète et son aptitude à la versification8.
De même, au ive siècle, on composa pour l’usage scolaire les Narrationes, que la critique moderne a définies comme la ‘première édition commentée’des Métamorphoses9. Les Narrationes, ou argumenta, offrent des synthèses des mythes ovidiens souvent accompagnées d’une première forme d’interprétation10.
Au viie siècle, Isidore cite au moins vingt fois les Métamorphoses dans ses Origines, et aux viiie et ixe siècles les vers du poème comptent encore parmi les nombreuses sources de l’Antiquité utilisées par les poètes carolingiens11. Dans son poème De libris quos legere solebam, Théodulphe d’Orléans cite Ovide parmi ses lectures, à côté du bien plus connu Virgile : « Et modo Pompeium, modo te, Donate, legebam, / Et modo Virgilium, te modo, Naso loquax12 ». Dans tous les cas, cependant, la 18présence d’Ovide reste discrète, bien inférieure à celle des autres poètes. Contrairement à l’œuvre de poètes comme Virgile et Horace, mais aussi Perse, par exemple, les Métamorphoses n’appartenaient pas au canon des auteurs étudiés à l’école et expliqués par le biais des commentaires13.
Ce n’est qu’au xie et surtout au xiie siècle que s’exprime un véritable intérêt pour les Métamorphoses14. Avec l’essor culturel des xie et xiie siècles apparaît une nouvelle manière de lire les Métamorphoses, de moraliser leur contenu et de sélectionner les aspects utiles pour l’apprentissage du latin et pour la formation du bon chrétien15. Les moines du sud de 19l’Allemagne sont les premiers acteurs de cette nouvelle lecture d’Ovide. Les fragmenta du poème lisibles dans les manuscrits Munich, Bayerische Staatsbibliothek, Clm 29208 et Clm 4286 provenaient certainement d’un manuscrit du xie siècle produit dans l’abbaye de Tegernsee pour l’usage scolastique16. De plus, de nombreux commentaires inédits, produits entre le xie et le xiie siècle, sont originaires de la même région, comme par exemple ceux transmis par les ms. Munich, Bayerische Staatsbibliothek, 14482 et 14809 et les manuscrits Salzbourg, Stiftsbibliothek St. Peter, a.V.4 et Freiburg im Breisgau, Universitätsbibliothek, 38117.
Le manuscrit Naples, Bibliothèque Nationale, V F 3 constitue un cas particulièrement intéressant18. Ce manuscrit en écriture Bénéventaine fut produit au xie siècle dans l’Italie méridionale, à Bari, mais il n’a probablement pas été utilisé dans son lieu d’origine. En revanche, il a régulièrement été lu et étudié dans le monastère de Montecassino, où il se trouvait sûrement au xiie siècle19.
Par rapport au ‘deuxième exil’, qui avait condamné Ovide au silence pendant tant d’années, la redécouverte de ses œuvres à partir du xiie siècle est telle que Ludwig Traube a qualifié ce siècle d’« aetas ovidiana », même si, au début, Ovide reste moins lu que les Terence, Virgile ou Horace20. Toutefois, le milieu monastique a vu naître, par exemple, le 20commentaire aux Métamorphoses, connu surtout pour le nom de Manegold de Lautenbach (ca. 1035-1103), contenu dans un manuscrit du début du xiie siècle : München, Bayerische Staatsbibliothek, Clm 461021.
Même si l’expression aetas ovidiana mérite d’être nuancée, il n’en demeure pas moins que les intellectuels du xiie siècle trouvaient chez Ovide tous les savoirs qui les intéressaient et que les Métamorphoses constituèrent « le seul poème qui se soit vraiment imposé22 » au Moyen Âge. Relues à l’aune de la morale, chrétienne ou non, les représentations ovidiennes de l’amour et de l’érotisme ont nourri les sujets fondamentaux de la littérature courtoise, de la poésie goliardique et de la comédie23. Les Métamorphoses en particulier, avec leur description des transformations du corps humain, de la nature et du cosmos, devinrent un manuel didactique et un modèle facile d’accès pour l’érudition naturaliste, médicale et astronomique. C’est ainsi qu’est né le mythe de l’Ovidius philosophus naturalis, medicus et astrologus, voire magicien, mythe qui a surtout inspiré les auteurs qui avaient choisi la poésie pour traiter de sujets scientifiques24. Alexandre Neckam, Bernard Silvestre ou Alain de Lille 21ont notamment trouvé dans les vers des Métamorphoses l’explication des phénomènes naturels, de l’origine du monde, des événements bibliques tels que le déluge universel. Pour Albert le Grand et les maîtres encyclopédistes, le poème ovidien est même devenu l’outil fondamental de diffusion de la philosophie pythagoricienne, qui occupe une grande partie du livre XV, dans lequel Pythagore expose sa doctrine25.
Les Métamorphoses étaient donc sorties du contexte monastique où s’étaient déroulées les premières lectures et étaient finalement entrées dans le canon des auteurs étudiés dans les écoles de la ville, se présentant comme une œuvre extrêmement éclectique, qui répondait pleinement aux attentes du lecteur médiéval.
Dans le contexte de renaissance culturelle qui caractérise le xiie siècle, le fait que les intellectuels de l’époque aient utilisé l’allégorie comme principal outil pour décoder les auteurs classiques en général et Ovide en particulier, contribua à infléchir rapidement la fortune des Métamorphoses26. Bernard Silvestre, par exemple, utilisa le mythe et l’allégorie pour expliquer la philosophie néoplatonicienne dans son prosimètre Cosmographia ou Megacosmus et Microcosmus et il élabora aussi une théorie des allégories dans son commentaire des six premiers livres de l’Énéide27.
En reprenant le jugement de Macrobe sur la relation entre forme et contenu dans l’Énéide virgilienne, Bernard explique que le sens de la poésie se cache sous un voile fabuleux, qu’il appelle integumentum ou involucrum, 22et que le commentateur devra découvrir les sens cachés sous la fiction28. Ainsi, il lui attribue un rôle fondamental, parce qu’il est le seul capable de donner voix à un ensemble d’images autrement muettes dans leur obscurité. L’exégète devient pour ainsi dire un nouvel auctor. De plus, l’identification entre poésie et allégorie permit au lecteur médiéval de lire tout texte classique selon le modèle de lecture de la Bible, de l’Ancien Testament en particulier29. Le texte de l’auteur païen pouvait donc être traité de la même manière que l’auctoritas par excellence.
L’impact de cette nouvelle méthode de lecture des textes ovidiens fut incroyablement fort. Certes, dans le cas de toutes les autres grandes œuvres de l’Antiquité, comme l’Énéide ou les vers d’Horace, les commentaires de l’Antiquité tardive, grammaticaux et non allégoriques, étaient également essentiels pour les nouvelles lectures moralisatrices30. Mais Ovide a été commenté pour la première fois au xie siècle et sa tradition exégétique commence directement par la lecture allégorique. De cette manière, le poème païen des Métamorphoses devient une œuvre en adéquation avec la morale chrétienne et riche de tous les enseignements qui s’y rapportent31.
23Par le mythe de la création qui ouvre les Métamorphoses, les commentateurs ont facilement pu assimiler ce texte au récit de la Création et à la Bible tout entière, tandis qu’aux différents profils d’Ovide précédemment évoqués s’ajoutait, voire se superposait, celui de l’Ovidius ethicus, theologus et philosophus32.
La cité d’Orléans a constitué un noyau très actif dans cette redécouverte du corpus ovidien33. Déjà dynamique depuis le ixe siècle pour la transmission et l’étude des classiques, la ville française devint célèbre au xiie siècle pour la vitalité culturelle et l’enseignement de magistri importants comme Arnoul34. Arnoul fut aussi l’auteur d’un commentaire sur Lucain, mais consacra surtout son activité d’exégète à Ovide, minor et maior35 : il commenta ainsi les Fastes, les Epîtres et les deux œuvres les 24plus connues de la ‘didactique de l’amour’, l’Art d’aimer et les Remèdes à l’amour36.
Autour de 1175, Arnoul d’Orléans concentra son attention sur les Métamorphoses, en composant deux commentaires : le premier, très grammatical, est centré sur l’explication littérale des vers et sur la synthèse des mythes ; dans le deuxième, appelé Allegoriae, une liste des Mutationes, qui introduit chaque livre, résume les mythes, tandis que les gloses qui suivent en donnent une interprétation évhémeriste, allégorique ou morale. Arnoul souhaitait que les deux commentaires soient lus ensemble, de manière à fournir une lecture complète de l’œuvre, à la fois littérale et allégorique37. En effet, son interprétation des Métamorphoses a connu un grand succès, dans sa version intégrale ou même seulement dans son accessus, mais, surtout, dans son schéma exégétique, qui proposait de lire les « mutationes » ovidiennes « allegorice », « moraliter » ou « historice38 » : « Modo quasdam allegorice, quasdam moraliter exponamus, et quasdam historice39 ».
Une génération plus tard, toujours à Orléans, le magister Guillaume composa une nouvelle expositio du poème, très proche du commentaire 25grammatical d’Arnoul, puisqu’il s’est lui aussi concentré sur l’analyse littérale du texte et la synthèse des mythes. Ce commentaire, intitulé Versus Bursarii, tire son nom du début de l’accessus de l’œuvre : « Quoniam in Ovidianis ex Bursariorum ambiguitate et continuacione sentencie difficultas invenitur, compendiose explanare decrevimus quid super hoc nostre videtur opinioni. Et quia de Bursariis tractandum est, videndum est quid sit bursarius. Bursarius a bursa, quia in eo diverse inveniuntur explicaciones40 ».
Le titre Bursarius dérive donc de bursa, « parce que dans le commentaire il y a différentes explications », de même qu’un sac peut contenir plusieurs choses. Cette explication est très importante, car elle reflète une attitude typique chez les commentateurs qui se consacrent à la mythologie et surtout à Ovide41. Plus que tout autre sujet, le mythe posait des difficultés d’interprétation et pouvait faire l’objet d’explications non univoques.
Dans la lignée d’Arnoul d’Orléans, l’anglais Jean de Garlande composa à Paris, en 1234, les Integumenta, un petit poème allégorique, écrit en vers élégiaques, qui synthétise les Métamorphoses. Les vers des Integumenta étaient souvent copiés avec la prose des Allegorie d’Arnoul. Parce qu’ils offraient une synthèse pratique, plus facilement mémorisable que la prose, les Integumenta formèrent une partie des accessus, voire une partie inséparable des Métamorphoses42.
26Autour de 1250, probablement encore une fois à Orléans, un autre auteur anonyme composa le Vulgatus, l’exégèse aux Métamorphoses la plus diffusée, connue par tous les commentateurs postérieurs43. Comme l’ont montré les études de Frank Thomas Coulson, l’œuvre est transmise par 22 manuscrits, ce qui constitue un très grand nombre de témoins pour ce type de texte44. En effet, une œuvre conçue pour la pratique scolaire n’était généralement pas destinée à survivre dans le temps, mais plutôt à être revisitée et enrichie par d’autres commentateurs jusqu’à devenir à son tour une nouvelle exégèse, sauf si, comme dans le cas du Vulgatus, elle constituait une véritable lecture de référence, presque un substitut au texte ovidien. Le Vulgatus a réussi à l’emporter sur les autres commentaires parce qu’il offrait une lecture extrêmement détaillée et sophistiquée des Métamorphoses, avec tous les niveaux de lecture, de la grammaire à la philosophie, en passant par l’allégorie. Son commentateur connaissait un grand nombre de sources, sur lesquelles il n’hésitait pas à faire des comparaisons et des réflexions personnelles45.
Le dernier quart du xiiie siècle nous amène à Paris, où s’épanouit le commentaire attribué à Guillaume de Thiegiis. Comme le déclare le magister lui-même à la fin de son texte, l’ouvrage s’adressait lui aussi 27à des étudiants de faible niveau, et se concentrait donc surtout sur l’explication grammaticale et littérale des mythes46 ; les interventions intelligentes de l’auteur révèlent néanmoins le bon niveau de sa culture et expliquent les raisons de la fortune dont a joui ce commentaire. Outre l’unique témoin connu jusque-là, le Paris, BnF, lat. 8010, du xive siècle, Frank Thomas Coulson a pu identifier, à partir des études d’Hauréau, deux autres manuscrits, tous les deux du xiiie siècle : Oxford, Bodl. Library, Canon. Class. Lat. 72 et Wolfenbüttel, Herzog August Bibliothek, Cod Guelf. 5, 4 Aug. 4o47. La rédaction du commentaire in catena, contenu dans le manuscrit d’Oxford, est une bonne preuve que l’exégèse ovidienne, apparue quelques siècles auparavant, était désormais apte à circuler seule dans les manuscrits, sans le support du texte d’Ovide48.
Entre la fin du xiiie siècle et le début du xive, les commentaires relatifs aux Métamorphoses se multiplièrent. L’intérêt pour l’œuvre était tel qu’elle commença à être traduite et à circuler au-delà des frontières de l’Europe centrale. La version grecque de Massimo Planude prouve que le poème était même lu à Byzance, en pleine époque des Paléologues49. En Espagne, les Métamorphoses donnèrent lieu à l’une des premières traductions en langue romane. Le poème a en fait été traduit dans la General Estoria, une histoire universelle monumentale, produite dans l’atelier historiographique du roi de Castille Alphonse X (1221-1284), et qui raconte à la fois les faits de l’histoire païenne et chrétienne. Les recherches d’Irene Salvo Garcia ont mis en évidence que les Métamorphoses constituent la source privilégiée des récits païens contenus dans l’Estoria 28et ont montré à quel point l’exégèse, plus encore que le texte ovidien, a influencé les choix du traducteur50.
Au cœur de l’Europe, entre le xiiie et le xive siècle, les gloses ou seulement les accessus, copiés aussi bien par des anonymes que par les magistri les plus renommés, ont circulé un peu partout, dans les écoles religieuses, dans les milieux de l’enseignement laïque et dans les universités. C’est le cas, par exemple, du commentaire de Guillaume de Thiegiis, mentionné ci-dessus, et, évidemment, du Vulgatus, comme on peut bien le voir dans le ms. glosé Vat. Lat. 1598, de la fin du xiiie siècle51. D’un autre côté, le Vat. Palat. 1670, de la dernière partie du xive siècle, témoigne de la lecture des Métamorphoses dans les Studia52 ; ce manuscrit a été écrit par Jacobus de Cassano pour le grammairien Giovanni Travesi de Cremona, qui à cette époque enseignait à l’Université de Pavie53. Au xive siècle, tant en France qu’en Italie, l’intérêt pour Ovide fut tel que Robert Black a qualifié cette période de « deuxième âge ovidien54 ».
En Italie, pour le cours sur les Métamorphoses qu’il donna auprès du Studium de Boulogne entre 1322 et 1323, Giovanni del Virgilio composa 29les Allegorie librorum Ovidii Metamorphoseon et les Expositiones55. Les Allegorie, qui puisent abondamment dans le commentaire d’Arnoul d’Orléans, les Integumenta de Jean de Garlande et les gloses du Vulgatus, forment un prosimètre où chaque transformation est exposée en prose puis synthétisée en vers56. Les Expositiones, en revanche, sont un commentaire entièrement en prose, dans lequel l’auteur aurait voulu traiter de questions relatives à la grammaire, au lexique et aux sources utilisées, mais le texte devient, juste après le premier livre, une simple paraphrase du poème ovidien57. Pour Giovanni del Virgilio, d’ailleurs, comme pour tous les commentateurs qui l’ont précédé, l’objectif principal n’était pas de traiter une pluralité de questions, mais simplement de guider le lecteur vers une interprétation des Métamorphoses en accord avec la tâche spirituelle promue par le Christianisme.
En France, la lecture allégorique et moralisante des Métamorphoses, inaugurée par Arnoul d’Orléans et suivie par Jean de Garlande, s’est encore enrichie avec l’Ovidius moralizatus de Pierre Bersuire, un moine bénédictin d’Île de France. Il proposa en 1340 une première rédaction de son ouvrage et avant 1362 une deuxième rédaction revue58. Précédé d’un 30accessus, le travail commence par un premier livre intitulé De formis figurisque deorum, dans lequel l’auteur propose une série de portraits moralisateurs des dieux païens, qui servaient d’exemples déjà prêts à être utilisés par le prédicateur. Fidèle au projet d’Arnoul d’Orléans, Pierre Bersuire procède ensuite à une analyse littérale, qui consiste en une paraphrase attentive et en une lecture allégorique et moralisatrice qui l’amène à évoquer dans le poème païen les figures chrétiennes de Marie et du Christ59.
L’importance de l’œuvre de Bersuire réside sans doute dans le fait qu’il a réussi à transformer les Métamorphoses en une sorte de manuel à l’usage spécifique du prédicateur, mais plus encore dans la nouvelle conception de la poésie qui sous-tend sa lecture allégorique60. Dans sa perception, la poésie en général était caractérisée par un langage figuratif, qui cachait son sens sous l’integumentum, et pouvait donc être lue de la même façon que l’Écriture Sainte. Au cœur du xive siècle, quand Bersuire était actif, une théorie figurative de la poésie pouvait donc être élaborée, car la poésie n’était plus seulement considérée comme une partie de la grammaire mais comme la seule scientia qui opère une combinaison parfaite entre le mot et l’image61.
31Alors que l’exégèse réfléchissait sur la relation entre l’integumentum et son sens caché, sur la fusion parfaite entre l’image et le mot, la langue vulgaire avait déjà démontré depuis quelques années qu’elle était prête à considérer la poésie et les images de l’Ovidius maior comme un modèle à imiter. Faisant de l’allégorie et de la figure le pivot de son écriture, Dante avait écrit les trois cantiques de la Commedia, puisant beaucoup dans Ovide et contractant sans le dire avec l’exégèse une dette qui mérite d’être étudiée plus profondément62.
En revanche, le lien entre le poète qui utilise la langue vulgaire et l’exégèse ovidienne est explicite dans l’Ovide moralisé. Son auteur anonyme a traduit et allégorisé les Métamorphoses en près de 72 000 octosyllabes répartis sur 15 livres63. Il a voulu réconcilier les vers d’Ovide et le dogme chrétien, sans renoncer à la beauté des images et à la perfection de l’architecture structurelle du poème ou à son élégance stylistique64. En même temps l’exégèse, à laquelle il se réfère explicitement, lui a appris comment retravailler le poème ancien au point d’en faire une œuvre nouvelle 65. Avec ses références explicites aux gloses, qu’il considère 32comme des sources au même titre que l’auctor Ovidius, l’Ovide moralisé représente le point d’arrivée de la fusion parfaite entre littera et glossa, ce qui caractérise la lecture d’un auteur classique et d’Ovide en particulier66.
L’Ovide moralisé possède ainsi toutes les caractéristiques d’un poème épique, dont le but était d’exalter en poésie les valeurs fondatrices de la société, mais aussi tous les enseignements éthiques qui avaient mûri dans la littérature utilitaire que sont les commentaires. Il connut ainsi un énorme succès, jusqu’au xve siècle67.
D’une manière moins évidente, les Métamorphoses glosées dans les manuscrits constituent également le modèle structurel et substantiel des Genealogie deorum gentilium, sorte de monumentale encyclopédie des mythes écrite par Boccace dans la dernière partie de sa vie68. Composées de quinze livres, comme le poème ovidien et comme l’Ovide moralisé, les Généalogies organisent le traitement de chaque mythe selon le schéma habituel depuis Arnoul d’Orléans : elles résument la fabula, en ajoutant éventuellement les différentes versions du mythe, puis en rapportent les possibles interprétations allégoriques, les sens ultimes inhérents à l’éthique ou la volonté divine. L’intention de Boccace, comme il le déclare lui-même au quatorzième livre, est de fournir un outil précieux pour la lecture et la recherche des mythes, en veillant à ce qu’ils soient bien compris par le lecteur dès l’exposition littérale69. Pour atteindre son objectif, il puise beaucoup dans les Métamorphoses. Quel que soit le manuscrit qu’il a utilisé comme source, Boccace aura certainement trouvé un texte glosé, dans lequel la lecture de chaque mythe était 33accompagnée en marge d’au moins une note expliquant son sens littéral, une autre offrant un décodage allégorique et une autre encore tirant des allégories l’intention morale placée sous l’integumentum du récit mythologique70. Excellent disciple de Pétrarque, Boccace avait appris de son magister que, dans une perspective nouvelle et loin de l’encyclopédisme médiéval, les classiques devaient être imités dans leur intégralité, même dans la structure71. L’opération qu’il a effectuée dans les Généalogies est donc d’une importance extraordinaire parce qu’elle montre que, dans la perception de Boccace, et aussi de tout autre intellectuel qui s’approchait des auctores, les textes des anciens représentaient un corpus unique de littera et de glossa et que les imiter signifiait, inévitablement, jouer aussi le rôle du commentateur. La tâche de l’auteur était alors de faire dialoguer explicitement les commentaires avec son propre texte, comme l’a fait l’anonyme qui a composé l’Ovide moralisé, ou de camoufler leur présence derrière un registre stylistique et littéraire approprié. Le stratagème que Boccace a inventé par rapport au mystérieux Theodontius, qu’il mentionne tout au long de l’ouvrage parmi les sources principales, est brillant et extraordinaire : selon la convaincante reconstitution de Peter Roland Schwertsik, Theodontius est un nom byzantin fictif sous lequel l’auteur cache la source qu’il a réellement utilisée, un commentaire anonyme aux Métamorphoses du xie ou xiie siècle que Boccace aurait eu l’occasion de lire à Naples, à la cour des Anjou de Naples ; ce commentaire a partiellement survécu dans le ms. Napoli, Biblioteca Nazionale, V F 2172. En ennoblissant sa modeste source, Boccace montre ainsi toute sa conscience de l’importance de la glose, qui n’est nullement secondaire par rapport au texte de l’auteur.
34Les commentaires médiévaux aux Métamorphoses :
le status quaestionis
L’histoire du succès des Métamorphoses au Moyen Âge illustre parfaitement l’importance des commentaires qui accompagnaient les textes des auctoritates. Les commentaires aux Métamorphoses ont non seulement été indispensables pour la compréhension et l’explication du texte, mais, en conciliant le contenu païen avec le dogme chrétien, ont joué un rôle particulièrement important pour rendre le poème extrêmement familier au lecteur médiéval.
Plus qu’un simple instrument pour la lecture des auctores, l’exégèse permettait de constituer les canons littéraires dans les écoles. Les gloses, qui naissaient comme ancillae au service de la littera, devenaient les censeurs les plus sévères de leur domina73. En appliquant aux textes antiques la méthode allégorique de lecture des textes bibliques, les commentateurs ont probablement été les véritables architectes de la transformation de l’œuvre ovidienne en auctoritas74. Dans leur anonymat, les gloses n’ont plus fait qu’un seul corps avec le texte, se confondant avec lui. Et s’ils mentionnaient le nom de l’auteur dans des formules telles qu’‘Ovidius dicit’, leur but n’était pas de rendre au plus près ce que l’auteur avait 35voulu dire. Un tel effort n’aurait eu aucun sens dans la perspective médiévale, où le seul véritable auteur était Dieu. Aussi Ovide, comme tous les autres poètes de l’Antiquité, n’était-il que l’exécutant de l’œuvre. Dans l’accessus à ses Allégories, par exemple, Giovanni del Virgilio définit que la causa efficiens des Métamorphoses qu’il s’apprêtait à commenter, à savoir la raison qui a inspiré la composition d’une œuvre, était double, d’une part Ovide et d’autre part Dieu, qui avait créé le monde décrit par Ovide : « Potest tamen dici quod causa efficiens fuit duplex, scilicet movens et mota. Movens fuit ipse Deus qui est primum movens, qui dispositionem mutabilium rerum continet75 ».
En plus d’avoir profondément influencé la question importante de la paternité de l’œuvre, le développement de l’exégèse comme méthode fondamentale d’étude des textes classiques a probablement même eu un impact sur l’évolution de la perception des arts du Trivium entre le xiiie et le xive siècle76.
Quand les intellectuels médiévaux s’aperçurent qu’ils pouvaient lire une œuvre comme les Métamorphoses sans entrer en contradiction avec les enseignements chrétiens, ils découvrirent que le langage figuré constituait une source inépuisable d’instruments rhétoriques, précieux pour le magister qui enseignait les artes du Trivium et encore plus pour la predicatio, et n’importe qui devait parler en public avec l’objectif de persuader son auditoire77. À l’instar de toutes les autres lecturae des auctores, l’exégèse qui accompagnait 36les vers ovidiens pouvait donc devenir à son tour une sorte de manuel pour apprendre, d’une part, le latin, du point de vue grammatical ou du point du vue de la rhétorique, et de l’autre, les praecepta de la morale. Il n’est donc pas surprenant que, dans les sex inquirenda qui déterminaient à quelle partie de la philosophie appartenaient les Métamorphoses, les accessus aient référé à l’éthique, à savoir la branche destinée à enseigner les principes qui formeraient le chrétien parfait78.
La primauté des commentaires, qui ont entièrement révolutionné la fortune d’Ovide, est telle que, à côté des auctores que nous analysons normalement comme les sources d’œuvres médiévales, nous devons aussi considérer, conjointement, les gloses, qui ‘traduisaient’ces textes si éloignés dans le passé en contenus qui répondaient aux besoins de la communauté médiévale.
Mais si, d’un point de vue méthodologique, ce constat ne se heurte à aucun obstacle, nous devons néanmoins prendre en compte des difficultés objectives pour deux raisons. Tout d’abord, les commentaires dont nous avons trace ne représentent qu’une petite partie de ceux qui ont vraiment dû circuler. Comme nous l’avons déjà mentionné partiellement, les commentaires sont destinés à une utilisation pratique dans les écoles et, dans la plupart des cas, voués à rester anonymes79. N’oublions pas 37non plus que, même lorsqu’ils sont conçus comme des corpora exégétiques unitaires, leurs gloses individuelles, de par leur nature même, se combinent très facilement les unes aux autres pour former une glose plus complète, mais éclatent tout aussi rapidement pour faire partie d’un autre noyau exégétique80. Il est facile de comprendre qu’avec ces caractéristiques un commentaire avait très peu de chance de survivre avec son identité propre et définie.
La deuxième difficulté que rencontre le spécialiste des commentaires ovidiens, difficulté qui l’empêche d’avoir une vision complète de ce qu’a pu être la véritable lecture des auctores au Moyen Âge, est le manque d’éditions des commentaires sur les Métamorphoses81. Cela n’est pas surprenant, puisque l’étude des commentaires est assez récente82. L’importance de cette littérature utilitaire avait déjà été soulignée dans les premières 38décennies du xxe siècle, mais la philologie devait encore se doter de tous ses outils pour pouvoir traiter des textes de ce genre, qui échappent à la fois aux règles de la paternité et à celles de l’usus scribendi et de la cohérence formelle83. En effet, les éditions de Fausto Ghisalberti et toutes les études de Frank Thomas Coulson constituent déjà un excellent point de départ pour l’étude de l’exégèse aux Métamorphoses. Respectivement en 1932 et en 1934, le premier a publié une édition partielle du commentaire d’Arnoul d’Orléans et des Allegoriae de Giovanni del Virgilio, suivie, en 1933, de l’édition complète des Integumenta de Jean de Garlande.
Frank Thomas Coulson, pour sa part, a entrepris l’édition du Vulgatus en publiant les 150 premiers vers du premier livre et le mythe d’Orphée, relaté dans le dixième livre. Dans le même temps, il a étudié dans son ensemble l’exégèse des Métamorphoses, fournissant à la fois d’importants outils d’étude et des éditions partielles des autres commentaires84. Il suffit de mentionner l’Incipitarium ovidianum, où tous les manuscrits ovidiens glosés et commentés sont catalogués avec des mises à jour respectives.
L’enquête sur les commentaires en général et sur les commentaires d’Ovide en particulier ouvre un long chemin. Qui veut le parcourir aura intérêt à recourir à tous les outils déjà disponibles et à ceux en cours de développement. L’édition du commentaire transmis par le ms. Vat. Lat. 1479, que nous présentons dans ce volume, a pour objectif de faire un petit pas en avant dans la connaissance de l’exégèse des Métamorphoses et de remettre entre les mains du spécialiste un texte qui puisse être lu avant tout pour deux raisons. La première raison est de faciliter son enquête parmi les sources dites mineures, étant donné que le contenu des gloses pourrait refaire surface dans n’importe quelle source littéraire ; la seconde raison est d’illustrer sur quel terrain culturel la tradition des textes classiques s’est déplacée et quels phénomènes l’ont croisée, par exemple le mélange lexical entre les langues latines et romanes.
39Datation et localisation
du commentaire
Les sources principales que le commentateur utilise et qui se retrouvent presque toutes dans l’accessus permettent d’établir un terminuspost quem certain : l’expositor cite exactement les Integumenta, que Jean de Garlande composa peu après 1230, et connaît très bien le petit poème ovidien De vetula, composé entre 1266 et 127885. L’exégèse transmise dans le ms. Vat. Lat. 1479 a donc été produite au plus tôt dans le dernier quart du xiiie siècle ou peu après.
Dans sa structure et ses contenus, l’œuvre possède toutes les caractéristiques d’un texte du xive siècle. Le commentateur compile de nombreuses sources et les organise d’une manière très ordonnée : il dispose systématiquement les Integumenta dans les accessus, reprend les gloses d’Arnoul d’Orléans pour les interprétations des mythes principaux et les enrichit par d’autres citations, notamment sur l’étymologie. Notre texte semble donc correspondre aux exigences d’un lecteur habitué à ce qu’un commentaire forme un instrument complet, permettant à la fois de décoder le texte classique et d’apprendre le latin.
La mise en page est très ordonnée ; le copiste dispose majoritairement le commentaire sur les deux marges latérales, sauf quand il n’a plus d’espace pour mettre la glose à côté du vers concerné. Son minutieux système de renvois entre la glose et le texte traduit aussi une véritable esthétique de la page86. Cette mise en page ne s’explique pas uniquement par le fait que le copiste a probablement apprêté le Vat. Lat. 1479 pour quelque destinataire, peut-être un magister, plutôt que pour un usage personnel. Autant d’attention à l’harmonie dans la disposition de la littera et de la glossa dérive de la conscience que, même s’il ne constitue pas une œuvre littéraire, le commentaire est un texte important, conçu comme un corpus très unitaire, où toutes les parties exégétiques qui le composent (l’accessus, les gloses interlinéaires et marginales) dialoguent étroitement entre elles.
Le copiste, qui n’est sûrement pas l’auteur, dans la mesure où il fait beaucoup d’erreurs de transcription, a écrit au milieu du xive siècle, 40comme le suggère Marco Petoletti87. Le commentaire a donc été composé dans un intervalle allant de la deuxième moitié, ou du dernier quart du xiiie siècle, à la première moitié du xive, et qui, pour les raisons exposées, daterait plus exactement des premières décennies du xive siècle.
Le copiste est sûrement français, comme certains éléments paléographiques et phonétiques le révèlent. Par exemple, il écrit l’abréviation tironienne « et » avec un signe horizontal au milieu. En outre, la forme de son écriture est caractéristique d’un copiste du nord de la France. Pour ce qui concerne la phonétique, les exemples sont assez nombreux ; nous nous limitons ici à signaler l’emploi de com au lieu de cum et d’incipiens au lieu d’insipiens.
L’auteur du commentaire est très certainement français aussi : 1) les sources principales qu’il utilise – l’exégèse d’Arnoul, celle du Vulgatus et les Integumenta de Jean de Garlande – circulaient un peu partout mais ont été produites en France ; 2) il mentionne la France dès que les gloses lui en offrent la possibilité, comme par exemple dans la glose marginale I 533-539 et l’interlinéaire du v. 533 : « […]Dane fugiebat et Phebus sequebatur : Gallicus (533) dicit, quia in Gallia sunt optimi canes et similiter venatores » ; « Gallicusarvo : Francia campo » ; 3) il explique assez souvent un mot latin par son équivalent en ancien français en marquant sa traduction par l’adverbe gallice88. En général, les petites annotations écrites entre les lignes ou, comme ici, entre les vers, ont pour but de simplifier au mieux le texte, de le rapprocher de la langue du lecteur. Ainsi, certaines gloses interlinéaires peuvent être en langue vernaculaire, quand le texte glosé est considéré comme très difficile. Il nous semble donc improbable que notre copiste glose certains mots par gallice si la langue française ne lui est pas familière89.
Ces données nous permettent donc d’inclure le commentaire du Vat. Lat. 1479 dans la tradition de l’exégèse française, tradition inaugurée au 41xiie siècle et perpétuée jusqu’au xive par Arnoul d’Orléans et le Vulgatus. À l’heure actuelle, nous ne savons pas comment le manuscrit est arrivé à la Bibliothèque Vaticane. Le commentaire a certainement été lu par un intellectuel italien : en effet, de petites annotations interlinéaires ont été écrites par un lecteur de l’Italie septentrionale, comme l’indique l’écriture. Il ajoute même toute une glose marginale sur le côté droit du f. 155 : « Anguipedum (184) dicuntur Gigantes quia habent pedes similes anguibus, quia supra montes serpetant nimia velocitate ». Le lecteur italien suit ainsi la méthode du commentateur. Il souligne le lemme à gloser, anguipedum, qu’il a prélevé du v. 184 du premier livre des Métamorphoses, et explique ensuite pourquoi Ovide a utilisé cet adjectif, ici pour définir les Géants.
En outre, le commentaire transmis par le Vat. Lat. 1479 a sûrement été composé dans le milieu de l’enseignement. Il contient en effet toutes les recommandations que le magister donnait à ses élèves pour les accompagner au mieux dans leur compréhension du texte latin. Il les aide, par exemple, à rétablir l’ordo verborum par l’impératif construe, comme dans la glose relative aux v. 630-631 du troisième livre :
Lichabas erat propter homicidium quod fecerat exclusus a patria sua, quasi dicat : ‘ Per ictum quem mihi dedit, precipitatus essem in mari, nisi corda navis detinuisset me quam cepi ’ . B achus enim fuerat ( 630 ) : in rei veritate Bachus erat quem tenebant in navi ; ibi est parenthesis. Construe prius supremos versus sic : Bachus – enim pro quia –, quia Bachus fuerat ( 630 ) in veritate, ait : ‘ o naute, quid facitis ? quis clamor adest ? a quo paratis defferre me ? qua ope perveni huc ? ( 632 - 633 ) ait – inquit – veluti (630) pro sicut, sopor sit solutus tum denique clamore (630-631) atque sensus redeunt in pectore mero ( 631 ), id est propter merum.
Dans les vers ovidiens, Acétès raconte qu’à l’approche de l’île de Chios les marins de son équipage souhaitèrent enlever Bacchus, qui, sous l’apparence d’un garçon endormi, s’était assoupi sous l’effet du vin. Au v. 630, Ovide dévoile la véritable identité de ce garçon : « Bachus enim fuerat ». En suivant probablement son modèle, le copiste met l’hémistiche entre parenthèses et indique que « ibi est parenthesis », avant de procéder à la reconstitution de l’ordo verborum annoncée par l’impératif Construe. Pour le commentateur, la glose est certainement le lieu idéal pour la paraphrase, puisque qu’il préfère réécrire en prose les vers plutôt que de signaler l’ordre syntaxique et grammatical dans l’interligne par le système très commun des lettres de l’alphabet.
42Le commentateur s’adresse aussi à son lecteur à travers les formules Nota ou Notandum quod quand il veut attirer son attention sur certains contenus ou aspects grammaticaux. Dans l’accessus, par exemple, le commentateur souligne qu’Ovide avait été élu parmi les juges romains (« Et nota quod iste Ovidius electus, unde de centum iudicibus romanis90 »), lorsqu’il explique, à propos des v. 738-739 du deuxième livre, que certains noms propres féminins grecs ont en latin la désinence -us :« Nota quod talia nomina, sicut Aglaros, Naxos, Delos et Pandrasos et similia faciunt de se nomina feminina in -us terminata, ut Aglarus, Delus, Pandrasus ».
Un autre point est remarquable à ce sujet : au début du développement du quatrième livre, le commentateur explique à plusieurs élèves comment passer de l’accessus à la première glose sans aucune interruption et sans risque d’erreurs : « Partem istam parti preambule continuabitis sic dicentes : ‘Com Pentheus a parentibus suis liberatus et ab matre et matertera accisus fuisset et hoc bene cognitum a pluribus fuisset, unde verum est quod populus incepit colere festa Bachi, sed tantum Alchitoe cum sororibus suis festam Bachi despiciebat’».
Les enseignements du commentateur concernent la grammaire, le contenu du texte et les différents niveaux de lecture allégorique. Cependant, nous remarquons que les observations relatives au contenu du texte et aux interprétations sont bien plus nombreuses que celles qui portent sur la grammaire. Les destinataires de cette expositio ont donc déjà un niveau d’instruction plutôt élevé, niveau qui pourrait correspondre à celui des classes supérieures ou de l’enseignement universitaire.
Le commentaire du ms. Vat Lat. 1479 :
structure et caractéristiques
Le commentaire anonyme transmis par le Vat. Lat. 1479 a sans doute vu le jour au cœur de la période féconde en exégèses ovidiennes, qui s’étale du xie jusqu’au xvie siècle avec l’avènement de l’imprimerie. Il permet donc d’apprécier à quel point la réflexion sur le poème d’Ovide se situe 43à un moment charnière entre les premiers siècles qui ont vu l’intérêt florissant pour les Métamorphoses, et le début de la Renaissance, qui exige la maîtrise des principales questions abordées. Dès la première lecture, on découvre un commentaire assez riche et complet, qui, autour de l’objectif premier de la lecture et de l’interprétation des mythes, exploite le matériel multiforme offert par Ovide pour traiter des principes de l’astronomie ou des sciences naturelles ou encore pour fournir des matériaux de lexicographie. Mais un autre élément remarquable rend l’étude de ce texte utile et intéressante : la tentative pour lire, dans le petit espace de la glose, le mythe païen à la lumière de la vérité chrétienne.
Notre commentaire est constitué d’un long accessus, qui comprend la vie d’Ovide, et d’un corpus de gloses interlinéaires et marginales qui se développent autour du texte des Métamorphoses, d’une manière très systématique et ordonnée, du premier livre jusqu’au quinzième ; chaque livre est précédé d’un accessus plus réduit que le premier mais qui cite toujours les Integumenta de Jean de Garlande et la liste des Mutationes, que l’auteur emprunte à Arnoul d’Orléans mais qu’il connaissait aussi grâce au Pseudo-Lactance91.
Accessus
L’accessus constitue en général la section la plus importante du commentaire, parce qu’elle en fournit la clé de lecture : elle correspond à la praelectio, la présentation de l’œuvre et de la vie de l’auteur que faisait le magister avant de commencer la lectio92. Il répond à une 44structure stricte, qui en fait un texte presque autonome. L’accessus de notre commentaire se partage en trois parties : la vie de l’auteur (Acc. 1-19), la présentation synthétique de ses œuvres, même de celles qui sont attribuées au Pseudo-Ovide (Acc. 20-32), et l’introduction du texte commenté, où l’auteur se réfère aux sources de son commentaire du premier livre (Acc. 33-71) : les Integumenta et la liste des Mutationes.
Cet accessus se distingue par la large part qu’occupe la vie de l’auteur, qui s’étend en effet sur toute la première partie93. Plutôt que de résumer les véritables données biographiques du poète, il construit le portrait de l’Ovide médiéval, auteur et en même temps personnage, protagoniste avant tout de la conversion au christianisme94.
Pour retracer la vie d’Ovide, notre expositor remonte à la cause de la guerre de Troie : le jugement de Pâris. Il ne s’attarde pas sur les événements de cette guerre, mais plutôt sur sa fin. En confondant un peu les participants et les lieux impliqués dans le conflit, il se trompe et mentionne que, contrairement aux Grecs, qui se rapatrièrent, le soldat romain Solemus préféra rester avec sa femme « iuxta civitatem romanam » (Acc. 8), pour fonder une famille et une nouvelle ville95. 45L’auteur explique ainsi la naissance de Sulmona, la patrie d’Ovide, et présente Ovide et son frère Lucillus comme les fils de Solemus. À partir du célèbre distique élégiaque qu’Ovide dédie à sa patrie (« Sulmo mihi patria gelidis uberrimus undis / milia qui decies distat ab urbe decem », Acc. 9) et des informations biographiques que le poète lui-même fournit dans les Tristes, le commentateur reconstruit donc la vie d’Ovide. Il évoque notamment le souhait du père d’Ovide que ce dernier fasse des études, son aptitude particulière à la versification, ses deux ou, selon certaines sources qu’il ne nomme pas, trois mariages.
Puis le commentateur explique qu’Ovide a écrit l’Art d’aimer, les Héroïdes, l’Ibis et De pulice et qu’il était à l’apogée de son succès quand il surprit Auguste qui abusait d’un garçon96. Cette faute, outre celle d’avoir rédigé l’Art d’aimer, et peut-être aussi d’avoir eu une relation avec Livia, coûta l’exil à Ovide. Selon le commentateur, il ne réussit à restaurer son amitié avec Auguste ni par la rédaction des Remèdes à l’amour et des Métamorphoses ni par l’intercession d’amis dont il invoquait l’aide dans les vers élégiaques des Tristes et des Pontiques. En effet, Ovide ne put jamais revenir à Rome, pas même en écrivant, dans une dernière tentative, le De vetula.
Le commentateur s’intéresse beaucoup à ce poème faussement ovidien, peut être rédigé par un auteur anonyme, à Paris, au xiiie siècle, avant les années 1266-127897. Dans ce petit poème autobiographique, composé de 2400 vers répartis en trois livres, Ovide raconte la transformation de sa vie. Au terme de son parcours, son personnage se convertit même au christianisme, demandant que le De vetula soit enterré avec lui : « ad ultimum ponit fidem suam tractans egregissime de incarnatione Ihesu Christi et de Passione, de Resurrectione et de Assencione et de vita beate Marie viriginis et de assumptione eius in celum. […]Hunc librum fecit secum inhumari sub capite, quia in fide mortuus fuit […] (Acc. 53)98 ».
46Après la mort d’Auguste, lorsque le tombeau d’Ovide fut ouvert pour que ses os puissent être transportés à Rome, on retrouva le livre du De Vetula, manifestement intact : « com ossa ‹ ab amicis › suis quererentur, ut apud Romam portarentur, inventus fuit ab eis liber iste qui intitulabatur sic : « Pelignenssis Ovidii De vetula […] » (Acc. 53). Si le corps du poète avait été consumé, son œuvre, comme Ovide l’avait espéré à la fin des Métamorphoses, était devenue immortelle99. Ce texte permet ainsi au commentateur de conférer à son accessus une dimension chrétienne et moralisatrice, que l’on retrouve dans les gloses, et de présenter Ovide sous une forme hagiographique, suivant une tendance qui s’est développée précisément au xiiie siècle100.
Le commentateur complète le portrait d’Ovide, qui est principalement basé sur les Tristes et le De vetula, en expliquant l’étymologie des tria nomina : Ovide prend son praenomen de son père Publius ou de sa mère Publia ; son nomen est Ovide parce qu’il a la capacité de diviser l’œuf, c’est-à-dire d’étudier analytiquement les parties du monde comme si elles étaient les quatre éléments qui composent l’œuf101 ; son cognomen Naso rappelle moins son grand nez que sa sagacité à étudier les origines du monde, qui est égale au flair d’un chien102.
L’accessus est basé sur le schéma habituel des sex inquirenda, commun à tout autre commentaire, et sur la distinction des mutations, qui est en 47revanche typique de l’exégèse d’Ovide. Sans probablement s’apercevoir qu’il annonce une catégorie qu’il ne traitera pas, la causa suscepti, le commentateur utilise un schéma en vers qui circulait évidemment déjà avant lui : « Secundum istos versiculos : ‘Actor, materia, titulus, modus, utile, causa / suscepti, parti cui detur philosophie, / principio libri debent hec omnia queri’».
Le traitement du titre, de l’utilitas et de la pars philosophie sont particulièrement intéressants. Anticipant la tendance qui caractérisera les gloses, le commentateur analyse étymologiquement le nom Métamorphoses, non sans quelques difficultés dues à ses racines grecques : « ‘Methamorphoseos’ dicitur a ‘metha’, quod est ‘trans’, et ‘morphos’, quod est mutatio, et ‘usios’, quod substancia, quod liber de mutacione substancie ; Greci habent genetivum, nos ponimus ablativum » (Acc. 38). Il explique ensuite que le poème a une double utilité : il pose tout d’abord des enseignements moraux, rappelant à l’homme les limites de sa nature terrestre, mais il est en même temps un guide pour la lecture du texte classique, puisqu’il en enseigne la construction : « Utilitas duplex est : primo quod nos simus ita obtemperati inter utramque fortunam […]. Alia est quod, libro lecto et cognitione illius habita, constructionem componere sciamus et rerum proportionem plurium cognoscere valeamus » (Acc. 40).
Presque toutes les œuvres médiévales choisies pour l’étude appartenaient à la catégorie philosophique de l’éthique, puisqu’elles devaient contribuer à la formation du bon chrétien103 ; il n’est donc pas surprenant que le commentateur, dans une œuvre que l’exégèse avait déjà passablement moralisée, déclare : « Ethice, id est morali, supponitur scientie » (Acc. 41)104. L’accessus se termine par le traitement des métamorphoses, calqué sur le schéma des Integumenta de Jean de Garlande (Acc. 54-70) et des Mutationes d’Arnoul d’Orléans (Acc. 71).
48Les gloses marginales :
caractéristiques générales
La moralisation de l’œuvre ovidienne est ressentie comme si primordiale dans notre exégèse que les gloses marginales se concentrent surtout sur la lecture allégorique et morale des mythes. Le commentateur traite d’abord du mythe de la création, qu’il fait correspondre au récit de la Genèse. Il s’attache ensuite aux autres mythes, en les soumettant à une triple lecture, selon le modèle exégétique établi par Arnoul d’Orléans. Chaque mythe est donc systématiquement accompagné, en marge, d’au moins trois gloses principales, généralement distinctes les unes des autres, mais parfois fondues en une seule. La première interprétation, littérale, se signale par les formules fabula talis est ou fabulose ; la deuxième glose, désignée par l’expression allegoria talis est ou allegorice, propose une lecture allégorique introduite par idest ou intelligitur ; la troisième glose, reconnaissable par l’expression moralitastalisest ou moraliter, résume les significations de la lecture allégorique et clarifie le ‘vrai sens’ de l’ensemble du mythe.
Les gloses allégoriques, mais aussi parfois les gloses moralisatrices, se basent souvent sur l’étymologie des noms propres des personnages mythologiques et des noms communs que le commentateur considère comme significatifs. Son recours à l’étymologie marque non seulement un intérêt de l’auteur pour le lexique, mais aussi une sensibilité liée à une certaine conception du texte. L’auteur de ces gloses sait bien que pour faire correspondre le texte à une lecture chrétienne, il faut redonner une nouvelle signification, même aux noms des personnages.
Le mythe de la création
et le Démogorgon
Les gloses qui montrent le mieux à quel point le souci du commentateur n’est pas d’interpréter correctement le texte ovidien mais de l’adapter à la seule vérité possible, celle de la Bible, sont celles relatives à la création 49du monde, qu’Ovide décrit au début du premier livre. Le commentateur trouve parmi les vers d’Ovide le seul élément, la nature, qui lui permet d’affirmer qu’Ovide croyait aussi en une seule entité divine plutôt qu’en une pluralité de dieux mais n’osait tout simplement pas le dire, comme on peut le lire dans les gloses aux v. 21 et 32 : « Hanc deus (21), et cetera : Ovidius, sentiens unum deum esse a principio, non tamen ausus dicere, vocavit ipsum melior natura (21). Nam celo terras (22) et cetera dicit, sicut continetur in Genesi : “In principio creavit Deus celum et terram”, et cetera ». I 32 : « Quisquis fuit. Ovidius, senciens unum deum esse, tamen, quia paganus erat, non audebat unum deum verum confiteri, imo plures adorabat. Secundum enim morem paganorum dixit : quisquis fuit ille deorum105 ».
La citation de la Genèse valide le propos du commentateur et rend l’histoire de la création racontée par le mythe païen aussi familière au lecteur que celle des Saintes Écritures. Compte tenu de ces prémisses, dans la glose aux v. 24-25, le commentateur ne mentionne qu’un seul créateur, qui a fait les distinctions dans la masse informe du chaos : « Quod Chaos mutatum fuit in species non indiget expositione, quia verum est. Com universa essent in loco uno in principio, videlicet in inspiratione divina, confuso modo dicitur propter oppositionem elementorum. Quod dicit quod deus divisit, verum est, sicut in Genesi continetur, et appellatur melior natura (21), quia ille est natura naturans omnes res ».
S’appuyant toujours sur la Genèse, le commentateur déclare même que « le fait que le chaos primordial se soit transformé en formes, ne nécessite aucune explication, car c’est vrai ». Expositio est le mot technique avec lequel le magister médiéval indiquait l’acte de commenter, de clarifier la littera par le biais de la glossa106. L’auteur de notre commentaire assume donc la responsabilité de se dispenser de l’explication, puisque le récit du chaos trouve directement son parallèle dans la Bible ; il est donc a priori vrai. Cette glose est d’une importance fondamentale, car elle nous permet de comprendre où est, dans la perception du commentateur, la frontière entre la fiction poétique et la vérité. La vérité n’est pas identifiable à une vérité scientifique, qui peut être démontrée, ou qui est clairement visible, mais à une connaissance déjà établie, telle qu’elle est lisible dans la Bible, comme nous venons de le voir.
50En plus de la vérité, qui soutient et complète le schéma tripartite (fabula, allegoria et moralitas) par lequel les mythes sont interprétés, le commentateur utilise aussi la catégorie de l’histoire, qu’il entend au sens évhémériste, pour distinguer le vrai chrétien du faux païen107.
Par exemple, pour expliquer la destruction liée au mythe des Géants, l’auteur du commentaire rappelle la raison fondamentale qui, selon la Genèse, à savoir ‘l’histoire’, avait poussé Dieu à se repentir d’avoir créé l’homme : après l’expulsion d’Adam du Paradis pour le péché originel, la malice humaine n’avait fait que dégénérer, au point que Dieu avait décidé de la réparer par un Déluge universel et de confier la survie du genre humain et animal au seul juste, Noé :
[ I 273.1 ] Historiace intelligitur sic : com Deus cognovisset maliciam multiplicatam inter filios Ade, Deus, videns hoc, penituit secundum multitudinem materie sue fecisse hominem, unde ad Noe venit et iussit eum facere archam et spacio magno temporis fecit Noe archam. [ f. 56v ] [ 2 ] Post hoc iste Noe com familia sua solus iustus inventus est et precepto Domini intravit archam com uxore sua et tribus filiis suis cum uxoribus suis et inundavit diluvium et facta sunt universa perdita, excepto uno paro de quolibet animali que per archam salvata sunt, et sic hystoriace supradicta intelliguntur.
Un cas particulièrement intéressant est celui de Prométhée, où l’auteur fond la lecture évhémériste avec la lecture biblique :
[ 1 ] Allegoria talis est : iste Promotenus dicitur primus deus qui de limo terre hominem fecit et in eo spiraculum vite spiritu oris sui inspiravit, ut in Genesi continetur. [ 2 ] Fabula talis est : Promotheus, filius Iapeton, qui alio nomine dicitur Demogorgon , fuit primus et summus deorum, et de limo terre formavit ymaginem terream, et eam in igne et sole desicavit, et illa desiccata mutata est in hominem, et inde pro tali facto in Caucaso monte a posteritate missus fuit in exilium. [ 3 ] Historia talis est : Promotheus re vera quidam fuit qui, in Caucaso monte studens, primo naturam hominis duplam consideravit, scilicet corpus terrenum, unde dicitur corpus de limo terre sive de terra 51 fecisse, et animam celestem, unde dicitur spiraculum vite celestis in eo imposuisse. [ 4 ] Quod dicitur iecur eius a vulturibus corrodi, nichil est aliud dictum nisi quod com cura studebat, et corrodit cura corpus humanum et maxime corpora studentium, sicut adhuc facit ; hoc est quod dicit.
Dans les vers auxquels ces gloses se réfèrent, Ovide ne définit pas clairement la question de la création de l’homme : l’être humain peut avoir été façonné à partir d’une graine divine, par le forgeron de toutes choses, l’opifex rerum, ou l’on peut supposer qu’il soit né d’un mélange de terre et d’eau de pluie à partir duquel Prométhée, le fils de Japet, aurait pu donner forme aux images des dieux.
Notre commentateur, conformément à une tendance commune à de nombreux autres, développe aussi la double hypothèse d’Ovide : il explique allégoriquement que Prométhée fut le premier dieu et historiquement qu’il fut un scientifique qui se retira sur le Caucase pour étudier la double nature de l’homme, faite à la fois de corps et d’âme. Il en ressort notamment le Démogorgon, que le commentateur identifie à Prométhée et donc au premier dieu108.
Absent de la mythologie classique et de la mythologie antique tardive, ce Démogorgon désigne une sorte d’entité divine primitive dans laquelle, d’une manière plutôt inexacte et même lexicalement erronée, les intellectuels médiévaux voyaient le démiurge platonique, qu’ils connaissaient à travers la traduction du Timeo faite par Calcidius109. Le 52recours astucieux au Démogorgon, qui permet de faire allusion à une entité d’allure mythologique, mais sans aucune référence au paganisme, et qui permet également de parler d’un Dieu unique, était évidemment apprécié de nombreux commentateurs : toujours considéré comme l’ancêtre de la lignée divine ou comme le créateur du monde, opifex ou auctor suprême, on le trouve dans plusieurs textes de la littérature ‘mineure’, dans d’autres commentaires, mais même dans les Genealogiae deorum gentilium de Boccace110.
Un traitement aussi complet du personnage de Prométhée ne peut pas passer à côté de l’explication étymologique du nom ; dans une autre glose plus petite, le commentateur explique en effet ceci : « Quia dicitur Iapeton, quod fuit primus deus. Alii dicunt quod Promoteus et dicitur Promotheus, quasi primus deus, quia primus deus fuit111 ».
Le décodage étymologique des noms que transmet le mythe est donc la première étape de la lecture moralisatrice, très souvent préliminaire à la description littérale du contenu du mythe et à son allégorisation. Outre l’intention de donner un nouveau sens au texte ovidien à partir de l’étymologie des noms propres, le commentateur montre un vif intérêt pour le lexique. Par exemple, alors qu’il décrit les terres brûlées par le feu de Phaéton, il ne néglige pas les oronymes, les hydronymes et les autres toponymes dont le texte ovidien fait déjà état. Pour s’en persuader, il suffit de lire la glose relative à II 9, concernant l’Élicon et l’Ethna, deux des nombreuses montagnes touchées par la chute du fils 53du Soleil : « Elicon mons est in nimphis sacratus et ibi habitant IX Muse que sapientiam hominibus administrant. Mons fuit in quo Orpheus recedit quando com lira sua traxit silvas. Ethna est mons qui semper ardet, sed tunc duplicati fuerunt ignes propter calorem solis ».
Cette glose mériterait une étude approfondie, car elle contient certaines des questions les plus chères à l’exégèse et à la réflexion des intellectuels médiévaux, comme les Musae, la sapientia et Orpheus. Quitte à revenir à un autre moment sur l’examen plus spécifique de ces points, il convient de noter ici que, tout en commentant une œuvre poétique, l’auteur n’aborde jamais le sujet de la poésie en profondeur. Les rares observations qu’il fait à ce sujet concernent presque seulement les techniques de prosodie, comme l’indique par exemple la note interlinéaire en III 14 : « versus dispondaicus ».
Pour le reste, sa préférence va à la réflexion sur la connaissance et la pratique de l’étude. Dans la principale glose relative au mythe de Syrinx et de Pan, il explique que cette jeune fille est l’image allégorique de la fistula, mais, au lieu de s’y référer comme à un instrument de poésie, comme on pourrait s’y attendre, il l’identifie allégoriquement à l’ensemble des sept arts – le Trivium et le Quadrivium – que les philosophes recherchent et étudient avec la même passion avec laquelle Pan aimait Syrinx :
[ I 700.2 ] Et ita Pan dicitur totum, quia totum in se habebat ; amavit Syringua, id est fistulam, que facta erat de VII calamis, id est de VII artibus que locuntur de omni sapientia. Ipse Pan, qui interpretatur totum, amavit omnem sapientiam. Ipsa Syringa venit ad Ladonem fluvium. [ 3 ] Lado fluvius est Archadie vel Gallie iuxta montem Argi, iuxta quem fluvium philosophi studuerunt et invenerunt ibi VII artes que locuntur de omni sapientia, et hoc est quod dicitur de Syringua.
Toute référence à la poésie est également absente dans le décodage allégorique de la figure d’Apollon. Le dieu Apollon est presque toujours identifié à la sapientia ; dans la glose relative à II 273-283, par exemple, on lit que « […]Secundum allegoriam Phebus est idem quod splendor et interpretatur sapiens.[…] ». La sagesse, si elle n’est pas directement liée à la poésie, est tout de même associée à l’art de la parole, comme on peut le lire dans la glose moralisatrice relative à I 454-465 : « Moraliter intelligitur sic : per Phitonem intelligimus falsam credulitatem, quem Apollo, id est sapiens, quia Apollo dicitur deus sapientie, com radiis suis desiccat, id est com 54eloquencia sua depellit, quia sagite sapientis sunt verba sua, unde Salomon : “Verba sapientis stulto mors”, et a tenebris sapiens credulitatem convertit in lucem vel etiam falsum, quod intelligitur per Phitonem ».
Comme les flèches qui visent précisément la cible à frapper, les mots sont donc des outils de l’éloquence avec lesquels le sage parvient à vaincre l’adversaire. Comme nous l’apprenons par les nombreuses allusions présentes tout au long du commentaire, l’auteur se réfère à la rhétorique des disputes scolaires qui devaient animer les leçons pour lesquelles il a lui-même fourni son commentaire et qui devaient guider l’étudiant vers l’apprentissage de l’art de la prédication. Bien entendu, l’étude de la grammaire et de la rhétorique est le préliminaire requis. On retrouve parmi les gloses des paradigmes verbaux, comme par exemple celui de percello dans la note II 58, ou des préconisations sur la déclinaison, comme dans la note II 788 : « Successorumque : mos est grecorum genitivus pro ablativo ; hoc successum aliter est antitosis ; declinatur hic ‘successus-si’ et ‘successus-sus-sui’».
Bien sûr, les figures rhétoriques ne manquent pas ; à titre d’exemple, dans la glose III 85 nous relevons la métaphore, la figure rhétorique la plus précieuse pour articuler la relation, qui est à la base de l’allégorie, entre l’image et le sens caché : « [1] Iamquevenenifero : ita serpens vulneratus fuerat et sanguis stillabat ab ore suo vel palato ; et dicitur ‘palatum’ a ‘palo-palas’, quod est idem quod ‘vagor-ris’, quia in eo lingua, sed leve (87), id est parvum erat vulnus virtutis serpentis. Sedere (88) : in profundum descendere vel profundam esse vel sedere, id est descendere, et est metafora tracta a sedendo, quia, com aliquis sedet, dimittitur ». Cependant, les gloses grammaticales et rhétoriques ne sont pas aussi nombreuses dans notre commentaire que dans d’autres exégèses, comme par exemple le Vulgatus. Comme nous l’avons précisé en amont, l’auteur du commentaire du Vat. Lat. 1479 s’adresse à des destinataires d’un niveau d’instruction assez élevé112. La compréhension littérale du texte, qui reste nécessaire et indispensable quel que soit le niveau d’enseignement, est presque entièrement confiée plutôt aux gloses interlinéaires113.
55Les gloses interlinéaires
Les gloses du ms. Vat. Lat. 1479, présentes dans l’interligne des vers d’Ovide et dans les marges du manuscrit, constituent un corpus unique, non seulement parce qu’elles sont transcrites par la même main que celle qui a copié le texte des Métamorphoses, les accessus et les notes marginales, mais aussi parce qu’elles reflètent les choix du commentateur. Parfois, par exemple, elles anticipent un sens qui est ensuite traité dans la note marginale ou elles rapportent les étymologies, qui, comme nous l’avons vu, parcourent toute l’exégèse114. On peut classer ces gloses selon les cinq catégories suivantes : 1) les gloses synonymiques, qui, en paraphrasant le texte, offrent un terme équivalent, mais plus immédiatement compréhensible que celui d’Ovide ; 2) les gloses grammaticales, peu nombreuses, qui expliquent surtout des noms qui peuvent sembler étranges à la première lecture ; c’est notamment le cas des noms de personnages mythologiques, que le glossateur essaie de rendre familier au lecteur en les signalant souvent comme des noms propres par le biais d’un –p ; 3) les gloses étymologiques ; 4) les gloses qui offrent une mise au point sur un nom, un syntagme, un hémistiche ou même un vers entier : elles entrent directement en dialogue avec le texte ovidien ou sont introduites par ‘quia’ ; 5) les gloses traductives, où le commentateur suscrit, sur un mot qui a attiré son attention, le terme correspondant en ancien français et indique la traduction par l’adverbe gallice115. Notre commentateur n’utilise presque jamais les gloses interlinéaires pour rétablir l’ordo verborum, alors que dans les exégèses, l’espace de l’interligne est souvent destiné à reconstruire la phrase selon l’ordre grammatical. Au contraire, il réserve pour cela des gloses marginales entières qu’il signale par la formule « Construe » et où il réécrit toute la phrase, en proposant même parfois plusieurs constructions116.
56Les sources
Les sources principales qu’emploie notre commentateur sont déjà toutes présentes dans l’accessus : Ovide d’abord, les Integumenta de Jean de Garlande, l’exégèse d’Arnoul d’Orléans, le schéma des Mutationes d’Arnoul mais aussi celui du Pseudo-Lactance, le petit-poème De vetula, les étymologies et des matériaux anonymes, souvent en vers, qui proviennent probablement d’autres commentaires117. L’auteur utilise ses sources de façon très autonome : il prélève des vers des Tristes toutes les informations nécessaires pour sa biographie du poète latin118, mais, bien qu’il ait fait confiance en la source la plus sûre, il se trompe par exemple sur l’information du vigintivirat d’Ovide, que le poète nous donne dans les Tristes IV 10, 34. Pour ce qui concerne la ville natale d’Ovide, le commentateur renvoie également aux Tristes IV 10, 4 où il est précisé que Sulmona se situe assez loin de Rome. Pourtant, le commentateur déclare que de retour de la guerre de Troie, Solimus, qu’il identifie par la suite au père d’Ovide, fonda la ville qui portait son nom « iuxta civitatem romanam119 ».
Les commentateurs étaient généralement très négligents, ou inattentifs, quand ils traitaient de la vie de leurs auctores ; leurs confusions ne sont donc pas surprenantes. Cependant, dans ce cas précis, nous observons la construction d’un mythe autour du personnage d’Ovide : né près de Rome, et non dans une ville de la province, fils d’un héros qui, exactement comme Énée, avait combattu dans la guerre de Troie, Ovide est le même auctor qui raconte sa conversion au christianisme, dans le petit poème De vetula. La figure d’Ovide incarne donc le syncrétisme parfait entre la tradition culturelle grecque et troyenne, celle de Rome, bien sûr, et enfin, comme point d’arrivée, la foi chrétienne120.
57Les deux autres sources que l’auteur privilégie pour sa lecture allégorique des mythes sont les Integumenta de Jean de Garlande et le commentaire d’Arnoul d’Orléans.
Au début de chaque livre, l’auteur utilise le petit poème de Jean de Garlande pour résumer le sujet du livre et pour anticiper la lecture allégorique des mythes. Les vers des Integumenta peuvent aussi apparaître parmi les gloses, comme par exemple dans les gloses relatives aux v. 107-109 du mythe de Phaéton, où ils permettent d’expliquer la lecture allégorique du char du soleil : « [2] Per themonem qui prius est intelligimus gramaticam, que prius scientia est ; per axem, logicam qui sustinet ; per ‹ ordinem radiorum › currus, rectoricam. Per quattuor rotas, quattuor elementa, vel intelligi possunt quattuor artes. Hec autem habemus per versus : ‘Themo gramatice, logices nitet axis, adornat / hos resis, decus est quadriviale rote’». Selon la pratique de beaucoup de commentateurs ovidiens, notre expositor combine aussi les Integumenta à la liste des Mutationes dans l’accessus qui ouvre chaque livre des Métamorphoses. Il est probable qu’il connaisse les Mutationes aussi par l’intermédiaire du Pseudo-Lactance, mais il est plus vraisemblable qu’il les tire de l’exégèse d’Arnoul, comme le montre cette comparaison entre les Mutationes relatives au premier livre du texte de l’orléanais et notre texte121 :
Arnul. Aurel. Allegorie I
Mutationes primi libri sunt hee. 1 Chaos mutatur in species. 2. Terra in hominem, sive a deo, sive a Prometheo. 3. Mundus in quatuor secula vel etates a metallis denominata. 4. Annus in quatuor tempora. 5. Gigantes in montes. Sanguis gigantum in homines. 6. Licaon in lupum. Terra in mare propter diluvium. 7. Lapides iactu Deucalionis in viros et iactu Pirre in mulieres. 8. Terra iterum in Phitonem serpentem. Phebus in amantem. 9. Dane in laurum. 10. Io de casta in adulteram, et de adultera in bovem. De bove iterum in deam. 11. Mercurius in pastorem. 12. Syringa in harundinem, harundo in phistulam. 13. Argus in pavonem.
Vat. Lat. 1479, Acc. 70
Mutationes huius libri primi sunt hee : Chaos mutatur in species varias, Terra in hominem sive a deo sive a Promotheo. Mundus in quattuor secula (etates a speciebus metallorum nominate). Annus in quattuor tempora. Gigantes in montes. Sanguis Gigantum in homines mutatur. Terra in mare. Lapides iactu Deucalionis in homines, iactu Pirre in mulieres. Terre lutum in Phitonem serpentem. Deucalion in lupum. Phebus in amantem. Dane in laurum. Yo de casta in adulteram, de 58 adultera in bovem, de bove iterum in deam. Mercurius in pastorem. Sirinx in harundinem ; harundo in fistulam ; Argus in pavonem ; et in hoc terminabitur liber iste.
Arnoul est aussi la source privilégiée des gloses individuelles. Le commentateur du ms. Vat. Lat. 1479 en reprend même quelques extraits de façon servile, à tel point que, pendant la préparation de l’édition du texte, le commentaire d’Arnoul nous a même permis de corriger certaines erreurs122. La glose sur Lycaon, dont Ovide raconte le mythe au premier livre, illustre parfaitement combien le texte de notre auteur dépend de celui d’Arnoul. Notre commentateur tire de son modèle la première identification allégorique (Lycaon comme contemptor deorum), les citations de sources bibliques et la réflexion politique sur l’analogie entre l’horrible personnage mythologique et la tyrannie :
Arnul. Aurel. Allegorie I 6
Lichaon contempor deorum ignorans illud : non temptabis dominum tuum ; et illud : non incurras in temptacionem, et illud tercium : et ne nos inducas in temptacionem ; voluit temptare si verus deus esset Iupiter faciendo homicidium quia crederetur statim esse verus si eum statim pro homicidio puniret. Iupiter vero pro suo homicidio eum obstinatum fecit esse in sua tyrannide. Qui in lupum fingitur mutatus, quia luporum est esse tyrannos ovium.
Vat. Lat. 1479, I 211
[1]Allegoria talis est : Licahon, contemptor deorum, ignorans illud : « Non temptabis Dominum Deum tuum » et illud : « Et ne nos inducas in temptationem », voluit temptare utrum Iupiter esset verus deus faciendo homicidium, id est peccator et desperatus, ignorans : « Non intres in temptationem ».[2]Qui credit Deum imponere penam illi et ipsum per peccata tantum scire punire dicitur mutari in lupum, quia a Deo derelictus permanet in sua tyrannide usque ad mortem, quia luporum dicitur esse tyrannus.
Tendant à créer un commentaire beaucoup plus riche et prolixe que celui d’Arnoul, le commentaire de la Vaticane sait aussi prendre ses libertés par rapport à sa source.
Par exemple, dans le cas de la glose déjà mentionnée à propos de Pan et Syrinx, il s’attarde beaucoup plus qu’Arnoul sur la description de Pan, en allégorisant chaque élément de son corps. Il souligne ensuite le lien 59entre Syrinx et les artes du Trivium. On reconnaît facilement les éléments de la glose d’Arnoul, tels que la synthèse du mythe, l’étymologie de Pan, « tout », et l’identification du fleuve Ladon au lieu où pouvaient se trouver les arts. Pourtant, une différence significative ressort : Arnoul fait référence à Rome et aux « artes graecas de greco in latinum transmutatas ». Notre commentateur par contre élimine la référence à la civilisation antique, grecque et latine, en insistant plutôt sur l’élément si médiéval des artes.
Arnul. Aurel. Allegorie I 12
Pan Syringam filiam Ladonis fluvii amans, cum eam sequeretur in harundinem fuit mutata, de qua Pan fecit fistulam VII vocum. Filia Ladonis fingitur mutata in harundinem ideo quod fluvius ille habundat harundine et de harundinibus compactis fiunt fistule. Ladon fluvius est Grecie iuxta quem Greci studentes invenerunt VII artes quas Pan id est totum, Roma scilicet que toum esse volebat id est rerum omnium habere noticiam. Tandem Siringam mutatam id est artes grecas de greco in latinum transmutatas consecutus est, et cum eis cantavit.
Vat. Lat. 1479, I 700
[1]Rei veritas est talis : Pan, id est totum, quia in illo dicta signantur omnia. Pan habet faciem rubicondam : hoc signatur celum. Pan habet caput cornutum : per hoc signatur ignis. Pan habet pedes corneos : per hoc significatur duricia terre. Pan habet collum velatum pelle maculosa : per hoc signatur mollicies aque. [2]Et ita Pan dicitur totum, quia totum in se habebat ; amavit Syringua, id est fistulam, que facta erat de VII calamis, id est de VII artibus que locuntur de omni sapientia.Ipse Pan, qui interpretatur totum, amavit omnem sapientiam. Ipsa Syringa venit ad Ladonem fluvium.[3]Lado fluvius est Archadie vel Gallie iuxta montem Argi, iuxta quem fluvium philosophi studuerunt et invenerunt ibi VII artes que locuntur de omni sapientia, et hoc est quod dicitur de Syringua.
La glose du ms. Vat. Lat. 1479 a peut-être tiré les nombreux détails sur Pan d’un autre commentaire anonyme, mais on ne peut pas non plus exclure le fait qu’il ait directement puisé dans les lexiques qu’on utilisait habituellement à l’époque, tels que les Origines d’Isidore de Séville, les Derivationes d’Uguccione da Pisa, l’Elementarium de Papias, le Catholicon de Giovanni Balbi ou le Graecismus d’Évrard de Béthune123.
60En effet, la description de Pan est particulièrement détaillée dans certains de ces répertoires, comme par exemple dans les Origines et les Derivationes :
Isid. Orig., VIII 21, 81-83
Pan dicunt Graeci, Latini Silvanum, deum rusticorum, quem in naturae similitudinem formaverunt ; unde et Pan dictus est, id est omne. Fingunt enim eum ex universali elementorum specie. Habet enim cornua in similitudinem radiorum solis et lunae. Distinctam maculis habet pellem, propter caeli sidera. Rubet enim facies ad similitudinem artheris. Fistulam septem calamorum gestat, propter harmoniam caeli, in qua septem sunt soni et septem discrimina vocum. Villosus est, quia tellus convestita est †agiteventibus†. Pars eius inferior foeda est, propter arbores et feras ut pecudes. Caprinas ungulas habet, ut soliditatem terrae ostendat, quem volunt rerum et totius naturae deum ; unde Pan quasi omnia dicunt.
Hugut. Deriv. P 11, 1
Pan grece, latine dicitur omne vel totum ; unde Pan-nis dictus est quidam deus pastorum, quem in similitudinem nature formaverunt, unde et Pan dictus est quasi omne vel totum. Fingunt enim eum ex universali elementorum specie universam naturam representantem ; habet enim cornua ad similitudinem radiorum solis et cornuum lune ; nebridem pellem maculis distinctam habet in pectore propter celi sidera denotanda ; rubet eius facies ad similitudinem etheris ; pedum, idest pastoralem baculum recurvum, gestat in manu dextra ad similitudinem temporum in se revolventium : omne enim tempus in se revolvitur ; fistulam septem calamorum gestat in altera manu propter armoniam celi, in qua sunt septem soni et septem discrimina vocum propter septem planetas ; pars eius inferior ispida et feda propter arbores et feras et pecudes, caprinas ungulas habens ut soliditatem terre ostendat ; quem volunt omnium rerum et totius nature esse deum, unde et Pan dicitur, quasi omnia. Hic quodam tempore victus fuit amore Siringe, unde dictum est quod amor vincit omnia, quia vicit Pana.
61Dans l’apparat des sources, nous avons souvent rapporté dans leur intégralité les gloses étymologiques tirées de lexiques médiévaux, surtout de celui d’Uguccione, pour illustrer la façon dont le commentateur y trouve non seulement les racines étymologiques, mais aussi des descriptions entières ou des explications assez prolixes. Dans leur intégralité nous avons rapporté aussi presque toutes les gloses d’Arnoul, que notre texte reprend quasiment trait pour trait.
Le modèle d’Arnoul est si dominant qu’il semble masquer la dépendance de notre commentaire à l’égard du Vulgatus, le corpus de gloses que tous les exégètes connaissaient sûrement. Cela n’est pas surprenant, étant donné que le texte d’Arnoul contient déjà les explications allégoriques et morales, que notre commentateur place au centre de son exégèse, tandis que le Vulgatus est un commentaire beaucoup plus grammatical, qui désigne explicitement ses différentes sources, comme Virgile, Horace et Ovide. On décèle néanmoins la forte présence du Vulgatus parmi les gloses du Vat. Lat. 1479, comme par exemple dans celle relative à II 232. Cette dernière est presque identique à l’explication du Vulgatus à propos de l’origine de l’ambre et de la résine, qui s’est détachée des arbres qui sont fruits de la métamorphose des sœurs de Phaéthon consumées par la douleur de la mort de leur frère :
Vulgatus II 232124
Sorores Phetontis in populos mutate sunt [ … ] dicimus quod sorores Phetontis mutantur in arbores, id est de humore et calore creantur, sicut segetes. Sunt autem ille arbores iuxta Eridanum que in estate media pro nimio calore finduntur, de quorum ramis quedam gummi defluunt in Eridanum que frigiditate aque durescunt in lapidem electri, et sic fingitur gummi illarum mutari in electrum, et est naturalis ista mutatio. Electrum est lacrima congelata que cadit ex scissu arboris nuper scisse, et mutatur in lapides qui durescunt, et est quod dicit.
Vat. Lat. 1479, II 342
[2]Sorores Phetontis sunt arbores, que similiter generantur ex calore et humore, que in estate dicuntur flere ; non tamen omnes, quia sunt quedam arbores iuxta Eridanum fluvium que in estate pro nimio calore scinduntur, de quorum rimis quoddam genus gommi in Eridanum fluvium defluit et frigore aque durescit in lapidem gommi electri.
Au contraire, notre commentaire cite très peu les sources classiques, si ce n’est Ovide. Nous rencontrons parfois les noms de Caton, avec 62lequel l’auteur introduit un vers des Disticha Catonis, et d’Augustin, bien que l’auteur confonde probablement son texte avec ses documents exégétiques connexes, puisque nos répertoires de recherche incluent la source citée parmi les sententiae anonymes. Le commentaire que nous publions ici est en effet un excellent témoignage de la façon dont une exégèse ovidienne pouvait dépendre de sources du même genre, rapportées dans l’anonymat et fondues avec le reste de la glose. Bien plus qu’en citations de la Bible, qui se concentrent presque toutes sur le mythe de la Création, ou en sources citées occasionnellement, comme Bernard Silvestre par exemple, notre commentaire est riche en proverbes ou autres vers plus ou moins sentencieux. Nous les avons lus dans d’autres textes semblables au nôtre, dans des ouvrages de grammaire ou des lexiques, mais dans de nombreux cas, nous n’en avons pas trouvé la source.
Toutes les autres sources identifiées dans le commentaire, que nous n’avons pas entièrement énumérées ici et pour lesquelles nous renvoyons directement à l’apparat critique, nous permettent de confirmer nos hypothèses sur les caractéristiques du commentaire : ce texte s’adresse à des étudiants d’un niveau assez élevé, puisque les gloses grammaticales sont réduites au minimum et le commentateur se concentre essentiellement sur des interprétations allégoriques. Les gloses dites ‘mythologiques’, qui résument le mythe, constituent la première étape de la lecture du mythe qui est ensuite développée dans un sens allégorique et moralisateur. L’utilisation de lexiques pour les étymologies indique que le commentateur est particulièrement attentif au langage, mais aussi que son profil est celui d’un magister et non celui d’un intellectuel plus savant. L’ensemble des gloses utilisées permet aussi de comprendre que le commentateur veut surtout fournir, probablement aux prédicateurs, un outil le plus complet possible pour l’apprentissage de la rhétorique et de la morale.
Lexique médiéval
Le commentateur utilise assez souvent des termes étrangers au latin classique, mais qui ressortissent plutôt au latin médiéval. Nous avons rassemblé ici les mots plus remarquables qui sont souvent le résultat de 63l’influence de la langue vernaculaire, en nous limitant presque toujours à indiquer leur sens par le renvoi à Du Cange et en nous réservant une étude plus complète du phénomène pour la fin de cette édition, quand nous disposerons de l’ensemble du matériel des quinze livres.
Agalmata
II 293-294 : « ‘Posito quod tu non fratris tui miserearis, miserere tui celi, quia uterque polus fumat’, scilicet polus arthicus et polus antarticus fumat, […], ‘et, si comburentur, vestra agalmata ruent’».
Cf. Papias, s.v. agalma : « figura, simulacrum » ; Hugut. Deriv. A 111 : « agalmata, figura, quasi agens ymaginem alterius » ; Du Cange, s.v. agalma : « simulacrum ».
Ambro
IV 215 : « Ambrosia est herba celestis et delicata, et inde dicitur ambro-onis lecator, et inde ambronius-a- um, ad ambronem competens ».
Cf. Du Cange, s.v. leccator ; Hugut. Deriv. A 156 1, s.v. ambrosia : « […] hic ambro-nis, idest leccator, scilicet idem quod lurco, manducus, ardelio, ganeo ».
Appodio
IV 729 : « Maduere : com belua fluctus evomeret, penne Persei maduere et ita non ausus fuit ulterius super eam volitare ; ymo in summitate scopuli se appodit » ; IV 733* : « nixus eo : appodiatus in eo ».
Cf. Du Cange, s.v. appodiare (apodiare) : « inniti, fulciri ».
Barones
III 530 : « proceres : barones ».
Cf. Du Cange, s.v. barones : « proceres ac magnates ».
Barra
V 115 : « Tamen Licornias com quadam barra istum Petalum in ulcione Iapecidis prostravit ».
Cf. Du Cange, s.v. barra : « fustis, vectis » ; fr. « barre » ; hisp. « barra » ; it. « sbarra ».
64Bladum
V 480 : « Arva fallunt : traditum sibi qum bladum optimum seritur […] ».
Cf. Du Cange, s.v. bladum : « Bladum, gall. Blé : sic autem appellabant quodvis triticum, etsi differet a frumento, quod Blé froment vulgo dicimus, puriori scilicet, nec aliis granis mixto tritico ».
Blesta
II 427* : « cespite : blesta ».
Cf. Du Cange, s.v. blesta : cirrus ; « toupet » en français.
Crius
II 612* : « -que quod audierit : et ideo crius amice ».
Cf . Du Cange, s.v. cridare = clamare, proclamare ; crida (2) « conclamatio ad arma, seu clamor publicus » ; et cridum : « inclamatio ».
Forefactum
IV 167 : « Phebus, hoc precipiens, primo monstravit forefactum Vulcano ».
Cf. Du Cange, s.v. forefactum = delictum, crimen ; « forfait » en français.
Garcio
V 282-293 : « quidam versificator dixit : ‘ Garcio quisque duas com scit coniungere partes, / sic stat, sic loquitur velud omnes noverit artes’».
Cf. Du Cange s.v. garcio : « lixa, mercenarius, Garcio qui sequitur curiam, et portat aquam in castris exercitus » ou « qui artifici operam sua locat » ; « garçon » en français.
Lecator
IV 49 : « Nais venefica dicitur meretrix mereticum. Homines vero veneficiis suis, id est suis blandiciis venenosis, in pisces mutabat, id est ad nichilum deducebat, bonis suis illos spoliando, donec idem passa est a suis lecatoribus similiter et bonis omnibus viduata ».
Cf. Du Cange, s.v. lecator : « leccator, catillo, scurra ».
65Moralizo
II Acc. 4 : « Versus moralitantes tocius libri secuntur hic ».
Cf. Du Cange s.v. moralizare : « dicta ad mores aptare ».
Regratior
IV 73 : « invide : ecce quomodo litigabant com pariete more amantum. Loquentes dicebant : ‘quare, o paries, nobis obstas ? Utinam quod sineres nos corpore iungi ! Verumptamen regraciari debemus tibi quia per te loquimur adinvicem’».
Cf . Du Cange, s.v. reingratiari : « gratias agere, rependere ».
Sotulares
III 167-174 : « Vincula (168), id est corrigias vel sotulares ».
Cf. Du Cange s.v. subtalares : calcei, « souliers » ; cf. aussi Papias : « Subtalares, genus calciamenti, quasi sub talo proprie ».
Stellifico
II 193 : « in celo depingebantur sicut finguntur quam plurima mirabilia deificari et in celo stellificari ».
Cf. Du Cange, s.v. stellificare : « in divorum numerum referre, stellis et astris inserere ».
Torneamentum
II 70* : « vertigine : torneamentum ».
Cf. Du Cange, s.v. torneamentum, où a le sens de ludi militares ou bellum hostile ; dans notre glose, il a clairement le sens de « rotation ».
Trica
III 170* : « in nodum : tricam ».
Cf. Du Cange, s.v. trica, tricia : « crines intexti, implicati », « tresses » en français, « trecce » en italien.
66Viellator
II 10 : « Egeon fuit quidam […] deus maris viellator et bucinator maris » ;V 111 : Mors Iapecidis vielatoris ; V 111 : « usus : quia non eras viellator preliorum sed conviviorum ».
Cf. Du Cange, s.v. vitula : « le vielleur, le jouer de vielle ».
GlosesGallice
La traduction de certains mots latins en ancien français se rencontre déjà dans le Vulgatus125. Nous avons collecté ci-dessous les termes que notre commentateur explique par la traduction gallice. Nous nous limitons à ne donner ici que le terme correspondant en français moderne du terme marqué par gallice, reportant à un autre moment l’étude plus approfondie que ces gloses exigent. Nous avons utilisé principalement le Dictionnaire étymologique de l’ancien français (DEAF), le Dictionnaire du Moyen Français (DMF) et le Trésor de la Langue Française (TLF) de l’Analyse et Traitement Automatique de la Langue Française126.
II 691* seduxit : acenagallice ; a.fr. acener, « faire signe à qqn (de venir) ».
I 138* itumest : s’en ala (s’en] I en ms.)gallice ; « s’en alla ».
II 412* fibula : contachegallice ; « attache ».
I 418* cenum : boegallice ; « boue ».
II 734* limbus : cellegallice ; ?
IV 179* tigno : chevrongallice ; « gros bâton, massue ».
V 114* plectrum : touchegallice ; « lieu de l’instrument où s’appuient les doigts pour produire le son musical » (DMF).
I 552* et I 567* cacumen : coupelgallice ; « coupeau ».
II 120* presepibus : creschesgallice ;« crèches ».
I 333* concha : escalegallice ; « coquille ».
67I 746* retemptat : essaiegallice ;« essaie ».
II 854* palearia : fanonsgallice ; « fanons ».
I 459* iugera : iorniels gallice ; a.fr. jornel = « à longueur de jour ».
V 578* saltus : landesgallice ; « lande ».
I 147* noverce : marratresgallice ; « marâtre ».
I 449* honorem : Esculus ; mesliergallice ; « néflier ».
II 226 Alpes dicuntur alta petentes ; mongegallice : a.fr. montjoie « élévation ».
V 460 aptum : congruum ; quia ille dicitur stellio a stellis, id est maculis quas in corpore portat ; moron gallice; mouron = a.fr. « salamandra maculosa ».
I 374* musco : mousegallice ; « mousse ».
IV 275* que radio : navetegallice ; « navette ».
IV 122* fistula plumbo : nielgallice ; « nielle », « émail noir ».
III 162* margine : oillegallice ; a.fr. orle ; « ourlet ».
V 606* ancipitrem : avem, ostorgallice ; « autour ».
II 713* canistris : paniersgallice ; « panier ».
III 549* tormenta : perrieresgallice ; « perrière ».
V 107-108* cestibus :plommeesgallice ; « plombée ».
II 671* ungula : ralegallice ;V 257* ungula : ralla. Cf. Du Cange, s.v. ralla : « Instrumentum quo raditur, quasi rada, radella, unde ralla ». Le terme du français moderne le plus proche est « racle ».
I 471* obtusum : reboegallice ; a.fr. rebois, « obtus ».
IV 298* canna : rosesgallice ; « roseaux ».
IV 283 […]mutati fuerunt in flores, qui gallice dicuntur saffren ; « safran ».
IV 366* Polipus […] potest dici galliceseche vel grabe ; « seiche » ou « crabe ».
II 737* testudine : voltegallice ;« voûte ».
68Description du manuscrit
Vatican, Bibliothèque Apostolique Vaticane, Lat. 1479
Contenu
F. 1r-2v : Donatus, Ars minor (Donatus, Aelius, « Ars gramatica », Grammatici latini, éd. Heinrich Keil, vol. IV, Hildesheim-New York, Georg Olms, 1981 – répr. Teubner, Leipzig, 1864).
F. 2v-4r : ‹ De coniugatione verborum › ; inc. : « amo amas amat. Et pluraliter amamus tis. amant preterito imperfecto » ; conjugaison des verbes amo, doceo, lego et audio à l’actif et au passif ; expl. « preteriti ut auditus futuri ut audiendus ».
F. 4r-6r : ‹ Donatus, Ars minor, Interpretatio gallica › (Colombo Timelli, Maria, Traductions françaises de l’« Ars minor » de Donat au Moyen Âge (xiiie-xve siècles), Firenze, La Nuova Italia, 1996, p. 180-190).
F. 6r-7v : ‹ Remigius Autissidorensis, Regulae › (Cf. Remigius Autissidorensis, Commentarius in artem Donati minorem, éd. Wilhelm Fox, Teubner, Leipzig, 1902 ; L’école carolingienne d’Auxerre de Murethach à Remi [830-908]. Entretiens d’Auxerre 1989, éd. par Dominique Iogna-Prat, Colette Jeudy et Guy Lobrichon. Préface de Georges Duby, Paris, Beauchesne, 1987, p. 273-397).
F. 7v-9v : Liber regiminum ; f. 7v, inc. acc. : « Oratio est dictionum ordinatio congruam sentenciam perfectamque demonstrans vel omnino est comprehensio » (Cf. Prisc. Inst. II 4, 15) ; expl. acc. « verbum plurale modi finiti regit nominativum » ; f. 7v, inc. : « Nominativus regitur dupliciter proprie duobus modis primo ex vi » ; f. 9v, expl. « similem sibi formam » (Cf. Sten Ebbesen, « Communia‘Visitatio’ & Communia‘Feminae’», Cahiers de l’Institut du Moyen-Âge grec et latin, 73, 2002, p. 167-258, p. 210).
F. 9v-15v : Robertus de Euremodio, Commentarium in Dionysii Catonis Disticha per Robertum de Euremodio ; tit. : Hic incipit liber Cathonis ; inc. acc. : « Cum anim adverterem. Iste liber dividitur in IIIIor distinctiones. In prima agit actor de iusticia » ; f. 10r, expl. acc. : « in qualibet distinctione hiis visis ad licteram actendamus et cetera » ; f. 9v, inc. comm. : « Cum animadverterem : id est cum in animo meo verterem et considerarem » ; f. 15v, expl. comm. : « si nudum carmen habetur mens paupertina fecit coniungere bina. Explicit liber Cathonis » (Cf. Virginia Brown, « Cato, Marcus Porcius », Catalogus Translationum et Commentariorum. Mediaeval and Renaissance Latin Translations and Commentaries, vol. IV, éd. F. Edward Cranz-Paul Oskar Kristeller, 69Washington, D. C., The Catholic University of America Press, 1980, p. 223-247).
F. 15v-25r : Ecloga Theoduli (cum commentario) ; f. 15v, inc. acc. : « Eglogarum tres sunt partes » ; f. 16r, expl. acc. : « interpretante dicit ergo » ; f. 16r, inc. comm. : « Ethiopum terras, et cetera. Vocat iste tres Ethiopes » ; f. 25r, expl. comm. : « desperatio ledit per pseustim » (Thomae Magistri sive Theoduli Monachi Ecloga vocum Atticarum, ex recensione et cum prolegomenis Friderici Ritschelii, Hildesheim-New York, G. Olms, 1970).
F. 25r-32r : Ovidius, Remedia amoris (cum commentario) ; tit. : Liber remedii amoris ; inc. glos. interlin. : « legerat : id est Cupido deus amoris ; huius amor titulum : id est nomen intitulans ; nomenque libelli : librum meum » ; inc. comm. : « Quoniam liber amatorie multos traxerat in errorem puplicata arte amatoria ; expl. comm. : « solvetis quod novistis et fovistis quia eger sanitatem recepit per hoc opus de remedio amoris » (Ovidius P. Naso, Amores, Epistulae, Medicamina faciei, Ars amatoria, Remedia amoris, Lipsiae, Teubner, 1916).
F. 32r-51r : <Matthaeus Vindocinensis>, Tobias (cum commentario) ; f. 32r, inc. acc. : « Qui ut testantur theologi » ; f. 32v, expl. acc. : « in hoc ut dicit » ; f. 32v, inc. comm : « Ex agro veteri, et cetera. In hoc libro proponit » ; f. 51r, expl. comm. : « vir iustus » (Mathei Vindocinensis Opera, II. Piramus et Tisbe, Milo, Epistule, Tobias, éd. Franco Munari, Roma, Edizioni di Storia e Letteratura [Storia e Letteratura, Raccolta di Studi e Testi, 152], 1977).
F. 51r-52v : <De prosodia seu Ars metrica> ; inc. : « Litterarum alie sunt vocales alie consonantes. Vocales sunt quinque scilicet » ; expl. : « sermo pedibus mensuratus ».
F. 53r-182v : <Ovidii Metamorphoseos libri cum commentario> (Cf. Anonymus, Ars metrica[Anonymus Vaticanus, Vat. Lat. 11441, f. 279v : « Litterarum alie sunt vocales, alie consonantes. Primo de vocalibus que sunt digniories »], Jürgen Leonhardt, « Dimensio syllabarum. Studien zur lateinischen Prosodie-und Verslehre von der Spätantike bis zur frühen Renaissance. Mit einem ausführlichen Quellenverzeichnis bis zum Jahr 1600 », Hypomnemata, 92, 1985, p. 208-209).
F. 183r-245r : Gualterius de Castilione, Alexandreis (cum commentario) ; f. 183r, inc. acc. : « Cum historia Alexandri habeamus cognoscendam » ; expl. acc. : « quid fit dignum satira excusando » ; f. 183v, inc. comm. : « in primo libro huius operis et similiter in quolibet libro » ; f. 253, expl. comm. : « lacrime timor et spes nulla salutis » (Galteri de Castellione Alexandreis, éd. Marvin L. Colker, Patavi, In Aedibus Antenoris, 1978).
F. 245v (add., xve) : <Proverbium> : « Hunc scio grammaticum qui versum construit istum / Sunt occulos clari qui cernis sydara tanquam (Cf. Walther, Prov. 30787, commençant par le v. 2).
70Description matérielle
Parchemin, f. 245 : 44,5 x 27, 4, texte sur 1 ou 2 colonnes. Le manuscrit est constitué de trois sections : I : f. 1r-52v ; II : f. 53r-182v ; III : f. 183r-245v.
Le parchemin est lisse et clair, avec le côté chair et le côté peau en face ; on observe peu de lacérations dans tout le manuscrit (elles sont presque toujours réparées par des coutures), aux f. 12, 30, 39, 42, 47, 65, 68, 96, 115, 134, 140, 145, 167-168, 183, 186, 237, sinon l’état de conservation est très bon.
Reliure en cuir marron clair, avec le dos divisé en 7 compartiments : sur le premier et le dernier, les symboles papal et cardinal sont représentés, alors que les rectangles centraux représentent une décoration phytoforme. Ce dos date de 1799-1803127.
Datation, origine et provenance
La main du copiste est du nord de la France, milieu du xive siècle.
Les textes des f. 4-6 sont en français ; à la suite du Tobias, sur le f. 51r, on lit une glose en français, de la même main qui écrit tout le reste : « Thob en grieu si vaut autant comme vir en latin et bias comme iustis quasi vir iustus ». Le commentaire ovidien des f. 53r-181v a des annotations interlinéaires marquées par le mot gallice.
Tampon de la Bibliothèque Apostolique Vaticane sur les f. 1r, 52v, 53r, 245r.
Le manuscrit est entré à la Bibliothèque Vaticane au moment de sa fondation, dès 1455, puisqu’il appartient déjà au fonds du Pape Niccolò V. Au f. 245v, une note du xive-xve siècle indique le nombre des feuillets : « Carte CCXXXXV ». Sur la base de cette note, assez similaire aux cotes que Salutati apposait sur ses manuscrits, Élisabeth Pellegrin a supposé que le manuscrit a pu appartenir à Coluccio Salutati. En réalité, « Carte CCXXXXV » n’est qu’une note d’estime, datant peut-être du milieu du xve siècle et rédigée au moment de l’acquisition du manuscrit par la Bibliothèque du Vatican. Elle est précédée, au centre du haut du feuillet, d’une probatio calami, écrite en italique du xive-xve siècle : quelqu’un a écrit toutes les lettres de l’alphabet en 71ligne horizontale ; immédiatement après une ligne blanche, la même main écrit deux hexamètres : « Hunc scio gramaticum qui versum construet istum / sunt occulos clari qui cernis sydara (sic) tamquam ». Des vers similaires se rencontrent assez fréquemment dans les manuscrits dont le contenu est afférent à celui du Vat. Lat. 1479, par exemple dans le ms. Strasbourg, Bibliothèque nationale et universitaire, 0.045, f. 27v : « Sanctum, Marcus uti fert est racionibus uti, / hunc puto gramaticum qui versum construit istum ».
Composition : 30 cahiers
Composition des cahiers
F. I-II (mod.) + 24 (f. 1r-12v ; réclame) + 24 (f. 13r-24v ; réclame) + 24 (f. 25r-36v ; réclame) + 16 (f. 37r-44v ; réclame) + 16 (45r-52v ; réclame) + 16 (f. 53r-60v ; réclame) + 16 (f. 61r-68v ; réclame) + 16 (f. 69r-76v ; réclame) + 16 (f. 77r-82v ; réclame) + 16 (f. 83r-92v ; réclame) + 16 (f. 93r-100v ; réclame) + 16 (f. 101r-108v ; réclame) + 16 (f. 109r-116v ; réclame) + 16 (f. 117r-124v ; réclame) + 16 (f. 125r-132v ; réclame) + 16 (f. 133r-140v ; réclame) + 16 (f. 141r-148v ; réclame) + 16 (f. 149r-156v ; réclame) + 16 (f. 157r-164v ; réclame) + 16 (f. 165r-172v ; réclame) + 16 (f. 173r-180v ; réclame) + 4 (f. 181r-182v) + 16 (f. 183r-190v ; réclame) + 16 (f. 191r-198v ; réclame) + 16 (f. 199r-206v ; réclame) + 16 (f. 207r-214v ; réclame) + 16 (f. 215r-222v ; réclame) +16 (f. 223r-230v ; réclame) + 16 (f. 231r-238v ; réclame) + 16 (f. 239r-245v + une latte verticale résiduelle de la dernière feuille) + f. I-II (mod.).
La composition est très régulière, avec trois premiers cahiers de 24 feuillets et tous les autres de 16, sauf le 22e (f. 181r-182v) qui ne comporte que 4 feuillets. Dans ce bifolium, le copiste corrige une erreur qu’il avait commise auparavant, en échangeant l’incipit du livre XIV des Métamorphoses avec celui du XV, qu’il avait transcrit au f. 172r. Dans le bifolium « correctif », il termine le livre XV, qui occupe tout le f. 181r et le f. 181v, par 12 vers, jusqu’à l’explicit. Marquant le détachement au moyen d’un espace blanc et d’une marque rouge sur la marge gauche 72(une croix dans un cercle), il ajoute les parties manquantes du livre XIV, réservant le recto du f. 182 pour l’accessus.
Foliotation
À l’encre noire dans l’angle supérieur, probablement par une main de la deuxième moitié du xvie siècle.
Mise en page et mise en texte
Réglure au fusain assez visible ; les piqûres de la réglure sont visibles au bas de presque chaque feuillet. Justification : f. 1-52 : 35,5 x 9 ; f. 53r : 35,2 x 20 ; f. 53v-182v : 35 x 19,5 ; f. 183r : 35 x 20 ; f. 183v-244v : 35 x 20.
F. 53r-182v
Un seul copiste écrit les trois sections du manuscrit dans une écriture gothique textura du nord de la France, très régulière, caractérisée par une angularité marquée, qui se remarque surtout dans les traits supérieurs des lettres - a -, - d -, - s -, - g - et dans la hampe du - n - et du - m -. Les annotations marginales et interlinéaires sont aussi écrites dans un module plus petit, mais toujours de la même main ; elles sont presque toutes en latin, sauf quelques-unes, marquées par le mot gallice, qui traduisent en ancien français des lemmes du texte ovidien que le glossateur considère d’un plus grand intérêt. Les gloses sont presque toutes marquées par un signe de paragraphe, en rouge ou en bleu, et elles sont presque toutes introduites par le lemme souligné : elles sont le plus proche possible du vers commenté et sont seulement éloignées du texte correspondant quand le copiste n’a plus d’espace sur la même marge.
Ajouts postérieurs (xive-xve siècle) : une main de l’Italie septentrionale ajoute une glose dans la marge droite du f. 55v, en suivant le même système que le copiste ; en effet il écrit la glose de manière très ordonnée et proche du texte, en l’introduisant avec le lemme souligné : « Anguipedum dicuntur gigantes quia habent pedes similes anguibus quia supra montes serpetant nimia velocitate ». Cette main et une autre de la même époque ajoutent sporadiquement des annotations interlinéaires. Dans certains cas, la main qui écrit la glose du f. 55v rétablit le texte ovidien où le copiste avait laissé l’espace blanc, par exemple pour le mot unius au v. 775, ou, dans la marge droite du f. 54r, au v. 66, cette main correctrice rétablit madescit à la place de madefecit.
73Illustration et décoration
Le manuscrit est très sobre, puisqu’il ne possède ni miniatures ni décorations colorées, mais il est néanmoins très élégant pour un manuscrit sûrement destiné à l’école. Ses rubriques sont à l’encre rouge et les tituli, que le commentateur introduit parmi les gloses, sont de la même couleur. Le copiste a probablement apporté ces petits titres après avoir écrit tout le reste, car il les ajoute parfois où il a de l’espace par rapport à la glose ; il en avait en outre laissé la memoria écrite dans un très petit module, à l’encre noire, dans la partie la plus extérieure de la marge, en correspondance avec la ligne destinée à accueillir le titulus en rouge. Les initiales et les marques de paragraphe, dont le commentateur accompagne les gloses, sont alternativement en rouge et en bleu. Pour ce qui concerne l’initiale du f. 53r, les parties intérieures de la lettre sont en rouge et bleu, les filaments décoratifs et le prolongement vertical qui atteint le bas de la page sont tracés à la pointe fine du calame. En général, les traits à l’encre ocre font ressortir les initiales des vers. Les marques de paragraphe apparaissent parfois même directement à côté du texte d’Ovide, presque comme s’il s’agissait de parenthèses, pour mettre en évidence certains vers. Dans l’accessus, quatre signes de paragraphe signalent, respectivement, la mention du De vetula, de la glose relative à Prométhée, des Integumenta et des Mutationes. Les quatre points ainsi mis en évidence résument les principales sources que le commentateur a utilisées pour moraliser les mythes128. Dans le même but de mettre en évidence certains contenus du texte, des manicules d’excellente facture figurent, respectivement, dans la marge droite du f. 55v et dans la marge gauche du f. 64v.
Bibliographie de la tradition manuscrite
Les manuscrits classiques latins de la Bibliothèque Vaticane, éd. É. Pellegrin, et F. Dolbeau, J. Fohlen, J.-Y. Tilliette, avec la collaboration d’A. Marucchi et P. Scarcia Piacentini, Paris, CNRS, vol. III/1, 1991, p. 60-64 ; Buonocore, Marco, « I Codici di Ovidio presso la Biblioteca Apostolica 74Vaticana », Rivista di cultura classica e medioevale, 37, 1995, p. 7-55, p. 38. Une brève description du manuscrit se trouve déjà chez Nogara, Bartolomeo, « Di alcune vite e commenti medioevali di Ovidio », Miscellanea Ceriani. Raccolta di scritti originali per onorare la memoria di Mr. Antonio Maria Ceriani prefetto della Biblioteca Ambrosiana, Milano, Hoepli, 1910, p. 415-431, p. 416. Le Vat. Lat. 1479 figure parmi les manuscrits qui ont formé le premier noyau de la Bibliothèque Vaticane : cf. Manfredi, Antonio, I codici latini di Niccolò V. Edizione degli inventari e identificazione dei manoscritti, Città del Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana, 1994 (Studi e testi 359), p. 401 et p. 439-440 ; Bianchi, Rossella, « Manoscritti e opere grammaticali nella Roma di Niccolò V », Manuscript and Tradition of Grammatical Texts from Antiquity to the Renaissance. Proceedings of a Conference held at Erice, 16-23 Oct. 1997, as the 11th Course of International School for the Study of Written Records, éd. Mario De Nonno et Paolo De Paolis, Cassino, Edizioni dell’Università degli Studi di Cassino, 2000, p. 587-653, p. 592 n. 15. Pour la bibliographie postérieure : Coulson, Frank Thomas, « Hitherto Unedited Medieval and Renaissance Lives of Ovid (I) », Mediaeval Studies, 49, 1987, p. 154, 158, 163 ; Id., « A Bibliographical Update and Corrigenda Minora to Munari’s Catalogues of the Manuscripts of Ovid’s Metamorphoses », Manuscripta, 38, 1994, p. 3-22, p. 11-12. Le manuscrit est mentionné aussi par Battera, Francesca, « Le egloghe di Girolamo Benivieni », Interpres, 10, 1990, p. 133-233, p. 158. Fohlen, Jeannine, « Les manuscrits classiques dans le fonds Vatican latin d’Eugène IV (1443) à Jules III (1550) », Humanistica Lovaniensia, 34, 1985, p. 7-50, p. 9, 29, 43 ; Fohlen, Jeannine, « Variations sur Sénèque, Ad Lucilium, Ep. 96, 3 », Amicorum Societas. Mélanges offerts à François Dolbeau pour son 65e anniversaire. Études réunies par Jacques Elfassi, Cécile Lanéry et Anne-Marie Turcan-Verkerk, Firenze, Sismel-Edizioni del Galluzzo, 2013 (Millennio Medievale, 96 ; Strumenti e Studi, n.s., 34), p. 213, 216 ; Guidi, Remo, Frati e Umanisti nel Quattrocento, Alessandria, Edizioni dell’Orso, 2013, p. 301 ; Jeudy, Colette, « La tradition manuscrite des Partitiones de Priscien et la version longue du commentaire de Rémi d’Auxerre », Revue d’histoire des textes, 1, 1971, p. 123-143, p. 133 ; Killermann, Corinna, « Die mittelalterliche Kommentierung der ‘Alexandreis’ Walters von Châtillon als fall von Interdependenz und Selbstkonstituierung », Alexanderdichtungen im Mittelalter. Kulturelle Selbstbestimmung im Kontext literarischer Beziehungen, éd. 75par Jan Cölln, Göttingen, Wallstein, 2000, p. 299-331 ; McDonough, Christopher James, « Paris, Bibliothèque nationale de France, Lat. 15158. A Late Thirteenth-Century Liber Catonianus from the Abbey of St. Victor », Mediaeval Studies, 69, 2007, p. 299-327, p. 313 ; Meyer, Heinz, « Intentio auctoris, utilitas libri. Wirkungsabsicht und Nutzen literarischer Werke nach Accessus-Prologen des 11. bis 13. Jahrhunderts », Frühmittelalterliche Studie, 31, 1997, p. 390-413, p. 399 ; Paola, Rigo, « Tra ‘maligno’e ‘sanguigno’. Memoria classica e biblica nella ‘Commedia’ », Lettere italiane, 41 (1989), p. 173-224, p. 187 ; Villa, Claudia, « Il lessico della stilistica fra XI e XIII sec. », Vocabulaire des écoles et méthodes d’enseignement au Moyen Âge, Actes du Colloque, Rome 21-22 oct. 1989, éd. Olga Weijers, Turnhout, Brepols, 1992, p. 42-59, p. 46.
Les erreurs du copiste
La quantité considérable d’erreurs que le copiste commet démontre qu’il n’est sans aucun doute pas l’auteur du commentaire et que nous devons supposer l’existence d’un modèle. Les erreurs sont de trois types : 1) les erreurs de lapsus calami, que le copiste fait très facilement en écrivant le texte ; 2) les erreurs dues à une mauvaise lecture ou interprétation du texte ; 3) les cas où le copiste est conscient de ne pas réussir à lire le texte et laisse un espace blanc, correspondant à peu près à la longueur d’un ou deux mots.
Dans ces cas d’omission, nous avons souvent pu compléter ou corriger le texte en recourant aux vers d’Ovide ou aux gloses d’Arnoul d’Orléans, gloses que notre commentateur reprend quasiment mot pour mot. Pour ce qui concerne la plupart des erreurs de lapsus calami, nous avons pu rétablir facilement le texte ; au contraire, dans les extraits que le copiste n’a pas bien compris, nous avons essayé d’améliorer le texte par des conjectures, en restant fidèle aux choix stylistiques de l’auteur, aux autres gloses ou au lexique ovidien. Dans de nombreux cas, toutefois, nous avons pu seulement formuler une hypothèse plus ou moins vraisemblable, qui permet la lecture des gloses, sans avoir la certitude d’offrir les leçons originales129.
76Nous reportons ci-dessous tous les types de corrections sur la base du texte d’Ovide et de celui d’Arnoul Orléans, puis quelques exemples d’erreurs plus problématiques. Nous renvoyons directement à l’apparat pour tous les autres cas.
Erreurs corrigées sur la base du texte d’Ovide
I 658-659
‘Ego speravi primo de te quod tu dares mihi primo generum aliquem ; post hec ego de te haberem nepotulum et ista spe ego tibi parabam maritagium, sed nunc ego habeo quod optabam de grege’.
nepotulum]ne poculum ms.
La correction que nous avons faite est suggérée par la confusion facile entre - c - et - t - et par le sens du v. 659, où nous pouvons lire le génitif du substantif nepos-tis ;nepotulum en est simplement le diminutif : « Spesque fuit generi mihi prima, secunda nepotum ».
II 47
Vix bene : Com Phebus dixisset Phetonti filio suo quod peteret quicquid vellet, peciit ‹ currus paternos ›, unde penituit Phebum iurasse […].
peciit ‹ currus paternos ›] peciit # ms.
Nous avons integré currus paternos sur la base de Met. II 47 : « Vix bene desierat, currus rogat ille paternos » ; la longueur de l’espace blanc que le copiste laisse après le verbe peciit correspond plus ou moins à la longueur des deux mots.
II 123-124
Rapide (123) : quia calor solis rapax est, et illam rapacitatem‹ patientem › fecit filium suum.
rapacitatem ‹patientem ›] rapacitatem # ms.
77Pour pallier l’espace blanc laissé par le copiste, nous intégrons le participe patientem sur la base du vers auquel la glose se réfère, cf.Met. II 123 : « contigit et rapidae fecit patientia flammae ».
II 805
Ut in brevi doleret Aglaros et haberet causam dolendi, quia dolet de bonis alienis, Invidia posuit ante illam sororem suam Hersem et coniugium illius et Mercurium in specie dei, unde tantis bonis cruciabatur et vix poterat nocte dieque stare quin gemeret[…].
gemeret] generet ms.
La correction que nous avons effectuée est suggérée par la présence du verbe gemere dans les vers ovidiens glosés, cf.Met. II 805-808 : « cunctaque magna facit ; quibus inritata, dolore / Cecropis occulto mordetur et anxia nocte, / anxia luce gemit lentaque miserrima tabe / liquitur, ut glacies incertio saucia sole ».
IV 316-319
Aliter potest dici allegoria : Hermafroditus, id est religiosus iuvenis, a Salmaci, id est a meretrice, amatus est […]. Illa ‹forte› flores legebat ; occiosa erat, quia in mondanis delectationibus morabatur. Hoc est quod dicitur.
illa ‹ forte ›] illa # ms.
Nous avons comblé l’espace blanc par forte sur la base du vers ovidien correspondant, Met. IV 315 : « sepe legit flores et tunc quoque forte legebat ».
V 439-445
Dictum est superius quomodo Cyane mutata fuit in limpham et, com ita mutaretur, Ceres querebat filiam suam in terra et in mari, nocte lumine pini, die lumine solis, a solis ortu usque ad occasum.
pini] bino ms.
78Nous corrigeons bino en pini, dans la mesure où pinus est une métonymie du « flambeau » dans le texte ovidien, cf.Met. V 441-443 : « cessantem vidit, non Hesperus ; illa duabus / flammiferas pinus manibus succendit ab Aetna / perque pruinosas tulit inrequieta tenebras ».
Erreurs corrigées sur la base du texte d’Arnoul d’Orléans
II 563-564
Cornix fuit filia cuiusdam regis ; fingitur mutari in avem, quia, com adamata fuisset a quodam deo marino, scilicet a quodam piscatore. Garrulitate sua evasit, unde a Pallade dicitur adamari […].
evasit] fuit valde cito ms.
Dans le texte correspondant d’Arnoul, Allegorie II 8, on lit : « Re vera eam dilexit quidam piscator sive nauta. Illa vero garrulitate sua evasit, unde fingitur mutata esset130 ».
II 680-683
[2] Cuius vacas, id est beata opera, postea Mercurius, id est aliquis eloquens et sapiens, facondia sua furatur, quia ipse quibus adhereat, que relinquat, argumento et sua solercia ostendit.
beata] bruta ms.
Peu avant la glose précédente, nous avons déjà puisé dans le texte d’Arnoul pour corriger bruta en beata ; Allegorie II 11 : « Cuius vacas id est beata opera postea Mercurius id est facundia sua furatur cum ipse sibi contraria argumentando opponit quibus adhereat et que reliquerit ».
II 688
Moralitas talis est : Appollo per Ciclopes fabros Iovis occisos deitate sua spoliatus est. Sepe etenim sapiens alias ‹delirans› est, quia fabros Iovis, id est predicatores qui verba dei in hominibus fabricant, impendit,
79alias ‹ delirans ›] aliquis # ms.
Le commentateur reprend presque mot pour mot la glose dans laquelle nous avons puisé pour combler l’espace blanc après aliquis et corriger le même pronom ; Allegorie II 11 : « Apollo propter Ciclopes occisos qui fuerunt fabri Iovis deitate sua spoliatus factus est pastor. Sepe enim sapiens alias delirans quia fabros Iovis, id est predicatores qui verbum divinum hominibus fabricant […] ».
V 195
Moralitas totius prelii hec est : Cephey filiam expositam monstris marinis Perseus, com arpe Mercurii et egide Palladis monstrum interficiendo, liberavit. […] Quando enim le‹ tior › est homo, tunc latenter dyabolus et vicia hunc subintrat.
liberavit] uberavit ms. le‹ tior ›] le # ms.
La leçon correcte est sans doute liberavit, comme on peut le lire dans le texte d’Arnoul d’Orléans ; Allegorie V 1 : « Cephei filiam, monstris maris expositam, Perseus cum harpe Mercurii et egida Pallladis monstrum expugnando liberavit ». La glose de l’Orléanais permet aussi de rétablir letior ; le copiste avait écrit seulement la première syllabe du mot, suivie d’un espace blanc.
V 241-249
Qui etiam pro Gorgone visa mutatur in lapidem, id est obstupescit, sicut et singula vicia vel singuli tyranni terrore virtutis mirabiliter congelantur.
singula […] singuli] angula vicia vel ms.
Dans ce cas, le texte d’Arnoul d’Orléans est indispensable : si la correction d’angula en singula peut paraître assez évidente, on n’aurait pas pu imaginer que l’auteur voulait ajouter singuli avant le mot tyranni ; Allegorie V 3 : « Qui etiam pro Gorgone visa mutatur in lapidem idest obstupescit sicut et singula vicia vel singuli tiranni ».
80Les autres erreurs
I 313
Acthei dicitur ab acte grece, quod est lictus latine ; Athene sunt site iuxta lictus maris. Facti sunt Aones montes iuxta Thebas. Focis est quedam civitas inter Athenas et Thebas et iuxta illam terram aparet mons Parnasus.
acte] actim ms. Athene] Athenene ms.
Nous avons corrigé sur la base de l’explication lexicale et étymologique du nom Athyx que l’on trouve chez Hugut. Deriv. A 415 : « Athyx-cis fuit filia regis Atheniensium, ex cuius nomine dicta est regio illa Attica, et homines Attici. Iidem sunt Athenienses. Vel atte interpretatur litus, et inde latine hec atta idest litus, unde atteus-a-um idest litoralis ; et hec Attica regio Atheniensium, quia iuxta litus est, et attice genus columnarum que ibi abundant ; unde Athene quasi litorales, quia in litore posite erant ».
I 182
non ego (182) : incipit Iupiter loqui com deis suis et recitat ; bellum Gigantum dicit.
loqui] locum ms.
La leçon du manuscrit locum n’a pas de sens par rapport au contexte. Le copiste a probablement mal interprété l’abréviation du mot.
II 26
secula : seculum est peragratio solis centies per quodlibet signum et dicitur de sequor-sequeris.
centies] decies centum ms.
Nous avons corrigé le texte, où decies centum signifierait « mille » et non « cent », sur la base de la glose précédente : « Secula (26) dicit quia peragratio solis per XII signa centies constituit seculum. […] seculum est spacium centum annorum et continet centum annos ».
81II 107-109
[ 1] Aureus axis erat (107) : modo describit actor et specificat de curru solis, dicens quod axis erat aureus, id est de auro factus, et themo aureus et rota aurea et ordo radiorum de argento et ornatus lapidibus et gemmis preciosis. Multum erat ibi pulcher et delectabilis, adoptatus sapientia solis hic qui themonem habet. [2] Per themonem qui prius est intelligimus gramaticam, que prius scientia est ; per axem, logicam qui sustinet ; per ‹ordinem radiorum› currus, rectoricam.
adoptatus sapientia solis] adoptari sapientia ms. ‹ordinem radiorum› currus] currus ms.
La deuxième moitié de la glose explique allégoriquement toutes les parties du char du soleil. Nous rétablissons ordinem radiorum parce que l’ordo radiorum de argento et ornatus lapidibus et gemmi preciosis, mentionné à la deuxième ligne, serait le seul élément manquant de l’allégorie.
II 242-259
[1] Thanays est quidam fluvius qui claudit Asiam a parte septentrionali. Peneus dicitur pater Dane et senix est et tunc ‹siccatus est › propter calorem, quamvis frigidus esset antea. Caycus similiter fluvius est ubi cigni maxime habitant […].
tunc ‹ siccatus est ›] tunc # ms.
Nous proposons siccatus est au lieu de l’espace blanc laissé par le copiste en raison du contenu de l’autre glose relative au même vers, glose où l’auteur explique que les rivières souffraient de la chaleur excessive, parce que leurs lits se desséchaient : « Tuta manent : quia flumina non erant tuta in suis alveis quin siccarentur propter calorem solis ». Pour rétablir le texte manquant, on peut aussi émettre l’hypothèse que le commentateur avait simplement cité fumavit in undis à partir du vers ovidien auquel la glose se réfère : « tuta manent : mediis Tanais fumavit in undis ».
82II 478-479
Hic tangit mutationem Calistonis
Calistonis] Calistonis servicio ms.
Les titres en rouge, qui introduisent en marge du manuscrit les métamorphoses des personnages mythologiques, contiennent en général le mot mutatio suivi par le génitif du nom du personnage métamorphosé. Servicio, qui n’a pas de sens en contexte, est donc sûrement une faute. Le même mot apparaît dans la glose interlinéaire du lemme officio du v. 480. Il est probable que cette glose était écrite très près du titre, sur le modèle, et que le copiste ne s’est pas aperçu qu’il l’avait transcrite deux fois.
II 506
inania : aer dicitur inane quia hic et hec inanis et hoc inane est, id est‹ vanum ›, et hoc est propter similitudinem, quia percutite aera, nihil percucietis, et sic inane est.
id est ‹vanum ›] id est # ms.
Au lieu de l’espace blanc, nous intégrons vanum, sur la base de la définition du lexique de Papias, dans lequel vanus est le synonyme de l’adjectif inanis, e. Papias, s.v. inanis : « Inanis vanus : vim nullam habens ».
II 835
Per illud signum tempus est pluviosum, unde versus de signo tauri : « Fronte tauri madent Yades septemque sorores / cauda Pleyades vergiliasque voces ».
voces] notes ms.
De même que nous avons puisé dans les textes d’Ovide et d’Arnoul pour corriger les erreurs du copiste, dans ce passage nous avons aussi corrigé sur la base d’une source littéraire, qui est cette fois Bernar. Silvestr. De mundi univ. III 97-98 : « Tauri fronte madent Hyades, septemque sorores / cauda – Pleiades Vergiliasque voces ».
83III 13-14
Boecia : a bove et ‹sto, stas› vel boecia, id est auxiliaria. Boeces nomen interpretatur adiutor ; nomen menibus adde. […].
bove et ‹ sto, stas ›] bove et # ms.
Nous intégrons sto, stas sur la base de la glose qu’on lit dans le Vulgatus à propos du v. 13 : « Boetia a bove et sto, stas ».
III 64
duricia pellis sue et scamis suis depulit serpens ictus magnos Cadmi, sed tamen, com Cadmus iaculum suum sibi opposuisset, non potuit eadem duricie vincere telum, quia in media spina curvata, id est flexibili, constitit.
III 68
[ … ] serpens incepit tumescere gutture suo, unde terra pro scamis resonabat.
64 scamis] cadmis ms. 68 scamis] caun(?)mis ms.
Dans les deux cas, nous avons corrigé en scamis d’après le contexte et parce que le même mot se retrouve dans la glose interlinéaire III 63 scamis : suis. Scamis est donc la forme graphique plus familière au copiste, à la place de squamis, graphie habituelle.
III 310-317
si credere (311) : quia indignum est credere quod puer possit extrahi et coniungi femori proprio ut ibi nutriatur. fatali lege (316) : quia fatatum quod Bachus nasceretur geminis matribus.
Bachus] Iupiter ms.
Nous rétablissons Bachus, parce que le mythe raconte que, après la mort de Sémélé, Bacchus, le fils de Jupiter et non Jupiter lui-même, avait été extrait du ventre de sa mère et cousu dans la cuisse de son père afin de 84compléter la gestation (v. 310-317). C’est pourquoi il est dit que Bacchus est « né deux fois » : « tutaque bis geniti sunt incunabula Bacchi » (v. 317).
III 509*
croceum : a Coricio.
Coricio] curco ms.
Nous avons hasardé une correction sur l’étymologie, même si elle offre plusieurs possibilités, pour une glose si petite et qui ne développe pas une explication entière. La correction s’appuie sur la définition de Hugut. Deriv. C 313 : « vel crocum dicitur a Coricio, oppido Cilicie, ubi melius et plus abundat quam alibi ».
IV 306
[…] Tamen, com alibi moraretur, vidit stagnum aque lucentis, id est cognitionem minime habuit, et Salmacis, id est nimpha prudencie, illum adamavit, et dicitur a sale, quod est sapientia, ‹ et matrix ›, quod est scientia vel custos, quasi custos sapientie […].
‹ et matrix › quod est scientia] # quod est scientia ms.
Nous avons remplacé l’espace blanc par matrix en supposant que l’auteur s’inspire ici de l’explication des Integumenta de Jean de Garlande reprise dans son accessus (Acc. III 5), où on lit : « De fonte salmacis Cellula matricis fons fertur Salmacis ».
IV 416-417
[…] Hoc videns, Iuno, que semper genus Cadmi habebat in odio, voluit illam occidere, unde ad ultimum, multis iurgiis dictis, descendit apud inferiores sedes et deos infernales rogavit ut Athamas et Yno essent furibundi multis, tormentis ibi visis, que inferius continetur, et fabulatio tuta patebit.
sedes] sedes ivit ms.
85Nous supprimons le verbe ivit, qui est pléonastique ; le copiste l’écrit avec un trait plus fin et incertain. Il a peut-être fait ici une erreur en intégrant une glose interlinéaire dans la glose marginale.
V 66-68
Quasi diceret : ‘Tu invidebas illi propter spem et divicias’, et, com fere talia dixisset, iaculavit sibi, sed telum in latitudine vestis moratum est.
latitudine] lotitutine ms.
Nous avons corrigé la leçon du manuscrit sur la base de la glose interlinéaire qui explique l’adjectif sinuosa du v. 68 par larga (« vitatumque tamen sinuosa veste pependit »).
V 318-320
[4] Phebus in corvum, quia avis illa, ut superius diximus, propter suam sapientiam Phebo est deputata. Bachus in caprum, quia ei sacrificatur ut habeatur memoria de eo qui rodit vineam.
Bachus] caput ms.
Nous avons corrigé caput en Bachus sur la base du titre V 329 : « Mutatio Bachi in caprum ».
V 485
tribuli : cardones.
cardones] cadones ms.
Nous avons corrigé cadones en cardones, même si ce mot n’est pas attesté, parce qu’il pourrait être un augmentatif de card(u)us-i ou cardus-us = l’artichaut, chardon étant attesté en ancien français dès le xiie siècle. L’artichaut, comme les chardons en général, appartient à une famille de plantes à feuilles épineuses. Le commentateur pourrait donc avoir glosé de la sorte le terme tribolus, qui signifie « mauvaise herbe épineuse ».
86V 551-563
[…] com rapta esset Proserpina a Plutone, Acheloides socie sue tantum illam per terram quesierunt quod quasi per universum orbem fuerunt, et, ut monstrarent se perfecte amare illam, super mare voluerunt illam investigare, sed miseratione deorum mutate fuerunt in ‹Syrenes › secundum quosdam ; secundum alios et melius in Arpias.
in ‹ Syrenes › secundum] in # secundum ms.
Nous avons complété l’espace blanc, laissé avant secundum, par Syrenes sur la base du mythe et de la glose suivante, relative au v. 556, qui développe l’histoire des Sirènes : « Syrenes, filie Acheloi et Calliopes, mutate sunt in monstra marina. Syrenes re vera fuerunt puelle bene cantantes, unde finguntur filie Acheloy, qui deus est cuiusdam aque […] ».
V 577-642
[ … ] Et, com ibi se balnearet, Alpheus, deus illius fluvii, eam iampridem adamans, insequi volens, amore voluit eam capere, unde illa unda incepit fugere et ‹Alpheus › eam insequtus est […].
et ‹ Alpheus › eam] et # eam ms.
On pourrait compléter l’espace blanc par Alpheus ou deus. Il est plus probable que le copiste n’ait pas réussi à lire le nom propre Alpheus plutôt que le mot deus.
1 Met. XV 877-879 : « Aussi loin que la puissance romaine s’étend sur la terre domptée, / les peuples me liront et, désormais fameux, pendant toute la durée des siècles, s’il y a quelque vérité dans les pressentiments des poètes, je vivrai » : Ovide, Les Métamorphoses. Texte établi et traduit par Georges Lafaye, septième tirage revu et corrigé par Henri Le Bonniec, Paris, Les Belles Lettres, 1991, p. 150.
2 Pour un aperçu général sur le vaste sujet de la fortune d’Ovide, nous renvoyons à Ann Moss, Ovid in Renaissance France. A Survey of the Latin Editions of Ovid and Commentaries Printed in France before 1660, London, Warburg Institute, 1982 ; Alessandro Ronconi, « Fortuna di Ovidio », Atene e Roma, 29, 1984, p. 1-16 ; Metamorfosi. Atti del Convegno Internazionale di Studi, Sulmona, 20-22 Novembre 1994, éd. Giuseppe Papponetti, Sulmona, Centro Ovidiano di Studi e Ricerche, 1997 ; Aetates Ovidianae. Lettori di Ovidio dall’Antichità al Rinascimento, éd. Italo Gallo et Luciano Nicastri, Napoli, Edizioni Scientifiche Italiane, 1995 ; Brill’s companion to Ovid, éd. Barbara Weiden Boyd, Leiden, Brill, 2002 ; The Cambridge Companion to Ovid, éd. Philip Hardie, Cambridge, Cambridge University Press, 2002 ; A Companion to Ovid, éd. Peter E. Knox, Chichester-Oxford, Malden-Wiley-Blackwell, 2013 ; A Handbook to the Reception of Ovid, éd. John F. Miller-Carole E. Newlands, Oxford, Wiley Blackwell, 2014 ; Ovidio 2017. Prospettive per il terzo millennio. Atti del Convegno Internazionale, Sulmona, 3/6 aprile 2017, éd. Paolo Fedeli et Gianpiero Rosati, Teramo, Ricerche & Redazioni, 2018 ; Dopo Ovidio. Aspetti dell’evoluzione del Sistema letterario nella Roma imperiale (e oltre), éd. Chiara Battistella et Marco Fucecchi, Milano, Mimesis, 2019.
3 Sur le succès d’Ovide dans la poésie des siècles postérieurs : Franca Ela Consolino, Ovid in Late Antiquity, Turnhout, Brepols, 2018 ; Ian Felding, « A Poet between Two Worlds : Ovid in Late Antiquity », A Handbook to the Reception of Ovid, op. cit., p. 100-113 ; Alison Keith, « Poetae Ovidiani : Ovid’s Metamorphoses in Imperial Roma Epic », A Handbook to the Reception of Ovid, op. cit., p. 70-85 ; Giampiero Rosati,« Ovid in Flavian Occasional Poetry (Martial and Statius) », A Handbook to the Reception of Ovid, op. cit., p. 55-69. Le titre de ce dernier essai reprend l’expression « entre deux mondes » avec laquelle Fränkel a défini le rôle important d’Ovide dans la transition de l’Antiquité au Christianisme : Hermann Ferdinand Fränkel, Ovid : a Poet Between Two Worlds, Berkeley-Los Angeles, University of California Press, 1945, p. 163. Voir aussi : Michael Dewar, « Ovid in the 1st-5th Centuries AD », Brill’s Companion to Ovid, op. cit., p. 383-412.
4 Alison Keith et Stephen Rupp, « After Ovid : Classical, Medieval and Early Modern Receptions of the Metamorphoses », Metamorphosis. The Changing Face of Ovid in Medieval and Early Modern Europe, éd. Alison Keith et Stephen Rupp, Toronto, Centre for Reformation and Renaissance Studies, 2007, p. 15-32.
5 G. Cavallo, « Lettori anonimi delle Metamorfosi tra Antichità e Medioevo », Metamorfosi. Atti del Convegno Internazionale, op. cit., p. 15-31.
6 « Toi qui prends cet ouvrage orphelin, / donne lui du moins asile dans ta ville, / et, pour qu’il t’inspire plus de sympathie, apprends que ce n’est pas l’auteur lui-même qui le fit paraître, / mais qu’il fut comme dérobé à ses funérailles. / Tous les défauts de ces vers imparfaits, je les aurais donc corrigés si j’en avais eu le loisir » ; Ovide, Tristes. Texte établi et traduit par Jacques André, Paris, Les Belles Lettres, 1968, p. 24.
7 Voir par exemple le ms. Napoli, Bibliothèque Nationale, V F 3, où, au début du f. 3v, le v. I 7, 35 des Tristes semble l’incipit des Métamorphoses, alors que le véritable premier vers du poème, « In nova fert animus mutatas dicere formas » est seulement le septième, placé après le v. I 7, 40 des distiques mentionnés. Pour la description et l’étude du manuscrit : L’Ovidio Napoletano, éd. Guglielmo Cavallo, Paolo Fedeli et Giuseppe Papponetti, Sulmona, Centro Ovidiano di Studi e Ricerche, 1998.
8 À propos des vers autobiographiques des Tristes utilisés par les commentateurs pour synthétiser la vie d’Ovide, voir l’exemple de l’accessus de cette édition, p. 114-133.
9 Sur l’importance de ce texte comme témoignage de la présence d’Ovide à l’école, au moins jusqu’au ive siècle : A. Keith-S. Rupp, « After Ovid », op. cit., p. 26. Pour le rapport entre les Narrationes et le texte des Métamorphoses sur les manuscrits, voir Francesco Magistrale, « L’Ovidio Napoletano. Il libro e il testo », L’Ovidio Napoletano, op. cit., p. 41-86. Les principales études sur les Narrationes sont les suivantes : Richard J. Tarrant, « The Narrationes of ‘Lactantius’and the transmission of Ovid’s Metamorphoses », Formative Stages of Classical Traditions : Latin Texts from Antiquity to the Renaissance, Proceedings of a conference held at Erice, 16-22 October 1993, as the 6th Course of International School for the Study of Written Records, éd. Oronzo Pecere et Michael D. Reeve, Spoleto, Centro ital. di Studi sull’alto Medioevo, 1995, p. 83-115 ; Id., « Medieval Articulations of Ovid’s Metamorphoses : from Lactantian Segmentation to Arnulfian Allegory », Mediaevalia,13, 1987, p. 63-82 ; Alan Cameron, Greek Mythography in the Roman World, Oxford, Oxford University Press, 2004, p. 319-320. Pour le reste de la bibliographie voir Frank T. Coulson et Bruno Roy, Incipitarium. A finding Guide for texts related to the study of Ovid in the Middle Ages and Renaissance, Turnhout, Brepols, 2000, p. 37-40, n. 52.
10 Le texte est une véritable édition commentée pour Brooks Otis, « The Argumenta of the So-Called Lactantius », Classical Philology, 47, 1936, p. 131-136. Il existe deux éditions des Narrationes : P. Ovidi Nasonis, Metamorphoseon libri XV. Lactanti Placidi qui dicitur Narrationes Fabularum Ovidianarum, éd. Hugo Magnus, Berolini, apud Weidmannos, 1914 ; David Ansell Slater, Towards a Text of the Metamorphosis of Ovid, Oxford, Clarendon Press, 1927.
11 A. Keith-S. Rupp, « After Ovid », op. cit., p. 28. Sur Ovide et les carolingiens, il suffit de mentionner ici Patrizia Lendinara, « Mixed Attitudes to Ovid : the Carolingian poets and the glossographers », Alcuin of York : Scholar at the Carolingian Court. Proceedings of the Third Germania Latina Conference held at the University of Groningen, May 1995, éd. Luuk A. J. R. Houwen-Alasdair A. MacDonald, Groningen, Forsten, 1998, p. 171-213.
12 Monumenta Germaniae Historica, Poetae Latini aevi Carolini, E. Dümmler, Berlin, 1881, I, p. 543, 17-18. G. Cavallo, « Lettori anonimi », op. cit., p. 22. Sur la réception d’Ovide au ixe siècle et en particulier chez Henri d’Auxerre et Théodulphe d’Orléans : Richard Tarrant, « Ovid in the Aetas Vergiliana : on the Afterlife of Ovid in the ninth century », Ovidio 2017. Prospettive per il terzo millennio, op. cit., p. 33-55.
13 Voir les statistiques faites par Birger Munk Olsen. I classici nel canone scolastico altomedievale, Spoleto, Centro ital. di Studi sull’alto Medievo, 1991, p. 117-122 et surtout Id., « Ovide au Moyen Âge (du ixe au xiie siècle) », Le strade del testo, éd. Guglielmo Cavallo, Bari, Adriatica, 1987, p. 65-96 ; Id., La réception de la littérature classique au Moyen Âge (ixe-xiie siècle, Copenhague, Museum Tusculanum Press, 1995, p. 71-94.
14 Birger Munk Olsen, L’étude des auteurs classiques latins aux xie et xiie siècles, Paris, Éditions du CNRS, 1985, p. 111-181. Sur la fortune d’Ovide au Moyen Âge, beaucoup d’essais sont désormais devenus indispensables : Maximilianus Manitius, « Beiträge zur Geschichte des Ovidius und anderer römischer Schriftsteller im Mittelalter », Philologus, Supplementband 7, 1899, p. 723-758 ; Edward K. Rand, Ovid and his Influence, Boston, Marshall Jones, 1925 ; Giuseppe Rotondi, « Ovidio nel Medioevo », Convivium, 6, 1934, p. 262-269 ; Salvatore Battaglia, « La tradizione di Ovidio nel Medioevo », Filologia Romanza, 6, 1959, p. 185-224 ; Franco Munari, Ovid im Mittelalter, Zürich-Stuttgart, Artemis, 1960 ; Salvatore Battaglia, La coscienza letteraria nel Medioevo, Napoli, Liguori, 1965, p. 23-50 ; Dorothy M. Robathan, « Ovid in the Middle Ages », Ovid, éd. V. J. W. Binns, London-Boston, Routledge and K. Paul, 1973, p. 191-209 ; J. Allen, The Ethical Poetic of the Later Middle Ages. A decorum of Convenient Distinction, Toronto, University of Toronto Press, 1982 ; Ralph J. Exter, Ovid and Mediaeval Schooling. Studies in Medieval School Commentaries on Ovid’s Ars Amatoria, Epistulae ex Ponto and Epistulae Heroidum, München, Arbeo, Gesellschaft, 1986 ; Alastair J. Minnis, Medieval Theory of Authorship : Scholastic Literary Attitudes in the Later Middle Ages, London, Scolar Press, 1984 ; Franco Munari, « Ovidio nel Medioevo », Tredici secoli di elegia latina. Atti del Convegno internazionale di Assisi, 22-24 Aprile 1988, éd. Giuseppe Catanzaro et Francesco Santucci, Assisi, Accademia Properziana del Subasio, 1989, p. 237-247 ; Ovidius redivivus. Von Ovid zu Dante, éd. Michelangelo Picone et Bernhard Zimmermann, Stuttgart, M & P, 1994. Pour la fortune d’Ovide entre le Moyen Âge et la Renaissance, il suffit ici de mentionner Giuseppe Papponetti, « Propheta in patria », L’Ovidio napoletano, op. cit., p. 27-37 ; Emilio Giazzi « Ovidio dal Monastero di S. Faustino Maggiore in Brescia alla Queriniana : il manoscritto C.II.7 e altri codici », Analecta Brixiana II. Contributi dell’Istituto di Filologia e Storia dell’Università Cattolica del Sacro Cuore, éd. Alfredo Valvo et Roberto Gazich, Milano, Vita e Pensiero, 2007, p. 113-145.
15 Sur la Renaissance du xiie siècle, voir les essais bien connus de Charles Homer Haskins, The Renaissance of the Twelfth Century, Harvard, Harvard University Press, 1927 ; Jacques Verger, La Renaissance du xiie siècle, Paris, Cerf, 1996. La plupart des commentaires produits pendant cette période révèle que les intellectuels s’appliquaient à la lecture des auteurs classiques d’une manière différente, plus directe et plus autonome par rapport aux instruments exégétiques de l’Antiquité tardive : Gian Carlo Alessio et Claudia Villa, « Il nuovo fascino degli autori antichi tra i secoli xii-xiv », Lo spazio letterario di Roma antica. La ricezione del testo, éd. Guglielmo Cavallo, Paolo Fedeli et Andrea Giardina, Roma, Salerno Editore, 1990, III, p. 437-511, p. 482.
16 B. Munk Olsen, L’étude des auteurs, op. cit., p. 150 ; G. Cavallo, « Lettori anonimi », op. cit., p. 23, qui renvoie aussi à Christine Elisabeth Eder, Die Schule des Klosters Tegernsee im frühen Mittelalter im Spiegel der Tegernseer Handschriften, München, Arbeo-Gesellschaft, 1972.
17 Pour plus de détails sur les manuscrits, cf. Frank T. Coulson, « Ovid’s Transformations in Medieval France (ca. 1100-ca. 1350) », Metamorphosis. The Changing Face of Ovid in Medieval and Early Modern Europe, op. cit., p. 33-60, p. 43 ; Id., « William of Thiegiis and latin Commentary on the Metamorphoseos in Late Medieval France », Vehicles of Transmission, Translation, and Transformation, Medieval Textual Culture, éd. Robert Wisnovsky, Faith Wallis, Jamie C. Fumo et Carlos Fraenkel, Turnhout, Brepols, 2011, p. 293-311, p. 293, n. 1.
18 Sur le manuscrit voir p. 68-75.
19 Cavallo, « Lettori anonimi », op. cit., p. 29 ; F. Magistrale, « L’Ovidio Napoletano », op. cit., p. 41-43.
20 Ludwig Traube, Vorlesungen und Abhandlungen II., Einleitung in die lateinische Philologie des Mittelalters, éd. V. P. Lehmann, München, Beck, 1965 (Nachdruck von 1911), p. 133. Munk Olsen relève deux manuscrits des Métamorphoses pour le xe siècle, 11 pour le xie siècle et 34 pour le xiie siècle : B. Munk Olsen, I classici, op. cit., p. 120. Guglielmo Cavallo nuançait déjà l’enthousiasme de Traube : G. Cavallo, « Lettori anonimi », op. cit., p. 21-22. Voir aussi Jean-Yves Tilliette, « Savants et poètes du Moyen Âge face à Ovide : Les débuts de l’aetas Ovidiana (v. 1050-v. 1200) », Ovidius redivivus, éd. Michelangelo Picone et Bernhard Zimmermann, Stuttgart, M&P, 1995, p. 63-104.
21 Le commentaire a été édité, commenté et traduit en anglais par Robin Wahlsten Böckerman, The Metamorphoses of Education. Ovid in the Twelfth-Century Schoolroom, Malmö, Holbergs, 2016 ; voir le texte à p. 183-311. Sur les problèmes relatifs à l’attribution à Manegold, qui est mentionné dans le commentaire, et la bibliographie précédente, voir p. 94-96.
22 B. Munk Olsen, « Ovide au Moyen Âge », op. cit., p. 68 ; G. Cavallo, « Lettori anonimi », op. cit., p. 22.
23 Nous ne nous attarderons pas ici sur la fortune de l’Ovidius minor, qui est devenu le texte par excellence en matière d’amour. Ce que Marie de France a écrit dans la seconde moitié du xiie siècle peut suffire ici : « Venus, la deuesse d’amur. / Fu tresbien [mise] en la peinture, / Les traiz mustrez e la nature / Cument hom deit amur tenir / E lëalment e bien servir ; / Le livre Ovide, ou il enseine / Coment chascun s’amur estreine, / En un fu ardant le gettout / E tuz iceus escumengout / Ki ja mais cel livre lirreient / Ne sun enseignement fereient » ; Guigemar, v. 234-244 (Marie de France, Lais, éd. Alfred Ewert, Oxford, Blackwell, 1944). Bien qu’elle dise que Vénus a jeté le livre d’Ovide dans le feu parce qu’il imposait la discipline de l’amour, Marie de France reconnaît le texte ovidien comme le livre par excellence en matière d’amour. Pour le commentaire sur ce passage et pour la reprise de l’Ovide mineur dans la poésie en vernaculaire du Moyen Âge : Jeremy Dimmick, « Ovid in the Middle Ages : Authority and poetry », The Cambridge Companion to Ovid, op. cit., p. 264-287, p. 264-265.
24 Déjà en 1924, Giovanni Pansa avait souligné la création du ‘personnage’ Ovide, la figure éclectique que le Moyen Âge a créée autour de son profil de poète : Giovanni Pansa, Ovidio nel Medioevo e nella tradizione popolare, Sulmona, Caroselli, 1924. Les études les plus récentes ont insisté sur les nombreux portraits de l’Ovide médiéval, généralement mis en évidence par l’accessus : voir d’abord P. Demats, Fabula, op. cit., p. 107-117 ; Ralph Hexter, « Ovid in the Middle Ages : Exile, Mitographer, and Lover », Brill’s Companion to Ovid, op. cit., p. 27-90 ; Cecilia Panti, « Ascendam in celum si demonstratio pennas annuat. Ovidio filosofo nello pseudo-ovidiano De vetula », L’antichità classica nel pensiero medievale. Atti del Convegno della Società Italiana per lo studio del pensiero medievale (S.I.S.P.M.) Trento, 27-29 settembre 2010, éd. Alessandro Palazzo, Porto, Fidem, 2011, p. 432-439.
25 C. Panti, « Ascendam in celum si demonstratio pennas annuat », op. cit., p. 172-173.
26 Parmi les nombreuses études sur l’allégorie au Moyen Âge, signalons seulement quelques essais particulièrement pertinents pour l’enquête sur les commentaires d’Ovide : Lester K. Born, « Ovid and allegory », Speculum, 9, 1934, p. 362-379 ; P. Demats, Fabula. Trois études de mythographie antique et médiévale, Genève, Librairie Droz, 1973, p. 140-160 ; Leonard Barkan, The Gods Made Flesh. Metamorphosis and the Pursuit of Paganism, New Haven and London, Yale University Press, 1986 ; Allégorie des poètes. Allégorie des philosophes. Études sur la poétique et l’herméneutique de l’allégorie de l’Antiquité à la Reforme, éd. Gilbert Dahan et Richard Goulet, Paris, J. Vrin, 2005, p. 245-265.
27 Pour l’édition de l’œuvre : Bernardo Silvestre, Cosmographia,éd. Peter Dronke, Leiden, J. Brill, 1978. Parmi les études les plus récentes sur le sujet, voir Mark Kauntze, Authority and Imitation : A Study of the “Cosmographia” of Bernard Silvester, Leiden-Boston, Brill, 2014.
28 Pour le commentaire des six premiers livres de l’Énéide, l’édition de référence est la suivante : Commentum quod dicitur Bernardi Silvestris super sex libros Eneidos Virgilii, éd. Julian Ward Jones et Elisabeth Frances Jones, Lincolniae et Londinii, University of Nebraska Press, 1977. Je cite les passages suivants dans l’édition Bernardo Silvestre, Commento all’Eneide. Libri I-VI, éd. Bruno Basile, Roma, Carocci, 2009, p. 32 et 36 : « Gemine doctrine observantiam perpendimus in sua Eneide Maronem habuisse, teste namque Macrobio : et veritatem philosophie docuit et ficmentum poeticum non pretermisit […] Modus agendi talis est : in integumento describit quid agat vel quid paciatur humanus spiritus in humano corpore temporaliter positus. […] Integumentum est genus demonstrationis sub fabulosa narratione veritatis involvens intellectum, unde etiam dicitur involucrum. Utilitatem vero capit homo ex hoc opere, scilicet sui cognitionem ».
29 Pour la lecture allégorique de l’Écriture Sainte voir au moins Beryl Smalley, The Study of the Bible in the Middle Ages, Oxford, B. Blackwell, 1941 ; Biblical Studies in the Early Middle Ages. Proceedings of the Conference on Biblical Studies in the Early Middle Ages, Università degli Studi di Milano-Società Internazionale per lo Studio del Medioevo Latino (Gargnano on Lake Garda, 24-27 June 2001), éd. Claudio Leonardi et Giovanni Orlandi, Firenze, Sismel-Edizioni del Galluzzo, 2005 ; Lesley Janette Smith, The Glosa ordinaria : The Making of a medieval Bible Commentary, Leiden-Boston, E. J. Brill, 2009.
30 Les exégèses de l’Antiquité tardive sur les œuvres mentionnées ci-dessus sont bien sûr le commentaire de Servius sur Virgile, que nous avons déjà mentionné, et celui du Pseudo-Acron sur Horace : Pseudoacronis Scholia in Horatium Flaccum, éd. Alfred Holder, Hildesheim, G. Olms, 1967.
31 Le poème ovidien est même appelé Bible dans la General Estoria, que nous mentionnerons plus largement, p. 27-28 ; General Estoria VIII, 7 : « el Ovidio mayor non es ál entre ellos si non la theologia e la Biblia dellos gentiles » ; Alfonso el Sabio, General Estoria, VI partes, éd Pedro Sánchez-Prieto Borja, 10 vol., Madrid, Biblioteca Castro, 2009. Voir à ce propos R. Hexter, « Ovid in the Middle Ages », op. cit., p. 424.
32 Les trois profils mentionnés ci-dessus ont été bien étudiés par Paule Demats, qui a marqué les trois étapes de la réception d’Ovide selon l’aspect de l’œuvre ovidienne qui a été progressivement le plus mis en évidence : P. Demats, Fabula, op. cit., p. 107-141 : 1) une période platonicienne ; 2) une période mythographique et allégorique ; 3) une période chrétienne ou moralisante. À ce propos voir aussi David F. Hult, « Ovide moralisé. Anonymat et autorité », Ovidius explanatus. Traduire et commenter les Métamorphoses au Moyen Âge, éd. Simone Biancardi, Prunelle Deleville, Francesco Montorsi et Marylène Possamaï-Pérez, Paris, Classiques Garnier, 2018, p. 141-153, p. 143.
33 Pour l’importance qu’Orléans a eu, depuis le xiie siècle, comme centre de copie, de transmission et de lecture des classiques en général et d’Ovide en particulier : Richard H. Rouse, « Florilegia and the Latin Classical Authours in Twelfth-and Thirteenth-Century Orléans », Viator, 10, 1979, p. 115-164 ; Texts and Transmission : A Survey of the Latin Classics, éd. Leighton D. Reynolds et Nigel G. Wilson, Oxford, Clarendon Press, 1984 ; Wilken Engelbrecht, « Carmina Pieridum multo vigilata labore exponi, nulla certius urbe reor : Orléans and the Reception of Ovid in the Aetas Ovidiana in School Commentaries », Mittellateinische Jahrbuch, 41, 2005, p. 209-226.
34 Le dynamisme de l’enseignement orléanais avait déjà attiré l’attention des érudits du xixe siècle : M. Léopold Delisle, « Les écoles d’Orléans au xiie et au xiiie siècle », Annuaire-Bulletin de la Société de l’Histoire de France, 7, 1869, p. 139-144 ; Charles Cuissard, « Les professeurs orléanais Foulque, Arnoul et Hugues le Primat », Bulletin de la Société archéologique et historique de l’Orléanais, 10, 1871, p. 417-433 ; Foulques de Villaret, L’Enseignement des lettres et des sciences dans l’Orléanais, depuis les premiers siècles du christianisme jusqu’à la fondation de l’Université d’Orléans, Orléans, H. Herluison, 1875. Des études plus récentes ont particulièrement mis l’accent sur les discussions animées au cours desquelles les magistri comparaient leur enseignement ; il suffit de mentionner Bruno Roy et Hugues Shooner, « Querelles de maîtres au xiie siècle : Arnoul d’Orléans et son milieu », Sandalion, 8-9, 1985-1986, p. 315-341.
35 Le commentaire d’Arnoul sur Lucain a été publié par Berthe M. Marti, Arnulfi Aurelianensis Glosule super Lucanum,Roma, American Academy, 1958.
36 Pour le commentaire des Fastes : Arnulfi Aurelianensis Glosule Ovidii Fastorum, éd. Jörg Rudolf Rieker, Firenze, Sismel-Edizioni del Galluzzo, 2005. L’accessus du commentaire de l’Art d’aimer, celui du commentaire des Épîtres et de courtes sections ont été publiés par Fausto Ghisalberti, « Arnolfo d’Orléans. Un cultore di Ovidio nel secolo XII », Memorie dell’Istituto Lombardo di Scienze e Lettere, 11, 1932, p. 157-234, p. 166-169 et 172-176. Pour la liste respective des manuscrits : F. T. Coulson, B. Roy, Incipitarium, op. cit., n. 252 et n. 306. L’exégèse des Remèdes a été publiée par Bruno Roy-Hugues Shooner, « Arnulfi Aurelianensis Glosule de Remediis amoris », The Journal of Medieval Latin, 6, 1996, p. 135-196 ; les manuscrits de l’œuvre sont répertoriés par F. T. Coulson, B. Roy, Incipitarium, op. cit., n. 306. Parmi les études les plus récentes, nous citons Thomas Gärtner, « Arnulf von Orléans zu Ov. Rem. 777-784 », Studi medievali, 42, 2001, p. 319-323. Sur l’exégèse relative à l’Ovidius minor il suffit ici de mentionner R. J. Exter, Ovid and medieval Schooling., op. cit. Pour un aperçu des commentaires et accessus sur l’Ars amatoria, voir Richard Trachsler et Clara Wille, « Les traductions vernaculaires d’Ovide au Moyen Âge et les commentaires latins. Le cas de l’Ars amatoria », Medioevi, 4, 2018, p. 173-191.
37 F. Ghisalberti, « Arnolfo », op. cit., p. 176-180.
38 Ibid., p. 180-181.
39 Foulque était aussi actif à la même époque qu’Arnoul ; il ne s’occupa pas des Métamorphoses, mais était l’auteur de commentaires relatifs à presque toutes les autres œuvres d’Ovide : l’Art d’aimer, les Remèdes d’amour, les Amours, les Héroïdes, les Tristes. Les commentaires de Foulque ont maintenant été identifiés par F. T. Coulson-B. Roy, Incipitarium, op. cit., n. 56, 173, 415, 94, 161 et 71, comme Coulson lui-même l’indique dans « Procne and Philomela in the Latin Commentary Tradition of the Middle Ages and Renaissance », Euphrosyne, 36, 2008, p. 181-196, p. 182, n. 11.
40 Frank T. Coulson, « Ovid’s Metamorphoses in the School Tradition of France, 1180-1400. Text, Manuscripts Traditions, Manuscript Settings », Ovid in the Middle Ages, éd. James G. Clark, Frank T. Coulson et Kathryn L. McKinley, Cambridge, Cambridge University Press, 2011, p. 55, n. 33.
41 L’activité de Guillaume, comme celle d’Arnoul, montre aussi que l’étude d’Ovide a été particulièrement favorisée à Orléans : le magister était en effet l’auteur d’un commentaire sur les Héroïdes ainsi que sur les Métamorphoses : Hugues V. Shooner, « Les Bursarii Ovidianorum de Guillaume d’Orléans », Medieval Studies, 43, 1981, p. 405-424, p. 408-409 ; voir aux p. 409-413, l’hypothèse sur la datation de l’œuvre au xiiie siècle. Cf. aussi WilkenEngelbrecht, « Bursarii Ovidianorum, ein Ovid-Kommentar des Wilhelm von Orléans (um 1200) », Mittellateinisches Jahrbuch, 26, 1991, p. 357-358 ; Ernest Henry Alton, « Ovid in the Mediaeval Schoolroom », Hermathena, 95, 1961, p. 67-82 ; Frank T. Coulson, « Ovid’s Metamorphoses in the School Traditions », op. cit., p. 48-82, p. 49, n. 6.
42 Transmise par douze manuscrits, l’œuvre a été publiée en 1933 : Giovanni di Garlandia, Integumenta Ovidii, poemetto inedito del secolo XIII, éd. F. Ghisalberti, Messina-Milano, Principato, 1933. Quelques années auparavant Lester K. Born avait publié et traduit le même ouvrage : Lester K. Born, The Integumenta on the Metamorphoses of Ovid by John of Garland. First Edited with Introduction and Translation, University of Chicago, 1929 ; F. T. Coulson, « William of Thiegiis », op. cit., p. 295, n. 6. Pour la liste des manuscrits : F. T. Coulson-B. Roy, Incipitarium, op. cit., n. 333. Sur la coexistence des Integumenta de Jean de Garlande et des Allegorie d’Arnoul dans les manuscrits des Métamorphoses, voir l’important essai de David T. Gura sur le ms. Wolfenbüttel, Herzog August Bibliothek, Cod. Guelf. 13.10 Aug. 4o : David T. Gura, « The Ovidian Allegorical Schoolbook : Arnulf of Orléans and John of Garland Take Over a Thirteenth-Century Manuscript », Pecia. Le livre et l’écrit, 20, 2017, p. 7-43.
43 Pour le Vulgatus, voir tout d’abord le recensement des manuscrits : Franck T. Coulson, « MSS of the Vulgate Commentary on Ovid’s Metamorphoseos : A Checklist », Scriptorium, 39, 1985, p. 118-129 ; Id., « MSS of the Vulgate Commentary on Ovid’s Metamorphoseos : Addendum », Scriptorium, 41, 1987, p. 263-264 ; Id., « The Vulgate Commentary on Ovid’s Metamorphoses », Mediaevalia, 13, 1987, p. 29-62. F. T. Coulson a aussi édité certaines parties de ce commentaire : l’accessus, dans Frank T. Coulson, « Hitherto Unedited Medieval and Renaissance Lives of Ovid (I) », Mediaeval Studies, 49, 1987, p. 152-207 ; les 150 premiers vers du Ier livre et le mythe d’Orphée du Xe dans Frank T. Coulson, The Vulgate Commentary on Ovid’s Metamorphoses : The Creation Myth and the Story of Orpheus, Toronto, Pontifical Institute of Mediaeval Studies, 1991. Récemment, Coulson a également publié une traduction anglaise du Ier livre : The Vulgate Commentary on Ovid’s Metamorphoses : Book 1, Western Michigan University, Medieval Institute Publications, Kalamazoo, 2015.
44 L’édition des cinq premiers livres est en cours : Commentaire Vulgate des Métamorphoses d’Ovide. Livres I-V, texte établi par Frank T. Coulson et Piero Andrea Martina, traduction par Piero Andrea Martina et Clara Wille avec la collaboration de Maurizio Busca, Paris, Classiques Garnier, 2020.
45 Frank T. Coulson, « Literary criticism in the Vulgate Commentary on Ovid’s Metamorphoses », Medieval Textuale Cultures, 6, 2016, p. 121-132 ; Id., « The Allegories in the Vulgate Commentary », Ovidius explanatus, op. cit., p. 23-38, p. 23-27.
46 Le commentaire de Guillaume de Thiegiis avait attiré l’attention de F. Ghisalberti, « Arnolfo », op. cit., p. 191-192, et, plus récemment, de P. Demats, Fabula, op. cit., p. 170-172. La principale étude sur ce commentaire est actuellement celle de F. T. Coulson, « William of Thiegiis », op. cit. p. 293-311.
47 F. T. Coulson, « William of Thiegiis », op. cit., p. 297.
48 F. T. Coulson, « William of Thiegiis », op. cit., p. 293-311, p. 296-297. Pour la définition de cette typologie de commentaire incatena et ses caractéristiques distinctives : John Ward, « From Marginal Gloss to ‘catena’ Commentary : the Eleventh-Century Origins of a Rhetorical Teaching Tradition in the Medieval West », Parergon, 13, 1996, p. 109-120 ; Id., « The catena Commentaries on the Rhetoric of Cicero and their Implication for Development of a Teaching Tradition in Rhetoric », Studies in Medieval and Renaissance Teaching, 6, 1998, p. 79-95.
49 Elizabeth A. Fisher, Planudes’Greek Translation of Ovid’s Metamorphoses, New York-London, Garland Publishing, 1990 ; Ead., « Planoudes, Holobolos and the Motivation for Translation », Greek, Roman and Byzantine Studies, 43, 2002-2003, p. 77-104.
50 Nous renvoyons ici à la seule édition complète : Alfonso el Sabio, General Estoria, op. cit. Pour le reste de la bibliographie et les parallèles avec l’Ovide moralisé, voir Irene Salvo García, « Métamorphoses et histoire ancienne en France et en Espagne (xiiie-xive s.) », Ovidius explanatus, op. cit., p. 235-258, et la bibliographie que fournit la spécialiste.
51 F. T. Coulson, « William of Thiegiis », op. cit., p. 307-308. Pour le ms. Vat. Lat. 1598, voir Marco Buonocore, Aetas Ovidiana. La fortuna di Ovidio nei codici della Biblioteca Apostolica Vaticana, Sulmona, Centro Ovidiano di Studi e Ricerche, 1994, p. 180.
52 Pour ce manuscrit voir M. Buonocore, Aetas Ovidiana, op. cit., p. 126.
53 Pour ce grammairien, qui était à Pavie un camarade d’études du plus célèbre Gasparino Barzizza, nous nous référons aux études précoces de Giuseppe Mainardi, « Il Travesio, il Barzizza e l’umanesimo pavese », Bollettino della società pavese di storia patria, n.s., 5, 1953, p. 13-25 ; Dante Bianchi, « Per Giovanni Travesio da Cremona », Bollettino della Società Pavese di Storia Patria, n. s., 6, 1954, p. 37-44 ; C. Joachim Classen, « Quintilian and the revival of Learning in Italy », Corona Martiniana. Studia in honorem Iani Martinek Pragensis Septuagenarii, éd. Gilbert Tournoy, Humanistica Lovaniensia, 43, 1994, p. 77-98, p. 88-89, n. 40 ; pour le reste de la bibliographie et le contexte de son activité : Luciano Gargan, « La lettura dei classici a Bologna, Padova, e Pavia fra Tre e Quattrocento », I classici e l’Università umanistica. Atti del Convegno di Pavia 22-24 novembre 2001, a cura di Luciano Gargan et Maria Pia Mussini Sacchi, Messina, Centro Interdipartimentale di Studi umanistici, 2006, p. 459-485, p. 478-482 ; Profili di Umanisti Bresciani, seconda serie, éd. Carla Maria Monti, Brescia, Travagliato, 2019, p. 32-39.
54 Robert Black, « Ovid in medieval Italy », Ovid in the Middle Ages, op. cit., p. 123-142, p. 125. L’auteur avait déjà abondamment étudié combien, en Italie, Ovide était lu dans les écoles et les universités médiévales : Robert Black, Humanism and Education in Medieval and Renaissance Italy : Tradition and Innovation in Latin Schools from the Twelfth to the Fifteenth Century, Cambridge, Cambridge University Press, 2001.
55 Les Allegorie sont publiées, dans une édition partielle, par Fausto Ghisalberti, « Giovanni del Virgilio espositore delle Metamorfosi », Giornale Dantesco, 34, 1931, p. 3-107 ; voir aussi Fausto Ghisalberti, « Mediaeval Biographies of Ovid », Journal of the Warburg and Courtauld Institute, 9, 1946, p. 10-59, p. 22-23 ; Mary Louise Lord, « Boccaccio’s Virgiliana in the ‘Miscellanea latina’», Italia medioevale e umansitica, 34, 1991, p. 127-197, p. 162-165 ; Gerlinde Huber-Rebenich, « Die Metamorphosen-Paraphrase des Giovanni del Virgilio », Gli umanesimi medievali. Atti del Secondo Congresso dell’‘Internationales Mittellateinerkomitee’. Firenze, Certosa del Galluzzo, 11-15 settembre 1993, éd. Claudio Leonardi, Sismel-Edizioni del Galluzzo, Firenze, 1998, p. 215-229 ; Erminia Ardissino, « Giovanni del Virgilio e le tragedie di Seneca », Margarita Amicorum. Studi di cultura europea per Agostino Sottili, vol. I., éd. Fabio Forner, Carla Maria Monti et Paul Gerhard Schmidt, Milano, Vita e Pensiero, 2005, p. 49-61. En revanche, l’édition des Expositiones manque toujours. Pour les manuscrits des Expositiones : Fausto Ghisalberti, « Mitografi latini e retori medievali in un codice cremonese del sec. XIV », Archivium Romanicum, 7, 1923, p. 95-154, p. 131-137 ; F. T. Coulson, « Pierpont Morgan Library Ms. M. 938 : A Newly Discovered Copy of Giovanni del Virgilio’s Prose Paraphrase of the Metamorphoseos », Scriptorium, 40, 1986, p. 255-256 ; Id., « New Manuscripts of the Medieval Interpretations of Ovid’s Metamorphoseos », Scriptorium, 44, 1990, p. 272-275, p. 272-273.
56 Sur la question du prosimètre, voir l’intéressante enquête de Valeria Cotza, « Le Allegorie di Giovanni del Virgilio nel ms. Braidense AF XIV 21 e l’enigmatico De carmine metrico », Italia medioevale e umanistica, 53, 2012, p. 337-346.
57 F. Ghisalberti, « Giovanni del Virgilio », op. cit., p. 1-13 et 31-34.
58 L’œuvre, qui constitue le XVe livre du Reductorium, a été étudiée et partiellement éditée par Fausto Ghisalberti, L’Ovidius moralizatus di Pierre Bersuire, Roma, Cuggiani, 1933 ; Pierre Bersuire, Reductorium morale, Liber XV : Ovidius moralizatus et De formis figurisque deorum, éd. Joseph Engels, Utrecht, Rijksuniversiteit ; Instituut voor Laat Latijn, 1960-1966. Sur le rapport entre l’œuvre de Pierre Bersuire et l’Ovide moralisé,nous nous limitons à mentionner ici Joseph Engels, Études sur l’Ovide moralisé, Groningen-Batavia, J. B. Wolters Vitgevers-Maatschappii, 1945, p. 23-62. Pour le reste de la bibliographie sur le travail nous nous référons à F. T. Coulson, B. Roy, Incipitarium, op. cit., p. 24-27, n. 2, mais surtout aux études de Marek Kretschmer ; il suffit de mentionner ici son article « L’Ovidius moralizatus de Pierre Bersuire. Essai de mise au point », Interfaces, 3, 2016, p. 221-244.
59 Sur le but de la lecture allégorique et moralisatrice de l’œuvre : RalphHexter, « The Allegari of Pierre Bersuire : Interpretation and the Reductorium morale », Allegorica, 10, 1989, p. 51-84. Voir aussi l’essai sur la méthode utilisée par Bersuire chez A. Moss, Ovid in Renaissance France, op. cit. Sur la relation avec l’Ovide moralisé, qui a influencé le texte de Bersuire : AnaPairet, Les mutacions des fables : Figures de la métamorphose dans la littérature française du Moyen Âge, Paris, Champion, 2002.
60 L’ouvrage a été considéré comme un texte très important, étant donné qu’à l’heure actuelle 90 témoins survivent, complets ou partiels : F. T. Coulson, B. Roy, Incipitarium, op. cit., p. 24-27 ; F. T. Coulson, « Addenda and Corrigenda to Incipitarium Ovidianum », Journal of Medieval Latin, 12, 2002, p. 154-180, p. 156.
61 Le développement de la conception de la poésie au xive siècle est un sujet trop vaste pour qu’on puisse le traiter ici autrement que de façon trop superficielle. Cependant, pour la relation entre la naissance de la poésie comme science et l’exégèse, en particulier celle de l’Art poétique d’Horace, voir Lisa Ciccone, Esegesi oraziana nel Medioevo : il commento « Communiter », Firenze, Edizioni del Galluzzo, 2016 (Traditio et Renovatio, 10), p. 46-54 et la bibliographie qui s’y réfère.
62 Sur le rapport entre Ovide et Dante : Dante e la ‘bella scola’ della poesia. Autorità e sfida poetica, éd. Amilcare A. Iannucci, Ravenna, Longo Editore, 1993 ; Dante. Mito e poesia. Atti del secondo Seminario dantesco internazionale (Monte Verità, Ascona, 23-27 giugno 1997), éd. Michelangelo Picone et Tatiana Crivelli, Firenze, Franco Cesati Editore, 1999 ; en particulier les essais de Michelangelo Picone, « Dante e i miti », p. 21-41 et Diskin Clay, « The Metamorphosis of Ovid in Dante’s Commedia », p. 69-85. Voir aussi les actes d’un récent colloque qui a eu lieu à Florence : Miti figure metamorfosi. L’Ovidio di Dante,éd. Carlotta Cattermole et Marcello Ciccuto, Firenze, Le Lettere, 2018.
63 Pour les études sur l’Ovide moralisé, nous renvoyons à la récente édition du Ier livre : Ovide moralisé. Livre I, éd. critique Craig Baker, Marianne Besseyre, Mattia Cavagna, Stefania Cerrito, Olivier Collet, Massimiliano Gaggero, Yan Greub, Jean-Baptiste Guillaumin, Marylène Possamaï-Pérez, Véronique Rouchon Mouilleron, Irene Salvo, Thomas Städtler, Richard Trachsler, Paris, Société des anciens textes français, 2018. Parmi les études liées à cette édition, cf.Ovidius explanatus, op. cit. Pour l’édition complète de l’ouvrage : Ovide moralisé, poème du début du xive siècle, éd. Cornelis De Boer, Amsterdam, Noord-Holland, 1915-1938, 5 vol.
64 Sur la conciliation entre le texte païen et l’interprétation chrétienne dans l’Ovide moralisé voir en particulier Jean-Yves Tilliette, « L’Écriture et sa métaphore. Remarques sur l’Ovide moralisé », Ensi firent li ancessor. Mélanges de philologie médiévale offerts à Marc-René Jung, éd. Luciano Rossi, Alessandria, Edizioni Dell’Orso, 1996, p. 543-548 ; Marylène Possamaï-Pérez, L’Ovide moralisé. Essai d’interprétation, Paris, H. Champion, 2006, p. 302. Sur la réécriture des Métamorphoses dans l’Ovide moralisé : Ana Pairet, « Recasting the Metamorphoses in fourteenth-century France. The challenges of the Ovide moralisé », Ovide in the Middle Ages, op. cit., p. 83-107.
65 Sur l’autonomie de l’auteur anonyme de l’Ovide moralisé par rapport à ses sources : D. F. Hult, « Ovide moralisé. Anonymat et autorité », Ovidius explanatus, op. cit., p. 143. Voir aussi, dans le même volume : Laura Endress, « Un répertoire du type De montibus et fluminibus dans l’Ovide moralisé ? À propos d’un passage interpolé et ses sources possibles », Ovidius explanatus, op. cit., p. 39-65. L’auteur de l’Ovide moralisé a certainement travaillé sur un manuscrit glosé, comme l’explique bien Irene Salvo García, « Introduction aux sources de l’Ovide moralisé », Ovide moralisé, op. cit., p. 193-210.
66 Pour le mécanisme d’utilisation des gloses, I. Salvo García, « Introduction », Ovide moralisé. Livre I, op. cit., p. 196-206.
67 La diffusion de l’Ovide moralisé se développe entre la première moitié du xive siècle et 1408, date du manuscrit le plus tardif de l’œuvre : Francine Mora, Marylène Possamaï-Pérez, Thomas Städtler, Richard Trachsler, « Ab ovo. Les manuscrits de l’Ovide Moralisé : naissance et survie d’un texte », Romance Philology, 65, 2011, p. 121-142.
68 L’œuvre est disponible dans l’édition : Giovanni Boccaccio, « Genealogie deorum gentilium », éd. Vittorio Zaccaria, Tutte le Opere, vol. VII-VIII, Milano, Mondadori, 1998. Sur l’œuvre, cf. Silvia Fiaschi, « Genealogia deorum gentilium », Boccaccio autore e copista, 11 ottobre 2013-11 gennaio 2014, éd. Teresa De Robertis, Carla Maria Monti, Marco Petoletti, Giuliano Tanturli, Stefano Zamponi, Firenze, Mandragora, 2013, p. 171-180.
69 Boccaccio, Gen. XIV 9, 4.
70 La dépendance étroite entre les Généalogies et l’exégèse à Ovide n’a pas encore été étudiée. Cependant, nous savons au moins que Boccace connaissait et utilisait les Allégories de Giovanni del Virgilio, qui circulaient à Naples au moins avant 1335 : Matteo Ferretti, « Boccaccio, Paolo da Perugia e i commenti ovidiani di Giovanni del Virgilio », Studi sul Boccaccio, 35, 2007, p. 85-110, p. 91.
71 Voir le travail de synthèse sur la relation de maître et disciple entre Boccace et Pétrarque : Carla Maria Monti, « Boccaccio itineris strator », Studi sul Boccaccio, 46, 2018, p. 1-11.
72 Peter Roland Schwertsik, « Un commento medievale alle ‘Metamorfosi’ d’Ovidio nella Napoli del Trecento : Boccaccio e l’invenzione di ‘Theodontius’», Medioevo e Rinascimento, 26, 2012, p. 61-84, p. 69. Pour les nombreuses hypothèses formulées au fil du temps concernant l’identité de Théodontius, nous renvoyons à la synthèse bibliographique de P. R. Schwertsik, « Un commento medievale », op. cit., p. 69, n. 32. Marco Petoletti a découvert que le ms. V F 21 a été copié entièrement par Zanobi da Strada : Marco Petoletti, « Due nuovi manoscritti di Zanobi da Strada », Medioevo e Rinascimento, 26, 2012, p. 37-59.
73 Pour l’influence de la glossa sur la littera, visible dès la mise en page : Marilena Maniaci, « ’La serva padrona’. Interazioni fra testo e glossa sulla pagina del manoscritto », Talking to the Text : Marginalia from Papyri to Print. Proceedings of Conference held at Erice (26 september-3 october 1998) as the 12th Course of International School of the Study of Written Records, éd. Vincenzo Fera, Giacomo Ferraù et Silvia Rizzo, Messina, Centro interdipartimentale di studi umanistici, 2002, p. 3-35, p. 6 ; sur les questions de la mise en page d’un texte d’auctoritas accompagné par les gloses voir aussi : Malcom P. Parkes, « The Influence of the Concepts of Ordinatio and Compilatio on the Development of the Book », Medieval Learning and Literature. Essays presented to Richard William Hunt, éd. James Graham Alexander et Margaret T. Gibson, Oxford, Clarendon Press, 1976, p. 115-138 ; Claudia Villa, « I classici come modello », Intorno al testo. Tipologie del corredo esegetico e soluzioni editoriali. Atti del Convegno, Urbino, 1-3 ottobre 2001, Roma, Salerno Editore, 2003, p. 61-75, p. 67-69.
74 Il existe aujourd’hui de nombreuses études sur le rôle prépondérant que la glose a eu dans la transformation d’un texte en auctoritas. Nous ne faisons ici référence qu’à Paul Zumthor, « La glose créatrice », Les commentaires et la naissance de la critique littéraire, France-Italie (xive-xvie siècles). Actes du Colloque International sur le Commentaire (Paris, mai 1988), éd. Gisèle Mathieu Castellani et Michel Plaisance, Paris, Aux amateurs de livres, 1990, p. 11-18.
75 F. Ghisalberti, « Giovanni del Virgilio », op. cit., p. 14.
76 Sur l’importance des commentaires en rapport avec les artes du Trivium et la rhétorique voir en particulier : Douglas Kelly, The Arts of Poetry and Prose, Turnhout, Brepols, 1991, p. 39-44 ; Marjorie Curry Woods, « A Medieval Rhetoric goes to School and to the University : The Commentaries on the Poetria nova », Rhetorica, 9, 1991, p. 55-65, p. 57-58 ; R. J. Hexter, « Ovid and Medieval Schooling », op. cit. ; Martin Irvine, The Making of textual Culture ; ‘Grammatica’and Literary Theory, Cambridge, Cambridge University Press, 1994, p. 35-110 ; Suzanne Reynolds, Medieval Reading ; Grammar, Rhetoric and the Classical Text, Cambridge, Cambridge University Press, 1996 ; Medieval Literary Theory and Criticism, c. 1100-c. 1375 : the Commentary-Tradition, éd. Alastair J. Minnis, A. Brian Scott, contrib. David Wallace, Oxford, Clarendon Press, 1998 ; La retorica nel Medioevo, Una storia delle teorie retoriche da S. Agostino al Rinascimento, éd. James J. Murphy et Vincenzo Licitra, Napoli, Liguori, 1988.
77 Sur l’ars praedicandi en général et ses rapports avec la rhétorique : Thomas-Marie Charland, Artes praedicandi : contribution à l’histoire de la rhétorique au Moyen Âge, Paris-Ottawa, J. Vrin-Institut d’Études Médiévales, 1936 ; La retorica nel Medioevo, op. cit., p. 305-403 ; Franco Morenzoni, « La littérature des artes praedicandi de la fin du xiie au début du xve siècle », Sprachtheorien in Spätantike und Mittelalter, éd. Sten Ebbesen, Tübingen, Gunter Narr, 1995, p. 339-359.
78 Le schéma des sex inquirenda que les magistri employaient dans les accessus pour présenter d’une manière synthétique les caractéristiques essentielles de l’œuvre avait été fixé par Boèce : Anicii Manlii Severini Boethii In Isagogen Porphyrii Commenta, éd. S. Brandt, Vindobonae-Lipsiae, F. Tempsky-G. Freytag, 1906, p. 4-5 : intentio, utilitas, ordo, cuiusopusdicitur, titulus, cuipartiphilosophie. Ce modèle circulait principalement sans l’indication cuius opus dicitur, vu que la plupart des commentaires était anonyme, ou avec d’autres variantes. Les points les plus importants du schéma étaient utilitas et cui parti philosophie. Presque toutes les œuvres que les commentateurs avaient l’intention de lire devaient être utiles pour la formation du bon chrétien et donc faire partie, parmi toutes les branches de la philosophie, de l’éthique. Sur les accessus nous pouvons lire des réponses différentes à ces deux points, mais seulement entre la fin du xiiie siècle et le début du xive, quand plusieurs disciplines commencèrent à devenir autonomes par rapport à la philosophie : Robert Burchard Constantijn, « Notes sur le Dialogus super auctores de Conrad d’Hirsau et le Commentaire sur Théodule de Bernard d’Utrecht », Latomus, 13, 1954, p. 420-428 ; Claudia Villa, « Per una tipologia del commento mediolatino : l’Ars poetica di Orazio », Il commento ai testi. Atti del Seminario (Ascona, 2-9 ottobre 1989), éd. Ottavio Besomi-Carlo Caruso, Basel-Boston-Berlin, Birkhäuser, 1992, p. 19-46.
79 Voir p. 26 de ce travail. Les magistri prenaient facilement possession des gloses qui circulaient déjà de façon anonyme ou attribuaient aisément à une auctoritas des exégèses scolaires d’usage quotidien : Claudia Villa, « Due schede per editus », Italia medioevale e umanistica, 31, 1988, p. 399-402 ; Violetta De Angelis, « Petrarca, i suoi libri e i commenti medievali ai classici », Acme : annali della Facoltà di lettere e filosofia dell’Università degli Studi di Milano, 52, 1999, p. 49-82 ; Giovanni Orlandi, « Errore, corruttela, innovazione », Scritti di filologia mediolatina, éd. Paolo Chiesa, Anna Maria Fagnoni, Rossana E. Guglielmetti et Giovanni Paolo Maggioni, Firenze, Sismel-Edizioni del Galluzzo, 2008, p. 233-247, p. 234. C’est seulement au xiiie siècle que l’on a commencé à distinguer l’auctor du scriptor, du compilator et du commentator, mais la tendance à ne pas reconnaître la paternité des commentaires s’est maintenue jusqu’à la Renaissance.
80 À propos de cet aspect de la nature des gloses : R. Hexter, « Ovid and Medieval Schooling », op. cit., p. 78 : Louis Holtz, « Glosse e commenti », Lo spazio letterario del Medioevo I. Il Medioevo latino, III. La ricezione del testo, éd. Guglielmo Cavallo, Claudio Leonardi, Enrico Menestò, Roma, Salerno Editore, 1995, p. 59-105, 67-68 ; Claudia Villa, « Il ‘secolare commento’ alla Commedia : problemi storici e di tradizione », « Per correr miglior acque ». Bilanci e prospettive degli studi danteschi alle soglie del nuovo millennio. Atti del Convegno, Verona-Ravenna, 25-29 ottobre 1999, I, Roma, Salerno Editore, 2001, p. 549-568, maintenant Ead., La protervia di Beatrice. Studi per la biblioteca di Dante, Firenze, Sismel-Edizioni del Galluzzo, 2009, p. 251-267.
81 La pénurie d’éditions est due en grande partie aux difficultés rencontrées par un éditeur de commentaires ; voir au moins Édouard Jeauneau, « Gloses et commentaires de textes philosophiques (ixe-xiie siècles) », Les genres littéraires dans les sources théologiques et philosophiques médiévales : définition, critique et exploitation. Actes du Colloque International (Louvain-La-Neuve, 25-27 mai 1981), Louvain-La-Neuve, Institut d’études médiévales de l’Université Catholique de Louvain, 1982, p. 17-131 ; Saverio Bellomo, « L’edizione dei testi : i commenti letterari », Intorno al testo, op. cit., p. 403-418 ; Luigi Pirovano, « Prova latente e ‘normalizzazione’ dei lemmi. Problemi filologici nelle Interpretationes Vergilianae di Tiberio Claudio Donato », Prassi Ecdotiche. Esperienze editoriali su testi manoscritti e testi a stampa. Atti delle giornate di Studio (Milano, 7 giugno e 31 ottobre 2007), éd. Alberto Cadioli et Paolo Chiesa, Milano, Cisalpino, 2009, p. 37-63, p. 37-38. Sur les difficultés qui concernent notamment l’édition des commentaires ovidiens : Frank T. Coulson, « The Editing of Medieval Latin Commentary Texts : Problems and Perspectives », Edendi. Lecture Series, vol. III, éd. Eva Odelman et Denis M. Searby, Stockolm, Stockolm University, 2014, p. 105-130.
82 F. T. Coulson, « Ovid’s Tranformations in Medieval France », op. cit., p. 33.
83 Aux difficultés liées à la nature du texte exégétique et à la rareté des éditions, s’ajoute une autre limite non secondaire : les catalogues des manuscrits qui n’ont pas été récemment mis à jour ne mentionnent pas souvent la présence de gloses marginales ou font référence aux commentaires comme des textes génériques anonymes. Parmi les outils qui sont apparus récemment pour pallier ce manque, nous tenons à signaler en particulier le Remaccla, un répertoire en ligne de commentaires sur les classiques : www.remaccla.unibg.it.
84 L’étude sur l’exégèse médiévale des Métamorphoses est destinée à constituer l’entrée Ovide, Métamorphoses, dans le Catalogus Translationum et Commentariorum.
85 Pour les sources de ce commentaire, voir p. 56-62 de ce travail.
86 Voir la description du manuscrit et les principes d’édition, p. 68-75 et 87-93.
87 Nous saisissons ici l’occasion de remercier Marco Petoletti pour son aide précieuse dans ce travail. Il nous a aussi signalé que le copiste est sûrement du nord de la France.
88 Pour les gloses ‘gallice’ voir p. 66-67.
89 En général, quand les auteurs emploient dans les manuscrits une deuxième langue, presque toujours vernaculaire, ils veulent en effet indiquer leur patrie : Claudia Villa, « La lingua del testo e la patria del lettore (Dialoghi plurilingui nelle tradizioni di Giovenale e di Uc Faidit) », Talking to the Text : marginalia from papyri to Print. Proceedings of a Conference held at Erice (26 september – 3 october 1998) as the 12th Course of International School for the Study of Written Records, éd. Vincenzo Fera, Giacomo Ferraù et Silvia Rizzo, Messina, Centro Interdipartimentale di studi umanistici, 2002, p. 345-358, p. 346.
90 Voir l’accessus à la p. 120 de cette édition.
91 Le commentateur emploie d’une façon si systématique l’intégralité des Integumenta que Fausto Ghisalberti a pu utiliser le Vat. Lat. 1479 comme témoin significatif du poème pour son édition : Giovanni di Garlandia, Integumenta Ovidii, op. cit., p. 32.
92 L’étude sur les accessus la plus complète à l’heure actuelle est celle de Edwin Quain, qui les a observés dans différents domaines, tels que l’histoire, la littéraire, la philosophie, la rhétorique et le droit du xiie siècle, à savoir l’époque qui a décrété le succès de ce modèle d’introduction aux textes que les maîtres voulaient lire : Edwin A. Quain, « The Medieval Accessus ad Auctores », Traditio, 3, 1945, p. 215-264. Le terme accessus dans le sens d’introduction apparaît en effet pour la première fois au cours du xiie siècle, tandis que dans l’Antiquité tardive et au Moyen Âge ce concept était exprimé par le terme expositio. On peut lire de nombreux exemples des accessus du xiie siècle dans Accessus ad auctores. Bernardus d’Utrecht, Conrad d’Hirsau. Dialogus super auctores, éd. critique revue et augmentée par Robert Burchard Constantijn Huygens, Leiden, E. J. Brill, 1970. Pour une histoire synthétique de l’accessus et plus en général voir Paul Klopsch, Einführung in die Dichtungslehren des lateinischen Mittelalter, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1980, p. 48-64 ; Maddalena Spallone, « I percorsi medievali del testo : Accessus, Commentari, Florilegi », Lo spazio letterario di Roma antica, III, éd. Guglielmo Cavallo, Paolo Fedeli et Andrea Giardina, Roma, Salerno Editore, 1990, p. 387-471, p. 393.
93 Essentiellement en raison de la vie si détaillée qu’il comprend, cet accessus avait déjà attiré l’attention de Nogara, qui le publia en 1910 : Bartolomeo Nogara, « Di alcune vite e commenti medioevali di Ovidio », Miscellanea Ceriani. Raccolta di scritti originali per onorare la memoria di Mr. Antonio Maria Ceriani prefetto della Biblioteca Ambrosiana, Milano, Hoepli, 1910, p. 415-431, p. 416. Voir aussi le petit extrait de l’accessus publié par P. Demats, Fabula, op. cit., p. 188.
94 Nous avons déjà mentionné les différents profils de l’Ovide médiéval, p. 20-23 de cet ouvrage.
95 Bartolomeo Nogara avait déjà noté l’inexactitude des nouvelles rapportées par le commentateur ; la proximité entre Sulmona et Rome n’est pas telle que l’expression « iuxta civitatem romanam » puisse se référer au lieu de naissance d’Ovide ; B. Nogara, « Di alcune vite », op. cit., p. 417. Plus généralement, les vies des auteurs qui, avec les accessus, accompagnaient les commentaires, n’ajoutaient presque jamais quelque chose de nouveau par rapport aux biographies qui circulaient dans l’Antiquité mais confondaient plutôt les données qu’elles avaient à disposition : Karsten Friis-Jensen, The Medieval Horace, éd. Karin Margareta Fredborg, Minna Skaffe Jensen, Marianne Pade, Johann Ramminger, Roma, Edizioni Quasar, 2015, p. 265 ; L. Ciccone, Esegesi oraziana, op. cit., p. 77-79.
96 Cet épisode assez étrange apparaît aussi, en d’autres termes, dans d’autres vies ovidiennes ; voir les exemples chez B. Nogara, « Di alcune vite », op. cit., p. 420.
97 Ce travail est depuis longtemps attribué à Richard de Fournival, en particulier par Dorothy M. Robathan, The Pseudo-Ovidian De Vetula, Amsterdam, A. M. Hakkert, 1968.
98 La conversion d’Ovide au christianisme n’est pas une invention de notre commentateur ; elle figure déjà parmi les commentaires du xiie siècle ; voir Nogara, « Di alcune vite », op. cit., p. 421, pour un commentaire qui raconte qu’Ovide est un contemporain d’Auguste et de Domitien, et qu’il aurait eu une sensibilité chrétienne en décrivant la transformation de Jupiter en taureau, comme s’il voulait se moquer des dieux de l’Olympe.
99 Met. XV 871-879 : « Iamque opus exegi quod nec Iovis ira nec ignis / nec poterit ferrum nec edax abolere vetustas. / Cum volet, illa dies, quae nil nisi corporis huius / ius habet incerti spatium mihi finiat aevi : / parte tamen meliore mei super alta perennis / astra ferat, nomenque erit indelebile nostrum. / Quaque patet domitis Romana potentia terris, / ore legar populi, perque omnnia saecula fama, / siquid habent veri vatum praesagia, vivam ».
100 Voir, par exemple, l’étrange épisode rapporté, dans deux rédactions différentes, des manuscrits Fribourg, Bibliothèque Universitaire, 380 et London, BL, Harey 219. Il s’agit d’un texte qui raconte que deux clercs, devant la tombe d’Ovide à Tomi, louaient le poète comme un modèle d’éloquence, quand ils se demandèrent quels étaient ses meilleurs vers. Une voix sortit de la tombe et leur répondit en citant des vers des Héroïdes qui étaient parfaitement conformes à la morale chrétienne. Hér. XVII 98 : « Est virtus placitis abstinuisse bonis » et Hér. IV 133 : « Omne iuvans statuit Iupiter esse pium ». Sur la christianisation d’Ovide dans cet accessus et le rapport avec le De vetula, voir les observations de P. Demats, Fabula, op. cit., p. 127.
101 L’œuf qui représente les quatre éléments apparaît dans plusieurs sources ; voir celles sélectionnées pour notre texte p. 887, n. 36 et 37. Voir aussi ce lieu commun dans la reprise qu’en fait l’Ovide moralisé : OM I, 204-228.
102 L’étymologie d’Ovidius « œuf » est souvent accompagnée de celle de Naso « nez », qui était aussi très commune dans les vies ovidiennes ; voir les exemples choisis par Demats, Fabula, op. cit., p. 161.
103 Nous avons déjà traité cet aspect, p. 36.
104 Voir aussi les exemples reportés par P. Demats, Fabula, op. cit., p. 119.
105 Voir une glose très similaire dans le manuscrit Clm 4610, que nous avons déjà mentionné p. 20, et les observations relatives de Demats, Fabula, op. cit., p. 114-115.
106 Pour la terminologie technique employée par les commentateurs voir L. Ciccone, Esegesi oraziana, op. cit. p. 113-117.
107 Sur le rapport entre fabula et historia voir tout d’abord P. Demats, Fabula, op. cit., part. 136-160 ; voir aussi Peter Dronke, Fabula. Exploration into the Uses of Myth in Medieval Platonism, Leiden-Köln, E. J. Brill, 1974 ; Päivi Mehtonen, Old Concepts and New Poetics. Historia, Argumentum, and Fabula in the Twelfth and Early Thirteenth-Century latin Poetics of Fiction, Helsinki, Societas Scientiarum Fennica, 1996. Les gloses d’Ovide ne semblent jamais mentionner la question de l’ordo artificialis et de l’ordo naturalis, qui permettaient souvent de distinguer les deux catégories de fabula et d’historia. L’ordo naturalis correspond à l’ordre dans lequel ‘historiquement’les faits se sont succédés, l’artificialis à un ordre de narration choisi par l’auteur, qui ne part pas nécessairement du début des faits : Francesco Bruni, « Tra Darete-Ditti e Virgilio : ‘fabula’ e storia, ‘ordo artificialis’e ‘ordo naturalis’», Studi medievali, 37, 1996, p. 753-810.
108 La Genèse légitime aussi le mythe de la création dans l’Ovide moralisé et ses gloses ; voir Jean-Baptiste Guillaumin, « Cosmologie et représentations du monde dans les gloses latines du premier livre de l’Ovide moralisé », Ovidius explanatus, op. cit., p. 99-138, p. 137-138.
109 L’étrange Démogorgon mentionné par Boccace a attiré l’attention des chercheurs depuis les premières décennies du siècle dernier : CarloLandi, Demogorgone. Con saggio di nuova edizione delle “Genealogie deorum gentilium” del Boccaccio e sillogi di frammnenti di Teodonzio, Palermo, Edizioni Sandron, 1930. La source la plus ancienne qui nous est parvenue sur la figure de Démogorgon se trouve dans les gloses à la Thébaïde de Stace attribuées à Lactance Placide et datées du ive siècle : Maria PiaMussini Sacchi, « Per la fortuna di Demogorgone in età umanistica », Italia medioevale e umanistica, 34, 1991, p. 299-310. Les études les plus récentes ont retracé sa présence dans les genres mineurs de la littérature ; sous la forme d’une entité primitive qui n’est pas mieux définie, elle apparaît dans diverses généalogies, dans des commentaires et dans des ouvrages tels que le Fabularius de Conrad de Mure : Lucia Cesarini Martinelli, « Sozomeno maestro e filologo », Interpres, 11, 1991, p. 80-92 ; Violetta De Angelis, « I commenti medievali alla Tebaide di Stazio », Medieval and Renaissance and Scholarship. Proceedings of the Second European Sceince Foundation Workshop on the Classical Tradition in the Middle Ages and the Renaissance (London, The Warburg Institute, 27-28 November 1992), Leiden-New York-Köln, E. J. Brill, 1997, p. 75-132, p. 81, et n. 13, maintenant Ead., Scritti di filologia medievale e umanistica, éd. Filippo Bognini, Maria Patrizia Bologna, Napoli, D’Auria, 2011, p. 151-212. Sur la présence du Démogorgon dans les commentaires ovidiens : P. R. Schwertsik, « Un commento medievale », op. cit., p. 71. Plus généralement, sur la fortune du Démogorgon de l’époque actuelle au xixe siècle : Marco Barsacchi, Il mito di Demogorgone. Origine e metamorfosi di una divinità “oscura”, Marsilio, Bologna, 2015.
110 D’autres commentateurs trouvent d’autres stratagèmes pour indiquer cette sorte de divinité primitive ; le Ps. Picenardi, par exemple, définit ce dieu de « protopanton » ; pour cette citation et les autres informations sur l’auteur nous renvoyons à F. T. Coulson, « Ovid’s Transformations », op. cit., p. 51 : « Melior natura, cooperans opifici. Ipsa enim habilis ad separationem Philosophi tripliciter deum dixerunt, scilicet tugaton (sic), id est summum deum, et protopanton, id est primum deorum qui superabundanti fecunditate maiestatis suae noyn, id est mentem, genuit quae maior anima dicitur. Hanc etiam archetipum mundi (mundum ms.) dixerunt, id est principalem figuram istius mundi sensibilis ».
111 Notre commentateur n’est pas le seul qui prête autant d’attention au mythe de Prométhée et de l’origine du monde, mais, contrairement à la plupart des autres, il n’invoque pas les motifs platoniciens et pythagoriciens pour les expliquer : P. Demats, Fabula, op. cit., p. 162-169.
112 Voir p. 42 de ce travail.
113 Pour la fonction clarificatrice des gloses interlinéaires, voir les observations à propos du Vulgatus de F. T. Coulson, « Ovid’s Transformations », op. cit., p. 53 et Id., « The story of Byblis in the Vulgate Commentary on the Metamorphoses », Vivam ! Estudios sobre la obra de Ovidio. Studies on Ovid’s Poetry, éd. Luis Rivero, Maria Consuelo Álvarez, Rosa Maria Iglesias, Juan A. Estévez, Huelva Classical Monographs,10, 2018, p. 225-291, p. 226.
114 Voir p. 39, 47-48, 52.
115 Pour ces gloses voir p. 66-67.
116 Nous avons déjà donné un exemple de ce cette typologie de gloses, p. 41.
117 Ce sont des vers que l’auteur introduit toujours par unde. Pour les vers de ce type, que les commentateurs utilisent souvent comme une synthèse utile d’un sujet ou d’un aspect mis en évidence : Lynn Thorndike, « Unde versus », Traditio, 11, 1955, p. 163-193.
118 Pour l’utilisation des Tristes dans l’accessus voir p. 16-17, 46, 116-123 du présent travail.
119 Nous avons déjà anticipé ces questions p. 44.
120 Pour les vies d’Ovide, qui sont souvent très étranges et que les commentateurs racontent dans les accessus, et pour la commixtio des différents éléments dans la biographie composée par notre commentateur, voir les observations de P. Demats, Fabula, op. cit., p. 160.
121 Nous avons déjà anticipé ces questions p. 43.
122 Pour cette typologie d’erreurs voir p. 78-79.
123 Encore plus que les Origines d’Isidore, le commentateur semble utiliser les Derivationes d’Uguccione da Pisa (composées entre 1197 et 1202) ou un lexique encyclopédique très similaire. Plus généralement, les lexiques étaient étroitement liés aux commentaires, car de nombreuses gloses naissaient de l’élaboration du lemme des lexiques, puis elles alimentaient les glossaires qui nourrissaient à leur tour les artes grammaticae : Charles Thurot, Extraits de divers manuscrits latins pour servir à l’histoire des doctrines grammaticales au Moyen Âge (Paris 1869), Frankfurt am Main, Minerva G.m.b.H., 1964, p. 91-92 ; Adriana Della Casa, « Les Glossaires et les traités de grammaire du Moyen-Âge », La lexicographie du latin médiéval et ses rapports avec les recherches actuelles sur la civilisation du Moyen Âge. Actes du Colloque International (Paris, 18-21 octobre 1978), Paris, CNRS, 1981. Pour l’Elementarium de Papias et le Catholicon de Giovanni Balbi da Genova, produits respectivement autour de 1053 et avant 1286 : Ferruccio Bertini, « Il ‘nuovo’ nella letteratura in latino », L’Europa dei secoli XI e XII fra novità e tradizione : sviluppi di una cultura. Atti della decima Settimana Internazionale di Studio, Mendola, 25-29 agosto 1986, Milano, Vita e Pensiero, 1989, p. 216-238 ; Violetta De Angelis, « L’Elementarium de Papia : metodo e prassi di un lessicografo », Voces, 8-9, 1997-1998, p. 121-139, rééd. Scritti di filologia medievale e umanistica, éd. Filippo Bognini, Maria Pia Bologna, Napoli, M. D’Auria, 2011, p. 95-149, p. 13-33.
124 F. T. Coulson, « The allegories », op. cit., p. 34.
125 Voir par exemple la traduction en ancien français du mot « muscus » dans le Vulgatus : « Muscus est situs vel lanugo proveniens ex humore in locis humidis. Gallice mousse » : F. T. Coulson, A study of the Vulgate, op. cit., p. 239. L’exemple est déjà cité par J. Engels, Études, op. cit., p. 116. Voir aussi I. Salvo García, Métamorphoses, op. cit., p. 245.
126 Disponibles, respectivement, aux adresses http://atilf.atilf.fr/ et www.atilf.fr/dmf.
127 Nous remercions pour cette information Antonio Manfredi.
128 Pour les sources employées par notre commentateur voir p. 56-62 et 887-909 de cette édition.
129 Voir les principes d’édition, p. 87-93.
130 Pour les citations du texte d’Arnoul dans ce paragraphe nous utilisons l’édition F. Ghisalberti, « Arnolfo », op. cit.
- Thème CLIL : 3438 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Oeuvres classiques -- Moyen Age
- ISBN : 978-2-406-10537-4
- EAN : 9782406105374
- ISSN : 2261-0804
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-10537-4.p.0015
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 17/07/2020
- Langue : Français