Hercule-Christ, des éclats du mythe à l’allégorie en patchwork
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : Trajectoires textuelles de l’Hercule médiéval. Mythographie, historiographie et au-delà
- Pages : 349 à 364
- Collection : Recherches littéraires médiévales, n° 42
- Série : Ovidiana, n° 3
Hercule-Christ,
des éclats du mythe à l’allégorie
en patchwork
Le « vrai sens » derrière la vie d’Hercule est censé se révéler par des interprétations allégoriques placées après les récits qui traitent de son mythe. Comme nous l’avons observé supra, l’allégorie prolongée qui suit le récit de la mort du héros, occupant les vers 873 à 1029 de l’OM, établit une analogie entre Hercule et le Christ, qui Tout pechié vainqui et tout vice, / Toute errour et toute malice, / Et pour le pueple delivrer, / Valt son cors a paine livrer, / Et mort reçut joieusement / En la crois[…](OM IX, 989-994). Dans la mesure où cette allégorie chrétienne cherche à accueillir tous les éléments du mythe précédent, y compris l’épisode d’Hercule « filandier » et la jalousie de Déjanire, les interventions d’autres personnages secondaires (comme Faunus et Lichas) et une sélection d’exploits d’Hercule, elle est d’une complexité considérable. Elle se construit à travers une série de correspondances partiellement enchevêtrées et non sans incongruités. Il paraît utile d’en présenter d’emblée les composantes essentielles, pour revenir ensuite plus en détail sur certaines d’entre elles.
Contenus mythologiques |
Correspondances allégoriques |
OM IX, 487-489 : Hercule prend à femme Déjanire, en la gardant pendant moult lonc terme (488). |
OM IX, 873-876 : Dieu li fors prend par espousement la Judée, la tenant pendant longtemps en paix. |
490-506 : Hercule part en aventure et commence à délivrer le monde de monstres. |
877-884 : Voyant que l’errour abonde au monde, Dieu veut descendre sur terre pour sauver l’humanité. |
507-575 : Hercule se soumet à Iole et échange ses vêtements contre les siens |
885-901 ; 919-931 : Pour l’amour de la Vierge (une soie ancele,885), le Sauveur veut couvrir sa divinité / De l’abit de charnalité (889-890). Il endure maintes peines Sous les piez de sa chamberiere (923). |
575-598 : Faunus est trompé par l’apparence Hercule déguisé en femme |
902-918 : Le diable ne reconnaît pas Dieu en forme humaine et vient le tenter, sans succès. |
350
599-645 : Déjanire est jalouse quand elle apprend la nouvelle des amours de son mari pour Iole. |
932-940 : Quand la Judée apprend que Dieu a trouvé nouvele amie dans la Sainte Eglise (Que noter puis par Ÿolent, 939), elle enrage. |
646-713 ; 759-767 : Hercule revêt la chemise empoisonnée et est saisi de tourments mortels. |
941-952 : La sainte char qui naît de la Vierge, elle-même née de la Judée, souffre la Passion. |
768-790 : Lichas est métamorphosé en rocher |
953-958 : La Passion du Christ est traitée dans l’Évangile selon Luc (Lucas), qui perdure comme témoignage stable au monde. |
714-758 : Hercule énumère les exploits qu’il a accomplis durant sa vie. |
959-995 : Dieu se soumet à des peines pour délivrer l’humanité de tout mal, toute malice, toute errour et tout vice (961-962). Suit une énumération plus précise des vices et défauts. |
791-867 : Hercule meurt par le feu, puis est déifié par son père Jupiter. |
996-1010 : La chair meurt, mais le Pere immortel (1003) la fait ressusciter et glorifier Aus cieulz en pardurableté (1011). |
868-872 : Eristeüs (= Eurysthée) continue à poursuivre les enfants d’Hercule après la mort de ce dernier. |
1011-1029 : Les folz juïf, ennemis du Christ, ne cessent de faire honte aux chrétiens. |
Une fois de plus, on est enclin à se demander d’où viennent les composantes de cette forêt d’analogies, si l’on peut en trouver des traces dans les paratextes d’Ovide ou dans d’autres sources, et dans quelle mesure elles reposent sur l’innovation de l’auteur. Nous proposons d’aborder cette question en regardant d’abord les interprétations dont font l’objet les travaux d’Hercule, ensuite l’analogie christologique d’Hercule, puis de formuler quelques réflexions sur la composition du segment dans l’OM.
Les lectures allégoriques des exploits d’Hercule paraissent un bon point de départ pour chercher d’éventuels liens avec les paratextes d’Ovide, puisque le catalogue de ses travaux nous est déjà familier et que, comme nous l’avons vu supra, ses composantes ont reçu des gloses dans divers commentaires d’Ovide. Dans l’OM, seule une partie des travaux a reçu des interprétations ultérieures. Pour les résumer brièvement1 :
– le tor et le lyon sont censés signifier orgueil et presumpcion
– le jaiant qui feu gitoit devient l’ardant reprouche […] de punaise detraction (la médisance)
351– Buxiris et Dyomedes sont Ceux qui font decevablement / Traïson, murtre et roberie
– l’ydre ouGerion signifient Malice qui nuit triblement
– li pors (le sanglier) devient glotonie
– le baudré de Femenie (le baudrier des Amazones) et Antheon renvoient à luxure
Les différents antagonistes d’Hercule représentent des vices, des péchés et d’autres transgressions du décalogue, ou des personnes qui les commettent. On a affaire à une série éclectique de correspondances.
En comparant ces analogies avec les données relatives aux exploits d’Hercule dans les commentaires allégorisants d’origine française, on relève un certain nombre de parallèles, plutôt ténus, concernant le contenu des expositions. Le lion de Némée, par exemple, reçoit dans le Commentaire Vulgate une interprétation analogue : Per leonem intelligitur superbie elatio quam editus virtuti, id est Alcides, gloriose debellauit (« Par le lion, on entend l’élévation de l’orgueil que celui né de la vertu, c’est-à-dire Alcide, vainquit glorieusement2 »). Busiris et Diomède ne reçoivent d’interprétations allégoriques ni dans le Commentaire Vulgate ni dans le Vat. lat. 1479, mais sont historicisés – comme dans l’OM – comme des malfaiteurs ayant l’habitude de tuer les étrangers qu’ils hébergent et qui sont, à leur tour, tués par Hercule. Le commentaire Vat. lat. 1479 précise, par exemple, dans deux gloses très semblables à propos de ces deux personnages3 :
Busirum Bisuris [ sic ] fuit rex Egipti, et hospites suos Iovi sacrificabat. Hercules enim hospitatus fuit in domo eius, et, dum dormiret, Busiris voluit ipsum interficere et Iovi sacrificare, sed Hercules eum interfecit. Hoc habet rei evidentiam veritatis.
Quid, com Tracis, id est Diomedis, regis Tracie, qui hospites suos interficiebat et equis feris ad comedendum aponebat ; hunc Hercules interfecit et eum equis suis ad comedendum apposuit, quod possibile est.
L’auteur de l’OM regroupe ces malfaiteurs dans son allégorie, en les exposant collectivement en tant que ceux qui font decevablement / Traïson, murtre et roberie (OM IX, 974-975). Si dans cette interprétation le poète ne reprend pas d’éléments verbaux aux commentaires latins cités, il pourrait toutefois s’en être inspiré sur un plan général pour en dégager les caractéristiques essentielles qu’il attribue aux personnages comme Busiris et Diomède. On peut faire une observation du même ordre à propos d’Antée. Le Commentaire 352Vulgate comporte, entre autres, une interprétation allégorique au sujet de cet antagoniste d’Hercule, qui dans l’OM est censé signifier la luxure. Après avoir observé que per Antheum intelligimus contrarietatem uitiorum (« par Antée nous comprenons la contrariété des vices »), le commentateur décrit la victoire d’Hercule, obtenue en soulevant Antée de la terre et en l’étranglant entre ses bras, comme une victoire sur la luxure : illum a regno suo, id est a carnis impotentis domicilio, castigando corpus et carnalitati non consentiendo, segregat. (« il l’a séparé de son royaume, c’est-à-dire du domicile de la chair impotente, en châtiant son corps et en ne pas consentant à la luxure4 »). Ici encore, le parallèle entre le commentaire et l’OM réside dans le noyau sémantique de l’allégorie à propos d’Antée, et non dans son articulation littérale. Pour ne pas tirer de conclusion hâtive sur la genèse textuelle de ces allégories, nous nous contenterons de faire remarquer pour ces deux exemples que les commentaires autant que l’OM montrent une tendance à allégoriser les antagonistes d’Hercule en tant que vices. Mais cette tendance de fond commune n’autorise pas à déduire de liens génétiques directs et assurés entre l’OM et les commentaires, pas plus que les correspondances thématiques que nous venons d’observer.
Au reste, une comparaison symétrique entre les commentaires et l’OM se révèle parfois décevante, et, quant au catalogue des travaux herculéens, l’on n’est pas toujours en mesure de trouver de correspondance même thématique entre les données de l’un et les données de l’autre. Le taureau n’est associé à l’orgueil dans aucun des commentaires que nous avons considérés, et on cherchera en vain des liens entre le baudrier des Amazones et la luxure ou encore entre Géryon et la malice qui nuit triblement. En prenant de la hauteur,ce dernier exemple peut cependant nous éclairer sur la façon dont l’auteur de l’OM a travaillé, en « compilant » et en redistribuant les éléments exégétiques. En effet, si elle n’y est pas associée à Géryon, la « triplicité » de la malice est toutefois invoquée dans la mythographie antérieure au sujet d’un autre travail d’Hercule : sa victoire sur Cacus5. Comparons ce que dit le traité du Mythographe III à propos de Cacus et ce que dit l’OM à propos de Géryon6 :
353
Mythographe III |
OM |
Cacus autem fumum et nebulam, quae visui nocent, emittit, quia malitia occultas semper deceptiones molitur. [ … ] Triplici namque modo nocet malitia, aut evidenter, ut potentior, aut subtiliter, ut falsus amicus, aut occulte, ut fur. « Cacus, quant à lui, exhale des nuages de fumée qui nuisent à une bonne vision car la méchanceté toujours ourdit des machinations cachées. […] Et de fait, la méchanceté exerce ses nuisances de trois manières : elle se manifeste en toute clarté, et c’est la loi du plus fort ; ou bien elle avance avec ruse, et ce sont les faux amis ; ou bien encore elle se cache et c’est le vol. » (chap. 13, § 1) |
L’Ydre ou Gerion signifie Malice qui nuit triblement : L ’ un apert, l ’ un repostement, Et li tiers fet plus a blasmer Qui nuist sous faulz semblant d ’ amer. (IX, 977-980) |
En comparant le passage du Mythographe III et celui de l’OM, on observe que l’allégorie en question, traditionnellement appliquée à Cacus, a été transférée sur deux référents qui se caractérisent, de manière évidente, par une « nature triple » : Géryon est censé avoir trois torses et l’hydre est un monstre auquel (selon certaines versions du mythe) trois nouvelles têtes naissaient pour chacune qui lui est tranchée. Contrairement aux exemples présentés plus haut, cette parfaite superposition du contenu exégétique ne peut pas être le résultat d’une polygenèse. Le mythe auquel il se rapporte a cependant changé. Sans souci du développement sous-jacent de l’interprétation, le sens final se greffe simplement sur d’autres antagonistes d’Hercule qui sont susceptibles, de par leur apparence, de rentrer dans le moule prédéfini de l’exposition en circulation. La prédilection des exégètes pour des séries ternaires et l’idée générale que les adversaires d’Hercule symbolisent des vices et péchés ouvre toute une panoplie de permutations envisageables à ce propos.
Étant donné la pluralité des éléments relevant du mythe et leur ressemblance sur le plan de l’exégèse, la recherche de parallèles nets 354entre l’OM et les commentaires à propos des exploits herculéens s’avère donc difficile. On peut cependant se demander s’il est possible de trouver des pistes plus significatives à l’égard du personnage qui est censé les accomplir. Revenons un instant aux allégories à propos du lion et d’Antée d’après le Commentaire Vulgate, en y ajoutant un autre exemple, à propos de Cerbère7 :
– Per leonem intelligitur superbie elevatio, quam editus virtuti , id est Alcides gloriose debellavit .
– Hercules vero vir sapiens et fortis Antheum, id est contrarietatem vitiorum armis debellat.
– Cerberum ergo, id est terrene corruptionis gravedinem, Hercules, virtutis venerabilis et sancte vincit et captivat dum nostram sensualitatem virtutis galea et bonorum armis domat .
Hercule est, pour résumer, « celui qui est issu de la vertu », « l’homme sage et fort », ou encore celui qui « combat la lourdeur de la corruption terrestre par la sainte et vénérable vertu, alors que, protégé par le casque de vertu et muni des armes du bien, il soumet notre sensualité ». La force dont Hercule est ici qualifié – sa virtus – s’intègre clairement dans un cadre de morale chrétienne. Néanmoins, elle se rapproche bien davantage des interprétations morales déjà présentes dans la mythographie antérieure que de l’analogie christique que propose l’OM8.
Comme l’avait constaté de bonne heure Franco Gaeta dans son étude sur Hercule entre Antiquité et Renaissance, déjà à propos des allégories de Fulgence : « Ercole è sempre l’uomo virtuoso, ben lontano ancora dall’essere la prefigurazione di Dio o di Cristo9. » Le philologue italien proposait de situer le « grand tournant » vers les interprétations théologico-chrétiennes justement dans l’aetas ovidiana, cette période qui a vu l’essor des études d’Ovide et des commentaires à son œuvre, en évoquant en particulier le commentaire anonyme de Vat. lat. 147910. Le premier véritable rapprochement entre Hercule et le Christ qu’il évoque survient pourtant dans l’OM. Or il nous semble possible de préciser davantage la piste proposée par Gaeta, en regardant de plus près le manuscrit Vat. lat. 1479.
355Commençons par quelques observations à propos de la glose sur laquelle s’était déjà arrêté Gaeta11. Située dans la marge à côté des vers ovidiens qui parlent de la mort corporelle d’Hercule par le feu, la note propose une allegoria spiritualis à propos de son personnage et de sa vie. En voici le début12 :
Allegoria spiritualis talis est : Hercules interpretatur vita contemplativa vel vir vitam contemplativam ducens, et dicitur ab her, quod est lis, et cleos, quod est gloria, quasi ‘gloriosus in lite vel labore vite’, tamen aperte prelii corporis et anime. Multa monstra interfecit, quia multas temptationes carnis superavit secundum quod multis modis caro temptatur ; flumina, monstra, feras, reges, terras superavit, idest inundationes, vicia, motum carnis, copiam terrenorum superavit.
« L’allégorie spirituelle est la suivante : Hercule s’interprète comme la vie contemplative ou comme l’homme qui règle la vie contemplative. Son nom vient de her, qui signifie litige, et cleos qui veut dire la gloire, en d’autres termes “glorieux dans les litiges ou dans les tourments de la vie”, cependant d’une vie clairement faite de combat du corps et de l’âme. Il tua de nombreux monstres, parce qu’il triompha de nombreuses tentations de la chair en fonction des multiples façons dont la chair est tentée ; il triompha de fleuves, de monstres, de bêtes sauvages, de rois, de terres, c’est-à-dire d’inondations, de vices, de passions charnelles et de la richesse des biens terrestres. »
Hercule est tout d’abord celui qui mène une vie contemplative, qui est – à travers l’étymologie présumée de son nom – « glorieux dans les litiges ou dans les tourments de la vie […] ». Précisons à cet égard qu’Hercule, qui arrive à vaincre tous les obstacles que lui envoie sa marâtre Junon, est souvent associé, dans la mythographie d’orientation ovidienne, à l’homme vertueux qui s’adonne à la vie contemplative ayant surpassé toutes les épreuves que lui avait imposées la vie active13. C’est l’idée 356que le commentateur de Vat. lat. 1479 rend par prelii corporis et anime, en présentant Hercule comme celui qui a, en fin de compte, vaincu toutes les entités qui renvoient au corpus et à la caro (« la chair »). Les monstres qu’il aurait vaincus deviennent multas tempationes carnis. Les entités figurées qui apparaissent dans l’énumération du commentateur rejoignent bien le plan des interprétations allégoriques proposées par l’auteur de l’OM. Hercule est celui qui vesqui sans cunchiement / Et sans ordure de pechié, / Dont tuit autre sont entechié. / Tout pechié vainqui et tout vice, / Toute errour et toute malice (OM IX, 986-990).
La dimension théologique chrétienne de l’allégorie devient encore plus manifeste dans la suite de la glose, qui décrit la « chute » et puis la « rédemption » d’Hercule. Même l’homme qui mène une vie contemplative n’est pas immunisé contre les « pièges » de l’amour. C’est ainsi que s’explique comment ad ultimum Deianira illum intouxicavit [sic], quia ad ultimum amore mulierum illicito caro noxia laqueatur. La chemise envenimée devient donc un signe du désir d’amour charnel pour la femme qui l’aurait « happé14 ». Toutefois, l’homme vertueux arrive à se racheter15 :
Dicitur quod in igne se combuxit, idest fornace penitentie et igne caritas motus suos illicitos decoxit. Deificatus fuit, quia [espace blanc] erat in divina contemplatione, et ad ultimum vir talem vitam eligens, super ethera exaltatur. Iuno invidit, idest mondus et princeps mondi, scilicet dyabolus, indoluit.
Le feu par lequel se fait brûler Hercule devient la « fournaise de pénitence » et le « feu de charité » qui consument et éliminent les « désirs illicites » qui l’avaient tourmenté. Hercule aurait finalement été déifié parce que, en s’adonnant à la divine contemplation et en choisissant une « telle vie », il aurait été élevé aux cieux. On retrouve ensuite son antagoniste et le signe de la vita activa, Junon, qui devient dans le contexte symbole du monde et du diable (le princeps mundi) qui est affligé parce que son antagoniste est parvenu à le dépasser pour de bon.
On retrouve dans ces lignes quelques nouveaux éléments relatifs aux « ennemis » d’Hercule qui résonnent directement dans l’OM. On 357se souvient par exemple de l’allégorie à propos d’Achéloüs, censé représenter la chair, le monde et le diable, élément qui réapparaissent tous dans l’allégorie latine au sujet d’Hercule. De manière générale, la vie d’Hercule est représentée, dans son ensemble, comme allégorie de la lutte contre les forces « mondaines » et « terrestres » de laquelle Hercule sort vainqueur. Mais l’allégorie latine diverge par un point crucial de celle du texte français : dans le commentaire Vat. lat. 1479 – comme dans les passages du Commentaire Vulgate cités supra – il est question d’un homme vertueux qui surmonte ces forces du mal afin d’accéder à la divine contemplation, alors que dans l’OM Hercule incarne lui-même l’essence divine qui lutte au nom de toute l’humanité. Le commentaire Vat. lat. 1479 témoigne, certes, d’un niveau de lecture théologico-chrétien, mais Hercule n’a pas encore été assimilé au Sauveur de la chrétienté.
Le saut conceptuel en question n’est pas présent explicitement dans les commentaires d’Ovide que nous avons pu considérer dans le cadre de ce travail. Mais il l’est – circonstance heureuse – dans un texte qui accompagne le commentaire anonyme dont nous venons de parler dans son contexte manuscrit. Comme le souligne Frank Coulson, le commentaire Vat. lat. 1479 est transmis dans un manuscrit qui réunit un ensemble d’autres textes – « used as primary teaching tools in the Middle Ages and frequently designated by the term liber Catonianus16 ». Le manuscrit Vat. lat. 1479 comporte, comme les libri Catoniani en général, d’autres textes lus fréquemment dans les écoles médiévales17. En font partie les Distiques de Caton (d’où l’appellation de ces manuels), ainsi que, entre autres, les Ecloga Theoduli, un poème du xe siècle qui met en scène un débat poétique entre la vérité du christianisme et le mensonge du paganisme. Ces entités sont personnifiées sous la forme du berger Pseustis et de la bergère Alithia, qui présentent alternativement des mythes païens et des légendes chrétiennes, d’une façon qui n’est pas sans rappeler la structure générale de l’OM, avec l’alternance entre fables païennes et allégories chrétiennes18. On y retrouve aussi 358des éléments du mythe d’Hercule, qui sont suivis directement par des vers à propos de Samson19.
PSEUSTIS : Alcidæ vigilem spoliavit clava draconem ; Gerionis pompam rapit et consumpserat ydram ; Cacus cessit ei, succumbit ianitor Orci : Incendit demum pælex Deianira superbum. |
ALITHIA : Samson exuviis indutus membra leonis Sternit mille viros, devastat vulpibus agros, Urbis claustra tulit, nervorum vincula rupit : Fraude sua tandem præcidit Dalida crinem. |
Les passages en question n’occupent chacun qu’un quatrain et mettent en rapport une sélection d’exploits du héros païen avec des exploits de son « confrère chrétien », pour se terminer sur la fin comparable des deux hommes, vaincus par une femme (respectivement Déjanire ou Dalila20). Pour notre propos, les éléments les plus intéressants appartiennent toutefois moins aux vers de l’Ecloga qu’à la glose que ces derniers ont reçue dans le manuscrit Vat. lat. 1479.
Après les quatre vers traitant du mythe d’Hercule dans le manuscrit en question, on trouve une longue suite de gloses enchaînées qui commentent d’abord les différents « épisodes » mythologiques auxquels fait allusion le texte, et présentent des interprétations, y compris quelques allégories21. L’une d’entre elles livre la clé de lecture que nous cherchions. En voici le début22 :
Allegorice : Sicut Alcides, id est virtus, id est dominus Iesus Christus, qui fons est totius virtutis et glorie, cum devicisset alia monstra terre, id est cum per predicationem suam docuisset monstra, id est peccata, ab omnibus evitari […]
« Sens allégorique : C’est comme l’Alcide, c’est-à-dire la vertu, c’est-à-dire le Seigneur Jésus-Christ, qui est la source de toute vertu et de toute gloire, comme il vainquit les monstres de la terre, c’est-à-dire comme il apprenait à tous comment éviter ces monstres, à savoir les vices […] »
L’idée présente dans ce passage résonne à son tour dans des vers de la vie d’Hercule selon l’OM : Mes Diex et sa saintisme foi / Vaint le 359monde et si nous aprent / A le vaintre […] (IX, 274-276). La découverte d’une telle allégorie christique dans le commentaire aux Ecloga dans le même manuscrit Vat. lat. 1479, qui n’est séparé que d’une vingtaine de feuillets du texte des Métamorphoses et de leur commentaire, incite évidemment à la réflexion. Nous n’avons pas mené à ce stade une étude approfondie sur les Ecloga (survivant dans quelques 200 manuscrits) et leurs paratextes, mais la structure même du texte, le traitement de multiples mythes anciens qui s’enchaînent en alternance avec les récits bibliques, fournissent un ample champ d’étude qui pourrait potentiellement livrer d’autres correspondances sur le plan des allégories de type biblique dans l’OM. Les contenus mystérieusement absents des commentaires d’Ovide pourraient apparaître, potentiellement, dans la proximité immédiate des textes concernés, si l’on se permet de considérer le contexte manuscrit des paratextes ovidiens23.
En l’état actuel, les interprétations allégoriques chrétiennes restent les parties de l’OM dont la provenance est la plus incertaine. Cela concerne aussi une bonne partie de l’échafaudage allégorique à propos des péripéties de la vie d’Hercule, dont nous n’avons précédemment regardé que des bribes particulières. En l’absence de sources prometteuses, on peut présumer que l’auteur du texte français est lui-même responsable de certains développements. Des incohérences et dédoublements ne manquent toutefois pas, résultant peut-être d’une compilation maladroite de matériaux. L’intrigue allégorique correspondant à la relation triangulaire Hercule-Déjanire-Iole, encadrant l’ajout à propos d’Hercule « filandier », est exemplaire à cet égard24. Rappelons que Déjanire est censée être la Judée (soit, par métonymie, le peuple juif) qui devient hostile lorsqu’elle apprend Que Diex avoit nouvele amie / Sage et cortoise et bien aprise / Acointie – c’est sainte Yglise / Que noter puis par Ÿolent […] (OM IX, 936-939), ce qui l’incite à faire don de la chemise à son seigneur25 :
360La sainte char que Diex ot prise
En la Vierge fu la chemise
Que Judee li presenta
Qui la Vierge Mere enfanta
Dont Diex vault nestre charnelment
Pour recevoir mort et torment.
Ces interprétations enchevêtrées (la Judée enfante la Vierge, dans laquelle Dieu s’est fait homme, s’incarnant en Jésus-Christ) s’imbriquent en partie dans le développement allégorique concernant l’épisode de l’échange des vêtements entre Hercule et Iole qui se greffe sur la toile narrative provenant des Métamorphoses. Sur le plan de l’allégorie, cela mène à des dédoublements. Comparons les éléments d’allégorie cités supra avec ceux dans l’extrait cité ci-dessous, concernant l’épisode de la soumission d’Hercule à Iole26 :
S’ama tant une soie ancele –
C’est la glorieuse pucele,
Ou Diex pour humaine nature
Vault prendre charnel vesteüre
Et couvrir sa divinité
De l’abit de charnalité
Et soi metre en subjection – ;
En considérant les deux extraits, on remarque que l’Incarnation est représentée à la fois par le don de l’habit empoisonné par Déjanire et par l’échange de vêtements avec Iole qui le précède. À cet égard aussi, l’apparition de Iole dans le rôle de sainte Yglise (OM IX, 938) paraît en décalage avec la trame allégorique précédente, où la soumission d’Hercule à son amante est déjà mise en parallèle avec l’image du Créateur qui s’umelia […] / Sous les piez de sa chamberiere (OM IX, 923-924)27. Le fait que l’intrigue de la soumission d’Hercule à Iole et l’échange des vêtements manque dans les Métamorphoses laisse imaginer que ce nœud de rapprochements supplémentaires entre fable et allégorie a été élaboré par l’auteur de l’OM, pour répondre au besoin de fournir une exposition intégrant également les passages interpolés de son mythe. Cela a pu le mener accessoirement à juxtaposer un certain nombre d’éléments se trouvant « en conflit » les uns avec les autres.
En l’absence de sources antérieures, il est donc permis de supposer que la trame allégorique, avec ses rapprochements entre Déjanire et la Judée, 361Iole et l’Église ou encore Iole et la Vierge, est née de la plume de l’auteur français. Ce dernier s’est toutefois servi, dans ses allégories, de termes, tournures et figures conventionnellement employés plus génériquement dans les textes bibliques. On pense à « chambrière » ou « ancelle » pour désigner la Vierge, « épouse/amie de Dieu » pour l’Église, et l’image figurée de la Judée qui engendre Marie28. On remarque en même temps qu’une partie de ces termes fait écho, sémantiquement ou verbalement, aux contenus du mythe d’Hercule tels que l’auteur français les relate. Autrement dit, l’auteur de l’OM a pris soin de construire ses récits mythologiques et allégoriques à l’aide de reprises intratextuelles manifestes et de « lieux communs ». Il semble avoir adapté sa translation en la parsemant, dès le début, d’indices de l’essence christique d’Hercule : l’image du vainqueur qui Enfer brisa en domptant le portier Cerbère rappelle celle de Jésus ouvrant les portes de l’enfer chrétien pour libérer les âmes de la damnation29. Le titre même de terrien vengeour qui est censé rendre le vindice terrae ovidien (Mét. IX, 241) acquiert une résonance chrétienne évidente dans le contexte de l’OM, où Hercule devient l’incarnation terrestre de Dieu30. Dans la mesure où de tels signaux se multiplient au cours du texte, Hercule commence, pour ainsi dire, à se métamorphoser tacitement en figure christique, avant même le terme de son histoire.
Ces parallèles s’intensifient notamment dans la partie finale du texte, qui raconte la mort du héros. Le discours de Jupiter annonçant la déification de son fils dans l’OM ressemble de près (de par son contenu et son lexique) aux lignes finales de l’allégorie qui parle de l’apothéose du Christ – alors qu’il s’éloigne dans le détail du passage correspondant des Métamorphoses31 :
362
Ovide, Mét. |
OM |
|
Omnia qui uicit, uincet, quos cernitis, ignes, nec nisi materna Vulcanum parte potentem sentiet ; aeternum est a me quod traxit et expers atque immune necis nullaque domabile flamma. Lui qui a triomphé de tout triomphera des feux que vous voyez. Il ne ressentira l’effet du puissant Vulcain que pour la part qui vient de sa mère ; la part qu’il a retirée de moi est éternelle, exempte et dispensée de mort ; aucune flamme ne peut la dompter. (IX, 250-253) |
[…] quar la mort sans doute Ne porra sor lui seignorir. Ja mes filz ne porra morir Par le mors de la mort amere, Fors la char qu’il trait de sa mere : Cele est corrompable et mortel ; Tout le sorplus est immortel Et pardurable comme gié. Ce ne puet estre damagié Ne mis a mortel dampnement. (IX, 818-825) |
Par l’enging de ses anemis La char certainement mori, Mes onc la mort ne seignori Ne pooir n ’ ot de seignorir Sor cele qui ne puet morir : C’est la Deïtez pardurable Qui n’est morteulz ne corrompable Mes samblable au pere immortel. (IX, 996-1003) |
Le translateur a bien modulé les contenus de son hypotexte afin de les adapter au contexte chrétien : s’il a repris l’idée essentielle de la nature double d’Hercule – humain de par sa mère, divin de par son père – il a visiblement adapté son lexique, en introduisant toute une série de termes à marquage religieux32. Il a surtout évacué dans ce contexte la mention du feu de Vulcain qui détruit le corps d’Hercule au profit de l’image, aux allures distinctement chrétiennes, de la chair qui est corrompue par le mors de la mort amere33. Le passage correspondant de l’allégorie paraît être une image réfléchie du récit mythologique, faisant appel à un jeu de reprises lexicales et d’échos de rimes. Au moyen du discours du père (Jupiter-Dieu) sur la mort du fils (Hercule-Christ), la fable se projette ainsi entièrement sur l’allégorie, préfigurant son issue :
363
Fin de la fable sur Hercule |
Fin de l ’ allégorie sur Hercule |
[…] Aussi par la mort transitoire Se vesti de vie et de gloire Herculés en eternité. (OM IX, 863-865) |
Si fu la char vivifiee, Exaucie et glorefiee Aus cieulz en pardurableté. (OM IX, 1009-1011) |
La transposition est ainsi parachevée, dans laquelle les identités des deux personnages se confondent.
Voilà comment se termine la vie merveilleuse de l’Hercule-Christ, analogie d’apparence parfaite, forgée à l’aide d’une architecture complexe de parallélismes structurels, renforcée par de multiples échos formels et lexico-sémantiques. La présence de cette allégorie permet enfin à notre demi-dieu païen – qui s’est soumis à des femmes et qui a mis fin à sa vie par un suicide – de retrouver la voie de l’apothéose. À l’issue de notre petite enquête sur cette allégorie, on est toujours loin de connaître la provenance précise de tous les matériaux ainsi que la part des associations entre mythe et allégorie issues de la créativité de l’auteur de l’OM. On est néanmoins capable d’émettre quelques hypothèses plus précises à propos des sources présumées et connues de la matière. Ainsi, il semble envisageable, compte tenu des commentaires des Métamorphoses que nous avons pu regarder aux cours de nos recherches, que bon nombre des interprétations que l’auteur exploite n’existaient pas telles quelles, associées au même mythe auquel il les liera, dans les paratextes d’Ovide, mais qu’il s’est plutôt servi de composantes « discursives » individuelles circulant en partie dans ces mêmes commentaires, qu’il a réorganisées et recombinées à sa propre manière. Comme nous l’avons vu plus haut avec l’exemple du Commentaire Vulgate, les renvois intertextuels, ainsi que les liens intratextuels font partie intégrante de certains paratextes. Il semble probable que l’auteur de l’OM était familier – jusqu’à un certain degré – avec ce « réseau » de coordonnées et de références. Ces constats soulignent l’utilité de connaître les paratextes d’Ovide dans leur ensemble – et de regarder au-delà des seuls passages correspondants du texte ovidien. Ils nous incitent par ailleurs – comme nous l’avions vu avec l’exemple du commentaire à l’Ecloga Theoduli dans le manuscrit Vat. lat. 1479 – à prendre en compte le contexte manuscrit des commentaires d’Ovide. Qu’en conclure pour la manière de travailler de l’écrivain français ? C’est difficile à dire. À ce stade, il nous paraît aussi probable que 364l’auteur de l’OM ait travaillé en roue libre, à partir de ses lectures et en fonction de sa formation, qu’il ait consulté, entre autres, un manuel scolaire et/ou un manuel de savoir encyclopédique et mythographique, semblables à ceux que nous avons déjà abordés à plusieurs reprises dans ce travail.
1 Les éléments résumés par la suite se trouvent tous entre OM IX, 963 et 984.
2 Ms. Vatican, BAV, Vat. lat. 1598, f. 92r, en marge de droite.
3 Ms. Vatican, BAV, Vat. lat. 1479, f. 123v, en marge inférieure (à propos de Busiris) ; 124r, en marge de gauche (à propos de Diomède). Nous nous appuyons sur Un commentaire médiéval […], éd. Ciccone, op. cit., en maintenant cependant la leçon du manuscrit sans rectifications.
4 On peut rappeler que des interprétations similaires apparaissent dans les traités de mythographie. Cf. supra, p. 106 pour l’interprétation de Fulgence, reprise, entre autres, par leMythographe III(chap. 13, 2) ; cf. D. Brumble, Classical Myths and Legends in the Middle Ages and Renaissance : A Dictionary of Allegorical Meanings, op. cit., p. 26, pour d’autres exemples de la même interprétation.
5 Cf. déjà les observations supra, p. 84, 104-105.
6 Le Mythographe III est cité d’après l’éd. Bode, op. cit., et sa traduction d’après Mythographe du Vatican III, trad. Dain, op. cit. Rappelons que Cacus, fils de Vulcain, qui crachait feu et fumée, avait déjà dans l’Antiquité tardive subi un rapprochement avec le terme grec κακόν « mauvais ». C’est le cas chez Servius, où il est, en outre, historicisé en voleur ou méchant serviteur qui habite une caverne obscure (cf. supra, p. 85). À partir de Fulgence, ensuite, on retrouve une interprétation allégorique l’associant à la méchanceté qui est nuisible de trois manières – triplici etiam modo nocet malitia (Mitologiae,livre III, chap. 3) – idée reprise ici par le Mythographe III.
7 Ms. Vatican, BAV, Vat. lat. 1598, f. 91r ; les gras sont de nous.
8 Pensons aux interprétations accueillies dans le traité du Mythographe III que nous avons présentées dans la première partie de ce livre (supra, p. 104 sqq.), reprises en partie aux Mitologiae de Fulgence. Voir aussi notre discussion à propos des acceptations flottantes du terme virtus dans le traité du Mythographe II.
9 Gaeta, « L’avventura di Ercole »,art. cité, p. 238.
10 Ibid., p. 240 ; 242 sqq.
11 Ibid.
12 Ms. Vatican, BAV, Vat. lat. 1479, f. 124v, marge de gauche, glose à Mét. IX 240, cité d’après Un commentaire médiéval […], éd. Ciccone, trad. Possamaï-Pérez, avec une légère modification.
13 Voir, entre autres, Jean de Garlande : Hercules est virtute virens activaque vita / Juno (Integumenta Ovidii, éd. Ghisalberti, op. cit., v. 347-348). L’image d’Hercule vertueux qui mène une vie contemplative après avoir accompli ses travaux (interprétés comme des vices) est présente également dans le Commentaire Vulgate. Elle se manifeste notamment en rapport avec le prétendu dernier travail d’Hercule, le fait d’avoir soutenu le ciel à la place d’Atlas (ou, sur le plan de l’exégèse, après avoir appris l’astronomie de ce dernier) : Hercules contemplationi celestium vacavit, viciis omnibus extinctis. Hic enim debet esse ultimus labor Herculis. Sic est illud quod ad cognitionem creatoris a cognitione creaturarum procedendum est et ad cognitionem theologie a preludio artium. (« Hercule resta oisif à contempler le ciel, quand tous les vices avaient disparu. Ceci doit ainsi être l’ultime travail d’Hercule. C’est ainsi qu’il faut avancer de la connaissance des créatures à la connaissance du Créateur, et à travers le prélude des arts à la connaissance de la théologie. ») (ms. Vatican, BAV, Vat. lat. 1598, f. 92r) La même interprétation est présente dans le traité De natura deorum du Mythographe de Digby, op. cit., chap. 145. De Hercule et Atlante.
14 Voir aussi les Integumenta Ovidii :Tandem vipereum mulieris virus in illum / Sevit et invictum vincit amara venus (éd. Ghisalberti, op. cit., v. 379-380).
15 Ms. Vatican, BAV, Vat. lat. 1479, f. 124v, marge de gauche. Nous citons la glose ici d’après Un commentaire médiéval […], éd. Ciccone, op. cit., en ajoutant la précision à propos de l’espace blanc.
16 Coulson, « Ovid’s Metamorphoses in the School Tradition of France », art. cité, p. 79.
17 Pour une liste des exemplaires de libri Catoniani, voir l’étude de M. Boas, « De librorum catonianorum historia atque compositione », Mnemosyne, 42, 1914, p. 17-46, voir p. 42 à propos du manuscrit Vat. lat. 1479.
18 Comme George Hamilton l’avait noté dans une étude précoce sur le texte, « The poem offered occasion for those moral and allegorical interpretations so dear to the mediaeval mind, for which the eclogue seemed the chosen vehicle in which to convey the hidden truth » (G. Hamilton, « Theodulus : A Mediaeval Textbook », Modern Philology, 7:2, 1909, p. 175). Voir aussi, à propos du texte, R. P. H. Green, « The Genesis of a Medieval Textbook : the Models and Sources of the Ecloga Theoduli », Viator, 13, 1982, p. 49-106.
19 Voir Teodolo, Ecloga : il canto della verità e della menzogna, éd. F. Mosetti Casaretto, Florence, SISMEL-Edizioni del Galluzzo, 1997, v. 173-180.
20 Voir N. Henkel, « Die Sinnerschliessung des Mythos : Der Schultext der Ecloga Theodoli (10./11. Jh.) und seine Kommentare », Mythos im Alltag – Alltag im Mythos : die Banalität des Alltags in unterschiedlichen literarischen Verwendungskontexten, éd. C. Schmitz, Munich/Paderborn, Fink, 2010, p. 182-184, à propos de la construction et de la réalisation didactique des quatrains relatifs à Hercule et Samson, p. 182-184.
21 Ms. Vatican, BAV, Vat. lat. 1479, f. 20v-21r.
22 Ibid., f. 21ra.
23 Il serait intéressant d’enquêter sur l’existence d’autres libri Catoniani comportant les Métamorphoses (ou d’autres œuvres ovidiennes) ainsi que des recueils composites ayant des contenus semblables afin de cerner davantage les matériaux qu’avait l’auteur de l’OM à sa disposition. Entre les exemplaires de tels libri décrits dans l’article précurseur par M. Boas, « De librorum catonianorum historia atque compositione », art. cité, il y a au moins un autre témoin, Cambridge, Gonville and Caius College, 202, comportant le texte des Métamorphoses.
24 Cf. déjà Gaeta, « L’avventura di Ercole »,art. cité, p. 244, pour un commentaire détaillé sur ces rapports.
25 OM IX, 947-952.
26 OM IX, 885-891.
27 Marylène Possamaï-Pérez y voit toutefois un « glissement assez fréquent » qui se produit dans le cadre de l’interprétation allégorique (cf. L’Ovide moralisé, op. cit., p. 450).
28 Pour des exemples des trois premiers termes, cf. p. ex. DMF, chambrière, sous-sens B. [À propos de Marie] ; ancelle, B. [P. allus. à l’expr. biblique ancilla Domini, Luc 1, 38] ; épouse, B.1. [Dans la langue religieuse, désigne l’Église dans sa relation à Dieu]. L’image de Marie qui surgit de la terre de Judée est une figure biblique (cf. Isaïe XI, 1 sq.) qu’on retrouve dans la liturgie latine, p. ex. chez Fulbert de Chartres : Sicut spina rosam, genuit Iudaea Mariam (Nativité de Marie, répons III, 2 ; cité dans P. De Clerck, « La liturgie au temps de Fulbert », Fulbert de Chartres, précurseur de l’Europe médiévale ?, éd. M. Rouche, Paris, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2008, p. 98).
29 Cf. p. ex. le passage suivant du Bestiaire divin de Guillaume le Clerc (xiiie s.) : Austresi fist nostre seignor / Jesu Crist, nostre salveor, / Quant les portes d’enfer brisa / Et le diable defula. (Le bestiaire. Das Thierbuch des Normannischen Dichters Guillaume le Clerc, éd. R. Reinsch, Leipzig, Reisland, 1890, v. 2757-2760).
30 Voir les exemples retenus dans GdfC, vengeor, « T. de l’Écrit., celui qui punit », avec les exemples Li terriens vengieres est venus (Hist. de Joseph, Bnf, fr. 2455, f. 17r ; cf. éd. Ponceau § 49) ; Nostres sires est voingerres de poichié[…](Nativité Nostre Dame, Bnf, fr. 988, f. 188) (t. 10, p. 838c).
31 Nous mettons en gras les reprises verbales entre les deux passages de l’OM.
32 Cf. Possamaï-Pérez, L’Ovide moralisé, op. cit., p. 160-161, à propos des différences conceptuelles entre Ovide et l’OM dans le passage en question.
33 Les mêmes termes et des jeux de mots comparables qui se réfèrent clairement à Dieu et au Christ se retrouvent dans d’autres textes. Citons les exemples suivants dans deux textes de Rutebeuf : […]Dieu le Pere / Qui por souffrir la mort amere / Envoia en terre son Fil. (Complainte d’Outremer, v. 27-29) ; C’est cil qui por nous reçut mort ; / C’est li sires qui la mort mort, / C’est cil par qui la mors est morte[…] (Vie sainte Marie l’Egiptianne, v. 1065-1067), cité par J. Dufournet, L’univers de Rutebeuf, Orléans, Paradigme, 2005, p. 211.
- Thème CLIL : 3438 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Oeuvres classiques -- Moyen Age
- ISBN : 978-2-406-15464-8
- EAN : 9782406154648
- ISSN : 2261-0367
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-15464-8.p.0349
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 24/01/2024
- Langue : Français