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Classiques Garnier

Une esquisse de la vie de l’Héraclès-Hercule antique

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Une esquisse de la vie
de lHéraclès-Hercule antique

Le chercheur qui voudrait se faire une image globale du mythe de lHéraclès grec doit faire face à un premier défi en affrontant les sources : il a lembarras du choix entre plusieurs témoignages qui ne donnent pas une histoire univoque et dont aucune ne peut prétendre à un statut de canonicité. Selon les mots du classiciste Walter Burkert, « there is not one authoritative literary text to account for this character – the way Homers Illiad accounts for Achilles – but rather a plethora of passing references1 ». Sil a existé une fois des Herakleia, cest-à-dire des épopées au sujet du héros, nen survivent que des témoignages fragmentaires et des mentions indirectes2. Deux œuvres nous sont parvenues toutefois qui, entre toutes les « passing references », comportent de véritables biographies dHéraclès, se rapprochant peut-être le plus dune version de son mythe qui fait autorité :

la Bibliothèque historique de Diodore de Sicile3, une histoire universelle et mythologique datant du ier siècle av. J.-C, allant de lorigine du monde jusquà lépoque de Jules César. Lœuvre est divisée en trois parties et a dû compter, à lorigine, quarante livres, couvrant, respectivement, lhistoire mythologique des peuples des différentes aires géographiques du monde connu (Égypte, Assyrie, Libye, Grèce) jusquà la guerre de Troie, puis la période jusquà la mort dAlexandre le Grand, et ensuite celle jusquaux campagnes militaires de César. La vie dHéraclès se trouve dans la première partie, au centre du quatrième livre, dédié aux mythes grecs.

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la Bibliothèque dApollodore4, un compendium de mythographie anonyme daté généralement du ier ou iie siècle de notre ère, qui réunit des mythes et généalogies de dieux et héros antiques, de la théogonie jusquaux retours des héros grecs après la guerre de Troie. Entre les trois livres de lœuvre qui nous sont parvenus en entier, la seconde moitié du deuxième livre est dédiée à Héraclès.

Ces deux œuvres comportent une biographie du héros, y compris sa généalogie et sa naissance, le parcours complexe de sa vie, qui voit saccumuler de nombreux exploits, conquêtes et rencontres amoureuses, jusquà sa mort5. Elles résument également les composantes du mythe herculéen qui sont considérés « canoniques » aujourdhui, telle la conception du héros par Zeus transformé en Amphitryon ou le cycle des douze travaux accomplis sur lordre dEurysthée, roi de Tirynthe.

Dans les pages qui suivent, nous proposons une esquisse du mythe herculéen qui sappuie principalement sur les témoignages de ces deux Bibliothèques, en donnant la trame commune aux deux textes et en précisant les divergences notables entre eux. Lorsque nous évoquons les noms de personnages qui diffèrent entre le grec et le latin, nous donnons, dans cette première étape, les noms grecs, avec lindication des équivalents latins entre parenthèses lors de la première mention dun nom. Soulignons que certains moments de la vie de lHéraclès grec ont connu des développements notables dans lœuvre des auteurs de lAntiquité classique latine qui ont été lus au Moyen Âge. Pour la clarté de lexposé général et afin de fournir des repères, nous donnerons, entre crochets, des précisions sur quelques épisodes issus de lépoque romaine ou élaborés durant cette dernière qui ont ensuite connu une transmission importante6. Les éléments du mythe seront divisés en quatre grandes catégories, correspondant à différentes tranches de la vie dHéraclès-Hercule7 : 1. Sa généalogie, sa naissance et sa jeunesse ; 352. Les douze travaux ; 3. Les exploits accessoires et indépendants ; 4. Les amours, les derniers faits et la mort du héros. À lintérieur de ces grandes catégories se dégage un ensemble dépisodes thématiques, ordonnés selon le plan suivant :

Généalogie,
naissance
et jeunesse

Les douze travaux

Exploits
accessoires
et indépendants
(sélection)

Amours,
derniers faits
et mort

1. généalogie
et nom

2. naissance

3. les deux serpents

4. exploits
de jeunesse, mariage à Mégara et folie

1. le lion de Némée

2. lhydre de Lerne

3. la biche
de Cérynie

4. le sanglier dÉrymanthe

5. les écuries dAugias

6. les oiseaux du lac Stymphale

7. le taureau de Crète

8. les juments
de Diomède

9. le baudrier dHippolyte

10. les bœufs
de Géryon

11. les pommes
des Hespérides/Atlas

12. Cerbère

1. les centaures

2. Troie

3. les jeux olympiques

4. Antée

5. Busiris

6. les colonnes

7. son culte
à Rome

[8. Cacus]

1. le meurtre dIphitus

2. lesclavage
chez Omphale

3. Achéloüs

4. Nessus

5. Iole

6. la chemise empoisonnée

7. mort
et déification
du héros

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Ce catalogue ne prétend aucunement à lexhaustivité. Il omet une grande quantité de faits secondaires qui sont restés sans grand impact dans les textes de notre corpus médiéval. Il est néanmoins censé donner une vision densemble de la matière, en se concentrant sur des éléments jugés intéressants que nous aborderons plus en détail dans la suite.

Généalogie, naissance et jeunesse8

1. Généalogie et nom : Héraclès (Hercule) sinscrit dans une généalogie complexe. Il est le fruit dune relation adultère entre Zeus (Jupiter), le roi des dieux, et une mortelle, Alcmène. Cette dernière, fille dÉlectryon et petite-fille de Persée, est lépouse dAmphitryon, fils dAlcée, roi de Tirynthe en Argolide, qui se rattache à son tour à la lignée de Persée. Ces coordonnées généalogiques expliquent pourquoi Héraclès reçoit à la naissance dabord le nom dAlcide (ἈλκείδηςAlkeides) selon Apollodore, ou Alcée (Ἀλκαῖος Alkaios) selon Diodore, daprès son grand-père paternel9. Ce nest que plus tard quil reçoit le nom par lequel nous le connaissons habituellement : Diodore maintient quaprès avoir accompli son premier exploit héroïque, en tuant les serpents quavait envoyés sa belle-mère Héra (Junon) à son berceau (cf. infra, 3. Les deux serpents), il reçoit de la part des habitants dArgolide le nom dHéraclès (ἩρακλῆςHerakles), parce quil aurait acquis la gloire (en grec, κλέοςkleos) avec laide dHéra. Chez Apollodore, cest avant de partir accomplir ses célèbres douze travaux que lui est révélé ce nom de la part de loracle de Delphes.

2. Conception et naissance : Zeus se présente à Alcmène sous la forme de son mari Amphitryon pendant labsence de ce dernier10 et passe une nuit, 37dont il triple la durée, avec elle. Héraclès naîtra de cette union. Alcmène accouchera en même temps dIphiclès, lui-même le fils dAmphitryon conçu immédiatement après le retour de ce dernier11. Quand la naissance dHéraclès est imminente, Zeus annonce aux dieux que le descendant de Persée qui est sur le point de naître deviendra un jour roi dArgolide. Mais Héra, jalouse de navoir pas eu part dans cette affaire, fait appel à la déesse de lenfantement Ilithyie (Lucine) pour provoquer la naissance prématurée dEurysthée12 qui deviendra lui-même roi et auquel Héraclès devra plus tard se soumettre. Zeus exige en contrepartie quHéraclès, après avoir achevé douze travaux au service dEurysthée, reçoive le don dimmortalité.

[Élaboration ultérieure : Ovide offre au livre IX des Métamorphoses un développement secondaire sur la naissance dHercule, présenté sous forme de récit rétrospectif quAlcmène raconte à Iole, concubine du héros, après la mort de ce dernier13. Alcmène est prête à accoucher, mais la naissance du fils de Jupiter sannonce difficile. Alcmène prie la déesse de lenfantement Lucine de laider, mais Junon a persuadé celle-ci dentraver laccouchement. Pendant sept jours et sept nuits, Alcmène souffre. Finalement, sa servante Galanthis aperçoit Lucine qui est assise à lentrée de la demeure dAlcmène, les jambes croisées et les mains jointes, prononçant des incantations. Réfléchissant à une manière de délivrer sa maîtresse, Galanthis annonce à Lucine que lenfant est né, et la déesse, incrédule, se lève, interrompant son enchantement si bien quAlcmène peut accoucher. Quand Lucine se rend compte quelle a été dupée, elle transforme Galanthis en belette, animal censé enfanter par la bouche, parce que Galanthis lui avait menti (par la bouche).]

3. Les deux serpents : Peu après la naissance des fils dAlcmène, Héra envoie deux serpents au berceau des nourrissons, mais Héraclès les étouffe de ses mains – première preuve de sa nature divine.

4. Premiers exploits, mariage à Mégara, folie : Héraclès accomplit une série dexploits de jeunesse14, délivrant entre autres les Thébains de leur 38servitude aux Minyens en vainquant le roi de ces derniers, Erginos. En guise de remerciement, le roi Créon de Thèbes donne au héros sa fille Mégara pour épouse. Mais Junon, manifestant sa haine pour Hercule, provoque chez lui un accès de folie pendant lequel il tue les enfants quil a eus de Mégara. Afin de se purger de son crime, le héros part en exil et se met au service du roi Eurysthée pendant douze ans pour accomplir les travaux que ce dernier lui ordonnera – après quoi il recevra limmortalité, comme lont décidé les dieux15.

Les douze travaux16

Héraclès se rend auprès dEurysthée pour accomplir ses douze célèbres travaux. Nous les reproduisons ici suivant lordre dApollodore. Diodore mentionne les mêmes exploits, mais dans un autre ordre17.

1. Le lion de Némée : Héraclès vainc le monstrueux lion de Némée, ayant la peau si dure quaucune arme ne peut la percer et qui ne peut être vaincu quà mains nues. Layant étranglé et écorché, Héraclès revêt la peau de lanimal. Apollodore note que le héros est hébergé par le berger Molorchus pendant quil accomplit ce travail18.

2. L hydre de Lerne : Il assomme lhydre de Lerne, créature à de têtes serpentines multiples (cent selon Diodore, neuf selon Apollodore). Deux têtes renaissent à la place de chacune qui est coupée, mais Héraclès les empêche de repousser en brûlant les moignons avec des torches que lui apporte son neveu Iolaos, fils dIphiclès. Ensuite, il trempe ses flèches 39dans le venin du monstre. Selon Apollodore, Eurysthée refuse de compter ce travail parce quHéraclès ne la pas accompli seul19.

3. La biche de Cérynie : Il capture et ramène à Eurysthée la biche ou le cerf (ἔλαφος)20 de Cérynie aux cornes dor, animal extrêmement rapide que, selon la version dApollodore, Hercule est censé avoir poursuivi pendant une année entière, avant de la rattraper21. Chez Diodore, lanimal nest pas associé à une localité précise.

4. Le sanglier d Érymanthe : Il ramène à Eurysthée le gigantesque sanglier dÉrymanthe vivant, en le portant sur ses épaules22.

5. Les écuries d Augias : Il nettoie en un seul jour les écuries du roi Augias dÉlis, où sétaient accumulées dénormes quantités de fumier. Pour ce faire, il dévie le cours du fleuve Alphée afin de le faire passer à travers les écuries. Selon la version dApollodore, lorsque Augias apprend quHercule agit sur les ordres dEurysthée, il lui refuse le salaire quil lui avait promis au départ, cest pourquoi Héraclès mènera plus tard une expédition guerrière contre lui. Eurysthée refuse, à son tour, de compter ce travail parce quHéraclès avait demandé un salaire à Augias23.

6. Les oiseaux du lac Stymphale : Il chasse une grande multitude doiseaux du lac Stymphale, devenus une nuisance pour les cultures environnantes, au moyen dune claquette de bronze faisant un bruit épouvantable24.

7. Le taureau de Crète : Il apporte à Eurysthée le taureau de Crète25. Selon certains, comme le précise Apollodore, il sagirait de la même créature que celle dont sétait éprise Pasiphaé, soit du taureau envoyé 40par Zeus afin denlever Europe, soit dun animal merveilleux envoyé par Neptune à Minos et que ce dernier aurait dû sacrifier. Après lavoir présenté à Eurysthée, Héraclès le relâche, et lanimal sinstalle à Marathon, dévastant les terres environnantes.

8. Les juments de Diomède : Il voyage vers le Nord pour chercher les chevaux ou juments (ἵππους) du roi Diomède de Thrace que ce dernier nourrit de chair humaine26. Héraclès tue leur maître et ramène les animaux à Eurysthée. Diodore précise quen leur donnant à manger la chair de celui qui leur avait appris cette habitude, Héraclès parvient à apprivoiser les chevaux.

9. La ceinture d Hippolyte : Il reçoit lordre de ramener la ceinture de la reine des Amazones, Hippolyte, et voyage vers le pays des femmes guerrières sur le fleuve Thermodon, situé dans la région pontique à lEst27. Selon la version dApollodore, Héraclès est dabord bien accueilli et la reine promet de lui remettre lobjet requis, avant que Junon ne sintroduise sous lapparence dune Amazone dans la foule et ne commence à répandre la rumeur que les Grecs veulent enlever Hippolyte. Après quoi les Amazones attaquent les Grecs, Héraclès tue Hippolyte dans la mêlée et lui enlève sa ceinture. Dans la version de Diodore, les guerrières refusent dès le début lobjet aux Grecs. Dans le combat qui suit, Héraclès parvient à abattre la plupart des Amazones, mais épargne Antiope, qui devient ensuite lépouse de Thésée, et libère Mélanippe, la commandante des guerrières. Il accepte la ceinture de Mélanippe en rançon.

10. Les bœufs de Géryon : Il part en voyage vers lOuest pour ramener les vaches ou bœufs (βοῦς) de Géryon en Ibérie28. Ce voyage mènera Héraclès à travers lEurope et jusquen Afrique. Les versions du récit diffèrent entre Apollodore et Diodore, le second présentant une version considérablement « historicisée » du mythe. Chez Apollodore, Géryon est un homme à trois torses qui habite lîle dÉrytheia à lextrême sud 41de lIbérie (qui correspondrait à Cadiz). Il possède des vaches de couleur rougeâtre quil garde à laide dun berger appelé Eurytion et dun chien à deux têtes du nom dOrthrus. Afin daccéder à lîle, Héraclès traverse la mer à partir de lAfrique dans une coupe dor qui lui est envoyée par le dieu du soleil. Héraclès vainc Géryon, son chien et le berger, et emporte les vaches avec lui. Chez Diodore, il est question de trois fils du roi dIbérie, chacun avec sa propre armée (correspondant aux trois torses du Géryon mythique), qui sont vaincus par Héraclès au sud de la péninsule ibérique.

Après avoir vaincu Géryon, le héros mène ses troupeaux à travers la Gaule et lItalie, avant de rentrer en Grèce et de les donner à Eurysthée. Lors de ces voyages, qui sont détaillés notamment dans la version de Diodore, le héros accomplit un grand nombre daventures secondaires29.

11. Les pommes des Hespérides/Atlas : Eurysthée envoie le héros à la recherche des pommes dor du jardin des Hespérides, les filles dAtlas, situé par Apollodore dans le pays des Hyperboréens30. Afin dy arriver, le héros voyage à nouveau en Afrique, puis à travers lAsie31. Selon Apollodore, cest Atlas qui cueille trois pommes pour Héraclès, alors que celui-ci le remplace pour soutenir le ciel. Selon le mythographe, dautres auteurs disent cependant quHéraclès a lui-même cueilli les pommes, en tuant le dragon qui les gardait32.

12. Cerbère : Il reçoit finalement lordre daller chercher Cerbère aux enfers33. Selon Apollodore, il sagit dune créature à trois têtes de chien, une queue de serpent et le dos couvert de têtes de créatures serpentines ; chez Diodore, il est question dun chien sans précision supplémentaire. Héraclès arrive à sortir la créature des ténèbres, et la montre à Eurysthée avant de la rendre à Hadès (Pluton).

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Lors de sa descente aux enfers, Héraclès libère Thésée, qui avait été emprisonné avec son ami Pirithoüs quand ils y étaient descendus pour enlever Perséphone (Proserpine), femme du dieu des enfers.

Ayant achevé ses travaux, Héraclès attend de recevoir le don dimmortalité.

Exploits secondaires et indépendants

Héraclès accomplit une longue série dexploits pendant quil achève et après avoir achevé ses douze travaux. Nous ne retiendrons ici quune sélection de ces faits accessoires et indépendants par rapport au cycle des douze travaux, écartant bon nombre de faits qui nont guère laissé de traces dans les textes du Moyen Âge.

1. Les centaures : LorsquHéraclès cherche le sanglier dÉrymanthe (cf. travail 4), il est accueilli par le centaure Pholos. À la demande dHéraclès, Pholos ouvre un pot de vin appartenant à la communauté des centaures (ou ayant appartenu à Dionysos, selon Diodore). Lodeur de la boisson attire tous les centaures habitant les environs, prêts à piller la demeure de Pholos. Héraclès en tue plusieurs, chassant les autres qui se dispersent dans tous les sens34.

2. Troie : Les détails sur cet épisode, divisé en deux parties, divergent légèrement entre Apollodore et Diodore35. Selon Apollodore, cest lorsquil revient de son expédition au pays des Amazones (cf. travail 9) quHéraclès sarrête à Troie. Selon Diodore, il passe par cette ville lorsquil accompagne Jason et les Argonautes en quête de la toison dor, après avoir ramené les juments de Diomède de Thrace 43(cf. travail 8). La ville de Troie est alors terrorisée par un monstre de mer, envoyé par Neptune courroucé contre le roi troyen Laomédon36, et ce dernier est sur le point de sacrifier sa fille Hésione afin dapaiser les dieux. Héraclès sauve la jeune femme et tue la créature marine, mais Laomédon lui refuse la récompense quil lui avait promise, sur quoi Héraclès menace de revenir et détruire Troie. Le héros mène (en compagnie des Argonautes)37 une expédition guerrière des Grecs contre Troie après avoir achevé ses travaux. Pendant cette campagne, Héraclès tue le roi Laomédon, la ville est pillée et détruite, et Hésione est donnée en épouse à Télamon qui était entré dans la ville en premier.

3. Les jeux olympiques : Héraclès institue les jeux olympiques. Lemplacement de ce fait varie selon les deux auteurs. Chez Apollodore, cest à la suite dune expédition guerrière quHéraclès mène contre le roi Augias (du fait que ce dernier a refusé de le rémunérer pour le nettoyage de ses écuries) quil institue les jeux à Élis38. Chez Diodore, cest après avoir ramené le taureau de Crète (cf. travail 7) quil consacre les jeux à son père Zeus, en nommant lendroit choisi Olympie39.

4. Antée : Lorsquil passe par lAfrique, Héraclès triomphe du géant Antée, qui défie les étrangers qui passent par son pays à lutter contre lui, et les tue quand ils perdent. Selon Apollodore, Antée reprend ses forces lorsquil touche le sol, cest pourquoi certains disent quil est fils de la Terre, mais Héraclès parvient à le vaincre en le soulevant dans les airs et en létouffant entre ses bras40.

5. Busiris : Également en Afrique, Héraclès tue le tyran Busiris, roi dÉgypte, qui égorge les étrangers (en les sacrifiant à Zeus, selon Apollodore) se rendant sur ses terres41.

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6. Les colonnes d Hercule : Lorsquil traverse le détroit de Gibraltar à la recherche des troupeaux de Géryon (cf. 10e travail), il érige des colonnes aux extrémités de lAfrique et de lEurope afin de marquer son passage42.

7. Son culte à Rome : Diodore relate quen passant par lItalie avec les bœufs de Géryon, Héraclès sarrête aux bords du Tibre près de lendroit où sera plus tard fondée Rome, où il est accueilli par des hommes nobles, dont Cacius et Pinarius. Il leur promet quune fois déifié, il rendra plus prospère la vie de quiconque dentre eux lui dédiera une partie de ses biens43.

[ 8. Cacus : En lien avec le culte dHéraclès à Rome se développera lépisode de la victoire dHercule contre Cacus, relaté premièrement chez Virgile dans le cadre dun récit rétrospectif dÉvandre, roi mythique du Latium : Cacus était un être monstrueux qui vomissait du feu et qui terrorisait les habitants des terres environnantes. Il a volé à Hercule une partie des bœufs que ce dernier avait ramenés dEspagne, en les entraînant dans sa caverne, mais le héros les a retrouvés grâce à leurs mugissements. Hercule a étranglé le voleur et a ensuite été célébré par les habitants qui ont institué un culte local en son honneur44.]

Amours, derniers faits et mort45

Après avoir accompli ses travaux, Héraclès rentre à Thèbes, où il donne sa femme Mégara à Iolaos (de peur de subir un nouveau coup de folie, selon Diodore).

1. Le meurtre d Iphitus : Voulant toutefois se remarier, Héraclès se rend auprès dEurytus, roi dŒchalie, pour lui demander la main de sa fille, Iole. Chez Apollodore, Eurytus organise un concours de tir à larc quHéraclès gagne, mais Eurytus lui refuse sa fille quand il est renseigné sur le sort malheureux des enfants du héros avec Mégara. Lorsque peu de temps après des bêtes du roi disparaissent, on accuse Héraclès du vol. Seul lun des fils du roi, Iphitus (qui avait déjà plaidé pour céder Iole à Héraclès) cherche à prouver son innocence et se rend à Tirynthe. 45Il subit cependant un sort malheureux lorsquHéraclès, dans un nouvel accès de folie, le précipite du haut dune tour.

Chez Diodore, Eurytus annonce à Héraclès quil doit dabord réfléchir à la question de son mariage avec Iole, après quoi Héraclès, indigné, emporte les juments du roi. Quand Iphitus se rend à Tiryinthe pour les récupérer, Héraclès le mène sur le haut dune tour, en lui demandant sil voit les bêtes paître. Iphitus ne les voyant pas, Héraclès lui reproche de lavoir faussement accusé et le précipite du haut de la tour.

2. L esclavage chez Omphale : En conséquence du meurtre dIphitus, Héraclès souffre dune grave maladie. Afin dêtre guéri, il consulte loracle, qui lui conseille de se vendre en esclavage pendant trois ans et de donner le prix de sa vente à Eurytus (ou aux fils dIphitus, dans la version de Diodore). Héraclès est acheté par la reine de Lydie, Omphale, auprès de laquelle il reste jusquau terme convenu afin dêtre guéri.

[À ce moment de la trame sajoutera lépisode du travestissement du héros, et celui dHercule « filandier », qui prendra forme sous la plume dauteurs latins, dont Ovide. Sétant soumis à Omphale, Hercule prend la quenouille et le fuseau et file aux pieds de sa maîtresse. Des références à lépisode parsèment lépître ix des Héroïdes46.Dans les Fastes, finalement, lépisode est développé dans le cadre dun chapitre dédié aux Lupercales, fêtes consacrées à Faunus. Ce dernier aperçoit Hercule et la reine de Lydie qui se promènent dans la forêt, et senflamme aussitôt pour la dame. Sétant arrêtés pour dîner, le héros et sa maîtresse échangent leurs vêtements pour se divertir. Une fois couchés, Faunus sapproche deux, mais il prend Hercule travesti pour son amante et, lorsquil se glisse furtivement sous les draps du lit dans lespoir de violer Omphale, Hercule séveille et le frappe violemment, le faisant tomber du lit. Faunus senfuit – et exige, à cause de cet incident, que lon célèbre les fêtes en son honneur sans porter de vêtements47.]

3. Achéloüs : À la suite dautres exploits et expéditions guerrières48, Héraclès cherche à épouser Déjanire, fille du roi Œnée de Calydon. Afin dobtenir sa main, il doit lutter contre le fleuve Achéloüs, qui est 46capable de changer de nature et se présente à lui sous forme de taureau. Héraclès lui brise une corne, léchangeant contre la corne dabondance49. Diodore précise quil a en réalité détourné le cours du fleuve afin de rendre les terres fertiles50.

Héraclès reste ensuite auprès des Calydoniens pendant un certain temps, soumettant avec leur aide la ville dÉphyre. Mais lorsquils fêtent cette conquête, il frappe un jeune homme du lignage de son beau-père, le tuant accidentellement. Il décide ensuite de partir en exil51.

4. Déjanire et Nessus : Après avoir quitté le pays de Calydon, Héraclès arrive avec Déjanire auprès du fleuve Evénos, où le centaure Nessus fait passer les voyageurs contre paiement. Héraclès lui demande de faire passer Déjanire alors que lui-même traverse leau en nageant. Lors du passage, le centaure tente de violer Déjanire, sur quoi Héraclès le frappe dune flèche envenimée du poison de lhydre. Nessus est blessé à mort, mais avant dexpirer, il pense à une ruse afin de se venger, disant à Déjanire que si elle recueille son sang, en le mêlant à sa semence qui sest répandue par terre, elle aura un philtre pour garder lamour dHéraclès. Elle le croit et suit ses conseils52.

5. Iole : Plus tard, Héraclès marche contre Œchalie afin de se venger dEurytus (on se rappelle que ce dernier lui avait refusé sa fille en mariage). Il tue le roi et emmène Iole prisonnière53.

6. La tunique empoisonnée : Sur le chemin du retour, Héraclès veut faire un sacrifice à Zeus, et il envoie son suivant Lichas chercher un vêtement approprié. Déjanire apprend de ce dernier quHéraclès emmène une autre femme. Espérant pouvoir reconquérir lamour de son mari, Déjanire prend une tunique et la trempe dans le prétendu « philtre damour » que lui a donné Nessus, avant de donner le vêtement à Lichas qui lapporte ensuite à Héraclès. Quand ce dernier le revêt, le venin de lhydre commence à attaquer son corps. Selon la version dApollodore, Héraclès essaie ensuite denlever la tunique, mais le vêtement colle tellement à son corps quil ny parvient pas sans arracher sa propre chair. Saisi de tourments et de rage, il tue Lichas (en le lançant dans la mer daprès Apollodore)54.

7. Mort et apothéose : En proie à dinsupportables souffrances, Héraclès se fait transporter sur le mont Œta, où il érige un bûcher, prêt à simmoler. 47Personne ne consent à lallumer à part Pœas (chez Apollodore) ou son fils Philoctète (chez Diodore). Héraclès confie son arc et ses flèches à ce dernier, en guise de remerciement pour son service. Le bûcher est alors frappé par la foudre. Dans la version dApollodore, Héraclès est emporté aux cieux dans une nuée ; chez Diodore, lentourage du héros ne trouve aucune trace des ossements de ce dernier, supposant par conséquent quil a été élevé auprès des dieux55.

Déjanire se suicide quand elle apprend le sort de son mari. Dans la version dApollodore, Iole deviendra lépouse dun des fils dHéraclès, Hyllus. Le héros, ayant obtenu limmortalité, se réconcilie avec Héra et épouse la fille de cette dernière, Hébé, déesse de la jeunesse56.

LHéraclès antique
entre variation et interprétation

Lesquisse que nous venons de faire permet de constater que déjà dans les œuvres de lAntiquité gréco-latine, le mythe dHéraclès connaît une variation non négligeable. Lorsquon entre dans le détail des récits, les divergences au niveau des contenus du mythe savèrent si importantes quil est difficile den proposer un résumé commun. Faut-il, par exemple, parler de douze travaux, si lon considère que chez Apollodore, deux dentre eux ne sont pas pris en compte comme tels ? Héraclès a-t-il emporté le baudrier dHippolyte ou dAntiope, ou plutôt celui dune autre Amazone encore – étant donné que plusieurs solutions sont proposées ? De nombreuses incertitudes surgissent dans lordre, la constellation et le contexte des exploits que le héros aurait accomplis. À quel moment le héros a-t-il vaincu Antée – fait qui est mentionné à deux reprises par Diodore ? Dans quel cadre le héros a-t-il mené sa campagne contre Troie ? Et celle contre les Amazones ? Ces éléments, parmi dautres, apparaissent à différents endroits des deux récits. Les différences entre les deux versions ont des répercussions aussi sur la représentation dHéraclès lui-même. En effet, le personnage qui précipite Iphitus du haut dune tour dans un accès de rage après avoir commis un crime quil ne veut 48pas admettre est bien un autre que le héros mythologique qui est censé être contraint de commettre le même acte sous lemprise dHéra.

À part les variations de contenu, il se profile déjà dans lœuvre de ces auteurs grecs une distinction entre le mythe dHéraclès et ses interprétations. Nous avons relevé plusieurs cas de figure où Diodore semble donner une lecture « historicisante » ou « rationalisante » dun mythe. Géryon au triple corps est vu comme les trois fils du roi dIbérie, Atlas qui prête la voûte du ciel à Héraclès devient un astronome qui instruit le héros dans la science des corps célestes, et les pommes dor des Hespérides gardées par un dragon sont « en réalité » des moutons sur lesquels veille un berger vigilant. Le fait na rien de surprenant puisque la Bibliothèque historique est lune des sources principales par lesquelles nous sont connues la pensée dÉvhémère de Messine et son approche rationaliste des mythes, les dieux étant chez lui considérés comme des hommes divinisés après leur mort pour leurs hauts faits57. En effet, cest bien une telle image que Diodore confère à Héraclès à divers endroits de son œuvre, parfois en faisant ressortir lopposition entre son « histoire » et son « mythe ». On en trouve une illustration dans le commentaire que Diodore ajoute après avoir relaté les aventures des Argonautes, en compagnie desquels Héraclès a mené sa conquête contre Troie58 :

Admiré pour son courage et son expérience militaire, il leva promptement une puissante armée, et parcourut toute la terre pour faire du bien aux hommes, qui, par reconnaissance, lui décernèrent dun commun accord limmortalité. Les poètes, habitués à raconter des merveilles, prétendent quHercule avait exécuté seul et sans armes ses travaux tant célèbres.

Selon Diodore donc, Héraclès était un homme illustre, un héros civilisateur et bienfaiteur de lhumanité qui a été immortalisé après sa mort. On comprend aussi pourquoi le chroniqueur prend soin dattribuer 49certaines affirmations à propos de lidentité du héros aux dires de ses contemporains plutôt que de les considérer comme des faits réels. Ainsi, ce sont les Argiens qui le nomment Héraclès daprès la gloire quil aurait acquise grâce à la déesse Héra, et ce sont les suivants du héros qui, après la disparition (littérale) de ce dernier, concluent quil a accédé au monde des dieux.

Lopposition entre mythe et histoire nest pas le seul facteur qui soulève des questions à propos de la vie du héros. Des incertitudes apparaissent également sur le plan macrostructurel de son histoire, en termes de chronologie. En effet, la première mention dHéraclès chez Diodore se trouve au livre I, où il est question de lhistoire des Égyptiens : « Hercule qui, confiant en sa force, avait parcouru une grande partie de la terre et élevé une colonne aux frontières de la Libye, était aussi dorigine égyptienne59. » La remarque peut surprendre, car elle crée comme un alter ego du héros grec qui, selon le livre IV de la même chronique, est censé avoir accompli le même exploit lors de ses voyages vers lEspagne pour chercher les bœufs de Géryon. Diodore était bien conscient de ce fait, car ses remarques à propos de lHéraclès égyptien lui servent à remettre en question lidentité du héros grec éponyme60 :

Cest plus de dix mille ans après quAlcmène eut un fils, dabord appelé Alcée, et qui prit ensuite le nom dHéraclès, non pas [] à cause de la gloire [kleos] quil obtint par Junon [Hera] mais parce que, digne émule de lancien Hercule, il eut en partage la même renommée et le même nom.

Il y aurait donc eu plus dun Héraclès, et le célèbre héros grec aurait été nommé ainsi simplement parce quil aurait hérité la renommée de lautre, qui aurait vécu à lépoque préhistorique (bien dix mille ans plus tôt, comme le souligne lauteur). Diodore va encore plus loin dans sa remise en question de lidentité du personnage, en soutenant que les travaux quaurait accomplis le fils dAlcmène conviennent en effet mieux au plus ancien Héraclès61 :

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Les Égyptiens citent encore à lappui de leur opinion une tradition depuis longtemps répandue chez les Grecs, suivant laquelle Hercule purifia la terre des monstres qui la ravageaient. Or, ceci ne peut se rapporter à une époque aussi rapprochée de la guerre de Troie, puisque la plupart des pays étaient déjà civilisés et se distinguaient par lagriculture, le nombre des villes et de leurs habitants. Ces travaux dHercule, qui amenaient la civilisation, doivent donc être placés dans des temps bien plus reculés, où les hommes étaient encore infestés par un grand nombre danimaux sauvages, particulièrement en Égypte, dont la haute région est encore aujourdhui inculte et peuplée de bêtes féroces. Cest ainsi que, dévoué à sa patrie, Hercule nettoya la terre de ces animaux, livra le sol aux cultivateurs et obtint les honneurs divins.

En somme, le fait davoir libéré le paysage de bêtes sauvages (on notera quil nest plus question de créatures mythologiques) conviendrait plus à un héros qui aurait vécu au temps où les terres nétaient pas encore cultivées et dans une partie du monde réputée pour ses terrains incultes, et donc bien avant lépoque de la guerre de Troie, celle où aurait vécu le héros grec. Les dernières considérations soulèvent de nouvelles questions concernant la contextualisation du personnage ou des personnages concernés. Quand le héros aurait-il vécu ? Combien dHéraclès y aurait-il eu au cours de lhistoire ?

Sur la base de ces observations, on peut conclure que déjà les témoignages antiques les plus complets à propos de notre héros sont loin de donner une version canonique de son mythe au sens propre. Au-delà des divergences de contenu entre les deux textes et la présence dinterprétations historicisantes qui apparaissent dans lœuvre de Diodore, on retrouve dans ce dernier texte une remise en question explicite de lidentité même du personnage.

1 W. Burkert, « Oriental and Greek Mythology : The Meeting of Parallels », Interpretations of Greek Mythology, éd. J. Bremmer, Totowa (NJ), Barnes and Noble Books, 1986, p. 14, cité par S. Bär, Herakles im Griechischen Epos. Studien zur Narrativität und Poezität eines Helden, Stuttgart, Franz Steiner Verlag, 2018, p. 11.

2 Voir, à ce propos, E. Stafford, Herakles, op. cit., p. 3.

3 Nous nous appuierons sur lédition suivante du texte grec : Diodorus of Sicily, Library of History, éd. et trad. en anglais par C. H. Oldfather, C. L. Sherman, C. Bradford Welles, R. Mortimer Geer et F. R. Walton, 12 vol., Cambridge (MA), Harvard University Press / Londres, W. Heinemann, 1933–1967 (= Diod.). Les parties principales sur Hercule se trouvent au vol. 2 (1933).

4 Nous renvoyons principalement à la traduction française de lœuvre La Bibliothèque dApollodore, trad. J.-C. Carrière et B. Massonie, Paris, Les Belles Lettres, 1991 (= Apollod.).

5 Dans lœuvre de Diodore, les chapitres sur Héraclès sont suivis dun développement sur les Argonautes, aux voyages desquels Héraclès aurait participé, alors que dans lœuvre dApollodore, le texte se poursuit sur le destin des descendants du héros, les Héracléides.

6 Lépisode de Cacus est noté entièrement entre crochets du fait quil est absent des sources grecques, napparaissant que dans les textes de la latinité classique, mais devenant avec celle-ci une composante significative de la vie du héros.

7 Pour la segmentation macrostructurelle de la vie du héros, nous nous sommes inspirée de différents schémas proposés par la critique moderne. Notre plan correspond essentiellement à celui utilisé par Emma Stafford dans sa monographie Herakles, op. cit., p. 4-8, tenant compte de « Birth and early years », « The twelve labours », « Minor exploits » et « Events leading up to Herakles death and apotheosis ». Dautres traitements regroupent les exploits du héros à proprement parler en trois groupes : douze travaux (athloi), exploits accessoires accomplis en parallèle aux douze exploits (parerga), et expéditions guerrières indépendantes (praxeis). Pour une telle segmentation, voir par exemple L. Preller et C. Robert, Griechische Mythologie, op. cit., p. 428, ou P. Grimal, Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, op. cit., p. 187. Nous avons décidé de regrouper les exploits accessoires et les expéditions guerrières en une seule catégorie, étant donné que la plupart des éléments appartenant à la dernière catégorie – à part la conquête de Troie – sont très peu présents dans les textes de notre corpus.

8 Apollod. II, iv, 5 (destin dHéraclès présagé par Zeus) ; 8 (naissance du héros) ; 9-11 (faits de jeunesse) ; 12 (folie) ; Diod. IV, ix, 4-x, 1 (naissance) ; x, 2-7 (jeunesse) ; xi, 1-2 (folie).

9 Apollod. II, iv, 12 ; Diod. IV, x, 1. Les origines du héros expliquent également pourquoi on le désigne souvent aussi, et cela encore chez les classiques latins, comme Amphitryonades (« fils dAmphitryon ») ou encore Tirynthius (« le Tirynthien »). On rencontre dans les segments du livre IX des Métamorphoses dOvide qui parlent dHercule, ou encore les parties du livre VIII de lEnéide à son propos, les trois appellations Alcides (p. ex. Mét. IX, 217 ; Én. VIII, 203), Amphitriyonaden (Mét. IX, 140) ou Amphytrioniades (Én. VIII, 214), et Tiryinthius (Mét. IX, 268 ; Én. VIII, 228).

10 Contexte darrière-plan donné par Apollodore, absent chez Diodore de Sicile : Amphitryon est absent de Thèbes pour combattre les Téléboens afin dhonorer une promesse de vengeance quil avait faite au père dAlcmène, le roi Électryon de Mycènes, lorsque ce dernier lui a confié sa fille et son royaume. Peu après, Amphitryon est banni de ses propres terres quand il tue par accident Électryon. Il se réfugie ensuite à Thèbes auprès du roi Créon qui lui promet son aide contre les Téléboens.

11 Diodore évoquera plus tard Iphiclès comme frère dHéraclès, mais ne relate pas leur naissance jumelle.

12 Eurysthée est le fils de Sthénélos qui est lui-même un petit-fils de Persée.

13 Cf. Mét. IX, 281-323.

14 Apollodore relate plusieurs faits absents chez Diodore. Il précise quHéraclès tue par accident son maître de musique Linus dun coup de lyre. Conscient de sa grande force, Amphitryon envoie Héraclès ensuite aux champs pour garder les troupeaux. Ici, Héraclès vaincra le lion du mont Cithéron qui a lhabitude de se nourrir du bétail dAmphitryon et de Thespios, roi de Thespies. Lorsquil part à la chasse au lion, il est logé chez Thespios pendant cinquante jours, pendant lesquels il couche avec chacune des filles de ce dernier, qui donneront naissance à cinquante fils (les Thespiades), quHéraclès enverra plus tard peupler la Sardaigne.

15 Dans la version de Diodore, Eurysthée enjoint à Héraclès, déjà avant lépisode de sa folie, de venir le servir parce quil craint sa montée en puissance, mais Héraclès lignore. Ensuite loracle de Delphes, et puis son père Zeus, lui conseillent de sy soumettre car les dieux lauraient décidé ainsi, mais le héros est contrarié, ne voulant ni se soumettre à un roi ni désobéir à son père. Ce nest quaprès lépisode de sa folie quil se rend auprès dEurysthée.

16 Apollod. II, v, 1-12 ; Diod. IV, xi, 3-xxvii. Autant chez Apollodore que chez Diodore, le récit des « douze travaux » est entrecoupé délaborations sur les exploits secondaires du héros.

17 Chez Diodore, lordre des travaux (3) et (4), (5) et (6) ainsi que (11) et (12) est interverti.

18 Apollod. II, v, 1 ; Diod. IV, i, 3-4.

19 Apollod. II, v, 2 ; Diod. IV, i, 5. Apollodore parle, par ailleurs, dun crabe gigantesque qui vient à laide de lhydre et que le héros tue également.

20 Le terme grec utilisé pour désigner les animaux peut être masculin ou féminin. Dans la traduction anglaise de la Bibliothèque historique de Diodore par Oldfather, il est question dun « hart » (cerf) ; dans la traduction de la Bibliothèque dApollodore par Carrière et Massonie, il est question dune biche. La version reçue du mythe en fait un animal féminin (cf. Grimal, Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, op. cit., p. 192).

21 Apollod. II, v, 3 ; Diod. IV, xiii, 1. Diodore mentionne quil existe différentes versions de lhistoire, mais quHéraclès a accompli le travail à laide de sa sagacité plutôt que par force, étant donné quil aurait eu recours à des filets, aurait surpris lanimal lorsquil dormait ou laurait traqué jusquà ce quil soit fatigué.

22 Apollod. II, v, 4 ; Diod. IV, xii, 1-2.

23 Apollod. II, v, 5 ; Diod. IV, xiii, 3. Dans la version de Diodore, Héraclès dévie le fleuve parce quil refuse daccomplir une tâche aussi indigne que de nettoyer de ses propres mains les écuries. De cette façon il achève le travail sans encourir des insultes qui lauraient rendu indigne daccéder à limmortalité.

24 Apollod. II, v, 6 ; Diod. IV, xiii, 2. Selon la version dApollodore, Héraclès reçoit de la déesse Athéna linstrument qui lui permettra de chasser les créatures ; chez Diodore, il laurait lui-même fabriqué. En outre, alors que chez Diodore il les chasse simplement, Apollodore rapporte quil les a frappées de coups de flèches.

25 Apollod. II, v, 7 ; Diod. IV, xiii, 4.

26 Apollod. II, v, 8 ; Diod. IV, xv, 3. Le terme grec ἵππους peut être masculin ou féminin.

27 Apollod. II, v, 9 ; Diod. IV, xvi. Plus loin (IV, xxviii), Diodore précise que les Amazones survivantes montent une armée avec leurs voisins les Scythes et partent contre Athènes puisque Thésée a enlevé et subjugué Antiope (ou Hippolyte, alternative évoquée par lhistoriographe grec, cf. IV, xxviii). Thésée arrivera à battre et chasser les Amazones de Grèce, mais Antiope/Hippolyte, combattant aux côtés de son mari, mourra dans la bataille.

28 Apollod. II, v, 10 ; Diod. IV, xvii, 1 (travail ordonné par Eurysthée), puis xviii, 2 (bétail récupéré en Ibérie) et xxv, 1 (retour en Grèce). Les chapitres intercalés chez Diodore détaillent les voyages dHéraclès en Afrique (avant denlever les troupeaux), puis à travers lEurope (Héraclès mène les bêtes à travers des parties de la Gaule, de lItalie et de la Sicile avant darriver en Grèce. – Ici encore, le substantif grec désignant les animaux peut être féminin ou masculin.

29 Nous en donnons une sélection sous III. Exploits secondaires et indépendants infra.

30 Apollod. II, v, 11 ; Diod. IV, xxvi, 2-4, avec des précisions sous xxvii.

31 Il est difficile de reconstruire litinéraire exact du héros où des données de géographie réelles sont mêlées à des éléments mythologiques et/ou dont la localisation reste inconnue, comme lîle des Hespérides et le pays des Hyperboréens.

32 Diodore introduit par ailleurs des interprétations historicisantes du mythe, en en offrant plusieurs explications. Il mentionne ainsi que, selon certains, les Hespérides possédaient en réalité des moutons (car, en grec, le mot μῆλονmelon signifie à la fois « pomme » et « mouton ») gardés par un berger nommé Dracon qui tuait quiconque essayait de toucher aux troupeaux. Il explique plus loin (IV, xxviii, 5) quAtlas « tenait le ciel sur ses épaules » parce quil avait découvert la nature sphérique des astres et quHéraclès avait « pris la charge du ciel » à Atlas parce que ce dernier lavait instruit en matière dastronomie et quil avait ramené cette doctrine en Grèce. Il sagit ici déléments dinterprétation évhémériste qui ont été transmis au Moyen Âge, traduits en latin, à travers la mythographie tardo-antique.

33 Apollod. II, v, 11 ; Diod. IV, xxv, 1 et xvi, 1.

34 Les destins de plusieurs centaures se recoupent avec celui dHéraclès : Pholos lui-même meurt lorsquil se blesse dune flèche en enterrant les centaures morts ; Chiron, chez qui les centaures se réfugient initialement dans la version dApollodore, est atteint par accident dune flèche envoyée par Héraclès et encourt une blessure incurable. Il échangera plus tard son immortalité avec Prométhée lorsque celui-ci est libéré par Héraclès ; Eurytion est assommé par Héraclès lorsquil harcèle la fille de Dexaménos (qui sappelle Mnésimache chez Apollodore, Hippolyte chez Diodore) ; Nessus est tué par Héraclès lorsquil tente de ravir Déjanire.

35 Apollod, II, v, 9 (première rencontre avec Laomédon) et vi, 4 (destruction de Troie) ; Diod. IV, xxxii (destruction de Troie, relatée parmi les exploits dHéraclès) ; IV, xlii (première rencontre avec Laomédon, relatée dans une section dédiée aux voyages des Argonautes) et xlix (destruction de Troie, relatée une deuxième fois, dans la section dédiée aux Argonautes).

36 Neptune et Apollon avaient aidé Laomédon à construire lenceinte de sa ville, mais le roi ne les a pas rémunérés comme il lavait promis.

37 Diodore mentionne (IV, xlix, 7) que selon certains, notamment Homère, Héraclès aurait conquis Troie non pas avec laide des Argonautes, mais lors dune campagne quil aurait entreprise indépendamment.

38 Apollod. II, vii, 2.

39 Diod. IV, xiv, 1-2.

40 Apollod. II, v, 11 ; Diod. IV, xvii, 4 et xxvii, 3. Chez Diodore, lexploit est évoqué à deux endroits du livre IV : dabord quand Héraclès traverse lAfrique avant de passer en Ibérie pour chercher les bœufs de Géryon (travail 10), ensuite quand il y voyage à nouveau par le continent à la recherche du jardin des Hespérides (travail 12 selon Diodore).

41 Apollod. II, v, 11 ; Diod. IV, xviii, 1, 4 et xxvii, 3. Comme la victoire sur Antée, celle sur Busiris est évoquée à deux reprises, en conjonction avec les mêmes travaux, chez Diodore.

42 Apollod. II, v, 10 ; Diod. IV, xviii, 2-4.

43 Diod. IV, xxi, 1-4.

44 Virgile, Énéide. Livres VII-XII, éd. R. Durand, trad. A. Bellessort, Paris, Les Belles Lettres, 1959 [6e éd.], livre VIII, 184-305.

45 Apollod. II, vi-vii, 7 Diod. IV, xxxi-xxxviii.

46 Ovide, Héroïdes, éd. H. Bornecque, trad. M. Prévost, Paris, Les Belles Lettres, 1961 [2e éd.], épître ix, 103-118, 128. Ovide y fait référence également dans lArs Amatoria. Cf. Ovide, LArt daimer, éd. et trad. H. Bornecque, Paris, Les Belles Lettres, 1967, II, v. 217-222.

47 Ovide, Les Fastes, éd., trad. et comm. R. Schilling. Tome I. Livres I à III. Paris, Les Belles Lettres, 1992, II, xv.Lupercalia, v. 305-358.

48 Une partie des expéditions guerrières du héros, dont celles contre Laomédon et contre Augias que nous avons évoquées sous III. Exploits secondaires et indépendants (cf. sous-entrées 2 et 3) sont situées, chez Apollodore, après cette période desclavage.

49 Apollod. II, vii, 5.

50 Diod. IV, xxxv, 3-4.

51 Apollod. II, vii, 6 ; Diod. IV, xxxvi, 1-2.

52 Apollod. II, vii, 6 ; Diod. IV, xxxvi, 3-5.

53 Apollod. II, vii, 7 ; Diod. IV, xxxvii, 5.

54 Apollod. II, vii, 7 (suite) ; Diod. IV, xxxviii, 1-2.

55 Apollod. II, vii, 7 (suite) ; Diod. IV, xxxviii, 3-5.

56 Apollod. II, vii, 7 (suite) ; Diod. IV, xxxviii, 3 (suicide de Déjanire), xxxix, 2-3 (mariage avec Hébé).

57 LHistoria sacra dÉvhémère est aujourdhui perdue, mais ses contenus sont en partie connus à travers des textes postérieurs, dont la Bibliothèque de Diodore et les Divinae Institutiones de Lactance. Voir à propos de son œuvre et sa réception antique, M. Winiarczyk, Euhemeros von Messene. Leben, Werk und Nachwirkung, Munich/Leipzig, K.G. Saur, 2002, surtout le chap. « Euhemerismus in der antiken Welt ». À propos des traces de lapproche évhémériste chez Diodore, voir, par exemple, C. Muntz, Diodorus Siculus and the World of the Late Roman Republic, Oxford / New York, Oxford University Press, 2017, notamment le chapitre « Making Myth into History », p. 104-117, en part. p. 114 sqq.

58 Diod. IV, xl, 7 (« αχὺδ´ ἐπ´ ἀνδρείᾳκαὶστρατηγίᾳθαυμασθένταστρατόπεδόντεκράτιστονσυστήσασθαικαὶπᾶσανἐπελθεῖντὴνοἰκουμένηνεὐεργετοῦντατὸγένοςτῶνἀνθρώπων·ἀνθ´ ὧντυχεῖναὐτὸνσυμφωνουμένηςἀθανασίας. ΤοὺςδποιητὰςδιὰτὴνσυνήθητερατολογίανμυθολογῆσαιμόνοντὸνἩρακλέακαὶγυμνὸνὅπλωντελέσαιτοὺςτεθρυλημένουςἄθλους. »), trad. Hoefer, op. cit., t. 1, livre IV, chap. 53(lédition et la traduction citées peuvent comporter de légères divergences).

59 Diod. I, xxiv, 1 (« KαὶγὰρρακλέατὸγένοςΑἰγύπτιονὄντα, δι´ ἀνδρείανἐπελθεῖνπολλὴντῆςοἰκουμένης, καὶτὴνἐπὶτῆςΛιβύηςθέσθαιστήλην·ὑπὲροὗπειρῶνταιτὰςἀποδείξειςπαρτῶνἙλλήνωνλαμβάνειν. »), trad. Hoefer, op. cit., t. 1, livre I, chap. 24.

60 Diod. I, xxiv, 4 (« Τὸνδ´ ἐξἈλκμήνηςγενόμενονὕστερονπλείοσινἔτεσινμυρίοις, Ἀλκαῖονἐκγενετῆςκαλούμενον, ὕστερονἩρακλέαμετονομασθῆναι, οὐχὅτιδι´ Ἥρανἔσχεκλέος[]ἀλλ´ ὅτιτὴναὐτὴνἐζηλωκὼςπροαίρεσινἩρακλεῖτῷπαλαιῷτὴνκείνουδόξανἅμακαὶπροσηγορίανἐκληρονόμησε. »), trad. Hoefer, op. cit., t. I, livre I, chap. 24.

61 Diod. I, xxiv, 5 (« Συμφωνεῖνδὲτοῖςὑφ´ ἑαυτῶνλεγομένοιςκαὶτὴνπαρὰτοῖςἝλλησινἐκπολλῶνχρόνωνπαραδεδομένηνφήμην, ὅτικαθαρὰντὴνγῆντῶνθηρίωνἐποίησενἩρακλῆς·ὅπερμηδαμῶςἁρμόττειντῷγεγονότισχεδὸνκατὰτοὺςΤρωικοὺςχρόνους, ὅτετὰπλεῖσταμέρητῆςοἰκουμένηςἐξημέρωτογεωργίαιςκαὶπόλεσικαὶπλήθειτῶνκατοικούντωντὴνχώρανπανταχοῦ. Μᾶλλονοὖνπρέπειντῷγεγονότικατὰτοὺςἀρχαίουςχρόνουςτὴνἡμέρωσιντῆςχώρας, κατισχυομένωνἔτιτῶνἀνθρώπωνὑπὸτοῦπλήθουςτῶνθηρίων, καὶμάλιστακατὰτὴνΑἴγυπτονκαὶτὴνὑπερκειμένηνχώρανμέχριτοῦνῦνρημονοὖσανκαὶθηριώδη. ΕἰκὸςγὰρταύτηςὡςπατρίδοςπρονοηθέντατὸνἩρακλέα, καὶκαθαρὰντὴνγῆντῶνθηρίωνποιήσαντα, παραδοῦναιτοῖςγεωργοῖςτὴνχώραν, καὶδιὰτὴνεὐεργεσίαντυχεῖνἰσοθέουτιμῆς. ΦασὶδὲκαὶτὸνΠερσέαγεγονέναικατ´ Αἴγυπτον, καὶτῆςἼσιδοςτὴνγένεσινὑπὸτῶνἙλλήνωνεἰςἌργοςμεταφέρεσθαι, μυθολογούντωντὴνἸὼτὴνεἰςβοὸςτύπονμεταμορφωθεῖσαν. »), trad. Hoefer, op. cit., t. 1, livre I, chap. 24.