Introduction to the Issue At the Boundaries of Work and Employment: Shifting and Rebuilding in the Global North
- Publication type: Journal article
- Journal: Socio-économie du travail Aux frontières du travail et de l’emploi. Déplacements et recompositions dans les pays du Nord
2022 – 1, n° 11. varia - Author: Jourdain (Anne)
- Pages: 15 to 31
- Journal: Social Economy of Labor
Introduction du numéro
Aux frontières du travail et de l’emploi :
déplacements et recompositions dans les pays du Nord
Anne Jourdain
Université Paris-Dauphine,
Paris Sciences & Lettres (PSL),
Institut de recherche interdisciplinaire en sciences sociales (IRISSO)
Au Nord comme au Sud, les mondes du travail ont été soumis à de nombreux bouleversements ces dernières années. Au Nord, la digitalisation des modes de travail, le développement des plateformes numériques, la « pluralisation » de la norme d’emploi à travers l’extension des nouvelles formes juridiques d’emploi (NFE), la valorisation accrue de l’entrepreneuriat, l’externalisation de missions de services publics et, dernièrement, les crises sanitaire et économique liées à la Covid-19 sont autant de facteurs de déstabilisation du travail. Au Sud, des logiques similaires sont à l’œuvre. La fragilisation des formes classiques de travail et d’emploi est plus particulièrement associée au développement des protections sociales indépendantes de l’activité professionnelle, à la « déformalisation » croissante des formes de salariat, à la multiplication des politiques de « formalisation par le bas » et, depuis 2020, au choc brutal de la pandémie sur des secteurs déjà très vulnérables. Tous ces facteurs (non exhaustifs) participent au brouillage des frontières entre les statuts d’emploi, notamment entre salariat et indépendance, et simultanément à celui des frontières entre travail et hors-travail (temps libre, temps familial, loisir, activité domestique…). Dès lors, dans quelle 16mesure ces transformations, plus ou moins anciennes, participent-elles à la redéfinition de la catégorie de travail et de ses contours ?
Le pari des deux numéros spéciaux 2022-1 et 2022-2 de Socio-économie du travail est que porter le regard sur les frontières du travail et de l’emploi doit permettre de repenser le travail à l’aune des transformations contemporaines. Le présent numéro (2022-1) interroge les déplacements et recompositions de ces frontières dans les pays du Nord. Le prochain numéro (2022-2) portera sur leur effacement, leur réarticulation et les délibérations qu’elles suscitent depuis les pays du Sud.
Les frontières analysées par les articles de ce numéro consacré au Nord sont de différentes natures : elles s’établissent vis-à-vis du loisir, du militantisme ou encore de la vie privée et familiale. Elles ont néanmoins en commun d’être questionnées ou questionnables et donc de ne pas aller de soi. Elles impliquent des efforts de construction ou de recomposition de la part de divers acteurs. Les chercheurs et chercheuses participent eux-mêmes et elles-mêmes à des débats d’ordre théorique sur les frontières de la catégorie de travail. Il est utile, au moins dans un premier temps, de distinguer cette question théorique de la question empirique des frontières du travail telles qu’elles sont vécues par les individus plus directement concernés dans la réalité sociale. Ces derniers peuvent se mobiliser dans différentes arènes (médiatique, politique…) pour faire reconnaître leurs activités comme du travail. L’enjeu de la qualification comme travail se situe donc à la fois à un niveau théorique (I) et à un niveau empirique (II et III).
I. Repousser les frontiÈres du concept de travail
De nombreux travaux ont contribué à enrichir le concept de travail. Les chercheuses féministes des années 1970 (Delphy, 1978) ont été pionnières en la matière. En qualifiant de « travail domestique » des activités non rémunérées, jusque-là rarement pensées comme travail, elles ont repoussé les frontières du travail. À la suite de ces travaux séminaux, une multitude d’activités ont été réintégrées dans le champ scientifique du travail : le travail émotionnel (Hochschild, 1983), le travail 17du care (Molinier, 2013), le travail associatif (Hély et Simonet, 2013), le travail des clients ou consommateurs (Dujarier, 2014 ; Tiffon, 2013), le travail de subsistance (Collectif Rosa Bonheur, 2017 ; Mies, 1988) ou encore le digital labour (Cardon et Casilli, 2015). Dans ce numéro, Irène Berthonnet et Clémence Clos proposent d’ajouter à cette liste le travail de gestation, activité oubliée du travail domestique. Qualifier toutes ces activités de « travail » permet de les rendre visibles, d’en faire des objets d’analyse et de discussion légitimes en dépassant les notions ou dichotomies traditionnelles. Cependant, ces diverses extensions du domaine du travail ne sont pas exemptes de critiques, notamment parce qu’elles épouseraient « la tendance à faire de tous les champs de l’activité humaine de simples moments du processus d’accumulation [capitaliste], en oubliant tout ce qui excède, malgré tout, la logique marchande » (Broca, 2017, paragraphe 18). Émergent ainsi des appels au retour à des conceptions plus restrictives du travail, même s’ils semblent pour l’instant minoritaires.
Parmi les différents concepts proposés ces dernières années pour repousser les frontières du travail, celui de « travail gratuit » est de plus en plus mobilisé. Théorisé au moins depuis la parution en 2000 de l’article de Tiziana Terranova sur le free labor (Terranova, 2000), c’est notamment le livre de la sociologue Maud Simonet Travail gratuit : La nouvelle exploitation ? (Simonet, 2018) qui a donné à ce concept une nouvelle actualité en France à partir de 2018. De fait, il est utilisé par trois des quatre articles de ce numéro. Le travail gratuit désigne des « formes de travail non reconnues comme telles, exercées en dehors du droit du travail et avec peu ou pas de compensation monétaire et de droits sociaux » (Simonet, 2018, p. 10). Le bénévolat, le workfare (contrepartie en travail pour des allocataires d’aide sociale aux États-Unis), les stages, le volontariat ou le service civique (Ihaddadene et Lopez Puyol, 2021) relèvent ainsi du travail gratuit. Dans la lignée des travaux féministes des années 1970, Maud Simonet montre que le travail gratuit n’est pas seulement un travail non payé : ce qui le caractérise c’est qu’il est dénié comme travail, parce qu’exercé au nom de valeurs autres que la valeur monétaire. Le travail domestique est ainsi d’autant moins perçu comme travail qu’il est exercé au nom de l’amour (d’une mère pour ses enfants par exemple). De même, le bénévolat ou le service civique sont effectués au nom de la citoyenneté. Ces valeurs supérieures légitiment 18l’exploitation des travailleurs et des travailleuses concernés, c’est-à-dire l’appropriation de la valeur de leur travail par d’autres. S’appuyant par ailleurs sur les recherches anglo-saxonnes sur le hope labor (Kuehn et Corrigan, 2013) ou l’aspirational labor (Duffy, 2017), Maud Simonet montre que le travail gratuit est perçu aujourd’hui comme un tremplin vers l’emploi ou un investissement pour la carrière. Ainsi en est-il du bénévolat, du volontariat ou des stages qui s’inscrivent dans le cadre d’un parcours pour l’emploi et qui relèvent désormais du fonctionnement normalisé du marché du travail. Les politiques publiques actuelles – les politiques de l’emploi et celles favorisant la mise au travail des bénévoles et des allocataires d’aides sociales dans un contexte de restrictions budgétaires – participent à cette gratuitisation du travail.
La quantification des activités nouvellement qualifiées de « travail » est un enjeu à la fois politique et scientifique. Dans les faits, le brouillage des frontières entre travail et hors-travail rend difficile la comptabilisation statistique de ces activités pouvant prétendre au statut de travail. Les économistes et sociologues de la quantification ont depuis longtemps montré l’arbitraire de la réduction des catégories de travail et de richesse aux seules activités et valeurs comptabilisées à travers le PIB (Produit Intérieur Brut), qui écarte le travail domestique et plus généralement toutes les formes de travail qui ne font pas, ou que partiellement, l’objet d’une évaluation comptable (Gadrey, 2005 ; Jany-Catrice et Méda, 2011). Dans cette perspective, plusieurs travaux proposent de nouvelles méthodes de mesure de ces activités invisibles pour les réintégrer dans la comptabilité nationale (Chadeau et Fouquet, 1981 ; Gadrey et Jany-Catrice, 2016). La construction d’outils de mesure communs, admis et partagés par les statisticiens et les statisticiennes, se trouve donc complexifiée par les débats scientifiques sur les frontières du travail. En France, les enquêtes « Emploi du temps » de l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques) supposent toujours, dans leur recodage, une séparation nette entre le « temps professionnel » et les temps supposés hors-travail (« temps domestique », « temps personnel (physiologique) », « temps de loisir et temps libre ») (Brousse, 2015). Or, cette distinction paraît de moins en moins refléter les emplois du temps effectifs. C’est pourquoi les catégories statistiques traditionnelles font l’objet de critiques, telles que dans l’article d’Irène Berthonnet et de Clémence Clos dans ce numéro.
19En définitive, se pose la question des effets économiques et sociaux des propositions théoriques – qui sont aussi d’ordre politique – d’élargissement des frontières de la catégorie de travail. Ainsi, si la notion de travail domestique a en partie été adoptée par des institutions telles que l’Insee et médiatisée au-delà de la sphère académique, de nombreuses formes de travail gratuit font l’objet de luttes sociales pour être pensées comme véritable travail dans l’ensemble de la société.
II. Les luttes sociales pour qualifier
certaines activitÉs de travail
Sous l’effet des transformations contemporaines, ce sont aussi les conceptions indigènes du travail qui évoluent. De nombreux acteurs – professionnels, syndicaux, médiatiques, politiques, juridiques, etc. – participent à la qualification d’activités comme travail. Ces acteurs multiples sont engagés dans des luttes sociales de qualification, si bien que les frontières les plus stabilisées du travail peuvent être analysées comme le résultat de rapports de pouvoir. Ces luttes sont lourdes d’enjeux pour les travailleurs et les travailleuses, dans la mesure où elles rendent leurs situations plus ou moins stables ou, au contraire, précaires. Comment les transformations contemporaines évoquées en introduction affectent-elles ces acteurs, et leurs luttes pour définir les frontières du travail ?
La question de la recomposition des frontières du travail est donc aussi une question empirique. L’article de Saskia Meroueh sur le travail des enfants mannequins et l’article de Marion Michel sur le travail des créatrices de contenus numériques prennent ainsi pour objets les luttes sociales visant à qualifier certaines activités de travail. Elles mettent au jour les enjeux de ces luttes et les efforts qu’elles engagent, ces efforts pouvant eux-mêmes être pensés comme travail.
Un des enjeux les plus recherchés de ces luttes sociales est la reconnaissance. Le travail gratuit est un travail invisible, dénié comme travail. Les efforts des acteurs concernés consistent alors en un travail de visibilisation (Arborio, 2016). Ainsi en est-il de la class action mise 20en place dans le cadre de l’affaire des blogueurs du Huffington Post analysée par Maud Simonet (2018). Ce journal en ligne a été racheté par l’entreprise AOL en 2011 pour 315 millions de dollars : les milliers de blogueurs qui y ont contribué gratuitement depuis sa création en 2005 ont alors demandé que leur soit rétrocédé un tiers du profit réalisé. La reconnaissance du travail approprié a posteriori par une entreprise à but lucratif est au cœur du combat mené.
Un autre enjeu est le rattachement d’activités émergentes aux institutions traditionnelles du salariat, à travers une réglementation juridique adaptée. Cet enjeu est devenu plus prégnant avec ladite ubérisation de la société et le développement des plateformes numériques (Deliveroo, Uber…) pour lesquelles travaillent de plus en plus d’individus avec un statut d’indépendant et non de salarié. Se posant en simple intermédiaire entre un individu offreur et un autre demandeur, ces plateformes contourneraient les régulations juridiques traditionnelles fondées sur le contrat de travail et constitueraient un nouveau mode d’exploitation de la force de travail (Gomes, 2018). De fait, les récentes condamnations ou requalifications juridiques d’emplois indépendants en contrats de travail salarié (Take Eat Easy, Uber, Deliveroo…)1 sont les résultats de luttes visant à faire reconnaître l’existence de liens de subordination, caractéristiques du contrat salarial, entre les plateformes et les travailleurs. Dans ce numéro, Saskia Meroueh propose d’analyser des conflits plus anciens : ceux qui ont présidé à la loi de 1990 qui légalise le travail des enfants mannequins. La réglementation de ces activités exercées jusque-là de manière illégale se fait au nom de la protection de l’enfance (pour encadrer les conditions de travail des enfants), mais aussi de l’internationalisation du marché de la mode et de la publicité. Fruit de luttes sociales engageant divers acteurs, la construction de frontières juridiques du travail contribue en retour à structurer les représentations sociales du travail, comme le fait désormais la loi susmentionnée de 1990 dans les débats actuels sur le travail des enfants influenceurs.
Un dernier enjeu mis en évidence dans ce numéro relève de la marchandisation et de la professionnalisation. Les plateformes numériques 21(Amazon Mechanical Turk, Etsy, TaskRabbit, ainsi que Facebook, Instagram…) ont contribué au développement de la marchandisation du temps libre, des loisirs, des activités domestiques ou encore du militantisme (Barraud de Lagerie et Sigalo Santos, 2018 ; Ravenelle, 2019). Plusieurs travaux posent la question du statut de ces activités parfois précédemment exercées à titre gratuit et nouvellement marchandisées, afin de saisir la signification sociale de cette marchandisation dans les trajectoires et les pratiques des individus (Naulin et Jourdain, 2019) : travail à-côté (Beauvisage et al., 2018 ; Weber, 1989) ? Travail ouvert (Flichy, 2017) ? Loisir sérieux (Stebbins, 2007) ? Etc. Les concepts proposés pour les appréhender sont nombreux et parfois anciens. Ils problématisent tous la question des frontières du travail. Leur ancienneté rappelle que la marchandisation du hors-travail existe depuis bien plus longtemps que les plateformes numériques. Cette marchandisation concerne en grande partie des activités informelles et non déclarées (à l’instar des « petits boulots » payés « au noir »), et parfois des indépendantes et indépendants qui optent désormais fréquemment pour le statut d’auto-entrepreneur en France. Les logiques d’engagement dans la marchandisation sont multiples, depuis la recherche d’un revenu d’appoint ou même de bénéfices d’ordre symbolique jusqu’à la création d’un emploi indépendant (Abdelnour et Méda, 2019 ; Naulin et Jourdain, 2019). Une partie non négligeable des travailleurs et travailleuses du numérique s’inscrivent dans une logique de professionnalisation, en développant des compétences spécifiques pour tirer un revenu substantiel de leur activité. C’est notamment le cas des créatrices de contenus numériques spécialisées dans la prescription écoresponsable qui sont étudiées dans ce numéro par Marion Michel. Face aux critiques assimilant la marchandisation à un manque d’authenticité du militantisme écoresponsable, elles se réclament d’une éthique professionnelle qu’elles contribuent elles-mêmes à mettre en place. Pour faire reconnaître leur professionnalité, elles multiplient les efforts pour visibiliser les tâches et investissements qu’elles effectuent et les faire reconnaître comme un véritable travail donnant droit à une rémunération. Ce faisant, espérant obtenir plus tard une reconnaissance et un revenu pour leur travail, elles incarnent le travail aspirationnel ou aspirational labor (Duffy, 2017) qui les conduit à réaliser aujourd’hui un travail gratuit assimilé à un investissement pour le futur. Cet article illustre ainsi le paradoxe selon lequel la marchandisation du hors-travail 22(ici du militantisme) implique un travail supplémentaire (ici de professionnalisation) qui relève lui-même du travail gratuit.
III. Maintenir le travail
dans des frontiÈres acceptables
La crise sanitaire et les confinements associés ont considérablement modifié les modes de travail, notamment à travers la généralisation du télétravail auprès des populations de cadres et de professions intermédiaires. Le télétravail, qui se développait déjà avant la pandémie (Cléach et Metzger, 2004), pose à nouveaux frais le problème de l’articulation entre travail et vie privée, alors que l’espace de travail doit s’inscrire dans l’espace domestique. Simultanément, il limite les relations informelles avec les collègues. La question des frontières du travail se pose alors de manière pratique pour les travailleurs et travailleuses concernées qui mettent en place des stratégies de circonscription du temps et de l’espace de travail. Dans ce numéro, l’article de Corinne Delmas sur le travail notarial met bien en évidence ce type de stratégie visant à maintenir le travail dans des frontières acceptables. Il s’agit pour les travailleurs et travailleuses de faire face à la porosité accrue des frontières traditionnelles sous l’effet non seulement de l’accroissement du télétravail, mais aussi de la multiplication des formes d’emploi plus ou moins atypiques qui touchent le notariat comme de nombreux autres secteurs. La thématique du débordement du travail ou de l’engagement total apparaît en effet ces dernières années dans de nombreux travaux à propos des cadres (Genin, 2017 ; Tiffon, 2021) et des indépendants et indépendantes (Benites-Gambirazio, 2017). Dans les entreprises, l’investissement actif, voire créatif, requis par le management par projet propre au « nouvel esprit du capitalisme » (Boltanski et Chiapello, 1999) impose depuis longtemps un brouillage des activités de travail et de hors-travail. La norme de forte disponibilité qui caractérise depuis plus longtemps encore les professions indépendantes se diffuse aussi sous l’effet de la tendance à s’estomper des frontières entre emploi salarié et emploi indépendant (Bernard, 2020). Un des intérêts de l’article de Corinne Delmas est de 23montrer que la capacité à poser des limites au débordement du travail sur la sphère privée varie selon le statut d’emploi, le métier, mais aussi les caractéristiques sociodémographiques et la trajectoire sociale. Le genre apparaît particulièrement discriminant, les femmes optant davantage pour des statuts indépendants ou même des bifurcations professionnelles, afin de mieux articuler vie professionnelle et vie familiale lorsqu’elles ont de jeunes enfants.
Le maintien du travail dans des frontières acceptables apparaît comme un enjeu central des sociétés développées contemporaines. Il s’agit notamment de faire face à la « question de société » des risques psychosociaux au travail (Gollac, 2012). Le récent appel du Centre de recherche interuniversitaire sur la mondialisation et le travail (CRIMT) à étudier les expérimentations favorisant un « travail de qualité » (CRIMT, 2022) peut être lu en ce sens. De même, Le Manifeste travail signé par douze autrices en 2020 (Ferreras et al., 2020), qui appelle à démocratiser, démarchandiser et dépolluer le travail, invite à la convergence des réflexions scientifiques et des luttes sociales et politiques pour redéfinir le travail et, par là même, ses frontières.
IV. Les frontiÈres du travail et de l’emploi analysÉes par les articles de ce numéro
L’ambition de ce numéro spécial est de saisir les enjeux théoriques et empiriques de la modification des frontières du travail et de l’emploi et de mettre au jour les efforts d’une multiplicité d’acteurs pour déplacer ou recomposer ces frontières. Il repose pour cela sur quatre articles d’économistes et de sociologues et sur six comptes-rendus d’ouvrages.
Suivant la ligne éditoriale de la revue Socio-économie du travail, les articles de ce numéro s’appuient sur une diversité de méthodes (archives, entretiens, observations, statistiques sur données numériques…) pour saisir l’effet de transformations socio-économiques de plus ou moins long terme sur les frontières du travail et de l’emploi. La question de la qualification d’activités comme travail est au cœur des trois premiers articles, tandis que le quatrième s’intéresse aux efforts de reconstitution de 24frontières. Proposant de repousser les frontières de la catégorie de travail, le premier article se veut plus théorique, là où les trois derniers analysent des luttes indigènes et font des frontières du travail une question empirique. Enfin, on peut noter qu’en dehors de l’article de Saskia Meroueh qui porte sur le travail des enfants, le genre est central dans les articles de ce numéro, ce qui n’est pas un hasard : la question des frontières du travail et de l’emploi, associée à des phénomènes d’invisibilisation et de vulnérabilité, se pose de manière accrue pour les femmes.
Le premier article, signé par Irène Berthonnet et Clémence Clos, ouvre sur une proposition théorique forte : la gestation doit être conceptualisée comme travail et non comme état physiologique. S’appuyant sur les travaux des féministes matérialistes qui remontent aux années 1970, les autrices affirment que « ce que fait la femme enceinte pendant les 9 mois approximativement nécessaires au développement d’un fœtus pour devenir un bébé » relève du travail procréatif. Se référant notamment à une définition marxienne du travail comme « mise en mouvement délibérée de l’énergie humaine pour agir sur la nature et se l’approprier sous une forme utile à la vie », elles mettent au jour le travail du corps et de l’esprit impliqué par la gestation. L’article ne s’arrête néanmoins pas à cette proposition théorique : l’ambition est de montrer que le travail de gestation n’est jamais reconnu et valorisé comme travail. Il s’agit d’un travail gratuit au sens de Maud Simonet (2018). Leur démonstration s’inscrit dans deux espaces et deux pays développés : la sphère marchande avec la gestation pour autrui (GPA) étudiée dans le cas des États-Unis, d’une part, et la sphère domestique avec la gestation « pour soi » étudiée dans le cas de la France, d’autre part. À partir d’une enquête documentaire sur les pratiques de rémunération des gestatrices des sept principales agences de GPA aux États-Unis, l’article montre que le travail de gestation effectué dans ce cadre est éventuellement compensé mais jamais rémunéré comme un travail assorti de droits sociaux (congés, chômage…). Le travail de gestation est aussi invisibilisé dans la sphère domestique, à tel point qu’il ne figure pas parmi les postes de la catégorie « temps domestique » des enquêtes « Emplois du temps » de l’Insee. À l’instar des autres formes de travail gratuit, cette invisibilisation repose sur l’idée répandue selon laquelle le travail de gestation doit être assuré au nom de l’amour. En conclusion, les autrices invitent à réfléchir aux conditions de travail et aux droits associés au travail de gestation s’il 25venait à être pensé comme tel, comme elles l’appellent de leurs vœux. Les interruptions volontaires de grossesse pourraient alors être interprétées comme des refus de poursuivre un travail commencé.
Les deux articles suivants traitent aussi de l’enjeu de la qualification de certaines activités comme travail, mais sans parti pris théorique. Ils explorent plutôt les luttes indigènes auxquelles se prêtent une diversité d’acteurs aux intérêts différents et aux visions du monde divergentes.
En analysant un objet relativement inédit – le travail des enfants mannequins – dans une perspective sociohistorique, l’article de Saskia Meroueh montre que les frontières du travail font l’objet d’une construction sociale et juridique qui accompagne le développement du capitalisme au cours du xxe siècle dans les sociétés développées comme la France. Cette construction fait l’objet de conflits qui opposent différents acteurs et institutions : législateurs, juges, inspecteurs du travail, médecins, parents, publicitaires… En s’appuyant sur des archives institutionnelles, Saskia Meroueh met ainsi en évidence le « travail relationnel » (Zelizer, 2005) entrepris par divers acteurs, qui a conduit à la loi de 1990 qui légalise le travail des enfants mannequins. Alors qu’au début du xxe siècle les frontières du travail enfantin acceptables se limitaient aux activités artistiques supposées contribuer à l’épanouissement des enfants, elles se sont progressivement déplacées vers des activités commerciales comme la publicité et le mannequinat. L’article vise précisément à éclairer ce déplacement des frontières en analysant l’évolution des normes sociales et juridiques. Il montre qu’au début de la période, l’usage des enfants dans la publicité et le mannequinat était jugé immoral et donc illégal. Sous l’effet du développement de la publicité, cet usage s’est généralisé, tout en restant illégal. Dès lors, pour que les conditions de travail et d’emploi des enfants soient réglementées, la reconnaissance comme travail salarié assorti de droits est de plus en plus envisagée au nom de la protection de l’enfance. Simultanément, les forces du marché et l’internationalisation du marché de la mode et de la publicité, contre lesquelles il serait impossible de lutter, sont des arguments émis pour légitimer le déplacement des frontières du travail enfantin acceptable. Retracer ainsi la genèse de la loi de 1990 permet de mettre au jour l’instabilité relative des frontières du travail au cours du temps et d’insister sur le poids des processus de marchandisation capitaliste dans la recomposition de ces frontières.
26L’extension des frontières du travail marchand est aussi favorisée par le développement actuel des réseaux socionumériques (Facebook, Instagram…) étudié par Marion Michel. Cette dernière s’intéresse aux créatrices de contenus numériques écoresponsables qui demandent une rémunération aux entreprises dont elles promeuvent les produits écoresponsables auprès de leur communauté d’abonnées. À partir d’une enquête en ligne et hors ligne, qualitative et quantitative, elle met en évidence les critiques d’ordre moral émises à l’égard de cette marchandisation qui dénaturerait l’engagement militant des créatrices de contenus. L’authenticité de la démarche écoresponsable se trouverait ainsi corrompue par la transaction marchande. Ces critiques émanent des consommatrices de contenus mais aussi des entreprises dites écoresponsables qui ont un intérêt économique à amateuriser la pratique de création de contenus. Face à ce déni de travail, les créatrices de contenus déploient plusieurs stratégies de professionnalisation de leur activité. Elles cherchent à faire valoir leur expertise écoresponsable, à rendre visible le travail et les investissements (financiers notamment) fournis, mais aussi à définir des « bonnes pratiques » censées encadrer une concurrence loyale sur le marché de la prescription écoresponsable qu’elles souhaitent construire. Pour des raisons matérielles et symboliques, elles s’efforcent ainsi de faire reconnaître leur activité comme un travail. D’ailleurs, ces efforts de professionnalisation peuvent eux-mêmes être envisagés comme un travail (gratuit). Marion Michel propose en conclusion de les analyser comme une forme de travail aspirationnel (Duffy, 2017), c’est-à-dire un travail dont les retombées ne sont pas immédiates mais espérées dans le futur. En cela, les créatrices de contenus représentent bien les travailleuses des industries culturelles numériques qui acceptent des conditions de travail précaires dans l’espoir d’une situation future meilleure.
Le dernier article, de Corinne Delmas, adopte une autre perspective sur les frontières du travail et de l’emploi : il n’est plus question de les déplacer mais de les reconstituer pour contenir le travail dans des limites acceptables. L’article rend compte de la porosité des frontières du travail notarial sous l’effet de deux forces : la diversification des statuts d’emploi, caractérisée notamment par le développement du travail indépendant, et l’essor du télétravail depuis la crise sanitaire. En cela, le notariat constituerait un secteur exemplaire des évolutions contemporaines du travail. S’appuyant sur une enquête au long cours par observations et par 27entretiens, Corinne Delmas montre que ces transformations se traduisent par un brouillage des espaces et des temporalités entre le travail, d’une part, et le loisir et la famille, d’autre part. Les risques de débordement deviennent de plus ou plus nombreux, par exemple à travers la généralisation des horaires décalés. Ce brouillage est-il source de libération ou de fragilisation pour les travailleurs et travailleuses ? Tout dépend de leur capacité à circonscrire un temps et un espace de travail. Cette maîtrise spatio-temporelle est plus ou moins forte selon les métiers, les statuts mais aussi les profils sociodémographiques et les trajectoires. Le genre et les conditions d’existence (âge des enfants, rôle du conjoint, taille du domicile…) apparaissent particulièrement discriminants dans les manières d’appréhender la porosité entre travail et hors-travail. Le statut d’indépendant et le travail à domicile sont ainsi valorisés par des femmes ayant des enfants en bas âge, à l’image des Mompreneurs étudiées par Julie Landour (2016) qui valorisent fortement leurs tâches parentales. Parfois, la mise à distance du travail est plus radicale et passe par une sortie du notariat, à travers une reconversion professionnelle.
Les comptes-rendus de six ouvrages récents complètent les analyses proposées par les articles de ce numéro. Le premier, rédigé par Benjamin Saccomanno, synthétise le volumineux ouvrage Troubles dans le travail. Sociologie d’une catégorie de pensée (2021) de Marie-Anne Dujarier. Cette dernière retrace la multiplicité des significations du travail et met en évidence les contradictions qui jettent aujourd’hui le trouble sur la catégorie de travail. Les trois comptes-rendus suivants mettent précisément au jour des aspects spécifiques qui peuvent relever des catégories de travail et d’emploi. Celui de Thomas Coutrot sur Le Care, théories et pratiques (2021) d’Helena Hirata insiste sur l’intersectionnalité et la comparaison entre trois pays (Brésil, France et Japon) qui permettent à l’autrice d’exposer à la fois les spécificités nationales des emplois du care et les difficultés communément éprouvées par les travailleurs et les travailleuses du care. Le compte-rendu de Lucile Girard sur La Régulation sociale du risque émotionnel au travail (2020) publié par Thomas Bonnet attire l’attention sur un autre aspect du travail : les émotions et le risque émotionnel qui peut troubler le bien-être du travailleur ou de la travailleuse, et l’empêcher de mener à bien son travail. Alice Romerio, dans son récent ouvrage Le Travail féministe. Le militantisme au Planning familial à l’épreuve de sa professionnalisation (2022), dont Sophie 28Rétif nous propose ici une synthèse, propose de qualifier de « travail féministe » du travail salarié, bénévole ou « militant » réalisé dans un cadre associatif et participant à l’institutionnalisation de la cause des femmes. Elle montre que la professionnalisation de ce travail féministe ne constitue pas un horizon automatique pour le Planning familial. Les deux derniers comptes-rendus traitent de livres qui s’intéressent aux phénomènes de marchandisation d’activités, notamment sous l’effet du développement des plateformes numériques. Le compte-rendu de Vincent Jourdain montre que ce sont des activités domestiques ou de loisir, telles que le tricot, les loisirs créatifs ou le sexcaming, et leur marchandisation qui sont étudiées dans l’ouvrage collectif en anglais The Social Meaning of Extra Money : Capitalism and the Commodification of Domestic and Leisure Activities (2019), coordonné par Sidonie Naulin et Anne Jourdain. La marchandisation peut notamment résulter de l’un des trois objectifs suivants : obtenir un revenu supplémentaire, épargner ou se professionnaliser pour vivre de l’activité. Le dernier compte-rendu, celui de Fabien Lemozy, présente La Colonisation du quotidien. Dans les laboratoires du capitalisme de plateforme (2021) de Patrick Cingolani. Ce dernier envisage les plateformes numériques comme les formes les plus abouties du capitalisme contemporain qui contribuent aux processus de précarisation et de dilution des notions de travail et d’emploi.
En conclusion, les textes de ce numéro montrent l’intérêt de porter le regard sur les frontières du travail et de l’emploi pour mieux analyser les effets des transformations contemporaines dans les sociétés du Nord telles que la France et les États-Unis. Décentrer ce regard pour analyser ces effets dans les pays du Sud, dans lesquels la question des frontières entre travail formel et travail informel se pose de manière accrue, est nécessaire pour éviter tout ethnocentrisme. C’est précisément l’objet du prochain numéro de Socio-économie du travail.
29RÉFÉRENCES bibliographiques
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1 Peuvent ainsi être mentionnés : l’arrêt de la Cour de cassation « Take Eat Easy » du 18 novembre 2018, l’arrêt « Uber » du 4 mars 2020 et, plus récemment, la condamnation le 19 avril 2022 par le tribunal correctionnel de Paris de l’entreprise Deliveroo France pour travail dissimulé.
- CLIL theme: 3319 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Économie publique, économie du travail et inégalités -- Travail, emploi et politiques sociales
- ISBN: 978-2-406-14894-4
- EAN: 9782406148944
- ISSN: 2555-039X
- DOI: 10.48611/isbn.978-2-406-14894-4.p.0015
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 05-10-2023
- Periodicity: Biannual
- Language: French
- Keyword: boundaries, work, employment, qualification, North