Notice
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : Théâtre de femmes de l’Ancien Régime. Tome III. xviie-xviiie siècles
- Pages : 353 à 355
- Collection : Bibliothèque du xviie siècle, n° 47
- Série : Théâtre, n° 9
NOTICE
Marie-Anne Barbier fut peut-être la première dramaturge en France à avoir mené une véritable carrière professionnelle. Baptisée à Orléans le 21 janvier 1664, elle était issue d’un milieu modeste d’artisans bourgeois. Son père, Jacques Barbier, maître artillier avant de devenir commissaire provincial d’artillerie, avait épousé Marie Sinson, dont la famille appartenait à la bourgeoisie d’offices. Après leur départ d’Orléans, ils rejoignirent peut-être Paris, où les Sinson étaient installés. On ne sait rien des années de formation de Marie-Anne Barbier. À la fin du xviie siècle, elle fréquentait le salon de Marie-Anne Mancini, et composa « quelques élégies » et pièces fugitives dont il ne reste aucune trace. Ses premiers essais littéraires furent encouragés par le poète Martin de Baraton, puis le dramaturge Edme Boursault, qui lui servit de mentor dans sa carrière dramatique.
En juillet 1701, elle publia une courte « Épitaphe de Mlle de Scudéry » dans le Mercure galant. Dès ce début apparut le souci de s’inscrire dans une généalogie littéraire féminine, en nouant des contacts avec des protectrices puissantes. Soutenue par Boursault qui l’introduisit auprès des Comédiens-Français, elle fit jouer sa première tragédie, Arrie et Pétus, en 1702. La pièce attira l’attention de ses contemporains : certains l’accusèrent de n’être que le prête-nom d’un auteur masculin. Elle répondit à ses détracteurs dans la préface de l’édition, soulevant une polémique qui se prolongea jusque dans les écrits de Voltaire. À la création de sa deuxième tragédie, Cornélie, mère des Gracques (1703), les critiques citèrent l’un de ses proches, l’abbé Simon-Joseph Pellegrin, qui réfuta cette attribution. Au cours de cette décennie, l’autrice donna encore deux autres tragédies, jouées à la Comédie-Française (Tomyris, en 1706, puis La Mort de César, en 1709). À la recherche de mécènes et d’un réseau littéraire féminin, elle mena une activité mondaine et devint une habituée du salon de la peintre Élisabeth-Sophie Chéron.
354Avec la Régence s’ouvrit une nouvelle période dans sa carrière : après la disparition de plusieurs de ses amis et mécènes, Marie-Anne Barbier montra des ambitions plus professionnelles que mondaines, et chercha la protection d’un homme de pouvoir, l’abbé Bignon, bibliothécaire du roi et rédacteur du Journal des savants. Abandonnant la tragédie, elle se tourna vers de nouveaux genres littéraires, plus proches des « Modernes », comme en témoigne, en 1713, son recueil d’Histoires galantes inspirées des Sucesos y prodigios de amor de J. Pérez de Montalbán. En 1716 et 1718, elle connut ses plus grandes réussites avec deux livrets d’opéra : Les Fêtes de l’été tinrent l’affiche à l’Opéra pendant plusieurs mois, tandis que Le Jugement de Pâris donna lieu à de nombreux commentaires, parodies et reprises. Elle fit également paraître un périodique, Saisons littéraires, qui contenait d’importantes critiques théâtrales au moins en partie siennes. Après 1722, Marie-Anne Barbier cessa de publier, mais continua à écrire, comme l’attestent deux comédies manuscrites en prose. Les rares traces de l’autrice, après sa disparition de la scène littéraire, laissent supposer qu’elle continua d’évoluer dans le milieu du théâtre. La date et le lieu de sa mort restent inconnus, mais Titon du Tillet, qui connut personnellement Marie-Anne Barbier, affirme qu’elle est morte « vers l’année 1745, dans un âge très avancé ».
La signification de l’œuvre de Marie-Anne Barbier est double. D’abord, elle représente un ensemble cohérent, témoignant de la volonté de cette femme de se faire une carrière littéraire. Reniant le discours « aristocratique » des autrices de théâtre occasionnelles, elle gagna sa vie en tant que dramaturge. Elle ne se limita pas à la seule écriture de pièces, mais critiqua aussi les pièces des autres – en l’occurrence, des auteurs respectés comme Corneille et Crébillon. Enfin, elle veilla à la confection d’une édition-épitaphe de ses œuvres dramatiques complètes, qui rappelle les grandes éditions de Molière et de Corneille.
D’autre part, dans son œuvre tragique Marie-Anne Barbier entama un dialogue avec ses prédécesseurs Corneille et Racine, au moyen d’un jeu intertextuel recherché. Malgré le poids de cet héritage, elle sut élargir les frontières de la tragédie en valorisant l’aspect affectif de ses héros. Elle privilégia également la mise en scène de « femmes fortes » issues de l’histoire antique et fit preuve d’un intérêt marqué pour « la gloire de [son] sexe ». L’attribution de son œuvre à Pellegrin, encore citée aujourd’hui, est démentie par une comparaison formelle des 355œuvres des deux auteurs, aussi bien que par les documents d’époque. Cela n’a d’ailleurs pas nui à la fortune littéraire de l’autrice au cours du xviiie siècle : traduite en néerlandais, allemand, italien et russe, son œuvre a parfois acquis à l’étranger un statut rarement atteint en France. Les études récentes valorisent non seulement le prisme féministe de son écriture, sa contribution à l’esthétique post-classique mais surtout réinscrivent son œuvre dans le rayonnement du répertoire théâtral de l’époque.
- Thème CLIL : 3439 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Oeuvres classiques -- Moderne (<1799)
- ISBN : 978-2-406-12965-3
- EAN : 9782406129653
- ISSN : 2258-0158
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-12965-3.p.0353
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 05/05/2022
- Langue : Français