Une esquisse de la vie de l’Héraclès-Hercule antique
- Publication type: Book chapter
- Book: Trajectoires textuelles de l’Hercule médiéval. Mythographie, historiographie et au-delà
- Pages: 33 to 50
- Collection: Medieval Literary Research, n° 42
- Series: Ovidiana, n° 3
Une esquisse de la vie
de l’Héraclès-Hercule antique
Le chercheur qui voudrait se faire une image globale du mythe de l’Héraclès grec doit faire face à un premier défi en affrontant les sources : il a l’embarras du choix entre plusieurs témoignages qui ne donnent pas une histoire univoque et dont aucune ne peut prétendre à un statut de canonicité. Selon les mots du classiciste Walter Burkert, « there is not one authoritative literary text to account for this character – the way Homer’s Illiad accounts for Achilles – but rather a plethora of passing references1 ». S’il a existé une fois des Herakleia, c’est-à-dire des épopées au sujet du héros, n’en survivent que des témoignages fragmentaires et des mentions indirectes2. Deux œuvres nous sont parvenues toutefois qui, entre toutes les « passing references », comportent de véritables biographies d’Héraclès, se rapprochant peut-être le plus d’une version de son mythe qui fait autorité :
–la Bibliothèque historique de Diodore de Sicile3, une histoire universelle et mythologique datant du ier siècle av. J.-C, allant de l’origine du monde jusqu’à l’époque de Jules César. L’œuvre est divisée en trois parties et a dû compter, à l’origine, quarante livres, couvrant, respectivement, l’histoire mythologique des peuples des différentes aires géographiques du monde connu (Égypte, Assyrie, Libye, Grèce) jusqu’à la guerre de Troie, puis la période jusqu’à la mort d’Alexandre le Grand, et ensuite celle jusqu’aux campagnes militaires de César. La vie d’Héraclès se trouve dans la première partie, au centre du quatrième livre, dédié aux mythes grecs.
34–la Bibliothèque d’Apollodore4, un compendium de mythographie anonyme daté généralement du ier ou iie siècle de notre ère, qui réunit des mythes et généalogies de dieux et héros antiques, de la théogonie jusqu’aux retours des héros grecs après la guerre de Troie. Entre les trois livres de l’œuvre qui nous sont parvenus en entier, la seconde moitié du deuxième livre est dédiée à Héraclès.
Ces deux œuvres comportent une biographie du héros, y compris sa généalogie et sa naissance, le parcours complexe de sa vie, qui voit s’accumuler de nombreux exploits, conquêtes et rencontres amoureuses, jusqu’à sa mort5. Elles résument également les composantes du mythe herculéen qui sont considérés « canoniques » aujourd’hui, telle la conception du héros par Zeus transformé en Amphitryon ou le cycle des douze travaux accomplis sur l’ordre d’Eurysthée, roi de Tirynthe.
Dans les pages qui suivent, nous proposons une esquisse du mythe herculéen qui s’appuie principalement sur les témoignages de ces deux Bibliothèques, en donnant la trame commune aux deux textes et en précisant les divergences notables entre eux. Lorsque nous évoquons les noms de personnages qui diffèrent entre le grec et le latin, nous donnons, dans cette première étape, les noms grecs, avec l’indication des équivalents latins entre parenthèses lors de la première mention d’un nom. Soulignons que certains moments de la vie de l’Héraclès grec ont connu des développements notables dans l’œuvre des auteurs de l’Antiquité classique latine qui ont été lus au Moyen Âge. Pour la clarté de l’exposé général et afin de fournir des repères, nous donnerons, entre crochets, des précisions sur quelques épisodes issus de l’époque romaine ou élaborés durant cette dernière qui ont ensuite connu une transmission importante6. Les éléments du mythe seront divisés en quatre grandes catégories, correspondant à différentes tranches de la vie d’Héraclès-Hercule7 : 1. Sa généalogie, sa naissance et sa jeunesse ; 352. Les douze travaux ; 3. Les exploits accessoires et indépendants ; 4. Les amours, les derniers faits et la mort du héros. À l’intérieur de ces grandes catégories se dégage un ensemble d’épisodes thématiques, ordonnés selon le plan suivant :
Généalogie, |
Les douze travaux |
Exploits |
Amours, |
1. généalogie 2. naissance 3. les deux serpents 4. exploits |
1. le lion de Némée 2. l’hydre de Lerne 3. la biche 4. le sanglier d’Érymanthe 5. les écuries d’Augias 6. les oiseaux du lac Stymphale 7. le taureau de Crète 8. les juments 9. le baudrier d’Hippolyte 10. les bœufs 11. les pommes 12. Cerbère |
1. les centaures 2. Troie 3. les jeux olympiques 4. Antée 5. Busiris 6. les colonnes 7. son culte [8. Cacus] |
1. le meurtre d’Iphitus 2. l’esclavage 3. Achéloüs 4. Nessus 5. Iole 6. la chemise empoisonnée 7. mort |
Ce catalogue ne prétend aucunement à l’exhaustivité. Il omet une grande quantité de faits secondaires qui sont restés sans grand impact dans les textes de notre corpus médiéval. Il est néanmoins censé donner une vision d’ensemble de la matière, en se concentrant sur des éléments jugés intéressants que nous aborderons plus en détail dans la suite.
Généalogie, naissance et jeunesse8
1. Généalogie et nom : Héraclès (Hercule) s’inscrit dans une généalogie complexe. Il est le fruit d’une relation adultère entre Zeus (Jupiter), le roi des dieux, et une mortelle, Alcmène. Cette dernière, fille d’Électryon et petite-fille de Persée, est l’épouse d’Amphitryon, fils d’Alcée, roi de Tirynthe en Argolide, qui se rattache à son tour à la lignée de Persée. Ces coordonnées généalogiques expliquent pourquoi Héraclès reçoit à la naissance d’abord le nom d’Alcide (ἈλκείδηςAlkeides) selon Apollodore, ou Alcée (Ἀλκαῖος Alkaios) selon Diodore, d’après son grand-père paternel9. Ce n’est que plus tard qu’il reçoit le nom par lequel nous le connaissons habituellement : Diodore maintient qu’après avoir accompli son premier exploit héroïque, en tuant les serpents qu’avait envoyés sa belle-mère Héra (Junon) à son berceau (cf. infra, 3. Les deux serpents), il reçoit de la part des habitants d’Argolide le nom d’Héraclès (ἩρακλῆςHerakles), parce qu’il aurait acquis la gloire (en grec, κλέοςkleos) avec l’aide d’Héra. Chez Apollodore, c’est avant de partir accomplir ses célèbres douze travaux que lui est révélé ce nom de la part de l’oracle de Delphes.
2. Conception et naissance : Zeus se présente à Alcmène sous la forme de son mari Amphitryon pendant l’absence de ce dernier10 et passe une nuit, 37dont il triple la durée, avec elle. Héraclès naîtra de cette union. Alcmène accouchera en même temps d’Iphiclès, lui-même le fils d’Amphitryon conçu immédiatement après le retour de ce dernier11. Quand la naissance d’Héraclès est imminente, Zeus annonce aux dieux que le descendant de Persée qui est sur le point de naître deviendra un jour roi d’Argolide. Mais Héra, jalouse de n’avoir pas eu part dans cette affaire, fait appel à la déesse de l’enfantement Ilithyie (Lucine) pour provoquer la naissance prématurée d’Eurysthée12 qui deviendra lui-même roi et auquel Héraclès devra plus tard se soumettre. Zeus exige en contrepartie qu’Héraclès, après avoir achevé douze travaux au service d’Eurysthée, reçoive le don d’immortalité.
[Élaboration ultérieure : Ovide offre au livre IX des Métamorphoses un développement secondaire sur la naissance d’Hercule, présenté sous forme de récit rétrospectif qu’Alcmène raconte à Iole, concubine du héros, après la mort de ce dernier13. Alcmène est prête à accoucher, mais la naissance du fils de Jupiter s’annonce difficile. Alcmène prie la déesse de l’enfantement Lucine de l’aider, mais Junon a persuadé celle-ci d’entraver l’accouchement. Pendant sept jours et sept nuits, Alcmène souffre. Finalement, sa servante Galanthis aperçoit Lucine qui est assise à l’entrée de la demeure d’Alcmène, les jambes croisées et les mains jointes, prononçant des incantations. Réfléchissant à une manière de délivrer sa maîtresse, Galanthis annonce à Lucine que l’enfant est né, et la déesse, incrédule, se lève, interrompant son enchantement si bien qu’Alcmène peut accoucher. Quand Lucine se rend compte qu’elle a été dupée, elle transforme Galanthis en belette, animal censé enfanter par la bouche, parce que Galanthis lui avait menti (par la bouche).]
3. Les deux serpents : Peu après la naissance des fils d’Alcmène, Héra envoie deux serpents au berceau des nourrissons, mais Héraclès les étouffe de ses mains – première preuve de sa nature divine.
4. Premiers exploits, mariage à Mégara, folie : Héraclès accomplit une série d’exploits de jeunesse14, délivrant entre autres les Thébains de leur 38servitude aux Minyens en vainquant le roi de ces derniers, Erginos. En guise de remerciement, le roi Créon de Thèbes donne au héros sa fille Mégara pour épouse. Mais Junon, manifestant sa haine pour Hercule, provoque chez lui un accès de folie pendant lequel il tue les enfants qu’il a eus de Mégara. Afin de se purger de son crime, le héros part en exil et se met au service du roi Eurysthée pendant douze ans pour accomplir les travaux que ce dernier lui ordonnera – après quoi il recevra l’immortalité, comme l’ont décidé les dieux15.
Les douze travaux16
Héraclès se rend auprès d’Eurysthée pour accomplir ses douze célèbres travaux. Nous les reproduisons ici suivant l’ordre d’Apollodore. Diodore mentionne les mêmes exploits, mais dans un autre ordre17.
1. Le lion de Némée : Héraclès vainc le monstrueux lion de Némée, ayant la peau si dure qu’aucune arme ne peut la percer et qui ne peut être vaincu qu’à mains nues. L’ayant étranglé et écorché, Héraclès revêt la peau de l’animal. Apollodore note que le héros est hébergé par le berger Molorchus pendant qu’il accomplit ce travail18.
2. L ’ hydre de Lerne : Il assomme l’hydre de Lerne, créature à de têtes serpentines multiples (cent selon Diodore, neuf selon Apollodore). Deux têtes renaissent à la place de chacune qui est coupée, mais Héraclès les empêche de repousser en brûlant les moignons avec des torches que lui apporte son neveu Iolaos, fils d’Iphiclès. Ensuite, il trempe ses flèches 39dans le venin du monstre. Selon Apollodore, Eurysthée refuse de compter ce travail parce qu’Héraclès ne l’a pas accompli seul19.
3. La biche de Cérynie : Il capture et ramène à Eurysthée la biche ou le cerf (ἔλαφος)20 de Cérynie aux cornes d’or, animal extrêmement rapide que, selon la version d’Apollodore, Hercule est censé avoir poursuivi pendant une année entière, avant de la rattraper21. Chez Diodore, l’animal n’est pas associé à une localité précise.
4. Le sanglier d ’ Érymanthe : Il ramène à Eurysthée le gigantesque sanglier d’Érymanthe vivant, en le portant sur ses épaules22.
5. Les écuries d ’ Augias : Il nettoie en un seul jour les écuries du roi Augias d’Élis, où s’étaient accumulées d’énormes quantités de fumier. Pour ce faire, il dévie le cours du fleuve Alphée afin de le faire passer à travers les écuries. Selon la version d’Apollodore, lorsque Augias apprend qu’Hercule agit sur les ordres d’Eurysthée, il lui refuse le salaire qu’il lui avait promis au départ, c’est pourquoi Héraclès mènera plus tard une expédition guerrière contre lui. Eurysthée refuse, à son tour, de compter ce travail parce qu’Héraclès avait demandé un salaire à Augias23.
6. Les oiseaux du lac Stymphale : Il chasse une grande multitude d’oiseaux du lac Stymphale, devenus une nuisance pour les cultures environnantes, au moyen d’une claquette de bronze faisant un bruit épouvantable24.
7. Le taureau de Crète : Il apporte à Eurysthée le taureau de Crète25. Selon certains, comme le précise Apollodore, il s’agirait de la même créature que celle dont s’était éprise Pasiphaé, soit du taureau envoyé 40par Zeus afin d’enlever Europe, soit d’un animal merveilleux envoyé par Neptune à Minos et que ce dernier aurait dû sacrifier. Après l’avoir présenté à Eurysthée, Héraclès le relâche, et l’animal s’installe à Marathon, dévastant les terres environnantes.
8. Les juments de Diomède : Il voyage vers le Nord pour chercher les chevaux ou juments (ἵππους) du roi Diomède de Thrace que ce dernier nourrit de chair humaine26. Héraclès tue leur maître et ramène les animaux à Eurysthée. Diodore précise qu’en leur donnant à manger la chair de celui qui leur avait appris cette habitude, Héraclès parvient à apprivoiser les chevaux.
9. La ceinture d ’ Hippolyte : Il reçoit l’ordre de ramener la ceinture de la reine des Amazones, Hippolyte, et voyage vers le pays des femmes guerrières sur le fleuve Thermodon, situé dans la région pontique à l’Est27. Selon la version d’Apollodore, Héraclès est d’abord bien accueilli et la reine promet de lui remettre l’objet requis, avant que Junon ne s’introduise sous l’apparence d’une Amazone dans la foule et ne commence à répandre la rumeur que les Grecs veulent enlever Hippolyte. Après quoi les Amazones attaquent les Grecs, Héraclès tue Hippolyte dans la mêlée et lui enlève sa ceinture. Dans la version de Diodore, les guerrières refusent dès le début l’objet aux Grecs. Dans le combat qui suit, Héraclès parvient à abattre la plupart des Amazones, mais épargne Antiope, qui devient ensuite l’épouse de Thésée, et libère Mélanippe, la commandante des guerrières. Il accepte la ceinture de Mélanippe en rançon.
10. Les bœufs de Géryon : Il part en voyage vers l’Ouest pour ramener les vaches ou bœufs (βοῦς) de Géryon en Ibérie28. Ce voyage mènera Héraclès à travers l’Europe et jusqu’en Afrique. Les versions du récit diffèrent entre Apollodore et Diodore, le second présentant une version considérablement « historicisée » du mythe. Chez Apollodore, Géryon est un homme à trois torses qui habite l’île d’Érytheia à l’extrême sud 41de l’Ibérie (qui correspondrait à Cadiz). Il possède des vaches de couleur rougeâtre qu’il garde à l’aide d’un berger appelé Eurytion et d’un chien à deux têtes du nom d’Orthrus. Afin d’accéder à l’île, Héraclès traverse la mer à partir de l’Afrique dans une coupe d’or qui lui est envoyée par le dieu du soleil. Héraclès vainc Géryon, son chien et le berger, et emporte les vaches avec lui. Chez Diodore, il est question de trois fils du roi d’Ibérie, chacun avec sa propre armée (correspondant aux trois torses du Géryon mythique), qui sont vaincus par Héraclès au sud de la péninsule ibérique.
Après avoir vaincu Géryon, le héros mène ses troupeaux à travers la Gaule et l’Italie, avant de rentrer en Grèce et de les donner à Eurysthée. Lors de ces voyages, qui sont détaillés notamment dans la version de Diodore, le héros accomplit un grand nombre d’aventures secondaires29.
11. Les pommes des Hespérides/Atlas : Eurysthée envoie le héros à la recherche des pommes d’or du jardin des Hespérides, les filles d’Atlas, situé par Apollodore dans le pays des Hyperboréens30. Afin d’y arriver, le héros voyage à nouveau en Afrique, puis à travers l’Asie31. Selon Apollodore, c’est Atlas qui cueille trois pommes pour Héraclès, alors que celui-ci le remplace pour soutenir le ciel. Selon le mythographe, d’autres auteurs disent cependant qu’Héraclès a lui-même cueilli les pommes, en tuant le dragon qui les gardait32.
12. Cerbère : Il reçoit finalement l’ordre d’aller chercher Cerbère aux enfers33. Selon Apollodore, il s’agit d’une créature à trois têtes de chien, une queue de serpent et le dos couvert de têtes de créatures serpentines ; chez Diodore, il est question d’un chien sans précision supplémentaire. Héraclès arrive à sortir la créature des ténèbres, et la montre à Eurysthée avant de la rendre à Hadès (Pluton).
42Lors de sa descente aux enfers, Héraclès libère Thésée, qui avait été emprisonné avec son ami Pirithoüs quand ils y étaient descendus pour enlever Perséphone (Proserpine), femme du dieu des enfers.
Ayant achevé ses travaux, Héraclès attend de recevoir le don d’immortalité.
Exploits secondaires et indépendants
Héraclès accomplit une longue série d’exploits pendant qu’il achève et après avoir achevé ses douze travaux. Nous ne retiendrons ici qu’une sélection de ces faits accessoires et indépendants par rapport au cycle des douze travaux, écartant bon nombre de faits qui n’ont guère laissé de traces dans les textes du Moyen Âge.
1. Les centaures : Lorsqu’Héraclès cherche le sanglier d’Érymanthe (cf. travail 4), il est accueilli par le centaure Pholos. À la demande d’Héraclès, Pholos ouvre un pot de vin appartenant à la communauté des centaures (ou ayant appartenu à Dionysos, selon Diodore). L’odeur de la boisson attire tous les centaures habitant les environs, prêts à piller la demeure de Pholos. Héraclès en tue plusieurs, chassant les autres qui se dispersent dans tous les sens34.
2. Troie : Les détails sur cet épisode, divisé en deux parties, divergent légèrement entre Apollodore et Diodore35. Selon Apollodore, c’est lorsqu’il revient de son expédition au pays des Amazones (cf. travail 9) qu’Héraclès s’arrête à Troie. Selon Diodore, il passe par cette ville lorsqu’il accompagne Jason et les Argonautes en quête de la toison d’or, après avoir ramené les juments de Diomède de Thrace 43(cf. travail 8). La ville de Troie est alors terrorisée par un monstre de mer, envoyé par Neptune courroucé contre le roi troyen Laomédon36, et ce dernier est sur le point de sacrifier sa fille Hésione afin d’apaiser les dieux. Héraclès sauve la jeune femme et tue la créature marine, mais Laomédon lui refuse la récompense qu’il lui avait promise, sur quoi Héraclès menace de revenir et détruire Troie. Le héros mène (en compagnie des Argonautes)37 une expédition guerrière des Grecs contre Troie après avoir achevé ses travaux. Pendant cette campagne, Héraclès tue le roi Laomédon, la ville est pillée et détruite, et Hésione est donnée en épouse à Télamon qui était entré dans la ville en premier.
3. Les jeux olympiques : Héraclès institue les jeux olympiques. L’emplacement de ce fait varie selon les deux auteurs. Chez Apollodore, c’est à la suite d’une expédition guerrière qu’Héraclès mène contre le roi Augias (du fait que ce dernier a refusé de le rémunérer pour le nettoyage de ses écuries) qu’il institue les jeux à Élis38. Chez Diodore, c’est après avoir ramené le taureau de Crète (cf. travail 7) qu’il consacre les jeux à son père Zeus, en nommant l’endroit choisi Olympie39.
4. Antée : Lorsqu’il passe par l’Afrique, Héraclès triomphe du géant Antée, qui défie les étrangers qui passent par son pays à lutter contre lui, et les tue quand ils perdent. Selon Apollodore, Antée reprend ses forces lorsqu’il touche le sol, c’est pourquoi certains disent qu’il est fils de la Terre, mais Héraclès parvient à le vaincre en le soulevant dans les airs et en l’étouffant entre ses bras40.
5. Busiris : Également en Afrique, Héraclès tue le tyran Busiris, roi d’Égypte, qui égorge les étrangers (en les sacrifiant à Zeus, selon Apollodore) se rendant sur ses terres41.
446. Les colonnes d ’ Hercule : Lorsqu’il traverse le détroit de Gibraltar à la recherche des troupeaux de Géryon (cf. 10e travail), il érige des colonnes aux extrémités de l’Afrique et de l’Europe afin de marquer son passage42.
7. Son culte à Rome : Diodore relate qu’en passant par l’Italie avec les bœufs de Géryon, Héraclès s’arrête aux bords du Tibre près de l’endroit où sera plus tard fondée Rome, où il est accueilli par des hommes nobles, dont Cacius et Pinarius. Il leur promet qu’une fois déifié, il rendra plus prospère la vie de quiconque d’entre eux lui dédiera une partie de ses biens43.
[ 8. Cacus : En lien avec le culte d’Héraclès à Rome se développera l’épisode de la victoire d’Hercule contre Cacus, relaté premièrement chez Virgile dans le cadre d’un récit rétrospectif d’Évandre, roi mythique du Latium : Cacus était un être monstrueux qui vomissait du feu et qui terrorisait les habitants des terres environnantes. Il a volé à Hercule une partie des bœufs que ce dernier avait ramenés d’Espagne, en les entraînant dans sa caverne, mais le héros les a retrouvés grâce à leurs mugissements. Hercule a étranglé le voleur et a ensuite été célébré par les habitants qui ont institué un culte local en son honneur44.]
Amours, derniers faits et mort45
Après avoir accompli ses travaux, Héraclès rentre à Thèbes, où il donne sa femme Mégara à Iolaos (de peur de subir un nouveau coup de folie, selon Diodore).
1. Le meurtre d ’ Iphitus : Voulant toutefois se remarier, Héraclès se rend auprès d’Eurytus, roi d’Œchalie, pour lui demander la main de sa fille, Iole. Chez Apollodore, Eurytus organise un concours de tir à l’arc qu’Héraclès gagne, mais Eurytus lui refuse sa fille quand il est renseigné sur le sort malheureux des enfants du héros avec Mégara. Lorsque peu de temps après des bêtes du roi disparaissent, on accuse Héraclès du vol. Seul l’un des fils du roi, Iphitus (qui avait déjà plaidé pour céder Iole à Héraclès) cherche à prouver son innocence et se rend à Tirynthe. 45Il subit cependant un sort malheureux lorsqu’Héraclès, dans un nouvel accès de folie, le précipite du haut d’une tour.
Chez Diodore, Eurytus annonce à Héraclès qu’il doit d’abord réfléchir à la question de son mariage avec Iole, après quoi Héraclès, indigné, emporte les juments du roi. Quand Iphitus se rend à Tiryinthe pour les récupérer, Héraclès le mène sur le haut d’une tour, en lui demandant s’il voit les bêtes paître. Iphitus ne les voyant pas, Héraclès lui reproche de l’avoir faussement accusé et le précipite du haut de la tour.
2. L ’ esclavage chez Omphale : En conséquence du meurtre d’Iphitus, Héraclès souffre d’une grave maladie. Afin d’être guéri, il consulte l’oracle, qui lui conseille de se vendre en esclavage pendant trois ans et de donner le prix de sa vente à Eurytus (ou aux fils d’Iphitus, dans la version de Diodore). Héraclès est acheté par la reine de Lydie, Omphale, auprès de laquelle il reste jusqu’au terme convenu afin d’être guéri.
[À ce moment de la trame s’ajoutera l’épisode du travestissement du héros, et celui d’Hercule « filandier », qui prendra forme sous la plume d’auteurs latins, dont Ovide. S’étant soumis à Omphale, Hercule prend la quenouille et le fuseau et file aux pieds de sa maîtresse. Des références à l’épisode parsèment l’épître ix des Héroïdes46.Dans les Fastes, finalement, l’épisode est développé dans le cadre d’un chapitre dédié aux Lupercales, fêtes consacrées à Faunus. Ce dernier aperçoit Hercule et la reine de Lydie qui se promènent dans la forêt, et s’enflamme aussitôt pour la dame. S’étant arrêtés pour dîner, le héros et sa maîtresse échangent leurs vêtements pour se divertir. Une fois couchés, Faunus s’approche d’eux, mais il prend Hercule travesti pour son amante et, lorsqu’il se glisse furtivement sous les draps du lit dans l’espoir de violer Omphale, Hercule s’éveille et le frappe violemment, le faisant tomber du lit. Faunus s’enfuit – et exige, à cause de cet incident, que l’on célèbre les fêtes en son honneur sans porter de vêtements47.]
3. Achéloüs : À la suite d’autres exploits et expéditions guerrières48, Héraclès cherche à épouser Déjanire, fille du roi Œnée de Calydon. Afin d’obtenir sa main, il doit lutter contre le fleuve Achéloüs, qui est 46capable de changer de nature et se présente à lui sous forme de taureau. Héraclès lui brise une corne, l’échangeant contre la corne d’abondance49. Diodore précise qu’il a en réalité détourné le cours du fleuve afin de rendre les terres fertiles50.
Héraclès reste ensuite auprès des Calydoniens pendant un certain temps, soumettant avec leur aide la ville d’Éphyre. Mais lorsqu’ils fêtent cette conquête, il frappe un jeune homme du lignage de son beau-père, le tuant accidentellement. Il décide ensuite de partir en exil51.
4. Déjanire et Nessus : Après avoir quitté le pays de Calydon, Héraclès arrive avec Déjanire auprès du fleuve Evénos, où le centaure Nessus fait passer les voyageurs contre paiement. Héraclès lui demande de faire passer Déjanire alors que lui-même traverse l’eau en nageant. Lors du passage, le centaure tente de violer Déjanire, sur quoi Héraclès le frappe d’une flèche envenimée du poison de l’hydre. Nessus est blessé à mort, mais avant d’expirer, il pense à une ruse afin de se venger, disant à Déjanire que si elle recueille son sang, en le mêlant à sa semence qui s’est répandue par terre, elle aura un philtre pour garder l’amour d’Héraclès. Elle le croit et suit ses conseils52.
5. Iole : Plus tard, Héraclès marche contre Œchalie afin de se venger d’Eurytus (on se rappelle que ce dernier lui avait refusé sa fille en mariage). Il tue le roi et emmène Iole prisonnière53.
6. La tunique empoisonnée : Sur le chemin du retour, Héraclès veut faire un sacrifice à Zeus, et il envoie son suivant Lichas chercher un vêtement approprié. Déjanire apprend de ce dernier qu’Héraclès emmène une autre femme. Espérant pouvoir reconquérir l’amour de son mari, Déjanire prend une tunique et la trempe dans le prétendu « philtre d’amour » que lui a donné Nessus, avant de donner le vêtement à Lichas qui l’apporte ensuite à Héraclès. Quand ce dernier le revêt, le venin de l’hydre commence à attaquer son corps. Selon la version d’Apollodore, Héraclès essaie ensuite d’enlever la tunique, mais le vêtement colle tellement à son corps qu’il n’y parvient pas sans arracher sa propre chair. Saisi de tourments et de rage, il tue Lichas (en le lançant dans la mer d’après Apollodore)54.
7. Mort et apothéose : En proie à d’insupportables souffrances, Héraclès se fait transporter sur le mont Œta, où il érige un bûcher, prêt à s’immoler. 47Personne ne consent à l’allumer à part Pœas (chez Apollodore) ou son fils Philoctète (chez Diodore). Héraclès confie son arc et ses flèches à ce dernier, en guise de remerciement pour son service. Le bûcher est alors frappé par la foudre. Dans la version d’Apollodore, Héraclès est emporté aux cieux dans une nuée ; chez Diodore, l’entourage du héros ne trouve aucune trace des ossements de ce dernier, supposant par conséquent qu’il a été élevé auprès des dieux55.
Déjanire se suicide quand elle apprend le sort de son mari. Dans la version d’Apollodore, Iole deviendra l’épouse d’un des fils d’Héraclès, Hyllus. Le héros, ayant obtenu l’immortalité, se réconcilie avec Héra et épouse la fille de cette dernière, Hébé, déesse de la jeunesse56.
L’Héraclès antique
entre variation et interprétation
L’esquisse que nous venons de faire permet de constater que déjà dans les œuvres de l’Antiquité gréco-latine, le mythe d’Héraclès connaît une variation non négligeable. Lorsqu’on entre dans le détail des récits, les divergences au niveau des contenus du mythe s’avèrent si importantes qu’il est difficile d’en proposer un résumé commun. Faut-il, par exemple, parler de douze travaux, si l’on considère que chez Apollodore, deux d’entre eux ne sont pas pris en compte comme tels ? Héraclès a-t-il emporté le baudrier d’Hippolyte ou d’Antiope, ou plutôt celui d’une autre Amazone encore – étant donné que plusieurs solutions sont proposées ? De nombreuses incertitudes surgissent dans l’ordre, la constellation et le contexte des exploits que le héros aurait accomplis. À quel moment le héros a-t-il vaincu Antée – fait qui est mentionné à deux reprises par Diodore ? Dans quel cadre le héros a-t-il mené sa campagne contre Troie ? Et celle contre les Amazones ? Ces éléments, parmi d’autres, apparaissent à différents endroits des deux récits. Les différences entre les deux versions ont des répercussions aussi sur la représentation d’Héraclès lui-même. En effet, le personnage qui précipite Iphitus du haut d’une tour dans un accès de rage après avoir commis un crime qu’il ne veut 48pas admettre est bien un autre que le héros mythologique qui est censé être contraint de commettre le même acte sous l’emprise d’Héra.
À part les variations de contenu, il se profile déjà dans l’œuvre de ces auteurs grecs une distinction entre le mythe d’Héraclès et ses interprétations. Nous avons relevé plusieurs cas de figure où Diodore semble donner une lecture « historicisante » ou « rationalisante » d’un mythe. Géryon au triple corps est vu comme les trois fils du roi d’Ibérie, Atlas qui prête la voûte du ciel à Héraclès devient un astronome qui instruit le héros dans la science des corps célestes, et les pommes d’or des Hespérides gardées par un dragon sont « en réalité » des moutons sur lesquels veille un berger vigilant. Le fait n’a rien de surprenant puisque la Bibliothèque historique est l’une des sources principales par lesquelles nous sont connues la pensée d’Évhémère de Messine et son approche rationaliste des mythes, les dieux étant chez lui considérés comme des hommes divinisés après leur mort pour leurs hauts faits57. En effet, c’est bien une telle image que Diodore confère à Héraclès à divers endroits de son œuvre, parfois en faisant ressortir l’opposition entre son « histoire » et son « mythe ». On en trouve une illustration dans le commentaire que Diodore ajoute après avoir relaté les aventures des Argonautes, en compagnie desquels Héraclès a mené sa conquête contre Troie58 :
Admiré pour son courage et son expérience militaire, il leva promptement une puissante armée, et parcourut toute la terre pour faire du bien aux hommes, qui, par reconnaissance, lui décernèrent d’un commun accord l’immortalité. Les poètes, habitués à raconter des merveilles, prétendent qu’Hercule avait exécuté seul et sans armes ses travaux tant célèbres.
Selon Diodore donc, Héraclès était un homme illustre, un héros civilisateur et bienfaiteur de l’humanité qui a été immortalisé après sa mort. On comprend aussi pourquoi le chroniqueur prend soin d’attribuer 49certaines affirmations à propos de l’identité du héros aux dires de ses contemporains plutôt que de les considérer comme des faits réels. Ainsi, ce sont les Argiens qui le nomment Héraclès d’après la gloire qu’il aurait acquise grâce à la déesse Héra, et ce sont les suivants du héros qui, après la disparition (littérale) de ce dernier, concluent qu’il a accédé au monde des dieux.
L’opposition entre mythe et histoire n’est pas le seul facteur qui soulève des questions à propos de la vie du héros. Des incertitudes apparaissent également sur le plan macrostructurel de son histoire, en termes de chronologie. En effet, la première mention d’Héraclès chez Diodore se trouve au livre I, où il est question de l’histoire des Égyptiens : « Hercule qui, confiant en sa force, avait parcouru une grande partie de la terre et élevé une colonne aux frontières de la Libye, était aussi d’origine égyptienne59. » La remarque peut surprendre, car elle crée comme un alter ego du héros grec qui, selon le livre IV de la même chronique, est censé avoir accompli le même exploit lors de ses voyages vers l’Espagne pour chercher les bœufs de Géryon. Diodore était bien conscient de ce fait, car ses remarques à propos de l’Héraclès égyptien lui servent à remettre en question l’identité du héros grec éponyme60 :
C’est plus de dix mille ans après qu’Alcmène eut un fils, d’abord appelé Alcée, et qui prit ensuite le nom d’Héraclès, non pas […] à cause de la gloire [kleos] qu’il obtint par Junon [Hera] mais parce que, digne émule de l’ancien Hercule, il eut en partage la même renommée et le même nom.
Il y aurait donc eu plus d’un Héraclès, et le célèbre héros grec aurait été nommé ainsi simplement parce qu’il aurait hérité la renommée de l’autre, qui aurait vécu à l’époque préhistorique (bien dix mille ans plus tôt, comme le souligne l’auteur). Diodore va encore plus loin dans sa remise en question de l’identité du personnage, en soutenant que les travaux qu’aurait accomplis le fils d’Alcmène conviennent en effet mieux au plus ancien Héraclès61 :
50Les Égyptiens citent encore à l’appui de leur opinion une tradition depuis longtemps répandue chez les Grecs, suivant laquelle Hercule purifia la terre des monstres qui la ravageaient. Or, ceci ne peut se rapporter à une époque aussi rapprochée de la guerre de Troie, puisque la plupart des pays étaient déjà civilisés et se distinguaient par l’agriculture, le nombre des villes et de leurs habitants. Ces travaux d’Hercule, qui amenaient la civilisation, doivent donc être placés dans des temps bien plus reculés, où les hommes étaient encore infestés par un grand nombre d’animaux sauvages, particulièrement en Égypte, dont la haute région est encore aujourd’hui inculte et peuplée de bêtes féroces. C’est ainsi que, dévoué à sa patrie, Hercule nettoya la terre de ces animaux, livra le sol aux cultivateurs et obtint les honneurs divins.
En somme, le fait d’avoir libéré le paysage de bêtes sauvages (on notera qu’il n’est plus question de créatures mythologiques) conviendrait plus à un héros qui aurait vécu au temps où les terres n’étaient pas encore cultivées et dans une partie du monde réputée pour ses terrains incultes, et donc bien avant l’époque de la guerre de Troie, celle où aurait vécu le héros grec. Les dernières considérations soulèvent de nouvelles questions concernant la contextualisation du personnage ou des personnages concernés. Quand le héros aurait-il vécu ? Combien d’Héraclès y aurait-il eu au cours de l’histoire ?
Sur la base de ces observations, on peut conclure que déjà les témoignages antiques les plus complets à propos de notre héros sont loin de donner une version canonique de son mythe au sens propre. Au-delà des divergences de contenu entre les deux textes et la présence d’interprétations historicisantes qui apparaissent dans l’œuvre de Diodore, on retrouve dans ce dernier texte une remise en question explicite de l’identité même du personnage.
1 W. Burkert, « Oriental and Greek Mythology : The Meeting of Parallels », Interpretations of Greek Mythology, éd. J. Bremmer, Totowa (NJ), Barnes and Noble Books, 1986, p. 14, cité par S. Bär, Herakles im Griechischen Epos. Studien zur Narrativität und Poezität eines Helden, Stuttgart, Franz Steiner Verlag, 2018, p. 11.
2 Voir, à ce propos, E. Stafford, Herakles, op. cit., p. 3.
3 Nous nous appuierons sur l’édition suivante du texte grec : Diodorus of Sicily, Library of History, éd. et trad. en anglais par C. H. Oldfather, C. L. Sherman, C. Bradford Welles, R. Mortimer Geer et F. R. Walton, 12 vol., Cambridge (MA), Harvard University Press / Londres, W. Heinemann, 1933–1967 (= Diod.). Les parties principales sur Hercule se trouvent au vol. 2 (1933).
4 Nous renvoyons principalement à la traduction française de l’œuvre La Bibliothèque d’Apollodore, trad. J.-C. Carrière et B. Massonie, Paris, Les Belles Lettres, 1991 (= Apollod.).
5 Dans l’œuvre de Diodore, les chapitres sur Héraclès sont suivis d’un développement sur les Argonautes, aux voyages desquels Héraclès aurait participé, alors que dans l’œuvre d’Apollodore, le texte se poursuit sur le destin des descendants du héros, les Héracléides.
6 L’épisode de Cacus est noté entièrement entre crochets du fait qu’il est absent des sources grecques, n’apparaissant que dans les textes de la latinité classique, mais devenant avec celle-ci une composante significative de la vie du héros.
7 Pour la segmentation macrostructurelle de la vie du héros, nous nous sommes inspirée de différents schémas proposés par la critique moderne. Notre plan correspond essentiellement à celui utilisé par Emma Stafford dans sa monographie Herakles, op. cit., p. 4-8, tenant compte de « Birth and early years », « The twelve labours », « Minor exploits » et « Events leading up to Herakles’ death and apotheosis ». D’autres traitements regroupent les exploits du héros à proprement parler en trois groupes : douze travaux (athloi), exploits accessoires accomplis en parallèle aux douze exploits (parerga), et expéditions guerrières indépendantes (praxeis). Pour une telle segmentation, voir par exemple L. Preller et C. Robert, Griechische Mythologie, op. cit., p. 428, ou P. Grimal, Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, op. cit., p. 187. Nous avons décidé de regrouper les exploits accessoires et les expéditions guerrières en une seule catégorie, étant donné que la plupart des éléments appartenant à la dernière catégorie – à part la conquête de Troie – sont très peu présents dans les textes de notre corpus.
8 Apollod. II, iv, 5 (destin d’Héraclès présagé par Zeus) ; 8 (naissance du héros) ; 9-11 (faits de jeunesse) ; 12 (folie) ; Diod. IV, ix, 4-x, 1 (naissance) ; x, 2-7 (jeunesse) ; xi, 1-2 (folie).
9 Apollod. II, iv, 12 ; Diod. IV, x, 1. Les origines du héros expliquent également pourquoi on le désigne souvent aussi, et cela encore chez les classiques latins, comme Amphitryonades (« fils d’Amphitryon ») ou encore Tirynthius (« le Tirynthien »). On rencontre dans les segments du livre IX des Métamorphoses d’Ovide qui parlent d’Hercule, ou encore les parties du livre VIII de l’Enéide à son propos, les trois appellations Alcides (p. ex. Mét. IX, 217 ; Én. VIII, 203), Amphitriyonaden (Mét. IX, 140) ou Amphytrioniades (Én. VIII, 214), et Tiryinthius (Mét. IX, 268 ; Én. VIII, 228).
10 Contexte d’arrière-plan donné par Apollodore, absent chez Diodore de Sicile : Amphitryon est absent de Thèbes pour combattre les Téléboens afin d’honorer une promesse de vengeance qu’il avait faite au père d’Alcmène, le roi Électryon de Mycènes, lorsque ce dernier lui a confié sa fille et son royaume. Peu après, Amphitryon est banni de ses propres terres quand il tue par accident Électryon. Il se réfugie ensuite à Thèbes auprès du roi Créon qui lui promet son aide contre les Téléboens.
11 Diodore évoquera plus tard Iphiclès comme frère d’Héraclès, mais ne relate pas leur naissance jumelle.
12 Eurysthée est le fils de Sthénélos qui est lui-même un petit-fils de Persée.
13 Cf. Mét. IX, 281-323.
14 Apollodore relate plusieurs faits absents chez Diodore. Il précise qu’Héraclès tue par accident son maître de musique Linus d’un coup de lyre. Conscient de sa grande force, Amphitryon envoie Héraclès ensuite aux champs pour garder les troupeaux. Ici, Héraclès vaincra le lion du mont Cithéron qui a l’habitude de se nourrir du bétail d’Amphitryon et de Thespios, roi de Thespies. Lorsqu’il part à la chasse au lion, il est logé chez Thespios pendant cinquante jours, pendant lesquels il couche avec chacune des filles de ce dernier, qui donneront naissance à cinquante fils (les Thespiades), qu’Héraclès enverra plus tard peupler la Sardaigne.
15 Dans la version de Diodore, Eurysthée enjoint à Héraclès, déjà avant l’épisode de sa folie, de venir le servir parce qu’il craint sa montée en puissance, mais Héraclès l’ignore. Ensuite l’oracle de Delphes, et puis son père Zeus, lui conseillent de s’y soumettre car les dieux l’auraient décidé ainsi, mais le héros est contrarié, ne voulant ni se soumettre à un roi ni désobéir à son père. Ce n’est qu’après l’épisode de sa folie qu’il se rend auprès d’Eurysthée.
16 Apollod. II, v, 1-12 ; Diod. IV, xi, 3-xxvii. Autant chez Apollodore que chez Diodore, le récit des « douze travaux » est entrecoupé d’élaborations sur les exploits secondaires du héros.
17 Chez Diodore, l’ordre des travaux (3) et (4), (5) et (6) ainsi que (11) et (12) est interverti.
18 Apollod. II, v, 1 ; Diod. IV, i, 3-4.
19 Apollod. II, v, 2 ; Diod. IV, i, 5. Apollodore parle, par ailleurs, d’un crabe gigantesque qui vient à l’aide de l’hydre et que le héros tue également.
20 Le terme grec utilisé pour désigner les animaux peut être masculin ou féminin. Dans la traduction anglaise de la Bibliothèque historique de Diodore par Oldfather, il est question d’un « hart » (cerf) ; dans la traduction de la Bibliothèque d’Apollodore par Carrière et Massonie, il est question d’une biche. La version reçue du mythe en fait un animal féminin (cf. Grimal, Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, op. cit., p. 192).
21 Apollod. II, v, 3 ; Diod. IV, xiii, 1. Diodore mentionne qu’il existe différentes versions de l’histoire, mais qu’Héraclès a accompli le travail à l’aide de sa sagacité plutôt que par force, étant donné qu’il aurait eu recours à des filets, aurait surpris l’animal lorsqu’il dormait ou l’aurait traqué jusqu’à ce qu’il soit fatigué.
22 Apollod. II, v, 4 ; Diod. IV, xii, 1-2.
23 Apollod. II, v, 5 ; Diod. IV, xiii, 3. Dans la version de Diodore, Héraclès dévie le fleuve parce qu’il refuse d’accomplir une tâche aussi indigne que de nettoyer de ses propres mains les écuries. De cette façon il achève le travail sans encourir des insultes qui l’auraient rendu indigne d’accéder à l’immortalité.
24 Apollod. II, v, 6 ; Diod. IV, xiii, 2. Selon la version d’Apollodore, Héraclès reçoit de la déesse Athéna l’instrument qui lui permettra de chasser les créatures ; chez Diodore, il l’aurait lui-même fabriqué. En outre, alors que chez Diodore il les chasse simplement, Apollodore rapporte qu’il les a frappées de coups de flèches.
25 Apollod. II, v, 7 ; Diod. IV, xiii, 4.
26 Apollod. II, v, 8 ; Diod. IV, xv, 3. Le terme grec ἵππους peut être masculin ou féminin.
27 Apollod. II, v, 9 ; Diod. IV, xvi. Plus loin (IV, xxviii), Diodore précise que les Amazones survivantes montent une armée avec leurs voisins les Scythes et partent contre Athènes puisque Thésée a enlevé et subjugué Antiope (ou Hippolyte, alternative évoquée par l’historiographe grec, cf. IV, xxviii). Thésée arrivera à battre et chasser les Amazones de Grèce, mais Antiope/Hippolyte, combattant aux côtés de son mari, mourra dans la bataille.
28 Apollod. II, v, 10 ; Diod. IV, xvii, 1 (travail ordonné par Eurysthée), puis xviii, 2 (bétail récupéré en Ibérie) et xxv, 1 (retour en Grèce). Les chapitres intercalés chez Diodore détaillent les voyages d’Héraclès en Afrique (avant d’enlever les troupeaux), puis à travers l’Europe (Héraclès mène les bêtes à travers des parties de la Gaule, de l’Italie et de la Sicile avant d’arriver en Grèce. – Ici encore, le substantif grec désignant les animaux peut être féminin ou masculin.
29 Nous en donnons une sélection sous III. Exploits secondaires et indépendants infra.
30 Apollod. II, v, 11 ; Diod. IV, xxvi, 2-4, avec des précisions sous xxvii.
31 Il est difficile de reconstruire l’itinéraire exact du héros où des données de géographie réelles sont mêlées à des éléments mythologiques et/ou dont la localisation reste inconnue, comme l’île des Hespérides et le pays des Hyperboréens.
32 Diodore introduit par ailleurs des interprétations historicisantes du mythe, en en offrant plusieurs explications. Il mentionne ainsi que, selon certains, les Hespérides possédaient en réalité des moutons (car, en grec, le mot μῆλονmelon signifie à la fois « pomme » et « mouton ») gardés par un berger nommé Dracon qui tuait quiconque essayait de toucher aux troupeaux. Il explique plus loin (IV, xxviii, 5) qu’Atlas « tenait le ciel sur ses épaules » parce qu’il avait découvert la nature sphérique des astres et qu’Héraclès avait « pris la charge du ciel » à Atlas parce que ce dernier l’avait instruit en matière d’astronomie et qu’il avait ramené cette doctrine en Grèce. Il s’agit ici d’éléments d’interprétation évhémériste qui ont été transmis au Moyen Âge, traduits en latin, à travers la mythographie tardo-antique.
33 Apollod. II, v, 11 ; Diod. IV, xxv, 1 et xvi, 1.
34 Les destins de plusieurs centaures se recoupent avec celui d’Héraclès : Pholos lui-même meurt lorsqu’il se blesse d’une flèche en enterrant les centaures morts ; Chiron, chez qui les centaures se réfugient initialement dans la version d’Apollodore, est atteint par accident d’une flèche envoyée par Héraclès et encourt une blessure incurable. Il échangera plus tard son immortalité avec Prométhée lorsque celui-ci est libéré par Héraclès ; Eurytion est assommé par Héraclès lorsqu’il harcèle la fille de Dexaménos (qui s’appelle Mnésimache chez Apollodore, Hippolyte chez Diodore) ; Nessus est tué par Héraclès lorsqu’il tente de ravir Déjanire.
35 Apollod, II, v, 9 (première rencontre avec Laomédon) et vi, 4 (destruction de Troie) ; Diod. IV, xxxii (destruction de Troie, relatée parmi les exploits d’Héraclès) ; IV, xlii (première rencontre avec Laomédon, relatée dans une section dédiée aux voyages des Argonautes) et xlix (destruction de Troie, relatée une deuxième fois, dans la section dédiée aux Argonautes).
36 Neptune et Apollon avaient aidé Laomédon à construire l’enceinte de sa ville, mais le roi ne les a pas rémunérés comme il l’avait promis.
37 Diodore mentionne (IV, xlix, 7) que selon certains, notamment Homère, Héraclès aurait conquis Troie non pas avec l’aide des Argonautes, mais lors d’une campagne qu’il aurait entreprise indépendamment.
38 Apollod. II, vii, 2.
39 Diod. IV, xiv, 1-2.
40 Apollod. II, v, 11 ; Diod. IV, xvii, 4 et xxvii, 3. Chez Diodore, l’exploit est évoqué à deux endroits du livre IV : d’abord quand Héraclès traverse l’Afrique avant de passer en Ibérie pour chercher les bœufs de Géryon (travail 10), ensuite quand il y voyage à nouveau par le continent à la recherche du jardin des Hespérides (travail 12 selon Diodore).
41 Apollod. II, v, 11 ; Diod. IV, xviii, 1, 4 et xxvii, 3. Comme la victoire sur Antée, celle sur Busiris est évoquée à deux reprises, en conjonction avec les mêmes travaux, chez Diodore.
42 Apollod. II, v, 10 ; Diod. IV, xviii, 2-4.
43 Diod. IV, xxi, 1-4.
44 Virgile, Énéide. Livres VII-XII, éd. R. Durand, trad. A. Bellessort, Paris, Les Belles Lettres, 1959 [6e éd.], livre VIII, 184-305.
45 Apollod. II, vi-vii, 7 Diod. IV, xxxi-xxxviii.
46 Ovide, Héroïdes, éd. H. Bornecque, trad. M. Prévost, Paris, Les Belles Lettres, 1961 [2e éd.], épître ix, 103-118, 128. Ovide y fait référence également dans l’Ars Amatoria. Cf. Ovide, L’Art d’aimer, éd. et trad. H. Bornecque, Paris, Les Belles Lettres, 1967, II, v. 217-222.
47 Ovide, Les Fastes, éd., trad. et comm. R. Schilling. Tome I. Livres I à III. Paris, Les Belles Lettres, 1992, II, xv.Lupercalia, v. 305-358.
48 Une partie des expéditions guerrières du héros, dont celles contre Laomédon et contre Augias que nous avons évoquées sous III. Exploits secondaires et indépendants (cf. sous-entrées 2 et 3) sont situées, chez Apollodore, après cette période d’esclavage.
49 Apollod. II, vii, 5.
50 Diod. IV, xxxv, 3-4.
51 Apollod. II, vii, 6 ; Diod. IV, xxxvi, 1-2.
52 Apollod. II, vii, 6 ; Diod. IV, xxxvi, 3-5.
53 Apollod. II, vii, 7 ; Diod. IV, xxxvii, 5.
54 Apollod. II, vii, 7 (suite) ; Diod. IV, xxxviii, 1-2.
55 Apollod. II, vii, 7 (suite) ; Diod. IV, xxxviii, 3-5.
56 Apollod. II, vii, 7 (suite) ; Diod. IV, xxxviii, 3 (suicide de Déjanire), xxxix, 2-3 (mariage avec Hébé).
57 L’Historia sacra d’Évhémère est aujourd’hui perdue, mais ses contenus sont en partie connus à travers des textes postérieurs, dont la Bibliothèque de Diodore et les Divinae Institutiones de Lactance. Voir à propos de son œuvre et sa réception antique, M. Winiarczyk, Euhemeros von Messene. Leben, Werk und Nachwirkung, Munich/Leipzig, K.G. Saur, 2002, surtout le chap. « Euhemerismus in der antiken Welt ». À propos des traces de l’approche évhémériste chez Diodore, voir, par exemple, C. Muntz, Diodorus Siculus and the World of the Late Roman Republic, Oxford / New York, Oxford University Press, 2017, notamment le chapitre « Making Myth into History », p. 104-117, en part. p. 114 sqq.
58 Diod. IV, xl, 7 (« αχὺδ´ ἐπ´ ἀνδρείᾳκαὶστρατηγίᾳθαυμασθένταστρατόπεδόντεκράτιστονσυστήσασθαικαὶπᾶσανἐπελθεῖντὴνοἰκουμένηνεὐεργετοῦντατὸγένοςτῶνἀνθρώπων·ἀνθ´ ὧντυχεῖναὐτὸνσυμφωνουμένηςἀθανασίας. ΤοὺςδὲποιητὰςδιὰτὴνσυνήθητερατολογίανμυθολογῆσαιμόνοντὸνἩρακλέακαὶγυμνὸνὅπλωντελέσαιτοὺςτεθρυλημένουςἄθλους. »), trad. Hoefer, op. cit., t. 1, livre IV, chap. 53(l’édition et la traduction citées peuvent comporter de légères divergences).
59 Diod. I, xxiv, 1 (« KαὶγὰρἩρακλέατὸγένοςΑἰγύπτιονὄντα, δι´ ἀνδρείανἐπελθεῖνπολλὴντῆςοἰκουμένης, καὶτὴνἐπὶτῆςΛιβύηςθέσθαιστήλην·ὑπὲροὗπειρῶνταιτὰςἀποδείξειςπαρὰτῶνἙλλήνωνλαμβάνειν. »), trad. Hoefer, op. cit., t. 1, livre I, chap. 24.
60 Diod. I, xxiv, 4 (« Τὸνδ´ ἐξἈλκμήνηςγενόμενονὕστερονπλείοσινἔτεσινἢμυρίοις, Ἀλκαῖονἐκγενετῆςκαλούμενον, ὕστερονἩρακλέαμετονομασθῆναι, οὐχὅτιδι´ Ἥρανἔσχεκλέος[…]ἀλλ´ ὅτιτὴναὐτὴνἐζηλωκὼςπροαίρεσινἩρακλεῖτῷπαλαιῷτὴνἐκείνουδόξανἅμακαὶπροσηγορίανἐκληρονόμησε. »), trad. Hoefer, op. cit., t. I, livre I, chap. 24.
61 Diod. I, xxiv, 5 (« Συμφωνεῖνδὲτοῖςὑφ´ ἑαυτῶνλεγομένοιςκαὶτὴνπαρὰτοῖςἝλλησινἐκπολλῶνχρόνωνπαραδεδομένηνφήμην, ὅτικαθαρὰντὴνγῆντῶνθηρίωνἐποίησενἩρακλῆς·ὅπερμηδαμῶςἁρμόττειντῷγεγονότισχεδὸνκατὰτοὺςΤρωικοὺςχρόνους, ὅτετὰπλεῖσταμέρητῆςοἰκουμένηςἐξημέρωτογεωργίαιςκαὶπόλεσικαὶπλήθειτῶνκατοικούντωντὴνχώρανπανταχοῦ. Μᾶλλονοὖνπρέπειντῷγεγονότικατὰτοὺςἀρχαίουςχρόνουςτὴνἡμέρωσιντῆςχώρας, κατισχυομένωνἔτιτῶνἀνθρώπωνὑπὸτοῦπλήθουςτῶνθηρίων, καὶμάλιστακατὰτὴνΑἴγυπτονκαὶτὴνὑπερκειμένηνχώρανμέχριτοῦνῦνἔρημονοὖσανκαὶθηριώδη. ΕἰκὸςγὰρταύτηςὡςπατρίδοςπρονοηθέντατὸνἩρακλέα, καὶκαθαρὰντὴνγῆντῶνθηρίωνποιήσαντα, παραδοῦναιτοῖςγεωργοῖςτὴνχώραν, καὶδιὰτὴνεὐεργεσίαντυχεῖνἰσοθέουτιμῆς. ΦασὶδὲκαὶτὸνΠερσέαγεγονέναικατ´ Αἴγυπτον, καὶτῆςἼσιδοςτὴνγένεσινὑπὸτῶνἙλλήνωνεἰςἌργοςμεταφέρεσθαι, μυθολογούντωντὴνἸὼτὴνεἰςβοὸςτύπονμεταμορφωθεῖσαν. »), trad. Hoefer, op. cit., t. 1, livre I, chap. 24.
- CLIL theme: 3438 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Oeuvres classiques -- Moyen Age
- ISBN: 978-2-406-15464-8
- EAN: 9782406154648
- ISSN: 2261-0367
- DOI: 10.48611/isbn.978-2-406-15464-8.p.0033
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 01-24-2024
- Language: French