Avant-propos
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : Théorie critique du réformisme conservateur. Genèse de la matrice réformiste en Allemagne à l’époque de la Révolution française
- Pages : 9 à 10
- Collection : PolitiqueS, n° 15
Avant-propos
Ce livre s’inscrit dans le sillage d’un travail portant sur la pensée politique de Kant. Sa méthode consiste à éclairer la lecture interne des écrits kantiens en reconstituant le champ politico-intellectuel au sein duquel le philosophe a pris position à l’époque de la Révolution française. Partagé entre son réformisme de principe et sa sympathie bien connue pour cet événement qui ouvre la modernité politique, Kant prend une position à la fois compliquée et controversée au moment où le réformisme conservateur se constitue en Allemagne en opposition à la Révolution française. Son enthousiasme pour la Révolution ne s’étant jamais démenti, il lui a fallu réfuter le point de vue antirévolutionnaire de ses contemporains. L’étude correcte de la politique kantienne présuppose ainsi l’investigation de la position adverse des « burkiens allemands » dont les noms sont à peine connus (Brandes, Rehberg, Gentz, etc.) : à l’instar de Burke, ces publicistes issus de l’Aufklärung polémiquent dès 1790 contre la Révolution dans des articles et des essais qui circulent dans les milieux « éclairés » de l’Allemagne de cette époque. Dans la présente étude sur les burkiens allemands, il sera donc beaucoup question de Kant. Somme toute, on pourrait presque dire : Kant contra Burke ! Mais, pour les burkiens, ce serait plutôt le contraire : Burke contra Kant… Car Burke est l’auteur de référence qui leur permet de contrer Kant et de contredire son approbation de la Révolution. C’est ce qu’il faut du moins montrer.
Il convient toutefois de prévenir un malentendu. Il ne s’agit pas tout simplement, et avant toute chose, d’une enquête érudite qui proposerait une nouvelle variation sur un thème déjà ancien : Kant et la Révolution française. S’il y a bien une certaine érudition, elle est mise au service de la pensée d’un objet autrement plus important. L’étude du point de vue antirévolutionnaire que les burkiens allemands prennent à l’époque de la Révolution présente un intérêt intrinsèque. C’est qu’elle permet d’assister entre 1790 et 1794 à la genèse d’une nouvelle position politique, destinée 10depuis lors à marquer le monde moderne : le réformisme. En réaction à la Révolution, les burkiens engendrent en Allemagne la matrice même du réformisme : la dichotomie entre réforme et révolution. Il faut en élucider la signification en faisant retour au moment de la naissance du réformisme : c’est la condition pour en dégager le sens, plus conservateur que réformateur. Tel est l’objectif de ce travail : tracer les linéaments d’une théorie critique du réformisme conservateur qui contribue à élaborer une théorie critique du réformisme à la lumière de son essence conservatrice.
Le titre de ce livre est inspiré du jugement de Gérard Raulet : « l’étude jette les bases d’une histoire critique du concept de réforme et même d’une théorie critique du réformisme » (2012). Je le remercie vivement de ce précieux éclairage et de sa lecture aussi stimulante qu’exigeante. Ma reconnaissance est redoublée par l’honneur qu’il fait à cet ouvrage d’en rédiger la préface !
Je tiens à exprimer ma sincère gratitude à Philippe Choulet qui m’a fait l’amitié de relire avec un soin extrême la première mouture de ce travail.