Résumés
- Publication type: Article from a collective work
- Collective work: Spectres de Dostoïevski
- Pages: 279 to 283
- Collection: Comparative Perspectives, n° 140
Résumés
Nicolas Aude, Victoire Feuillebois et Karen Haddad, « Introduction »
Des spectres présents chez l’écrivain aux traces qu’il a laissées dans la littérature mondiale, cet ouvrage se penche sur l’imaginaire et les représentations littéraires du fantôme chez Dostoïevski, afin de mieux comprendre la nature spécifique de sa réception transnationale.
Jean-Louis Backès, « Le spectre des aïeux »
Dostoïevski appartient à la classe aristocratique. Plusieurs personnages de son œuvre romanesque, comme André Versilov, l’un des protagonistes du roman L’Adolescent, sont des nobles de vieille souche, auxquels il confie la mission d’apaiser le conflit qui oppose le peuple et la noblesse, de guider la Russie dans sa marche prophétique. Pourtant, une gêne inavouée s’exprime chez Dostoïevski à travers d’étranges coïncidences, dont cet article souhaite rendre compte.
Michel Niqueux, « Le vocabulaire spectral de Dostoïevski (prizrak, videnie, prividenie) et sa traduction en français »
Pour désigner un spectre, le russe dispose de trois termes, tous formés sur le radical -vid- (vue, voir) : prizrak, prividenie et videnie, qui semblent parfois synonymiques et qui sont rendus en français de manière variée. Ils composent pourtant un spectre sémantique clair pour l’auteur, qui ne les emploie pas au hasard. Dans tous les cas, les visions ou les fantômes sont pour les personnages de Dostoïevski et pour l’écrivain des réalités, et non des fictions, fussent-elles le fruit d’imaginations malades.
280Ioulia Podoroga, « Dédoublement et émanation. La hantise de l’idée chez Dostoïevski »
Cette étude traite du concept d’idée chez Dostoïevski, en proposant de lui donner un sens proprement littéraire plutôt que philosophique ou abstrait. L’idée chez Dostoïevski est de nature mimétique. Elle se distingue par son caractère affectif, incarné et lié à l’action. L’article explore le fonctionnement de l’idée dans ses deux dimensions à la fois : en tant que définie par l’auteur et comme propriété de ses personnages. Au fur et à mesure que les deux dimensions convergent et se mélangent, l’idée devient le principal protagoniste de ses romans.
Sergueï Fokine, « Spectres du Capital dans la vie et l’œuvre d’un écrivain-prolétaire »
Dostoïevski manifeste une attention soutenue au capital, ce qui a amené à l’écrivain à comprendre la souveraineté de la littérature, portée par cette possibilité de miser sur la folle dépense, y compris la dépense du sens, de miser sur le non-sens comme condition de la possibilité de la création du sens. Le rapport déraisonnable à l’argent, caractéristique de Dostoïevski et de bon nombre de ses personnages, apparaît ainsi comme l’expression d’une structure religieuse archaïque.
Victoire Feuillebois, « Dostoïevski et “l’ombre de Vautrin”. Sur un “texte-fantôme” balzacien »
Cette étude se propose de revenir sur une révélation vieille de cent ans, une révélation fracassante faite par le critique soviétique Leonid Grossman. En se penchant sur la manière dont Dostoïevski a connu l’œuvre de Balzac, Grossman met le doigt sur un fait aux conséquences gigantesques : ce que le jeune Dostoïevski, épris de littérature, rencontre de Balzac entre 1830 et 1840 est un texte-fantôme signé Balzac, mais que Balzac n’a jamais écrit et où son héros fétiche devient un meurtrier.
Margot Buvat, « Hantologie du De Quincey de Musset dans La Logeuse de Dostoïevski »
Cette étude se propose de lire les Confessions d’un mangeur d’opium anglais[Confessions of an English Opium-Eater] (1821) de Thomas de Quincey comme l’un des spectres en amont de l’œuvre de Fiodor Dostoïevski. Isoler cette source 281permet d’envisager une hantologie du texte littéraire qui permet de prendre en compte, dans un même geste critique, à la fois les figures de revenants dans les textes et la modalité de la revenance spectrale comme une intertextualité, mais encore la question de la traduction.
Olga Voltchek, « Le grand homme et les petits enfants. Le spectre de Napoléon dans L’Idiot de Dostoïevski »
L’enjeu de cette étude est de réviser la légende dorée de Napoléon chez Dostoïevski. Dans l’œuvre de Dostoïevski, Napoléon n’apparaît pas comme un homme historique mais représente un mythe, un fantôme de l’imaginaire collectif, une sorte de Spectre de l’humanité universelle. Il fait en particulier écho au Christ à travers sa relation aux enfants et son ombre se réflète dans la construction ambivalente de la figure du prince Mychkine.
Karen Haddad, « “La beauté sauvera le monde. Il faut trouver autre chose” (Houellebecq) »
Les références à Dostoïevski abondent chez Houellebecq. C’est dans La Carte et le Territoire que l’hommage au romancier russe est le plus présent, à travers une forme de réécriture de Crime et châtiment. Houellebecq y reprend entre autres le motif du meurtre sanglant et la nécessité du châtiment. Mais Dostoïevski ne peut y apparaître que comme « spectre » dans la mesure où le criminel n’a aucune épaisseur romanesque et que le châtiment est escamoté ; cependant, une forme de survie de l’art semble promise, montrant que « la beauté » peut malgré tout « [sauver] le monde ».
Tatiana Victoroff, « La beauté hantera le monde. Anges et démons dostoïevskiens dans “La Naissance d’un assassin” de Lászlo Krasznahorkai »
« La naissance d’un assassin », nouvelle de 2008 intégrée au livre Seiobo est descendue sur terre, s’arrête là où commence le chemin criminel de Raskolnikov. Un personnage sans nom est au seuil d’un crime auquel il est poussé par une force immatérielle mais qui devient paradoxalement plus que réelle après une rencontre étrange dans un immeuble à l’architecture monstrueuse ou dans les profondeurs de sa propre conscience. Cette force prend vie dans une copie de l’icône de La Trinité d’André Roublev, qui place le personnage dans le sillage du prince Mychkine de L’Idiot de Dostoïevski.
282Isabelle Poulin, « La chambre du passé. L’intertexte dostoïevskien comme hantise dans l’œuvre de Vladimir Nabokov »
Selon Nabokov, le geste descriptif de Dostoïevski dans Crime et châtiment ne permet pas de croire à une vraie chambre. Il n’en appartient pas moins à un passé qui hante l’exilé et le décide à entrer, quant à lui, dans cette chambre. C’est ce que montre dans le roman Pnine, dont le protagoniste lutte contre un même motif de papier peint à fleurs que Raskolnikov, soulignant la « nature double » du lieu, à la fois réel (creuset de l’écriture) et fanstamé (lié à la Russie perdue).
Philippe Forest, « À la façon d’une phrase fantôme »
Certaines œuvres se montrent plus propices que d’autres à un phénomène qui fait qu’elles subsistent, dans l’esprit de leurs lecteurs, sous l’apparence que leur prêtent des paroles entendues. Il en va ainsi avec la célèbre phrase des Frères Karamazov sur la souffrance des enfants et le billet rendu à Dieu. Notre intention n’est d’établir ni la généalogie, ni la postérité d’une citation aussi célèbre : nous nous proposons plutôt de prêter de nouveau l’oreille à quelques-uns des échos très nombreux que cette citation a suscités.
Aline Lebel, « Fantômes enfantins. Formes et enjeux éthiques d’une revenance dostoïevskienne chez Toni Morrison, des Frères Karamazov à Beloved »
Cette étude s’appuie sur une analyse du traitement littéraire et éthique du motif du spectre enfantin, commun à l’œuvre de Dostoïevski et au plus célèbre roman de Toni Morrison, Beloved (1987. L’enjeu est d’abord de mettre au jour les modalités d’un sillage en grande partie médié, par les auteurs du Sud. Mais à travers cette lecture croisée, il s’agit aussi d’éclairer les dispositifs textuels et intertextuels à l’origine de l’« effet de hantise », à la fois affectif et éthique, rattaché dans la mémoire de la littérature à l’usage dostoïevskien de la souffrance enfantine.
283Jasmine Jacq, « La Maison morte (URSS, 1932), d’après un scénario de Viktor Chklovski. Du “problème Dostoïevski” dans le champ culturel soviétique des années 1920-1930 »
Dans le cinéma soviétique, un film incarne la mise en place d’un processus de contrôle de l’œuvre de Dostoïevski : La Maison morte[Мëртвый дом, 1932], imaginé par Viktor Chklovski (auteur du scénario, réalisation : V. Fiodorov). Le film fut l’objet d’une appropriation par les institutions culturelles. Le résultat en fut un film dévoyé de son projet initial, biographique, verrouillant les aspects de l’œuvre dostoïevskienne non conformes aux valeurs socialistes, et donnant à comprendre la représentation officielle souhaitée de l’écrivain.
Floriane Toussaint, « Spectralisation de la scène sous l’influence de Dostoïevski (1888-1990) »
Outre le constat que Dostoïevski hante l’histoire du théâtre depuis la fin du xixe siècle jusqu’à nos jours, la mise en valeur du motif fantastique du spectre invite à faire l’hypothèse que les nombreuses adaptations de ses romans tout au long de cette période accompagnent l’une des mutations majeures de cet art, celle de l’abandon de l’esthétique réaliste qui triomphe à la fin du xixe siècle. Pour étayer cette hypothèse, nous en évoquerons plusieurs qui, chacune à leur manière, cherchent à rendre compte du « réalisme fantastique » de Dostoïevski.
Nicolas Aude, « L’auteur dévisagé. Dostoïevski et la hantise de l’image photographique »
Cette étude s’intéresse au pouvoir de hantise propre au medium photographique tel qu’il traverse à la fois l’œuvre et la réception de Fiodor Dostoïevski. Le portrait photographique d’écrivain s’impose en effet comme un medium incontournable entre le sujet et l’œuvre. Une partie du discours critique lui emprunte son hyperréalisme pour faire du visage de Dostoïevski le lieu d’un dévoilement. En prenant pour objet l’archive visuelle dostoïevskienne, les fictions biographiques postmodernes écrites par Leonid Tsypkine et Viktor Pelevine s’attachent à mettre en relief la dimension toujours spectrale du dispositif photographique.
- CLIL theme: 4028 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes de littérature comparée
- ISBN: 978-2-406-15814-1
- EAN: 9782406158141
- ISSN: 2261-5709
- DOI: 10.48611/isbn.978-2-406-15814-1.p.0279
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 01-31-2024
- Language: French