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Classiques Garnier

Avant-propos

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Avant-propos

Ce livre sinscrit dans le sillage dun travail portant sur la pensée politique de Kant. Sa méthode consiste à éclairer la lecture interne des écrits kantiens en reconstituant le champ politico-intellectuel au sein duquel le philosophe a pris position à lépoque de la Révolution française. Partagé entre son réformisme de principe et sa sympathie bien connue pour cet événement qui ouvre la modernité politique, Kant prend une position à la fois compliquée et controversée au moment où le réformisme conservateur se constitue en Allemagne en opposition à la Révolution française. Son enthousiasme pour la Révolution ne sétant jamais démenti, il lui a fallu réfuter le point de vue antirévolutionnaire de ses contemporains. Létude correcte de la politique kantienne présuppose ainsi linvestigation de la position adverse des « burkiens allemands » dont les noms sont à peine connus (Brandes, Rehberg, Gentz, etc.) : à linstar de Burke, ces publicistes issus de lAufklärung polémiquent dès 1790 contre la Révolution dans des articles et des essais qui circulent dans les milieux « éclairés » de lAllemagne de cette époque. Dans la présente étude sur les burkiens allemands, il sera donc beaucoup question de Kant. Somme toute, on pourrait presque dire : Kant contra Burke ! Mais, pour les burkiens, ce serait plutôt le contraire : Burke contra Kant… Car Burke est lauteur de référence qui leur permet de contrer Kant et de contredire son approbation de la Révolution. Cest ce quil faut du moins montrer.

Il convient toutefois de prévenir un malentendu. Il ne sagit pas tout simplement, et avant toute chose, dune enquête érudite qui proposerait une nouvelle variation sur un thème déjà ancien : Kant et la Révolution française. Sil y a bien une certaine érudition, elle est mise au service de la pensée dun objet autrement plus important. Létude du point de vue antirévolutionnaire que les burkiens allemands prennent à lépoque de la Révolution présente un intérêt intrinsèque. Cest quelle permet dassister entre 1790 et 1794 à la genèse dune nouvelle position politique, destinée 10depuis lors à marquer le monde moderne : le réformisme. En réaction à la Révolution, les burkiens engendrent en Allemagne la matrice même du réformisme : la dichotomie entre réforme et révolution. Il faut en élucider la signification en faisant retour au moment de la naissance du réformisme : cest la condition pour en dégager le sens, plus conservateur que réformateur. Tel est lobjectif de ce travail : tracer les linéaments dune théorie critique du réformisme conservateur qui contribue à élaborer une théorie critique du réformisme à la lumière de son essence conservatrice.

Le titre de ce livre est inspiré du jugement de Gérard Raulet : « létude jette les bases dune histoire critique du concept de réforme et même dune théorie critique du réformisme » (2012). Je le remercie vivement de ce précieux éclairage et de sa lecture aussi stimulante quexigeante. Ma reconnaissance est redoublée par lhonneur quil fait à cet ouvrage den rédiger la préface !

Je tiens à exprimer ma sincère gratitude à Philippe Choulet qui ma fait lamitié de relire avec un soin extrême la première mouture de ce travail.