Introduction
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : Trajectoires textuelles de l’Hercule médiéval. Mythographie, historiographie et au-delà
- Pages : 13 à 28
- Collection : Recherches littéraires médiévales, n° 42
- Série : Ovidiana, n° 3
Introduction
De Hercule quidem, uti fabulas narrare perfacile est, sic ystoriam texere difficillimum. Multos enim fuisse Hercules seu potius herculeos viros, quin etiam cunctos fortes herculeos vocitatos auctore Varrone didicimus. Id cause est quod de Hercule tam incerta, tam varia scripta sint ut velut laberinthi ambagibus implicitus lector exitum non inveniat. Sane quantum ingenii funiculo datum erit, inter caliginosas vetustissime rei semitas, vitatis multiplicium perplexitatibus errorum, per certiora tradentium, licet rara, vestigia ad verum quam propinquius licebit accedam.
Pétrarque, De viris illustribus, chap. 12. « Hercules1 ».
Qui n’a jamais entendu le nom d’Hercule, le héros par excellence de l’Antiquité gréco-romaine ? On le connaît comme demi-dieu, fils de Jupiter et de la mortelle Alcmène, comme personnage à la force redoutable qui a accompli douze formidables travaux. On le voit combattre le monstrueux lion de Némée, affronter l’hydre aux têtes proliférantes et nettoyer les écuries d’Augias. Ce sont des scènes qui ont été immortalisées sur des vases de la Grèce antique, dans des statues de la Rome impériale 14et qui résonnent dans les œuvres des grands auteurs de l’Antiquité – dans les « bibliothèques » de mythologie grecque d’un Apollodore ou d’un Diodore de Sicile, dans les œuvres de la latinité classique comme l’Énéide de Virgile et les Métamorphoses d’Ovide. Or, ces épisodes de la vie du célèbre héros ont fait beaucoup de chemin avant d’arriver jusqu’à nous. Ils ont traversé plus de deux millénaires d’histoire, parcourant des contextes culturels bien divers. L’idée qu’Hercule a également existé au Moyen Âge peut surprendre au premier abord. Que devient un héros issu de la mythologie polythéiste païenne dans un monde dominé par le christianisme ? un héros qui a grandi sous l’Empire romain après l’écroulement de ce dernier, quand il se retrouve au milieu de la société féodale de l’Europe médiévale ? Nous ne nous intéresserons ici, en fait, qu’à une portion bien petite et circonscrite du long chemin qu’a parcouru Hercule, même à l’intérieur de l’époque médiévale. Nous étudierons les traces que ce personnage a laissées dans certains ensembles de textes, et, en particulier, des textes qui ont circulé entre le xiie et le xve siècle dans le territoire qui correspond, en gros, à la France médiévale.
Le lecteur aura peut-être remarqué que nous avons mélangé dans les lignes précédentes des références à l’Hercule romain et à son ancêtre grec, Héraclès (Ἡρακλῆς). S’intéresser à l’« Hercule médiéval » nous amène naturellement à réfléchir aux prédécesseurs de ce personnage. Or, un tel projet peut rapidement atteindre des proportions monumentales : de l’Hercules latin à l’Héraclès grec, on est tenté de remonter aux ancêtres archaïques de ce dernier2 ; des comparaisons avec d’autres héros similaires dans d’autres cultures s’instaurent et on pénètre dans les régions obscures de la mythologie indo-européenne3. Une telle étude d’Héraclès et de ses 15homologues plus anciens ne fait pas partie des objectifs de cette monographie. Nous aurons toutefois l’occasion de considérer ce qui se rapproche le plus d’une version « canonique » du mythe d’Héraclès-Hercule, telle qu’on peut la glaner dans certains textes survivants de l’Antiquité classique, sur lesquels s’appuient, à leur tour, les ouvrages de référence modernes sur la mythologie gréco-romaine4. Les synthèses du mythe que l’on rencontre dans la littérature critique tendent à segmenter la vie du héros en différentes étapes ou, mieux, à regrouper les éléments qui en font partie dans différents ensembles d’épisodes, tels :
–la naissance d’Hercule et ses exploits de jeunesse ;
–ses douze travaux (appelés aussi athloi), accomplis sur l’ordre du roi Eurysthée ;
–ses exploits annexes (ou parerga) accomplis parallèlement aux douze travaux ;
–ses expéditions guerrières (ou praxeis) ;
–les événements menant à la fin de sa vie, de son mariage avec Déjanire à ses amours extraconjugales jusqu’à sa mort, suivie de son apothéose.
Sans encore entrer dans le détail des différentes aventures du héros, retenons que déjà dans l’Antiquité gréco-latine, « le mythe d’Hercule », si l’on choisit de le désigner au singulier, ne prend pas la forme d’un récit unique qu’on pourrait facilement résumer. L’Hercule antique se présente plutôt comme une mosaïque de différentes composantes, de micro-récits mythologiques si l’on veut5. Étant donné la complexité de cette matière, 16il n’est pas surprenant que l’on retrouve, déjà dans l’Antiquité, l’idée qu’il y a eu plusieurs personnages du nom d’Hercule – impression qui se reflète encore – ou à nouveau – dans la citation du De viris illustribus de Pétrarque donnée en tête de cette introduction6.
De cette mosaïque herculéenne, tous les éléments n’étaient pas visibles de manière égale tout au long de l’époque qui nous intéresse. Le Moyen Âge occidental a en effet hérité son savoir sur Hercule, et sur la mythologie antique en général, de la littérature latine en premier lieu – d’un ensemble de textes dont aucun ne paraît offrir une synthèse cohérente, en bloc, de la vie du héros comparable à celle qu’ont faite les mythographes grecs7. Les œuvres de ces derniers ne sont devenues généralement accessibles qu’à travers des traductions latines à l’extrême fin de l’époque médiévale. En conséquence, certains éléments « canoniques » en rapport avec Hercule se sont perdus ou atténués dans les textes et la culture médiévaux, alors que d’autres, « non canoniques », ont pu prendre une place de premier plan. Qui s’attend, par exemple, à trouver de nombreuses références au nettoyage des écuries d’Augias par Hercule au Moyen Âge sera déçu – et peut-être surpris, d’un autre côté, par la multitude des œuvres traitant de l’intervention du héros dans la guerre contre le roi troyen Laomédon, épisode qui a pris son élan dans la longue lignée de textes descendant du De Excidio Troiae de Darès le Phrygien, datant peut-être de la fin du ve ou du début du vie siècle8. 17Un épisode a pu bénéficier d’une large diffusion, alors qu’un autre est resté confiné à très peu de textes. La thématique d’Hercule à la croisée des chemins – allégorie du choix que devait faire le jeune Hercule entre Vice et Vertu – semble a priori aussi absente des textes médiévaux qu’elle l’était de l’art de l’époque, comme l’avait déjà constaté Erwin Panofsky dans sa monographie de 1930 dédiée à la redécouverte du motif à la Renaissance9.
Mais revenons à notre mosaïque. À part le fait de ne pas être visible dans son intégralité, les composantes qui ont survécu ont pu être présentées sous différents éclairages selon les contextes dans lesquels elles ont été actualisées. Parfois ces composantes ont été déformées au point que les chercheurs se sont demandé si elles représentaient toujours le même personnage. Que reste-t-il de l’ancien héros dans un Herculés en pleine armure médiévale, monté à cheval, tenant sa lance face à une armée d’Amazones, dans les miniatures d’un manuscrit de l’Histoire ancienne jusqu’à César ? De telles réflexions émanaient du discours critique qui a pris de l’ampleur suivant la parution de l’étude de Jean Seznec sur la Survivance des dieux antiques (1940). Seznec argumentait en effet que le Moyen Âge, l’époque charnière entre l’Antiquité et la Renaissance n’avait pas éclipsé les divinités païennes10. Les réactions à cette étude ont remis en question l’idée de cette « survivance », qui se réduirait à la persistance des noms, en tant que vestiges des dieux de l’Antiquité païenne, alors qu’ils étaient « morts » en essence. Si nous n’entendons pas reprendre ici ce débat ancien, il est néanmoins utile de passer en revue une sélection des études portant sur Hercule dans les textes médiévaux qui ont vu le jour à la suite de l’ouvrage de Seznec, dans la mesure où elles ont contribué à éclairer les cheminements d’Hercule à travers la littérature médiévale et parce qu’elles peuvent nous aider à situer notre propre approche.
Dans un article pionnier intitulé « L’Avventura di Ercole », paru en 1954, l’historien italien Franco Gaeta a esquissé l’évolution du mythe herculéen de l’Antiquité à la Renaissance, tout en illustrant les aspects frappants que le personnage peut assumer11. Hercule est réduit au statut 18d’un homme à la force brute sous la plume des Pères de l’Église, mais revalorisé en tant qu’individu exemplaire en vertu morale dans l’œuvre des mythographes de l’Antiquité tardive et du Moyen Âge. L’Ovide moralisé, vaste poème du xive siècle qui adapte les Métamorphoses d’Ovide au contexte christianisé de la France médiévale, va jusqu’à mettre le héros en analogie avec le Christ12. Il est représenté sous l’aspect d’un héros chevaleresque dans le Recoeil des histoires de Troyes de Raoul le Fèvre au xve siècle, avant de retrouver ses anciens contours de demi-dieu dans l’œuvre des premiers humanistes italiens comme Pétrarque et Coluccio Salutati. Gaeta a argumenté, entre autres, que la figure extrême de l’Hercule-Christ qui apparaît dans l’Ovide moralisé s’est formée sous l’influence de la tradition des commentaires d’Ovide foisonnant à partir du xiie siècle, époque désignée parfois comme aetas ovidiana13. L’image de l’Hercule-chevalier qui s’impose dans la composition historico-romanesque de Raoul le Fèvre représenterait, à son tour, le résultat d’une évolution parallèle, selon laquelle le mythe classique, plutôt que d’être « réconcilié » avec le mythe chrétien, a été « soumis » à ce dernier. La grille typologique établie par Gaeta (avec l’Hercule homme fort, l’Hercule homme vertueux, l’Hercule-Christ et l’Hercule chevalier) lui servait en fin de compte à « démontrer » la mort de l’ancien demi-dieu Hercule au Moyen Âge. Si une telle position paraît aujourd’hui dépassée, s’il est nécessaire de considérer l’argumentation de Gaeta avec un certain degré de circonspection, ses constats ont néanmoins servi de base fondamentale aux recherches postérieures portant sur Hercule à l’époque médiévale et renaissante.
L’idée qu’il y a eu différents « types » d’Hercule se reflète encore dans la monographie de Marc-René Jung sur Hercule dans la littérature française du xvie siècle, issue de sa thèse de doctorat et publiée en 196614. Dans cette étude, le romaniste suisse a dressé un riche tableau des différentes représentations du héros, de l’Hercule courtois à l’Hercule baroque, comme son sous-titre le spécifie. Bien que Jung se soit concentré avant tout sur la littérature renaissante, certaines représentations d’Hercule qu’il a 19étudiées reflètent, selon lui, des prolongements de l’Hercule médiéval : « Les Histoires de Troie et l’Ovide moralisé se trouvent […] à la base du développement ultérieur de la fable ; les premiers [sic] préparent le Roman d’Hercule, tandis que le deuxième fraye le chemin à l’Hercule chrétien15. » On reconnaît dans ces lignes les traces de deux portraits du héros dressés par Gaeta : l’Hercule chevalier et l’Hercule-Christ. De ce fait, il ne surprend pas que Jung ait consacré un chapitre entier à l’« Hercule courtois », qui comprend un résumé détaillé de la vie d’Hercule d’après le Recoeil des histoires de Troyes, et un autre à l’« Hercule chrétien », qui s’ouvre sur la fortune chrétienne du héros dans l’art et la littérature antique et médiévale avant d’étudier sa présence dans des textes du xvie siècle. Dans son ensemble, la monographie de Jung se veut un panorama de la richesse littéraire d’Hercule dans la France de la Renaissance. L’ouvrage traite de portraits, tels « l’Hercule de Libye » ou « l’Hercule Gaulois », et de thématiques comme les travaux ou les amours du héros. Son intérêt central ne porte cependant pas sur l’évolution des différentes composantes du mythe herculéen.
Depuis ces études pionnières, un ensemble considérable et toujours grandissant de travaux s’est intéressé au personnage d’Hercule, dans les littératures et cultures de toutes les époques16. Les contributions qui 20accordent une place centrale aux textes médiévaux, et, à plus forte raison, aux textes de la France médiévale, restent cependant ponctuelles17. C’est encore à Jung que l’on doit une étude publiée presque quarante ans après sa thèse et intitulée « Hercule dans les textes du Moyen Âge : essai d’une typologie » (2002)18. Cette contribution offre une vue d’ensemble de la présence du héros dans la littérature de l’Europe médiévale. Hercule apparaît, il est vrai, dans une large gamme de textes différents que Jung cherche à organiser de manière approximative, en distinguant les groupes suivants :
–« les mythographes », de Fulgence aux humanistes italiens, en passant par les Trois Mythographes du Vatican et les traités isolés comme le De natura deorum du mythographe dit « de Digby » ou le Fabularius de Konrad von Mure, qui rapportent certains exploits du héros, parfois en interprétant les contenus mythologiques sur un plan allégorique ou moralisateur ;
–l’« Hercule historique », d’abord selon des témoignages en latin comme le De rebus Hispaniae de Rodrigo Jiménez de Rada et le De viris illustribus de Pétrarque, suivis d’exemples tirés de la littérature en langue vernaculaire, en particulier le Roman de Troie de Benoit de Sainte-Maure et la General Estoria espagnole, textes qui tendent à historiciser et/ou romancer le mythe d’Hercule, en présentant ce dernier comme guerrier, homme illustre ou fondateur de peuples ;
21–le héros en France au xive siècle, d’un côté dans les adaptations vernaculaires de la Consolatio Philosophiae, qui présentent les exploits et l’apothéose d’Hercule comme reflet des vertus chrétiennes permettant l’accès au ciel, et, de l’autre, dans l’Ovide moralisé, qui relate les derniers faits, la mort et l’apothéose du héros et qui va jusqu’à créer une analogie entre la vie de ce dernier et celle du Christ ;
–une série d’œuvres françaises du xve siècle, qui tendent à être plus extensives et composites, qui tentent d’écrire une véritable viedu héros, mêlant différents fils antérieurs, comme la Bouquechardière de Jean de Courcy ou la traduction française par Laurent de Premierfait du De casibus virorum illustrium de Boccace.
Ce qui ressort donc de ce rapide tour d’horizon des études principales sur Hercule au Moyen Âge, c’est que le personnage se façonne à partir de sources mythographiques ou mythico-allégoriques, d’autres plutôt historiographiques ou historico-romanesques, et encore d’autres qui reprennent des composantes aux deux ensembles.
Une étude qui tenterait d’apporter une lumière plus nuancée sur les différents filons de la « vie textuelle » de l’Hercule médiéval, s’intéressant en plus à leur évolution et tenant compte de la variation manuscrite, n’a pas été menée depuis. La recherche sur les différents ensembles textuels concernés a cependant considérablement avancé au cours des dernières décennies. Du côté des textes historico-romanesques, Jung a lui-même fait avancer de manière significative l’état des connaissances sur la « matière de Troie », où Hercule intervient de manière généralisée. Dans sa monographie sur Lalégende de Troie en France au Moyen Âge (1996), Jung a classé et décrit plus de cinq cents témoins de diverses œuvres, comprenant, outre les différentes versions du Roman de Troie, ainsi que toute une série de compositions d’histoire universelle en langue française qui intègrent, entre autres, des segments correspondant à cette tranche d’histoire mythologique19. De manière plus générale, la réception de la matière antique et son statut à l’intersection entre l’histoire et le romanesque, ou encore entre l’histoire et le mythe, continue à intéresser la critique20. En outre, 22certaines œuvres d’historiographie vernaculaire française dans lesquels intervient Hercule ont bénéficié d’éditions partielles qui ont rendu des segments de leurs riches contenus accessibles au monde scientifique. On pense en premier lieu aux textes réunis sous le titre générique d’Histoire ancienne jusqu’à César, en réalité un ensemble de compositions d’histoire ancienne et universelle transmises sous forme de différentes « rédactions » et conservées dans plus de quatre-vingts manuscrits21. D’autres compilations historiographiques en français médiéval font aujourd’hui l’objet d’éditions en cours ou projetés22. Le site internet dédié au projet de recherche canadien sur les « Histoires universelles en français au xve siècle » (HU15), dirigé par Anne Salamon, réunit des informations actualisées sur des textes historiographiques du Moyen Âge tardif23.
Un autre domaine de recherche qui a connu un regain d’intérêt et bénéficié d’études importantes dans les décennies récentes est la réception d’Ovide au Moyen Âge. La transmission des œuvres du poète latin et leurs adaptations à l’époque médiévale ont retenu l’attention tant des médiévistes que des classicistes24. Au nombre de ces derniers, 23citons notamment Frank Coulson, dont les travaux ont mis en évidence l’importance des commentaires latins d’Ovide. Parmi de nombreuses publications de référence, il a co-signé avec Bruno Roy l’Incipitarium Ovidianum. A Finding Guide of the Study of Ovid in the Middle Ages and Renaissance (2000), catalogue qui répertorie 483 témoins (manuscrits et imprimés) et identifie plus de cent textes en rapport avec Ovide25. Le spécialiste a approfondi et complété ces données dans une contribution au Catalogus Translationum et Commentariorum portant plus spécifiquement sur la fortune textuelle des Métamorphoses (2022)26. L’Ovide moralisé lui-même a reçu une attention accrue depuis les années 1990 en ce qui concerne sa tradition textuelle, son importance littéraire et culturelle ainsi que ses sources27. Les travaux menés en conjonction avec le projet de recherche Ovide en Français (OEF, 2014-2017)28 ont fait progresser l’état 24des connaissances sur la tradition manuscrite de l’œuvre, comprenant 21 témoins et plusieurs rédactions. Le projet Sources de l’Ovide moralisé (SOM) (2018-2021)29 a fait autant pour les sources de l’œuvre. À terme, l’ancienne édition de l’Ovide moralisé procurée par Cornelis de Boer entre 1915 et 1938, qui ne tient compte que d’un nombre restreint de manuscrits, sera remplacée par une nouvelle édition critique intégrale, actuellement prise en charge par l’équipe qui s’est constituée autour du projet OEF30. Le projet SOM a, à son tour, servi de cadre pour lancer l’édition intégrale de deux commentaires latins – le commentaire dit « Vulgate » des Métamorphoses et l’anonyme commentaire contenu dans le manuscrit Vat. lat. 1479 de la Bibliothèque vaticane – jugés particulièrement intéressants du fait qu’ils contiennent des gloses allégoriques et morales qui résonnent dans l’Ovide moralisé31.
La présente monographie s’inscrit dans la continuité de ces différentes recherches. Notre objectif primaire est d’apporter un nouvel éclairage sur la mosaïque hétérogène de la vie textuelle d’Hercule au Moyen Âge. Les textes que nous aborderons, et à partir desquels nous chercherons à faire ressortir différentes trajectoires et déclinaisons du mythe, restent pour une partie importante inédits et/ou peu étudiés. En les incorporant dans cette recherche, il sera possible d’éclairer aussi quelques recoins mal connus et obscurs de la matière herculéenne. En outre, nous espérons mettre en lumière, sur un plan méthodologique, les défis et enjeux liés à l’étude d’un personnage dont le mythe est – comme l’ont déjà observé divers auteurs et chercheurs avant nous – d’une complexité remarquable. Pour ce faire, nous serons amenée à aborder un large éventail de textes. Un intérêt particulier sera cependant accordé aux représentants de deux 25ensembles textuels que l’on présentera plus en détail le moment venu. Le premier ensemble est constitué de textes qui ont transmis le savoir sur le mythe d’Hercule de l’Antiquité au Moyen Âge : la tradition des commentaires latins aux classiques – à l’œuvre d’Ovide en particulier – et les traités de mythographie que les commentaires ont alimentés. Le deuxième ensemble comprend les histoires universelles en langue française dont la tradition s’est formée en interaction avec, entre autres, les romans d’Antiquité. Dans ces compositions vernaculaires, certaines tranches de la vie d’Hercule ont pu acquérir un statut particulier et de nouvelles biographies du héros ont pu prendre forme. Le choix de ces deux ensembles a priori très distincts permet de couvrir une large gamme de matériaux (en termes d’épisodes herculéens) intégrés dans différents cadres interprétatifs (mythographico-allégoriques et historico-romanesques), de relever les tendances propres et/ou communes aux ensembles de textes et d’identifier leurs éventuels points de contact. Outre ces deux ensembles textuels, nous avons choisi comme troisième point de focalisation une œuvre particulière, l’Ovide moralisé. Ce dernier se situe, pour ainsi dire, au croisement des différentes traditions. Il s’agit d’une « mise en roman » moralisante des Métamorphoses d’Ovide qui interpole dans la trame principale ovidienne des matériaux provenant de diverses autres œuvres, s’inspirant de différentes sources.
Le présent livre sera divisé en trois parties principales : la première explorera la manière dont le mythe d’Hercule a été transmis au Moyen Âge, tout en abordant les défis méthodologiques liés à l’étude de son évolution. Nous commencerons par une vue d’ensemble de la vie de l’Héraclès-Hercule antique, en nous appuyant principalement sur les témoignages des mythographes grecs. Nous examinerons ensuite l’évolution d’un thème constitutif de ce mythe : les douze travaux du héros. Nous regarderons d’abord les travaux dans leur ensemble, puis quelques exploits individuels, en essayant de retracer leur fortune à travers des textes relevant avant tout des commentaires aux classiques latins et de la mythographie antique et médiévale. Une attention particulière sera prêtée au savoir mythographique transmis par les commentaires de Servius (ve siècle) et ceux de son continuateur, dit Servius auctus (ca. viie siècle) à propos de l’Énéide, aux trois Mythographes du Vatican (ixe-xiie siècle) ainsi qu’aux commentaires médiévaux en rapport avec les Métamorphoses ovidiennes ayant vu le jour entre le xie et le xive siècle. Nous tenterons de faire ressortir les différents mécanismes qui ont contribué à la désintégration et à la refonte de l’ancien mythe et de ses composantes, tant sur le plan structurel que thématique et symbolique, 26tout en essayant d’expliquer comment certaines de ces récritures ont trouvé leur chemin jusque dans la littérature vernaculaire.
La deuxième partie s’intéressera à la constitution et à la transmission de biographies d’Hercule dans le cadre de l’historiographie médiévale. Après un bref aperçu sur la présence de mentions d’épisodes herculéens dans les chroniques latines, à commencer par le Chronicon d’Eusèbe-Jérôme, nous nous concentrerons principalement sur des histoires en langue française datant d’entre le xiiie et le xve siècle qui intègrent des épisodes de la vie du héros. Un relevé des épisodes impliquant Hercule dans ce qu’il est convenu d’appeler la « première rédaction » de l’Histoire ancienne jusqu’à César (HAC1) nous servira de point de départ pour exemplifier différents angles sous lesquels la matière en question peut être étudiée. Dans la suite, nous nous pencherons sur les épisodes herculéens dans une série d’œuvres dérivées de l’HAC1, en accordant, selon les cas, plus d’attention à leurs sources, leur tradition manuscrite, ou le « portrait » qu’elles font d’Hercule. Les textes qui nous occuperont sont la « deuxième rédaction » de l’Histoire ancienne (HAC2), la Chronique dite de Baudouin d’Avesnes (CBA) ainsi que certains textes associés ou dérivés de cette dernière, dont notamment quelques compilations hybrides désignées par « tresors des histoires » et, enfin, ce que la critique qualifie parfois de « troisième rédaction de l’Histoire ancienne » (HAC3). L’étude de ces textes montrera de quelle manière une « vie » d’Hercule peut se constituer à l’intérieur d’un texte propre, ou à travers différents textes appartenant à l’historiographie, et comment cette dernière interagit avec d’autres traditions. Un intérêt particulier sera accordé aux effets de compilation qui régissent les œuvres concernées et qui ont également marqué l’évolution de l’« histoire » d’Hercule. En tirant profit de ces observations, nous conclurons ce chapitre sur l’étude d’une compilation historique du xve siècle, LaBouquechardière de Jean de Courcy, qui comporte un traitement de la figure d’Hercule à la fois plus étendu, plus construit et plus hybride.
La troisième partie prendra comme point de départ la matière herculéenne dans l’Ovide moralisé (OM)en vers du xive siècle, en se concentrant avant tout sur les sources de l’œuvre. L’analyse portera principalement sur les vers 1-1036 du livre IX de l’OM, qui comportent leur propre biographie du personnage, relatent ses derniers exploits, ses amours et sa mort. Après une présentation des épisodes herculéens, nous tenterons d’évaluer dans quelle mesure les commentaires latins d’Ovide ont pu fournir des matériaux à l’auteur de l’adaptation française. L’épisode de la lutte entre Hercule et Achéloüs en début du livre IX nous permettra 27d’illustrer l’utilité de lire l’OM à la lumière des commentaires. Nous ciblerons ensuite trois cas d’innovations particulières : l’énumération augmentée des exploits du héros (OM IX, 717-748), l’interpolation à propos d’Hercule « filandier » et la complainte de Déjanire (IX, 507-599) ainsi que l’allégorie finale qui présente Hercule comme avatar du Christ (IX, 873-1029). En éclairant l’apport des commentaires et des autres sources éventuelles, nous jetterons une nouvelle lumière sur la provenance et la raison d’être de ces innovations dans l’OM.
Il convient d’ajouter quelques remarques liminaires sur le corpus textuel et la façon dont nous l’abordons.
Malgré l’ampleur du corpus, dont nous avons pleinement conscience, nous ne traiterons ici que d’une partie restreinte de la vaste réalité textuelle dans laquelle apparaît Hercule au Moyen Âge. Le choix de nous concentrer, outre sur la mythographie latine et l’historiographie vernaculaire, sur l’Ovide moralisé et l’étude de ses sources a abouti à une certaine orientation « ovidienne » de l’ensemble de l’étude. C’est ainsi que nous avons accordé une place particulière aux commentaires d’Ovide dans la première partie de ce livre, en renonçant à traiter la question de la tradition pourtant très riche des gloses et traductions de Boèce. Les points de focalisation choisis nous ont aussi amenée à écarter de l’étude un nombre important de textes médiévaux de divers genres dans lesquels Hercule se manifeste. Nous ne parlerons ainsi pas du Roman d’Hector et Hercule, de l’essentiel de l’œuvre de Christine de Pizan ou de celle de Guillaume de Machaut. D’autres œuvres encore, qui relèvent de l’historiographie, de l’historico-romanesque ou de la biographie d’hommes illustres, seront seulement évoquées quand elles sont impliquées dans certaines trajectoires textuelles du mythe d’Hercule que nous avons choisi d’étudier de près. En font partie, entre autres, le Recoeil des histoires de Troyes de Raoul Lefèvre et la traduction française par Laurent de Premierfait du De casibus virorum illustrium de Boccace. Ajoutons que le choix des textes dont nous parlerons effectivement s’est fait sur la base d’un dépouillement plus vaste de matériaux inédits que nous n’avons pas pu intégrer tous dans notre travail, en raison surtout des contraintes de temps. Nous n’évoquerons ainsi que très accessoirement les différentes versions de la Fleur des histoires de Jean Mansel, la chronique universelle tardive dite parfois « quatrième rédaction » de l’Histoire ancienne jusqu’à César et nous ne parlerons pas de l’anonyme Livre des histoires du miroir du monde, qui comportent pourtant des chapitres herculéens très intéressants. Nous espérons revenir sur ces différentes œuvres dans des études ultérieures.
28Notre approche de l’Hercule médiéval est philologique dans le sens où nous travaillons primairement sur des données textuelles envisagées sous l’angle de leur transmission. Nous parvenons ainsi à la fois à étudier l’évolution d’une thématique à travers différents textes et traditions et à déceler les mécanismes et cheminements évolutifs qui jouent à l’intérieur d’une tradition. Finalement, cette approche permet aussi d’identifier et d’analyser les différentes sources réutilisées et réactualisées à l’intérieur d’une œuvre. Tout au long de l’étude, nous accordons, on le verra, une importance particulière à la varia lectio, qui nous permet de déceler, selon les cas, les rapports entre les témoins d’une même œuvre, les textes appartenant à une même tradition ou les représentants de différentes traditions qui se recoupent au fil du temps. La variation est le moteur de l’innovation. Cette idée directrice justifie l’examen, pour certains textes qui ont connu une tradition manuscrite riche, de données provenant de multiples témoins. Selon les cas, nous en fournirons des transcriptions ou nous en indiquerons les variantes relevant d’une collation des segments en rapport avec Hercule. Généralement, nous avons (sauf indication contraire) respecté les principes suivants : les abréviations ont été résolues sans être signalées par des italiques ; nous avons fait la distinction entre i/j et u/v, séparé les mots et introduit des majuscules et une ponctuation légère selon l’usage moderne.
1 « À propos d’Hercule, en effet, il est aussi facile de raconter des mythes qu’il est difficile de tisser l’histoire. Car comme nous avons appris de l’auteur Varron, il y a eu de multiples Hercule, ou, mieux, de multiples hommes herculéens, parce que tous les hommes forts ont été appelés Hercule. Voilà pourquoi tant de choses incertaines et variées ont été écrites à propos d’Hercule, de façon que le lecteur, comme impliqué dans les circuits alambiqués d’un labyrinthe, ne trouve plus l’issue. Dans la mesure où le permettra le fil de mon inspiration, je m’approcherai, sur les sentiers nébuleux d’une matière ancienne, évitant les obscurités des erreurs multiples et suivant les rares témoignages fiables, le plus possible de la vérité. » (Francesco Petrarca, De viris illustribus. II. Adam-Hercules, éd. et trad. C. Malta, Florence, Le Lettere, 2007, p. 84 ; la traduction française est de nous.)
2 Pour une vue d’ensemble des différents cultes et légendes autour d’Héraclès, voir L. Preller et C. Robert, Griechische Mythologie, vol. 2 : Die Griechische Heldensage, éd. C. Robert, Berlin, Weidmannsche Buchhandlung, 1921 [4e éd.], entrée « Herakles », p. 422-675. Une volumineuse section sur des cultes du personnage dans différentes aires géographiques se trouve sous l’entrée « Herakles » de O. Gruppe, Paulys Realencyclopädie der classischen Altertumswissenschaft, Supplement III, éd. G. Wissowa et W. Kroll, Stuttgart, A. Druckenmüller, 1918, col. 910-1121, ici col. 910-1000 (« III. Örtliche Verbreitung der H.-Kulte und -Sagen »).
3 On pense à l’étude classique de M. Bréal, Hercule et Cacus. Étude de mythologie comparée, Paris, A. Durand, 1863, qui met en comparaison le mythe d’Hercule et celui du héros védique Indra. D’autres chercheurs ont suivi l’exemple de Bréal, entre autres, L. von Schroeder, Herakles und Indra. Eine mythenvergleichende Untersuchung, Vienne, A. Hölder, 1915. G. Dumézil a étendu le cadre comparatif afin de comprendre, en outre, le personnage de Starkadr de la mythologie nordique, en étudiant le schéma des « trois péchés du guerrier », structure thématique basée sur une série de transgressions commises de la part des différents héros. Voir, pour la dernière version revue de son étude, Heur et malheur du guerrier. Aspects mythiques de la fonction guerrière chez les Indo-européens, Paris, Flammarion, 1985 [2e éd.]. Diverses perspectives sur le mythe d’Héraclès aux marges du domaine grec sont proposées dans le volume collectif Héraclès d’une rive à l’autre de la Méditerranée. Bilan et perspectives, éd. C. Bonnet et C. Jourdain-Annequin, Bruxelles/Rome, Institut historique belge de Rome, 1992. Jourdain-Annequin a elle-même consacré de nombreuses études à Hercule, dont une qui aborde le syncrétisme entre Héraclès et le personnage syrien de Melqart dans sa monographie Héraclès-Melqart à Amrith. Recherches iconographiques. Contribution à l’étude d’un syncrétisme, Paris, P. Geuther, 1992.
4 Ainsi dans l’entrée « Héraclès » de P. Grimal, Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, Paris, Presses Universitaires de France, 1951, p. 187-203. Un traitement plus approfondi du mythe du héros grec est offert par L. Preller et C. Robert, Griechische Mythologie, op. cit., p. 422-675, et O. Gruppe, « Herakles », art cité, col. 910-1121, en part. col. 1015-1090 (« vii. Sagen »). Pour un résumé succinct et plus accessible du mythe qui s’appuie sur Apollodore, voir E. Stafford, Herakles, Londres / New York, Routledge, 2012, p. 4-8.
5 Dans les mots du mythographe grec Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, livre IV, § 8 : « Οὐκἀγνοῶδ᾿ὅτιπολλὰδύσχρηστασυμβαίνειτοῖςἱστοροῦσιτὰςπαλαιὰςμυθολογίας, καὶμάλιστατὰςπερὶἩρακλέους. τῷμὲνγὰρμεγέθειτῶνκατεργασθέντωνὁμολογουμένωςοὗτοςπαραδέδοταιπάνταςτοὺςἐξαἰῶνοςὑπερᾶραιτῇμνήμῃπαραδοθέντας·δυσέφικτονοὖνἐστιτὸκατὰτὴνἀξίανἕκαστοντῶνπραχθέντωνἀπαγγεῖλαικαὶτὸνλόγονἐξισῶσαιτοῖςτηλικούτοιςἔργοις, οἷς 2διὰτὸμέγεθοςἔπαθλονἦνἡἀθανασία. » (« Je n’ignore pas que l’histoire des mythes antiques et surtout celui d’Hercule, offre de grandes difficultés à résoudre : ce dieu a surpassé par la grandeur de ses exploits tout ce qui s’est jamais fait de mémorable parmi les hommes ; il est donc difficile de raconter dignement chacune de ces actions dont l’immortalité a été le prix. ») (Diodorus of Sicily, éd. C. H. Oldfather et al., 12 vol., Cambridge (MA), Harvard University Press / Londres, W. Heinemann, 1933-1967, ici vol. 2, 1935, livre IV, chap. 8, 1 ; trad. F. Hoefer, t. 1, Paris, A. Delahays, 1851, livre IV, chap. 8).
6 À noter que Pétrarque cite l’auteur antique Varron, selon qui il y aurait eu quarante-trois personnages nommés Hercule. Il fait vraisemblablement référence aux Antiquitates rerum humanarum et divinarum libri LXI, qui ne nous sont parvenues que par des citations indirectes. Le passage à propos des multiples Hercule est cité par divers auteurs dont Servius dans son commentaire à l’Énéide, Augustin dans La Cité de Dieu, et le Troisième Mythographe du Vatican.
7 Marc-René Jung a relevé ce fait important dans son article sur « Hercule dans la littérature de la France médiévale : Essai d’une typologie », Rinascite di Ercole. Atti del convegno internazionale di Verona (29 maggio-1 giugno 2002), éd. A. M. Babbi, Verona, Fiorini, 2002, p. 9-69, ici p. 9-11. Cette dernière étude a servi de base importante pour l’élaboration de nos propres axes de recherche dans le cadre de cette monographie.
8 Voir L. F. d’Arcier, Histoire et géographie d’un mythe : la circulation des manuscrits du De excidio Troiae de Darès Le Phrygien : (viiie-xve siècles), Paris, École nationale des chartes, 2006, p. 3.
9 E. Panofsky, Hercules am Scheidewege und andere antike Bildstoffe in der neuen Kunst, Berlin, B. G. Teubner, 1930.
10 J. Seznec, La survivance des dieux antiques. Essai sur le rôle de la tradition mythologique dans l’humanisme et dans l’art de la Renaissance, Paris, Flammarion, 1980 [2e èd.]. Voir notamment B. Croce, « Gli dei antichi nella tradizione mitologica del Medio Evo e del Rinascimento », Varietà di storia letteraria e civile : serie seconda, éd. B. Croce, Bari, G. Laterza, 1949, p 50-65, et E. Garin, « Le favole antiche », Medioevo e Rinascimento : studi e ricerche, Bari/Rome, G. Laterza, 1954, p. 63–84, ainsi que l’article de Franco Gaeta que nous présenterons dans la suite.
11 F. Gaeta, « L’avventura di Ercole », Rinascimento, 5, 1954, p. 227-260.
12 L’évolution des attitudes et réactions de la tradition chrétienne envers les dieux païens, et le rapprochement Hercule-Christ en particulier, a été étudié sous un angle historico-comparatif par M. Simon, Hercule et le Christianisme, Paris, Les Belles Lettres, 1955, abordant les possibles influences entre mythologie païenne et théologie chrétienne de l’Antiquité à la première Modernité.
13 Ibid., p. 240 sqq. Le terme d’aetas ovidiana a été introduit par le philologue allemand L. Traube, Einleitung in die lateinische Philologie des Mittelalters, Munich, Lehmann, 1911, p. 3.
14 M.-R. Jung, Hercule dans la littérature française du xvie siècle : de l’Hercule courtois à l’Hercule baroque, Genève, Droz, 1966.
15 Ibid., p. 13.
16 Ce n’est pas le lieu ici de présenter une bibliographie complète des études qui abordent Héraclès-Hercule dans ses différentes manifestations à travers l’histoire. Un répertoire bibliographique allant jusqu’au début des années 1990 a été tenté par R. Kray, Herakles, Herkules. Medienhistorischer Aufriss, Repertorium zur intermedialen Motivgeschichte, Bâle et al., Stroemfeld / Roter Stern, 1994. Parmi les études monographiques du mythe d’Hercule intégrant une perspective diachronique, il convient de citer avant tout K. Galinsky, The Herakles Theme. The Adaptations of the Hero in Literature from Homer to the Twentieth Century, Oxford, Blackwell, 1972 et Stafford, Herakles, Londres, Routledge, 2012. Il existe ensuite certaines monographies et volumes consacrés à Hercule dans des périodes spécifiques. Voir, sur Hercule dans l’Antiquité tardive, A. Eppinger, Hercules in der Spätantike : die Rolle des Heros im Spannungsfeld zwischen Heidentum und Christentum, Wiesbaden, Harrassowitz, 2015. Sur Hercule au haut Moyen Âge, cf. L. Nees, A Tainted Mantle : Hercules and the Classical Tradition at the Carolingian Court, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 1991 et les contributions de N. Staubach, « Herkules in der Karolingerzeit », Gli umanesimi medievali. Atti del II Congresso dell’Internationales Mittellateinerkomitee (Florence, Certosa del Galluzzo, 11-15 settembre 1993), éd. C. Leonardi, Florence, SISMEL-Edizioni del Galluzzo, 1998, p. 673-690, et « Herkules an der Cathedra Petri », Iconologia sacra. Mythos, Bildkunst und Dichtung in der Religions- und Sozialgeschichte Alteuropas. Festschrift für Karl Hauck zum 75. Geburtstag, éd. H. Keller et N. Staubach, Berlin / New York, De Gruyter, 1994, p. 383-402. Hercule entre l’époque médiévale et la Renaissance est au centre du volume Rinascite di Ercole, éd. A. M. Babbi, op. cit. On peut citer aussi Le strade di Ercole. Itinerari umanistici e altri percorsi. Seminario internazionale per i centenari di Coluccio Salutati e Lorenzo Valla (Bergamo, 25-26 ottobre 2007), éd. L. C. Rossi, Florence, SISMEL-Edizioni del Galluzzo, 2010. Citons enfin le Hercules project, initié par Emma Stafford, s’intéressant à la réception d’Hercule dans la culture occidentale jusqu’à nos jours et qui a donné lieu à une série de congrès et de volumes collectifs publiés dans la série Metaforms : Studies in the reception of Classical Antiquity chez Brill : Herakles inside and outside the Church : from the first apologists to the end of the Quattrocento, éd. A. Allan, E. Anagnostou-Laoutides et E. Stafford, Leiden/Boston, Brill, 2020, The modern Hercules : Images of the Hero from the Nineteenth to the Early Twenty-First Century, éd A. Blanshard et E. Stafford, Leiden/Boston, Brill, 2020, et The Exemplary Hercules from the Renaissance to the Enlightenment and Beyond, éd. V. Mainz et E. Stafford, Leiden/Boston, Brill, 2021. Voir la description du projet sur www.herculesproject.leeds.ac.uk (dernière consultation le 09/06/2023).
17 On peut citer, par exemple, K. Atkinson, « Les travaux d’Hercule moralisés au xive siècle », Mélanges de langue et littérature médiévales offerts à Alice Planche. Annales de la faculté des Lettres et Sciences Humaines de Nice, Nice, 1984, p. 41-50, qui s’intéresse aux adaptations vernaculaires de la Consolatio Philosophiae de Boèce, ou L. Dulac, « Le chevalier Hercule de l’Ovide moralisé au Livre de la mutacion de fortune de Christine de Pizan », Cahiers de recherches médiévales 9, 2002, p. 115-130, ainsi que les études réunies dans les actes Rinascite di Ercole, éd. A. M. Babbi, op. cit., qui s’intéressent en particulier à l’œuvre boécienne au Moyen Âge, offrant en annexe des transcriptions des vers dédiés à Hercule dans douze adaptations françaises de la Consolatio Philosophiae.
18 M.-R. Jung, « Hercule dans la littérature de la France médiévale », art. cité, p. 9-69.
19 M.-R. Jung, La légende de Troie en France au Moyen Âge, Bâle/Tübingen, Francke, 1996. Voir aussi, du même auteur, Die Vermittlung historischen Wissens zum Trojanerkrieg im Mittelalter, Fribourg, Universitätsverlag, 2001.
20 Voir, par exemple, Entre fiction et histoire : Troie et Rome au Moyen Âge, éd. E. Baumgartner et L. Harf-Lancner, Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 1997 ; Conter de Troie et d’Alexandre : pour Emmanuèle Baumgartner, éd. L. Harf-Lancner, L. Mathey-Maille et M. Szkilnik, Paris, Presses de la Sorbonne nouvelle, 2006 ; Mythe, histoire et littérature au Moyen Âge, éd. C. Croizy-Naquet, J.-P. Bordier et J.-R. Valette, Paris, Classiques Garnier, 2017 ; Figures littéraires grecques en France et en Italie aux xive et xve siècles, éd. C. Gaullier-Bougassas, Turnhout, Brepols, 2020.
21 Nous reviendrons dans la deuxième partie de cette étude aux différentes « rédactions » de l’Histoire ancienne et leurs éditions partielles ainsi que les diverses études consacrées à ces dernières (cf.infra p. 153 sqq.).
22 La Bouquechardière de Jean de Courcy fait l’objet d’une édition en cours sous la direction de Catherine Gaullier-Bougassas. Le premier tome de cette édition, contenant la première partie d’une biographie d’Hercule, est paru en 2020 : La Bouquechardière de Jean de Courcy.Tome 1 : Introduction générale. Des origines de la Grèce jusqu’à Hercule, éd. C. Gaullier-Bougassas, Turnhout, Brepols, 2020. Le second (que nous n’avons pas encore pu consulter) en contient la suite : La Bouquechardière de Jean de Courcy. Tome II : Jason, Thésée, Œdipe, éd. E. Koroleva, Turnhout, Brepols, 2022.Le projet d’éditer la Chronique dite de Baudouin d’Avesnes, œuvre anonyme du xiiie siècle, a été annoncé par Anne Rochebouet.
23 Voir la description du projet, lancé en 2014 : http://hu15.github.io/histoires-universelles-xv/index.html (dernière consultation : 07/06/2023). Le site offre aussi des transcriptions partielles de plusieurs manuscrits du Livre des histoires du miroir du monde, chronique anonyme du xve siècle.
24 Voir l’étude pionnière de P. Demats, Fabula : Trois études de mythographie antique et médiévale, Genève, Droz, 1973 ; R. J. Hexter, Ovid and Medieval Schooling. Studies in Medieval School Commentaries on Ovid’s Ars Amatoria, Epistulae ex Ponto, and Epistulae Heroidum. 1986 ; Ovidius redivivus. Von Ovid zu Dante, éd. B. Zimmermann et M. Picone, Stuttgart, J. B. Metzler, 1994 ; Ovide métamorphosé : les lecteurs médiévaux d’Ovide, éd. L. Harf-Lancner, L. Mathey-Maille et M. Szkilnik, Paris, Presses de la Sorbonne nouvelle, 2009 ; Ovid in the Middle Ages, éd. J. G. Clark, F. T. Coulson et K. L. McKinley, Cambridge, Cambridge University Press, 2011 ; Les translations d’Ovide au Moyen Âge. Actes de la journée d’études internationale à la Bibliothèque royale de Belgique, Bruxelles, le 4 décembre 2008, éd. A. Faems, V. Minet-Mahy et C. van Coolput-Storms, Louvain-la-Neuve, Publications de l’institut d’études médiévales, 2012, Ovidius explanatus. Traduire et commenter les Métamorphoses au Moyen Âge, éd. S. Biancardi, P. Deleville, F. Montorsi et M. Possamaï-Pérez, Paris, Classiques Garnier, 2018 ; Traire de latin et espondre. Études sur la réception médiévale d’Ovide, éd. C. Baker, M. Cavagna et E. Guadagnini, Paris, Classiques Garnier, 2021 ; Ovide en France du Moyen Âge à nos jours. Études pour célébrer le bimillénaire de sa mort, éd. S. Cerrito et M. Possamaï-Pérez, Paris, Classiques Garnier, 2021 ; Ovid in the Vernacular : Translations of the Metamorphoses in the Middle Ages & Renaissance, éd. G. Prades et M. Balzi, Oxford, Medium Aevum Monographs / SSMLL, 2021.
25 F. T. Coulson et B. Roy, Incipitarium Ovidianum. A Finding Guide to the Study of Ovid in the Middle Ages, Turnhout, Brepols, 2000. Voir aussi les nombreux articles de Frank Coulson à propos des commentaires médiévaux d’Ovide, dont, sur les commentaires de provenance française en particulier, « Ovid’s Transformations in Medieval France (ca. 1100-ca. 1350) », Metamorphosis : The Changing Face of Ovid in Medieval and Early Modern Europe, éd. A. Keith et S. Rupp, Toronto, Centre for Reformation and Renaissance Studies, 2007, p. 33-60, et « Ovid’s Metamorphoses in the School Tradition of France, 1180-1400 », Ovid in the Middle Ages, op. cit., p. 48-82.
26 F. T. Coulson, H. Anderson, H. L. Levy, « Ovid. Metamorphoses », Catalogus Translationum et Commentarorium, éd. G. Dinkova-Bruun, H. Gaisser et J. Hankins, Toronto, Pontifical Institute of Mediaeval Studies, 2022, p. 1-558.
27 À propos du statut littéraire de l’œuvre, voir les études de Marylène Possamaï-Pérez, dont « Les métamorphoses d’Ovide : une adaptation du début du xive siècle », Bien dire et bien aprandre, 14 (Traduction, transposition, adaptation au Moyen Âge. Actes du colloque du Centre d’Études Médiévales et Dialectales de Lille III. 22 au 24 septembre 1994), p. 139-153, L’‘Ovide moralisé’. Essai d’interprétation, Paris, Champion, 2006, et Nouvelles Études sur l’Ovide moralisé, éd. M. Possamaï-Pérez, Paris, Champion 2009. À propos de la tradition textuelle de l’œuvre, voir M.-R. Jung, « Ovide, texte, translateur et gloses dans les manuscrits de l’Ovide moralisé », The Medieval Opus : Imitation, Rewriting, and Transmission in the French Tradition. Proceedings of the Symposium held at the Institute for Research in Humanities, October 5–7 1995, éd. D. Kelly, Amsterdam/Atlanta, Rodopi, 1996, p. 75-98 et « Les éditions manuscrites de l’Ovide moralisé », Cahiers d’Histoire des Littératures Romanes, 20, p. 251–274, ainsi que, plus récemment, F. Mora, M. Possamaï-Pérez, T. Städtler et R. Trachsler, « Ab ovo. Les manuscrits de l’Ovide moralisé : naissance et survie d’un texte », Romance Philology, 65 :1, 2011, p. 121-142, et M. Cavagna, M. Gaggero et Y. Greub, « La tradition manuscrite de l’Ovide moralisé. Prolégomènes à une nouvelle édition », Romania, 132, 2014, p. 176-213.
28 Projet de recherche international, co-financé par le Fonds national de la recherche scientifique suisse (projet no 150149), la Deutsche Forschungsgemeinschaft et l’Agence Nationale de la Recherche. La branche suisse du projet était co-dirigée par Richard Trachsler (Université de Zurich) et Olivier Collet (Université de Genève).
29 Projet financé par le Fonds de la recherche scientifique (projet no 178899), co-dirigé, comme le volet suisse du projet OEF, par Richard Trachsler et Olivier Collet.
30 L’ancienne édition qui sera remplacée est Ovide moralisé. Poème du commencement du quatorzième siècle, publié d’après tous les manuscrits connus, éd. C. de Boer, 5 vol., Amsterdam, J. Müller, 1915-1928. La nouvelle édition du premier livre de l’œuvre est parue récemment : Ovide moralisé. Livre I, éd. C. Baker, M. Besseyre, M. Cavagna, S. Cerrito, O. Collet, M. Gaggero, Y. Greub, J.-B. Guillaumin, M. Possamaï-Pérez, V. Rouchon Mouilleron, I. Salvo, T. Städtler, et R. Trachsler, 2 t., Paris, SATF, 2018.
31 Voici les volumes des deux éditions qui ont déjà parus : Commentaire Vulgate des Métamorphoses d’Ovide. Livres I-V, éd. F. T. Coulson et P. A. Martina, trad. P. A. Martina et C. Wille, collab. M. Busca, Paris, Classiques Garnier, 2021, Un commentaire médiéval aux Métamorphoses. Le Vaticanus Latinus 1479. Livres I-V, éd. L. Ciccone et M. Possamaï-Pérez, collab. P. Deleville, Paris, Classiques Garnier, 2020, et Uncommentaire médiéval aux Métamorphoses. Le Vaticanus Latinus 1479. Livres IV-X, éd. L. Ciccone et M. Possamaï-Pérez, collab. I. Salvo García, Paris, Classiques Garnier, 2022.
- Thème CLIL : 3438 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Oeuvres classiques -- Moyen Age
- ISBN : 978-2-406-15464-8
- EAN : 9782406154648
- ISSN : 2261-0367
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-15464-8.p.0013
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 24/01/2024
- Langue : Français