La réduction du travail au temps « productif » dans l’aide à domicile Un outil de baisse du « coût » du travail
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Socio-économie du travail
2019 – 2, n° 6. Tant de capital, temps de travail ? - Auteurs : Devetter (François-Xavier), Dussuet (Annie), Puissant (Emmanuelle)
- Pages : 213 à 239
- Revue : Socio-économie du travail
La réduction du travail au temps « productif » dans l’aide à domicile
Un outil de baisse du « coût » du travail
François-Xavier Devetter
Univ. Lille, IMT Lille Douai, Clersé
Annie Dussuet
Université de Nantes – CENS UMR 6025
Emmanuelle Puissant
Univ. Grenoble-Alpes, Creg
Introduction
L’aide à domicile est la profession qui a connu la plus forte croissance quantitative depuis 30 ans, passant de moins de 200 000 salariées à près de 600 000 aujourd’hui. Pourtant, dès la fin des années 1990, plusieurs recherches sur le secteur de l’aide à domicile (Duval, 1996 ; Causse et al., 1998 ; Angeloff, 2000 ; Bressé, 2004), ont souligné les conditions d’emploi globalement mauvaises que l’on pouvait y observer, notamment en termes de rémunérations. Plus récemment, des rapports officiels (Poletti, 2012 ; Watrin, Vanlerenberghe, 2014 ; CNSA, 2016) ont réitéré ce constat, en pointant en particulier les risques de croissance des accidents du travail et des maladies professionnelles (Branche Aide à Domicile, 2017), induits par ces mauvaises conditions de travail et d’emploi. Si certaines dimensions, à 214l’image des rémunérations, se sont légèrement améliorées (en partie grâce aux négociations professionnelles au sein de la branche associative de l’aide à domicile), d’autres comme l’intensité du travail ou l’autonomie dans le travail ont au contraire tendance à se détériorer1.
Cette situation est globalement acceptée tant les « contraintes objectives » pesant sur ce métier sont fortes : interventions éclatées au sein de multiples domiciles de particuliers, complexité considérée comme relativement faible des tâches, insuffisance des financements publics sont tour à tour invoqués pour expliquer la « trappe à précarité » dont l’aide à domicile peine à s’échapper. Si ces éléments sont indiscutables, ils n’épuisent pas la question : soit parce qu’ils doivent eux-mêmes être expliqués (la faiblesse des qualifications demeure par exemple largement débattue, Gadrey et al., 2004), soit parce qu’une même cause (fragmentation des interventions par exemple) ne produit pas systématiquement les mêmes effets au sein d’autres secteurs ou métiers (les personnels roulants, les enseignants, les professions médicales sont également exposés à des « interventions » multiples ou en déplacement). Ainsi, les caractéristiques considérées comme inhérentes à l’activité d’aide à domicile sont bien davantage des conventions sociales, qui maintiennent les salariées dans une situation de faible reconnaissance sociale et salariale.
Parmi ces conventions, l’euphémisation des pénibilités liées au travail (Devetter et al., 2012) ou des qualités mobilisées (Gadrey et al., 2004) ont souvent été soulignées et reliées à la faiblesse des rémunérations (Budig, Misra, 2010). De même, le recours à une main d’œuvre fragile, fréquemment peu revendicative et divisée (Devetter et Puissant, 2018) contribue à expliquer le maintien de salaires faibles alors même que les difficultés de recrutement sont régulièrement mises en avant. Ces facteurs ne sont pas propres à l’aide à domicile et se retrouvent dans d’autres professions présentées comme peu ou non qualifiées dans les services, à l’image des nettoyeurs ou des salariés de la grande distribution ou de l’hôtellerie-restauration.
La particularité que nous souhaitons en revanche souligner est le dispositif spécifique à l’aide à domicile qui permet de légitimer ces 215processus de « disqualification ». En effet, cet article part de l’hypothèse que le point de blocage principal réside dans le choix d’une conception spécifique de la mesure du travail des aides à domicile fondée sur une perception doublement réductrice : de leur activité (réduite à du temps de travail « simple ») et de ce temps même de travail (réduit au seul « temps productif »). En effet le travail dans ce secteur a quitté, à partir des années 80, le champ de l’informalité pour entrer dans le monde salarial, pensé sur un modèle industriel qui repose sur l’usage du chronomètre.
Ainsi, notre contribution montrera que la partition entre temps productif et temps improductif nourrit une stratégie générale, publique comme privée, de baisse de coût du travail. Au-delà, elle souligne que cette partition contribue à redéfinir le contenu du travail et du service d’aide à domicile. Cette redéfinition s’opère au détriment de la reconnaissance de la complexité des tâches et du travail et donc des qualifications de ceux (et ici quasi-exclusivement de celles) qui les mettent en œuvre.
Pour le démontrer, nous procèderons en deux temps. Une première partie sera consacrée à la notion de « temps de travail productif », issu d’un référentiel masculin et industriel, qui correspond à une mesure, et corrélativement une reconnaissance, partielle du travail et du service. Cette conception de l’activité entraine alors une transformation de celle-ci, en faisant pression sur le coût et la qualité des emplois et du service (deuxième partie). Pourtant, une autre conception de ce qu’est l’aide à domicile pourrait être envisagée, en mettant l’accent sur la relation d’usage, au-delà du temps chronométré.
1. Méthodologie
Cet article s’appuie sur une méthodologie empirique et statistique, mise en œuvre dans le cadre d’une recherche réalisée pour la Dares en 2016-2017 (Devetter et al., 2017).
Il s’appuie sur des entretiens semi-directifs portant sur les conditions de travail et d’emploi. Une partie des questions posées aux salariés concernait spécifiquement le temps de travail et la place du temps dans l’organisation du travail. 23 entretiens semi-directifs avec des salariées (19) et des employeurs (4) ont été menés dans le secteur de l’aide à domicile. Parmi ces entretiens, 6 concernaient des entreprises privées lucratives, 3 des services publics et 14 des associations d’aide à domicile.
De manière complémentaire, un traitement statistique de l’enquête conditions de travail 2013 a été réalisé. Cette édition de l’enquête a en effet permis de surreprésenter les professions sur secteur médico-social et regroupe ainsi 691 aides à domiciles (pcs = 563b).
216I. Le « temps de travail productif »,
une mesure partielle du travail
La structuration par la régulation publique de l’aide à domicile est relativement récente (essentiellement à partir de la fin des années 90). Elle s’est cependant appuyée sur une conception de l’activité fortement inspirée de modèle de rationalisation industrielle, utilisant le temps comme mesure essentielle du travail (1.1). Plus encore, dans le cadre de logiques budgétaires restrictives, il semble que seule une partie de ce temps soit considérée comme du temps « productif » (1.2).
I.1. La mesure de l ’ activité d ’ aide par le chronomètre
En dépit de travaux déjà anciens et reconnus dans le champ académique (De Brandt, Gadrey, 1994), le développement quantitatif des emplois de services n’a pas occasionné de réflexions importantes dans les institutions politiques, ni dans les organisations, pour tenter d’adapter les cadres de compréhension, d’analyses et de régulation. Pourtant, ces activités, en partie issue de la sphère « domestique » contribuent à une redéfinition profonde de la production dans son ensemble ainsi que des compromis qui ont structuré la société salariale industrielle. Bien au contraire, des travaux récents ont souligné que le secteur social et médico-social, y compris l’aide à domicile, était de plus en plus soumis à un référentiel industriel (Müller, 2011 ; Le Roy et al., 2017). Ainsi, des notions intrinsèquement liées à l’organisation industrielle de la production et du travail comme la productivité, le contrôle du temps de travail, la division du travail, la mesure de l’activité, etc., ont été transposées de l’industrie aux services, participant à un processus profond de rationalisation, voire d’industrialisation, des organisations du travail, et des services en général (Gadrey, 1994).
Or, ces logiques de rationalisation s’appuient sur une conception bien particulière du travail productif qui constitue le temps comme élément central du contrôle du travail, et même de la définition du travail. Ainsi que l’a montré Thompson (1967), l’invention de l’horloge et l’émergence de la rationalité capitaliste transforment le rapport au temps : on passe ainsi d’un modèle « traditionnel » dans lequel le travail est orienté par 217la tâche (on réalise son travail en fonction des objectifs de l’activité, de la manière dont on juge devoir le faire, avec une certaine autonomie quant au rythme et au sens du travail) à un modèle de rationalité capitaliste dans lequel le travail doit être mesurable, contrôlable. C’est ce type de transformation, qui a caractérisé le développement du salariat industriel, que l’on obverse aujourd’hui dans l’aide à domicile.
Dans le rapport salarial, c’est autour du temps que se jouent les engagements des deux parties, temps rémunéré d’une part, temps subordonné de l’autre : « le temps représente ce qui semble le plus aisément objectivable dans le cadre du contrat de travail. Il est le vecteur à partir duquel l’usage des capacités du salarié sera opéré »(Linhart, 2005, p. 8).Mais ce rapport « comporte un réel malentendu au départ. L’employeur achète quelque chose qu’il ne peut s’approprier totalement et qui lui échappe par nature (humaine). Le temps ainsi que les capacités physiques et cognitives qu’il achète ne peuvent être dissociés de la personne qui les fait exister. Ils ne peuvent être totalement extériorisés, totalement neutralisés. Le salarié conserve un type de contrôle qui échappe à l’emprise de l’employeur, à la mise en œuvre du savoir organisationnel et productif qu’il impose »(ibid., p. 10).Ce « malentendu » inhérent au contrat de travail est encore renforcé lorsque l’activité de travail s’exerce sur des personnes et suppose un engagement subjectif important de la part des salarié·e·s. Ceux et celles-ci retrouvent alors, au sein même du temps subordonné, et donc rémunéré, une certaine autonomie, voire liberté. Toutefois, depuis une trentaine d’années, on assiste à ce que Danièle Linhart appelle une « inversion du rapport au marché »dans les servicesàfonction de protection sociale, à travers l’introduction d’outils gestionnaires d’objectivation et de contrôle du temps du travail. « D’une certaine façon, la rivalité entre direction et salariés se verrait tempérée et retravaillée par l’apparition de ces contraintes externes qui, de facto, semblent introduire un impératif dans l’organisation des rythmes du temps de travail. L’objectivation ne serait plus à construire, elle se présente désormais comme donnée par l’extérieur de l’entreprise »(Linhart, 2005, p. 15).
Cette opposition se retrouve aujourd’hui dans l’aide à domicile. Avec la réduction de l’activité à un temps fractionnable et chronométrable, le service d’aide se trouve de fait (re)défini. Ainsi, c’est en effet par la mesure du temps que l’activité des aides à domicile est décomptée, à trois niveaux complémentaires :
218–la mesure des besoins via une comptabilisation en « heures attribuées » lorsque les agents des Conseils départementaux élaborent un « plan d’aide », en fonction de la situation de chaque personne éligible à l’Allocation Personnalisée pour l’Autonomie (APA) ;
–la mesure des financements publics via l’attribution d’un tarif horaire fixé par le département lorsque le plan d’aide est ensuite « valorisé » pour déterminer le niveau de l’allocation versée2 ;
–la mesure, enfin, du temps de travail par le décompte des heures d’interventions afin de déterminer la rémunération des intervenantes à domicile.
I.2. Une mesure (partielle) de l ’ activité
par le temps d ’ intervention
À cette première étape d’assimilation du service d’aide à domicile à du temps (et par ailleurs à du temps « simple » ou considéré comme non qualifié), succède une seconde étape visant à réduire la valeur monétaire de ce temps lui-même. Or, le salaire étant déjà bloqué au niveau du SMIC, la seule façon de réduire son coût consiste à le décompter de manière très restrictive, voire à ne pas le décompter intégralement. C’est ici que la notion de « temps productif » vient renforcer et légitimer le processus.
En effet, via cette notion, les trois mesures « chronométrées » présentées ci-dessus ont progressivement conduit à définir l’activité de manière restrictive. La catégorie du « temps productif » s’est imposée et est aujourd’hui utilisée par la plupart des conseils départementaux dans le calcul du temps qu’ils sont prêts à financer, au moins partiellement, pour les interventions. Le temps dit « improductif » recouvre a contrario l’ensemble des temps hors domicile (les temps de déplacement entre les domiciles, les temps de formation ou encore de coordination). L’application de cette expression négative vise à justifier leur non-financement par la collectivité : ces temps ne répondraient pas directement aux besoins des usagers. Ainsi, des objectifs d’augmentation de la « productivité », comprise comme le ratio « temps facturé aux utilisateurs / temps total rémunéré aux salariées », ont été assignés aux organisations, visant la diminution du temps rémunéré passé par les intervenantes hors domicile, et par là, la diminution du coût des interventions. La distinction de divers 219temps n’est pas en cause en tant que telle, car on aurait pu envisager une différenciation de la reconnaissance des temps, destinée à montrer qu’un ensemble de temps invisibles pour les usagers, participent de la qualité du service et du travail d’aide à domicile. Une autre voie aurait été possible, privilégiant l’augmentation du prix, pour une meilleure prise en compte de ces temps, non plus considérés comme improductifs mais simplement comme non visibles pour les usagers. Mais la qualité du service se mesurant difficilement, et le consentement de la collectivité à payer pour ces services étant faible, la division de la reconnaissance des différents temps de travail a toutes les chances de déboucher sur un financement partiel de l’activité, mettant les organisations et le travail des aides à domicile sous tension.
Le temps de travail « productif », tel qu’il est fréquemment retenu par les financeurs et régulateurs de l’aide à domicile, recouvre une partie bien particulière du temps global de travail d’une intervenante à domicile.
Tab. 1 – Les différents types d’heures dans l’aide à domicile.
Heures rémunérées au salarié |
Heures travaillées |
Heures d’intervention au domicile |
Heures facturées à l’utilisateur |
Pour les organismes uniquement : temps de trajet, réunions… |
Heures « improductives » |
||
Congés payés |
Lecture : les heures rémunérées recouvrent les congés payés et les heures travaillées, qui intègrent elles-mêmes les heures d’intervention au domicile et, dans le cas des organismes prestataires, les temps de transports, de réunion, de formations, etc.
Source : Benoteau et Gouin, 2015.
Non seulement le temps de travail compté est uniquement celui réalisé au domicile des usagers, mais une partie seulement de ce temps passé au domicile est considérée comme du temps productif.
Tout d’abord, le temps de travail productif recouvre uniquement le temps de travail passé dans les domiciles privés des usagers. Ainsi, les temps de travail hors domicile (qu’il s’agisse des temps de déplacement entre deux domiciles, des temps de coordination, de formation, de réunion d’équipes, etc.), sont autant de types de temps de travail jugés improductifs. Les temps considérés comme improductifs englobent donc des temps 220qui ne permettent pas l’amélioration du service (comme les temps de déplacements), mais aussi des temps qui modifient le contenu du service, mais restent invisibles pour les utilisateurs (formations, récupérations, préparation, temps d’échange collectif, de coordination, etc.). À l’inverse, un critère de qualité du service qui se développe rapidement est celui du respect des normes de temps prédéfinies en amont de la réalisation du service. En ce sens, on assiste à des processus proches de ceux qu’on a pu identifier dans les hôpitaux, à l’occasion de la mise en place de la tarification à l’activité – T2A, en 2004. Si ce contrôle par le temps de travail est une tendance générale, on note des différences sensibles selon le statut de l’employeur (particulier employeur, ou prestataire public, prestataire privé non lucratif, ou encore prestataire lucratif).
Ensuite, même le temps de travail réalisé au domicile des usagers n’est pas reconnu comme du temps productif dans son intégralité. En effet, n’est considéré comme productif que le temps consacré à la réalisation de tâches identifiables après le départ de l’intervenante à domicile à travers une transformation matérielle objectivable (« maison nettoyée », « personne âgée lavée », etc.). Il s’agit de tâches quantifiables et chronométrables ex ante, et que l’on peut séquencer, comme l’aide au lever, l’aide au coucher, l’aide à la prise de repas, réchauffer les plats, l’aide à la toilette, l’aide à l’entretien du logement, l’aide à l’administration de médicaments, etc.
Cette conception du temps de travail mesuré par son « produit » s’oppose aux normes temporelles de la sphère domestique, telles qu’elles ont pu être mises en évidence par des enquêtes qualitatives. Le temps, celui des femmes tout particulièrement, y est perçu comme dédié aux membres du groupe familial : comme tel, il ne peut et ne doit pas être compté. Dans une logique de don, ce sont les liens, la relation qui devraient être privilégiés (Dussuet, 2005). Ainsi Danielle Chabaud-Rychter et al. (1985) mettent en évidence une « disponibilité permanente » des femmes à l’égard de leurs proches, qui leur impose de se tenir prêtes à répondre de façon quasi instantanée à leurs demandes d’aide. Cette appropriation du temps des femmes au bénéfice de leur entourage familial, et plus largement de l’ensemble de la société, en limite la mesure et constitue un facteur majeur de leur infériorisation sociale. À ce titre, elle peut être analysée comme un rapport d’exploitation.
221Mais dans le cadre d’un rapport salarial, cette indétermination du temps de travail semble inacceptable, même si on retrouve ces caractéristiques du « temps domestique » dans la situation des domestiques à demeure, dont le temps est approprié par leur employeur d’une façon difficilement mesurable. La question du périmètre du temps de travail est encore aujourd’hui l’objet de luttes et de négociations entre représentants des personnels et des employeurs. Ainsi, cette question a été au cœur des négociations de la convention collective des entreprises privées lucratives de services à la personne. La première version de la convention collective n’a pu entrer en vigueur, faute de signatures suffisantes de la part des organisations syndicales des salariés, majoritairement opposées aux contrats de travail permettant un temps de travail indéterminé. Les représentants des employeurs ont retiré cette disposition de la deuxième version, afin que la convention soit signée, en septembre 2013. Mesurer le temps de travail, le délimiter, peut ainsi apparaître comme un facteur d’amélioration des conditions d’emploi des salariées.
Pourtant dans l’aide à domicile, l’activité des salariées est en principe le support d’une relation d’aide, parfois même de mise en activité des usagers eux-mêmes afin de prévenir et reculer au maximum l’âge d’entrée en dépendance. Cet objectif de « faire avec » nécessite une évaluation large du temps : si une « aide à la préparation des repas », par exemple, signifie éplucher des légumes soi-même, elle prend nettement moins de temps que de mettre en activité l’usager, à l’occasion de cette tâche d’épluchage. Dit autrement, ne pas faire, ne pas faire seul ou directement, nécessite de consacrer davantage de temps pour les même tâches. Or, ce temps n’est pas intégré au temps de travail dit productif, uniquement constitué de tâches isolées, désencastrées de la relation d’aide globale.
L’utilisation de la catégorie de « temps productif » débouche donc dans l’aide à domicile sur une mesure non seulement partielle, mais aussi « partiale » du travail réel effectué, au sens où seules les tâches objectivables sont comptabilisées.
222II. La transformation du travail
et du service par le chronomètre
Cette conception du travail comme temps chronométrable et chronométré implique une redéfinition du travail lui-même qui a d’importantes conséquences, à la fois pour la soutenabilité de l’emploi (2.1) et pour la qualité du service (2.2). Au-delà, elle constitue un outil de baisse du coût du travail, au service de stratégies publiques et privées (2.3).
II.1. La mesure de l ’ activité via le « temps productif »
au cœur des mécanismes conduisant
à des emplois de mauvaise qualité
Dans un secteur d’activité caractérisé par un isolement des salariées sur des temps et des lieux de travail éclatés (Jany-Catrice, Puissant, 2010), cette modalité de calcul du temps de travail peut avoir des impacts majeurs pour les conditions de travail. Certains travaux montrent même que les temps de travail collectifs, réalisés en dehors des domiciles privés des usagers, constituent d’importants outils de prévention des risques professionnels (Dussuet, 2012).
Le modèle de définition du travail et du service par le temps productif est d’abord porteur d’intensification durant les heures définies comme productives, et par là de risques pour la santé des salariées, à la fois en termes physiques (accidents du travail, maladies professionnelles comme les troubles musculo-squelettiques) et psychosociaux (dépressions, burn outs) du fait de la perte de sens du travail et des conflits éthiques auxquels les salariées sont confrontées.
Le volet quantitatif de notre enquête, à partir des données des enquêtes conditions de travail, montre que ce modèle du « temps productif » donne lieu à un renforcement progressif du contrôle du temps de travail. De plus, la diffusion de ces pratiques de contrôle du travail accroît le sentiment d’une pénurie chronique de temps, perçu comme insuffisant pour accomplir le travail. On peut en ce sens parler d’une réelle intensification du travail et donc d’une dégradation des conditions de travail entre 2005 et 2016 (tab. 2).
223Tab. 2 – Contrôle du travail des aides à domicile.
2005 |
2013 |
2016 |
|
Doit suivre des procédures |
8 % |
17 % |
25 % |
Ne reçoit pas de consignes pour faire son travail correctement |
32 % |
25 % |
21 % |
Rythme de travail imposé par un contrôle ou un suivi informatisé |
7 % |
19 % |
33 % |
Doit fréquemment interrompre une tâche pour une autre non prévue |
46 % |
49 % |
54 % |
Temps suffisant pour effectuer correctement le travail |
72 % |
66 % |
64 % |
Effectifs |
162 |
255 |
164 |
Champ : Aides à domicile (PCS =563B) salariée d’une association ou d’une entreprise.
Source : Enquêtes Conditions de travail 2005 et 2013 ; Risques Psycho-Sociaux 2016, DARES.
Notre enquête qualitative montre aussi que si la définition du « temps productif » écarte les temps de travail collectif hors domicile, ainsi que les postes de coordination et d’encadrement intermédiaire, elle pèse également très fortement sur les temps individuels qui ne sont pas directement affectés à des tâches tangibles. C’est le cas pour tout le travail de relation, qui constitue pourtant le cœur de leur métier, selon la majorité des aides à domicile rencontrées, comme l’attestent les extraits d’entretien qui suivent3.
Moi j ’ aime bien c ’ est quand y a des échanges, c ’ est-à-dire une personne on l ’ aide dans les papiers, dans les repas ou on prépare… en même temps on discute. C ’ est relationnel ! C ’ est ça qu ’ j ’ aime, le relationnel. Des échanges… même… oh bin des fois on discute un peu du temps, les personnes elles te parlent de ses enfants, de… Y en a certaines elles te racontent toujours la même chose alors il faut toujours être à l ’ écoute même si tu la connais déjà la chanson (rires).
J ’ ai adoré mon travail parce que moi j ’ adore le relationnel, j ’ aime m ’ occuper des autres. C ’ est une éducation que j ’ ai, qui me… voilà. Et j ’ adorais… j ’ aimais apporter cette aide, donner voilà, donner.
224Ainsi, de façon unanime pour les salariées rencontrées, le bon travail nécessite du temps ; il faut pouvoir « prendre son temps », c’est-à-dire effectuer le travail invisible d’établissement de relations avec les personnes aidées :
Avant on prenait le temps quand même de sourire, de rigoler avec les gens, les trucs comme ça. Tout ça, ça manque. Il faut rire, tu vois, des trucs comme ça. Là aujourd ’ hui on n ’ a plus le temps de rien faire.
Moi j ’ aime bien prendre mon temps, pouvoir… On est avec des humains, on n ’ est pas avec des robots ou des machines hein ! On est… le contact j ’ trouve ça c ’ est une valeur qui a été perdue pour moi.
Ces temps de relation permettent aussi l’expression de besoins appelant des tâches non prévues explicitement, mais que les salariées jugent nécessaires pour faire du « bon travail », ajusté à la demande réelle des personnes :
Quand j ’ avais eu le temps aussi de faire mon travail sans trop de stress. D ’ être partie et dire : « voilà j ’ ai pas laissé derrière moi… » ce que la personne me demandait, par exemple, moi j ’ sais pas, elle me demandait de changer son lit et lui dire : « bé non aujourd ’ hui j ’ ai pas le temps de l ’ faire », ça ça m ’ aurait gêné. Si j ’ avais pu l ’ faire, j ’ partais : voilà j ’ avais accompli mon travail.
La dimension relationnelle est fréquemment évoquée par les salariées comme fondement du sens de leur travail et de son utilité :
on se sent utile, parce qu ’ on est là pour aider les gens. C ’ est c ’ est très intéressant quand on voit beaucoup de monde.
j ’ aime me sentir utile donc oui j ’ adore. Moi j ’ y vais avec le sourire l ’ matin, et quand j ’ en sors j ’ ai passé une bonne journée, je sais que j ’ y suis allée pour quelque chose.
moi j ’ ai toujours aimé m ’ occuper des autres, j ’ aime mon travail, je l ’ aime de plus en plus d ’ ailleurs. Et j ’ aime bien m ’ occuper des… J ’ aime qu ’ on me donne un travail où je peux accompagner quelqu ’ un, que je peux l ’ aider.
Mais elles signalent aussi les obstacles importants à la réalisation de ces activités relationnelles, de sociabilité, d’écoute, etc. Ainsi, les plans d’aide élaborés par les conseils départementaux dans le cadre de l’attribution de l’APA selon une conception du « temps productif », sont de plus en plus précis et prévoient ex ante des temps équivalents à chaque 225tâche jugée nécessaire. Le temps de la relation échappe à cette prédéfinition en amont, et cette exclusion constitue une dégradation de leurs conditions de travail pour les salariées. Cette dégradation est repérable également dans les données de l’enquête Risques psycho-sociaux 2016 : un renforcement du contrôle horaire ou des pressions temporelles réduit significativement la proportion d’aides à domicile déclarant éprouver le sentiment du travail bien fait (tab. 3).
Tab. 3. Impact des conditions de travail
sur le sentiment de bien faire son travail.
Pourcentage de salariés déclarant ressentir toujours le sentiment du travail bien fait… |
En % |
… lorsque le rythme de travail est imposé par un contrôle ou un suivi informatisé … lorsque le rythme de travail n’est pasimposé par un contrôle ou un suivi informatisé |
26 40 |
… lorsque le salarié est toujours obligé de se dépêcher … lorsque le salarié est souvent obligé de se dépêcher … lorsque le salarié est parfois obligé de se dépêcher … lorsque le salarié est jamais obligé de se dépêcher |
25 20 46 55 |
… lorsque le salarié doit fréquemment interrompre une tâche pour une autre non prévue … lorsque le salarié ne doit pas fréquemment interrompre une tâche pour une autre non prévue |
25 48 |
… lorsque le salarié dispose d’un temps suffisant pour effectuer correctement le travail … lorsque le salarié ne dispose pas d’un temps suffisant pour effectuer correctement le travail |
45 16 |
… lorsque le salarié déclare participer à des réunions collectives … lorsque le salarié déclare ne pas participer à des réunions collectives |
31 44 |
Source : Enquête Risques Psycho-sociaux, 2016, DARES. Lecture : 26 % des aides à domicile ayant un rythme de travail contrôlé par informatique déclarent être toujours fière du travail effectué contre 40 % de celles n’ayant pas de rythmes imposé par informatique.
Or, comme pour nombre de salariées la relation sociale d’aide est le cœur de leur métier, plusieurs intervenantes rencontrées refusent de s’en tenir aux temps imposés. Pour éviter que l’usager ne soit obligé de payer les temps qui dépasseraient ce qui est prévu dans le cadre de leurs plans d’aide, certaines salariées « badgent », mais restent néanmoins ensuite 226chez les personnes, pour prendre le temps de la relation, répondre à des besoins immédiats qui n’étaient pas prévus (par exemple un usager qui s’est souillé lorsque le plan d’aide n’avait pas prévu de toilette ce jour, un usager déprimé ou très diminué qui n’est pas en mesure de se nourrir seul, quand le plan d’aide ne prévoyait que le réchauffage du plat au micro-ondes, etc.). C’est ce qu’attestent les extraits d’entretien suivants :
Donc on déborde et on a pas le temps. On nous demande des choses… des fois euh… des fois j ’ vais t ’ dire on a une demi-heure : tu lèves la personne du lit ; tu l ’ amènes aux toilettes, tu vas pas lui dire « dépêche-toi de faire pipi ! » ; tu l ’ amènes pour la faire déjeuner ; tu prépares son déjeuner ; tu la fais déjeuner. T ’ as vite le temps d ’ aller vider son pot, de de… de vite machin. Une demi-heure, c ’ est vite fait. Donc aujourd ’ hui, qu ’ est tu fais ? Hé bé tu la laisses sur … dans la cuisine. Tu dois la recoucher, t ’ as pas le temps en une demi-heure ! Voilà. Donc ça fait que nous aujourd ’ hui, on pointe et on prend le moment pour elle pour… on va le recoucher. Donc aujourd ’ hui, la plupart des filles elles font comme ça.
Alors là à midi c ’ est particulier, c ’ que j ’ fais c ’ est que je retourne voir la première dame [ vue le matin ] voilà parce qu ’ il y a personne qui vient la voir à midi. Donc oui c ’ que j ’ vous ai pas dit, c ’ est que pendant que j ’ la fais déjeuner faut aussi que j ’ lui prépare le repas du midi à cette dame. J ’ ai oublié ça aussi. Donc j ’ lui prépare le repas du midi et, à la base, son fils nous a dit : « vous préparez le repas – donc là il est 9h-9h30 hein – vous l ’ couvrez et il est supposé être chaud à midi. » Il l ’ est pas du tout et vu qu ’ elle a Alzheimer elle pense pas à venir manger. Donc on s ’ est rendu compte qu ’ elle mangeait pas d ’ la journée. Donc ça c ’ est moi qui l ’ ai décidé hein. Je prends 5 min pour monter la voir vu que c ’ est dans l ’ même immeuble, j ’ lui fais chauffer son assiette au micro-onde, j ’ la mets à table, j ’ lui donne son assiette et après je pars vite(…) j ’ en avais parlé mais après bon je pense pas qu ’ ils le qu ’ ils le sachent et puis j ’ pense pas qu ’ ils seraient bien d ’ accord quoi. Mais bon moi ça m ’ embête de savoir que cette dame elle mange pas. Et bon j ’ ai 5 min, j ’ ai l ’ temps. La route j ’ mets quoi, j ’ mets 4 min, faut que j ’ sois ici à 12h15, j ’ ai largement l ’ temps d ’ monter, lui faire chauffer son assiette, la mettre à table, au moins je sais qu ’ elle mange, et repartir. J ’ enlève pas la veste, ça prend vraiment 2 min quoi.
Ainsi, le contrôle du temps génère dans ce contexte un « bénévolat subi » ou du travail gratuit, porteur de risque pour les salariées, mais aussi pour les usagers. Les salariées se mettent en danger personnellement, en restant chez les usagers ou en revenant pendant leur pause de midi. En effet, en cas d’accident sur ces temps non déclarés, sur ce bénévolat subi, c’est uniquement la salariée, et non son organisation employeuse, 227qui sera mise en cause. De la sorte, c’est également une forme de mise en danger des usagers, puisqu’une partie de la relation d’aide, pourtant nécessaire, est réalisée de fait, hors cadre de régulation collectif.
Les salariées peuvent être tout à fait conscientes que le travail qui leur est explicitement demandé ne constitue pas la totalité de leur travail, voire même passe à côté de l’essentiel, c’est-à-dire ce qui ne se voit pas :
Moi j ’ ai aimé mon travail et j ’ ai bien fait mon travail que quand j ’ avais une personne deux ou trois heures par jour et que je l ’ ai pris du début jusqu ’ à la fin. Je l ’ ai accompagné jusqu ’ à la mort, ça c ’ était un bon travail pour moi. Aujourd ’ hui, mon travail je je l ’ aime pas. Je sais pas s ’ il est bon ou s ’ il est pas bon. J ’ essaye de faire du mieux. Voilà. Je fais ce qu ’ on… ce qui se voit et ce qui se voit pas, je le… on peut pas le faire. [ … ] Ce qui se voit pas c ’ est, par exemple, passer la main dans les cheveux, discuter…
Ainsi pour elles, la transformation du travail qui leur est demandé est aussi une transformation et une dégradation de la qualité du service.
II.2. Une définition de l ’ activité
qui nuit à la qualité de service
En effet, plusieurs des salariées rencontrées ont une idée très claire de l’objectif ultime de leur travail, à savoir un service de maintien de l’autonomie des personnes aidées. C’est le cas de cette aide à domicile :
C ’ est le relationnel déjà avec les personnes, comme je vous ai dit on s ’ y attache forcément et puis bon j ’ disais des clients tout à l ’ heure mais c ’ est pas des clients quoi, c ’ est vraiment… Et puis bon c ’ est vraiment un métier où on peut s ’ épanouir parce qu ’ on se sent utiles quoi. Ils ont besoin d ’ nous et ils le disent. Bon à chaque fois qu ’ on part d ’ chez eux, ils nous remercient (…) pour moi vraiment c ’ métier c ’ est pouvoir permettre à des personnes âgées qui peuvent plus faire les choses quotidiennes, de pouvoir les maintenir à domicile et éviter d ’ les mettre dans des maisons ou, voilà. C ’ est vraiment… grâce à nous on va dire entre guillemets ça leur permet de rester chez eux voilà, et de vivre plus ou moins normalement.
Mais garantir la qualité de ce type de service exige la réalisation d’un travail invisible, impossible à délimiter par le temps. Sa spécificité tient à la prise en compte des singularités des situations des personnes aidées, de la même façon que le feraient les proches, des femmes la plupart du temps, épouses, filles, ou belles-filles, sur un mode informel et non 228rémunéré. Une dimension essentielle de ce travail se situe dans un « travail d’organisation », justifié par l’idée qu’intervenir dans des domiciles différents pour des personnes différentes suppose d’effectuer les tâches différemment (par exemple utiliser le balai plutôt que l’aspirateur si l’on veut pouvoir en même temps discuter avec la personne aidée, ou l’inverse, s’il s’agit de faire au plus vite pour prendre plus de temps pour une autre tâche). Cela nécessite une connaissance des personnes et de leurs besoins, de leurs capacités, possible via une deuxième dimension qui consiste à entretenir le lien, bavarder, échanger des informations nécessaires, voire « éduquer », comme le dit cette aide à domicile :
Nous on nous voit toujours comme aide à domicile, ou femme de ménage ou autre, c ’ est pas un souci, mais ce qu ’ il y a aussi c ’ est qu ’ on est aussi psychologue dans la famille. Y a des moments ils ont plus besoin d ’ parler, ou y a des situations on est confrontées à… on est obligées d ’ intervenir ou voire, j ’ exagère un peu, les éduquer en leur disant : « peut-être pas ci, ou faut faire ça. » On en a en difficultés familiales, qui pleurent tout ça. Donc c ’ est vrai que, en tant qu ’ humain, malgré malgré qu ’ on soit pas psychologue, on peut pas rester neutres.
Mais parce qu’il ne s’inscrit pas dans des temps préétablis, ce travail invisible est rendu impossible.
Ah non il faut pas entrer là-dedans, il faut faire tout le ménage. C ’ est très très difficile.
Une troisième dimension essentielle concerne le travail imprévu et imprévisible : affronter l’urgence par exemple, lorsqu’une intervenante trouve à son arrivée une personne blessée, malade, ou simplement souillée. Enfin, une dernière dimension exclue du temps de travail productif relève du travail collectif de régulation, effectué lors de regroupements de coordination ou de formation indispensable à l’élaboration, à la discussion et à la reformulation périodique de règles professionnelles.
L’exclusion de tous ces temps constitue aussi de fait une exclusion de ce qui représentait le cœur de métier, selon une majorité des aides à domicile que nous avons pu rencontrer. La contrainte du temps change ainsi la définition du travail, et c’est donc bien à un changement qualitatif structurel que l’on assiste, dont les salariées ont tout à fait conscience :
229Avant on prenait le temps quand même de sourire, de rigoler avec les gens, les trucs comme ça. Tout ça, ça manque. Il faut rire, tu vois, des trucs comme ça. Là aujourd ’ hui on n ’ a plus le temps de rien faire.
Y a plus d ’ écoute, y a plus de de… tu peux plus t ’ arrêter boire un café, parler avec la personne, y a plus d ’ échanges des trucs comme ça, tu peux plus rien faire. Non aujourd ’ hui c ’ est que le ménage.
Mais nous voudrions souligner que, si la définition du « temps productif » change la définition du travail, le problème, pour les intervenantes, ne réside pas uniquement dans le fait qu’elles n’auraient pas assez de temps pour tout faire. Nous avons par exemple, rencontré certaines aides à domicile signalant avoir parfois « trop » de temps.
Si le Conseil départemental il pouvait donner un peu plus de fric ce serait déjà pas mal. Après p ’ t ’ être les mutuelles aussi de donner un peu plus d ’ argent… après que les assistantes sociales aussi (rires), si on rentre dans les détails, elles allouent les heures d ’ intervention correctement et qu ’ elles distribuent pas à tout va chez certaines personnes… parce que y a certaines personnes c ’ est vraiment… elles ont trop d ’ heures. Et y a d ’ autres personnes qui ont de pareils besoins et qui ont pas tant d ’ heures que ça.
Ces salariées questionnent le modèle du travail social, qui devrait reconnaitre aux salariées l’autonomie d’arbitrer entre les tâches, et par là un certain contrôle sur le temps à y consacrer, en fonction des usagers, de leur état, de leurs besoins immédiats, s’ajoutant aux besoins qui auraient pu être anticipés, et figurant sur le plan d’aide.
Ainsi, la réduction du travail au temps n’est pas seulement une question de mesure, mais bien une transformation de la représentation du travail, de son cœur, de son sens, et de ses modalités d’exercice. La redéfinition du travail portée par cette conception partielle et partiale du temps de travail débouche selon certaines salariées rencontrées sur une contrainte à mal faire son travail, déjà repérée dans des univers très différents par Marie-Anne Dujarier (2015, p. 41), Yves Clot (2010) ou Danièle Linhart (2009).
Sur un temps trop court d ’ me demander de faire plein de tâches et que la personne, j ’ la sentait frustrée parce que j ’ avais pas eu le temps d ’ le faire. Ou de pas pouvoir lui faire avec gentillesse, avec sourire, d ’ être stressée, de courir et d ’ avoir pas pu lui apporter ce rapport humain, c ’ est cette écoute, pour moi c ’ était ça. C ’ était ça le fait de pas avoir pu faire mon travail correctement.
230Certaines salariées expliquent ainsi comment elles sont alors amenées à effectuer leur travail d’une manière qu’elles désapprouvent :
Et la plupart du temps comme c ’ est que 30 min on lui met devant et on n ’ a pas l ’ temps d ’ attendre qu ’ elle termine [ de manger ] . Donc après le reste… moi j ’ peux pas voir ce qu ’ elle a mangé. La plupart du temps c ’ est la collègue qui vient le soir qui voit si elle a tout fini, ou s ’ il reste des choses ou voilà. Et elle note… (…) parce que c ’ est trop, ils nous mettent trop la pression. C ’ est trop vite. On a l ’ impression que c ’ est à la chaîne maintenant. On est plus dans l ’ social. Moi j ’ ai dit : « on n ’ a plus l ’ temps d ’ s ’ asseoir, de discuter avec les gens, savoir comment elles se sentent. » Non maintenant c ’ est 30 min, oh bé faut que j ’ fasse ça, faut que j ’ fasse ça, faut pas que j ’ dépasse, faut pas… Donc on est, on est aux pièces quoi. Et moi ça m ’ convient pas, je l ’ ai déjà dit et redit.
C ’ est… à l ’ époque c ’ était aide-ménagère mais on faisait pas tout ce qui est, qu ’ ils nous demandent maintenant (…) on fait pour le mieux c ’ est tout mais souvent nous sommes dépassées avec leur demi-heure on peut pas tout faire, c ’ est pas possible (…) non non. On peut pas. Dans la demi-heure, faut qu ’ on assume le repas, qu ’ on assume les choses. Souvent s ’ il manque des choses, faut aller vite vite courir acheter, quand c ’ est pas loin c ’ est bon mais quand c ’ est plus loin on peut pas. Et en plus dès que l ’ temps il arrive, qu ’ est-ce qu ’ on fait des gens ? Déjà on a plus d ’ contacts avec les personnes déjà, on a plus d ’ contacts, on leur dit bonjour au téléphone, au revoir au téléphone, on a plus d ’ contact avec les personnes aidées. C ’ est tout.
Plusieurs vont même jusqu’à se décrire comme acculées à accomplir ce que le corps social dénonce par ailleurs comme « maltraitance » :
Il a fallu faire la demande au Conseil général, c ’ était pas évident hein d ’ expliquer qu ’ une demi-heure c ’ était pas gérable, qu ’ on rentrait dans la maltraitance ! : il a fallu l ’ défendre le bifteck ! Et j ’ l ’ ai défendu hein ! sur les demi-heures jusqu ’ à c ’ qu ’ à un moment j ’ lui dise : « attendez mais moi c ’ est votre maman demain, j ’ m ’ occupe de votre maman demain, en une demi-heure vous voulez que j ’ fasse ça ça ça et ça ?… … et vous seriez content ? Votre maman j ’ vais la maltraiter ! Donc est-ce que vous voulez que, moi j ’ travaille dans la maltraitance ? » Moi je dis non et mes collègues ne veulent pas…
Au-delà de la qualité de l’emploi et des risques pour la santé des salariées que comporte cette transformation du sens de leur travail, c’est aussi la nature même du service effectivement réalisé qui est affectée par l’utilisation de la catégorie du « temps productif ». On peut donc s’interroger sur l’intérêt des acteurs à cette utilisation.
231II.3. Un outil de baisse du coût du travail
La construction de cette catégorie de temps de travail productif et son introduction dans le secteur de l’aide à domicile relèvent à la fois de stratégies publiques et privées. Les stratégies publiques sont identifiables aussi bien au niveau national, sous la pression de changements de référentiels de politiques publiques, qu’au niveau départemental sous la pression de l’austérité budgétaire. La diffusion d’un référentiel industriel dans les politiques de services à la personne et la nouvelle gestion publique (Le Roy et al., 2017) vont clairement dans le sens d’un découpage des tâches et d’une recherche de correspondance entre des temps déterminés et des tâches, considérées isolément les unes des autres. Cette catégorie relève également de stratégies privées de rationalisation de l’organisation du travail et des services, de la part des organisations prestataires, qu’elles soient publiques ou privées, à but lucratif ou non. Elle apparaît comme une stratégie d’adaptation aux contraintes financières de plus en plus fortes, dans l’aide à domicile, mais aussi, plus globalement, dans les activités sanitaires et médico-sociales (Batifoulier et al., 2017).
Au final, c’est une véritable stratégie de baisse du coût du travail qui est mise en œuvre. Cette conception de la mesure du travail « permet » une baisse des rémunérations pour un travail donné, via l’ajustement des durées. En effet si les pressions sur les finances publiques poussent à une sous-valorisation des activités des aides à domicile, l’existence du SMIC empêche une réduction du salaire horaire. Réduire le temps décompté peut alors constituer une façon de baisser le coût du travail. Le calcul du temps de travail est devenu un enjeu particulièrement conflictuel qui détermine la rémunération de manière plus forte que le niveau de salaire horaire.
Cette stratégie de baisse des coûts se retrouve néanmoins de manière différenciée selon le type d’employeur. En effet, si plusieurs facteurs expliquent les différences sensibles en termes de conditions salariales entre les différents types d’employeurs (Lefebvre, 2012), les mécanismes de mesure du temps de travail jouent un rôle central comme l’illustre la comparaison entre les conventions collectives organisant le secteur. Ainsi, parmi les conventions collectives en vigueur, toutes n’intègrent pas les temps de trajet comme relevant du temps de travail (c’est notamment le cas de la convention collective du particulier employeur). Lorsque les 232organisations syndicales sont trop faiblement implantées et peu actives, le temps de travail n’est reconnu que dans une perspective restrictive, alors que cette question est de fait un enjeu essentiel. Ainsi, les négociations autour de la convention collective de la branche de l’aide à domicile, regroupant les services privés non lucratifs, ont notamment porté sur la reconnaissance des temps de trajet comme relevant du temps de travail. Les discussions ont été particulièrement vives sur le calcul de ces temps, notamment en milieu rural.
Tab. 4. Le temps de travail dans les trois conventions collectives
de l’aide à domicile.
CCN Branche |
CCN Particuliers employeurs (PE) |
CCN Services |
Dans le cadre de la modulation du temps de travail : interdiction de faire des heures complémentaires au-delà d’1/3 du temps de travail stipulé sur le contrat. Le temps de trajet entre deux interventions fait partie du temps de travail selon la CCN. |
Le PE n’est pas soumis au code du travail en matière de durée du travail. La seule référence sur le temps de travail est donc la CCN. Il existe dans la CCN 3 types d’heures : travail effectif / heures de présence responsable / heures de présence de nuit (indemnités très faibles : 16 euros pour 12h). Tout contrat de travail doit comporter une durée hebdomadaire de travail garantie. Le temps de trajet entre deux interventions ne fait pas partie du temps de travail selon la CCN. |
Possibilité de dépasser le temps de travail du contrat sans majoration en-deçà du 1/3. Possibilité de réaliser 10h supplémentaires par semaine (plafond de 45h par semaine, qui est la durée maximale de travail). Modulation possible très large via le régime du « temps partiel choisi ». Le temps de trajet entre deux interventions fait partie du temps de travail selon la CCN. |
Source : Auteur·e·s, à partir de Légifrance.
Ces stratégies de baisse du coût du travail via la transformation des normes temporelles impactent essentiellement des salariées femmes, puisque l’aide à domicile est un travail effectué quasi exclusivement par des femmes. Mais il faut surtout noter que, au-delà de la dégradation et de l’intensification des conditions de travail que nous avons pu observer, 233envisager ce travail comme une succession de tâches bien délimitées par un cadre temporel précis, le ramène à un « simple » travail d’exécution, pensable et organisable ex ante par d’autres que les travailleuses elles-mêmes. Ainsi, le travail des aides à domicile est identifié à une série de tâches simples à effectuer (repasser, faire le ménage, réchauffer un plat, mettre la table, etc.), en dehors de la relation et des spécificités des publics auxquels s’adresse le service. Or l’aide à domicile s’adresse de fait à des publics dits fragiles, qu’il s’agisse de personnes âgées, personnes en situation de handicap ou familles en difficultés. Privilégier la mesure par le temps et supprimer la référence au public destinataire du service dans sa définition mènent à une « déqualification » du travail des aides à domicile : elles ne sont plus supposées détenir une expertise professionnelle, via une formation et une qualification, permettant l’autonomie dans l’emploi de leur temps dans le domicile de particuliers. Elles seraient au contraire interchangeables, ramenées à leur condition commune de « femme » et comme « n’importe qui », et plus précisément « n’importe quelle femme », censées pouvoir tenir un foyer propre, et aider les personnes fragiles à rester chez elles. Selon l’approche standard de la segmentation du marché du travail, cette interchangeabilité justifierait le maintien dans des bas niveaux de salaires et des conditions de travail et d’emploi de mauvaise qualité.
Ce secteur se trouve ainsi transformé dans le contenu même du travail, mais également dans sa régulation et les rapports sociaux qui le caractérisent. Alors qu’un processus très lent et ambivalent de professionnalisation était en cours via la reconnaissance de ces activités comme participant à l’action sociale et médico-sociale (Puissant, 2011), les quelques ressorts de cette professionnalisation en cours ont été bousculés et fragilisés, au nom du « gisement potentiel d’emplois non qualifiés et non délocalisables » que constituerait le secteur. On retrouve cette notion aussi bien dans les rapports pré-lois Borloo (Cahuc, Debonneuil, 2004), que dans le rapport précédant la Loi, plus récente, d’Adaptation de la Société au Vieillissement (Broussy, 2013). On se situe à l’opposé d’un processus de professionnalisation, qui suppose au contraire le contrôle et l’autonomie du professionnel à l’égard de son travail. Le déni des compétences mises en œuvre dans l’exercice du travail conduit au maintien de niveaux de rémunération particulièrement faibles.
234Cette définition du travail à travers le « temps productif » aboutit donc à une dé-valorisation du « travail de femme ». Il s’agit ici d’une inégalité professionnelle qui perdure et qui échappe aux indicateurs construits dans une optique de « rémunération égale à valeur du travail égale ». Dit autrement, la réduction du travail au temps, réduction à la fois quantitative et qualitative, constitue un outil de renforcement des rapports sociaux de sexe sur le marché de l’emploi, dans un double sens. D’une part, elle invisibilise la partie « qualifiable » du travail (travail relationnel, aide à la vie quotidienne et aux soins de personnes vulnérables, prévention sociale, sociabilité, veille sanitaire et sociale, etc.). D’autre part, elle renforce l’exploitation des femmes, en développant le travail gratuit, en intensifiant et dégradant leurs conditions de travail, tout en justifiant ces évolutions (ce qui n’est pas pris en compte serait « improductif » donc inutile). Un cercle vicieux est en cours, puisque les outils collectifs de prise de conscience de leur situation d’exploitation (temps collectifs, échanges, représentation du personnel, etc.) sont eux aussi remis en cause. En ce sens, les réformes récentes du Code du travail renforcent la vertu heuristique de l’aide à domicile pour comprendre un certain nombre de transformations structurelles touchant aujourd’hui le salariat dans son ensemble.
Conclusion :
un autre modèle possible
Le travail dans les services connait aujourd’hui le même processus qu’a connu hier le travail industriel (Thompson, op. cit.) : la définition du temps évolue, transformant en retour le travail lui-même (dans ses modalités d’exercice ainsi que dans ses objectifs). En effet, le temps de production du service tend à être confondu avec le temps passé par les travailleurs des services en face à face, c’est-à-dire en interaction, avec les consommateurs/utilisateurs ; lui seul étant alors dénommé « temps productif » Pourtant, les données qualitatives font apparaître une multiplicité de tâches qui ne s’inscrivent pas dans ce face à face. Elles sont néanmoins indispensables au maintien de la qualité du service en même 235temps que du sens du travail pour les travailleur·se·s. Mais leur relégation hors du « temps productif » renforce leur invisibilité et intensifie le travail en en augmentant la part non rémunérée. En ce sens, on assiste bien à un renforcement de l’exploitation des travailleurs, et singulièrement des travailleuses, des services. En effet, du temps de travail non rémunéré est réalisé de fait par ces travailleuses qui considèrent « ne pas pouvoir ne pas » effectuer des tâches indispensables au bien-être des personnes qu’elles aident (Molinier, 2013, p. 91). Le dilemme éthique dans lequel elles sont placées constitue un élément d’aliénation, en les dépossédant de la maîtrise de leur travail.
Pourtant, cette vision de l’activité à l’aune du chronomètre n’est pas la seule option ouverte pour l’organisation du secteur de l’aide à domicile. Une autre voie, fondée sur la notion de relation d’usage, est envisageable et repérable dans d’autres segments du champ médico-social. C’est le modèle socio-historique de l’action sociale et médico-sociale dans lequel la qualité du service était pensée de manière imbriquée avec la qualité de l’emploi, et la reconnaissance des qualifications professionnelles (Vatan, 2014). Le modèle du travail social avec la « relation d’usage » (Dussuet, Puissant, 2012), où chaque travailleuse a un certain nombre de personnes à aider, à soutenir en est un bon exemple. Une autonomie dans l’organisation de leur temps est reconnue aux salariées. L’objectif est d’arriver à améliorer les conditions de vie globales des usagers, à reculer l’âge d’entrée en dépendance, ou éviter la détérioration de leur état de santé, etc. Cela nécessite du temps d’adaptation à des besoins singuliers, eux-mêmes inscrits dans une temporalité imprévisible ex ante. La réponse immédiate, la prise en compte de l’urgence, la réactivité en continu, l’ajustement mutuel constituent donc des éléments clés de la qualité du service dans ce modèle de la relation d’usage. Il implique aussi la reconnaissance des salariées comme véritables professionnelles, détenant une expertise de leur travail, et par là une vision, reconnue et acceptée, de ce que doit être ce travail(Hughes, 1996). C’est précisément sur ce modèle que s’est construite la relation de service associative particulière de l’aide à domicile auprès des familles, à travers la reconnaissance de la qualification des TISF – techniciennes d’intervention sociale et familiale. Les TISF interviennent de fait pour des temps relativement longs (il s’agit encore souvent d’interventions à la demi-journée). Dans ce temps, la possibilité d’ajuster une partie du 236travail qui a pu être prescrite en amont leur est reconnue, en lien avec d’autres professionnelles de la sphère sociale et familiale (en fonction des besoins et des situations des familles qui utilisent ces services), du fait de la reconnaissance de leur expertise professionnelle, consacrée par un diplôme. L’enquête effectuée pour la DARES relève que cela a des effets d’entrainement, dans ce secteur de l’aide à domicile auprès des familles, sur les autres professionnelles qui ne sont pas titulaires de ce diplôme. Ainsi, des auxiliaires de vie sociale, ou même des aides à domicile non diplômées, intervenant dans le cadre d’une association d’aide aux familles du département de l’Isère, ont toutes insisté sur les temps relativement longs d’intervention et sur la relative autonomie qui leur est accordée dans le cadre de leur travail.
S’orienter vers celui-ci implique cependant de contourner le poids des rapports sociaux de sexe qui déterminent encore la vision dominante de l’aide à domicile. On peut souligner la vertu heuristique du secteur de l’aide à domicile à cet égard. Parce que l’activité de travail prend place dans l’espace privé, les processus d’invisibilisation et de naturalisation des tâches culturellement assignées aux femmes, que l’on peut retrouver à moindre degré dans les autres services à composante relationnelle, y sont accentués. Les normes de genre associées à cet espace privé obligent en effet les travailleuses à des tâches qu’elles « ne peuvent pas ne pas » effectuer, tout en les privant des possibilités de reconnaissance sociale de leur travail (son temps, sa qualité, ses besoins de qualifications). Mais plus largement, on pourrait retrouver les mêmes tendances de fond allant dans le sens d’une dévalorisation du travail des femmes et donc d’une reproduction de l’exploitation et de la domination de genre dans l’ensemble des services relationnels. En ce sens, le temps de travail dit « productif » est aujourd’hui un outil de domination à la fois capitaliste et masculin, qui s’insère au cœur de la relation salariale dans les services à forte composante relationnelle.
237Bibliographie
Angeloff, T., 2000, Le temps partiel : un marché de dupes ?, Paris, Syros.
Batifoulier, P., Da Silva, N., Math, A., 2017, « Introduction. La santé, une clef de lecture centrale des sociétés », Revue de l’Ires,vol. 91-92, no 1, p. 3-15.
Benoteau, I., Gouin, A., 2015, « Services à la personne : aides publiques et coût pour l’utilisateur », Document d’études, Dares, no 194, novembre 2015.
Branche Aide à Domicile, 2017, Pénibilité au travail. Diagnostic et Résultats, Paris, Didacthem, http://aideadomicile-labranche.fr/documents/rapport-penibilite10042017.pdf (consulté le 19/11/2018).
Bressé, S., 2004, « Le personnel des services d’aide à domicile en 1999 », Études et résultats, (297).
Broussy, L., 2013, L’adaptation de la société au vieillissement de sa population : France : année zéro, Mission Interministérielle sur l’Adaptation de la société française au vieillissement de la population.
Budig, M. J., Misra, J., 2010), « How care-work employment shapes earnings in cross-national perspective », International Labour Review, 149(4), p. 441-460.
Cahuc, P., Debonneuil, M., 2004, Productivité et emplois dans le tertiaire, Conseil d’Analyse Économique, Paris, La Documentation Française.
Causse, L., Fournier, C., Labruyère, C, 1998, Les aides à domicile : des emplois en plein remue-ménage, Paris, La Découverte.
Chabaud-Rychter, D., Fougeyrollas-Schwebel, D., Sonthonnax, F, 1985, Espace et temps du travail domestique. Paris, Méridiens.
Clot, Y., 2010, Le travail à cœur. Pour en finir avec les risques psychosociaux, Paris, La Découverte.
CNSA, 2016, Étude des prestations d’aide et d’accompagnement à domicile et des facteurs explicatifs de leurs coûts, https://www.cnsa.fr/documentation/enc_saad_2016_rapport_vdef.pdf (consulté le 20/12/2018).
De Bandt, J. D., Gadrey, J., 1994, Relations de service, marchés de services, Paris, CNRS Éditions.
Devetter, F.X., Abasabanye, P., Barrois, A., Brolis, O., Chapelle, K., Dussuet, A., Léné, A., Nirello, L., Puissant, E., Prouteau, L., 2017, « Les salariés du secteur associatif : des conditions de travail et des relations de services spécifiques ? », Rapport pour la DARES.
Devetter, F.-X., Messaoudi, D., Farvaque, N., 2012, « Contraintes de temps et pénibilité du travail : les paradoxes de la professionnalisation dans l’aide à domicile », Revue française des affaires sociales, no 2-3, p. 244-268.
Devetter, F.-X., Puissant, E., 2018, « Mécanismes économiques expliquant 238les bas salaires dans les services à la personne. Une analyse centrée sur les aides à domicile », Travail et emploi, vol. 155-156, no 3, p. 31-64.
Dujarier, A.-M., 2015, « La division sociale du travail d’organisation dans les services », Perspectives en clinique du travail, Toulouse, France, ERES, p. 173-184.
Dussuet, A., 2005, Travaux de femmes – Enquêtes sur les services à domicile, Paris, L’Harmattan.
Dussuet, A., 2012, « Un modèle associatif d’organisation du travail dans l’aide à domicile comme outil de prévention des risques de santé », In Petrella F. (Ed.), Aide à domicile et services à la personne – Les associations dans la tourmente, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, p. 117-134.
Dussuet, A., Puissant, E, 2012, « La “relation d’usage” : un mode associatif spécifique de production de services de care ? », Économies et Sociétés. Série Économie et gestion des services, ISMEA, 2012, 46 (4), p. 767-790.
Duval, M., 1996, « Des emplois dévalorisés, des services appréciés. Aide domestique et maintien à domicile des personnes âgées », Lien social et Politiques, (36), p. 133–140.
Gadrey, J., 1994, « La modernisation des services professionnels. Rationalisation industrielle ou rationalisation professionnelle ? », Revue française de sociologie, 35-2, p. 163-195.
Gadrey, N., Jany-Catrice, F., Pernod-Lemattre, M., 2004, « Les employés non qualifiés : quelles compétences ? » In Méda D., Vennat F. (Éd.), Le travail non qualifié, Paris, La Découverte, p. 265-268.
Hughes, E. C., 1996, « Le drame social du travail », Actes de la recherche en sciences sociales, no 115, p. 94-99.
Jany-Catrice, F., Puissant, E., 2010, « L’aide à domicile face aux services à la personne et registres d’action contradictoires : des politiques aux organisations », La Revue de l’Ires, 64,(1), p. 121-147.
Le Roy, A., Puissant, E., Vatan, S., 2017, « Quand le New Public Management contribue à requalifier l’activité d’un secteur. Le cas de l’aide à domicile », Contribution au colloque Nouvelle gestion publique et transformations du monde du travail : quels effets et dans quelles professions ?, Paris Dauphine, Novembre.
Lefebvre, M., 2012, Qualité(s) de l’emploi dans les services à la personne : entre régulations publiques et professionnelles, Thèse de doctorat soutenue publiquement le 13 décembre, Lille, sous la direction de Jany-Catrice F.
Linhart, D., 2005, « Le contrat de travail salarié : un quiproquo fondamental », In Linhart, D., Moutet, A. (Éd.), Le travail nous est compté. La construction des normes temporelles dans le travail, Paris, La Découverte, p. 5-18.
Linhart, D., 2009, « Les conditions paradoxales de la résistance au travail », Nouvelle revue de psychosociologie, 7,(1), p. 71-83.
239Molinier, P., 2013, Le travail du care, Paris, La Dispute.
Muller, P, 2011, Les politiques publiques, (9e éd), Paris, PUF, Que Sais-Je.
Poletti, B., 2012, Rapport de mission relative aux difficultés financières de l’aide à domicile et aux modalités de tarification et d’allocation de ressources des services d’aide à domicile pour publics fragiles, pour le Ministre des solidarités et de la cohésion sociale.
Puissant, E., 2011, « Le rôle ambivalent des associations d’aide à domicile dans la professionnalisation des emplois et des salariées », Formation emploi, 115, (3), p. 37-50.
Thompson, E., 1967, Time, Work-Discipline, and Industrial Capitalism. Past & Present, (38), p. 56-97.
Vatan, S., 2014, La tarification des services d’aide à domicile : une analyse institutionnaliste par le rôle paramétrique du prix, Thèse de doctorat, soutenue publiquement le 8 juillet 2014, Lille, sous la direction de Jany-Catrice F. et Sobel R.
Watrin, D., Vanlerenberghe, J.-M., 2014, Rapport sur l’aide à domicile (No. 13–5751), Rapport au Sénat.
1 Plusieurs recherches (voir notamment Devetter et al., 2017) ont montré que depuis les années 2000, sous la pression d’un processus global influencée par de nouvelles formes de gestion publique, un mouvement de rationalisation industrielle du travail et des services dans l’aide à domicile, se répercute sur les conditions de travail, en termes d’intensification du rythme et de dégradation de la qualité du travail. Les transformations du décompte du temps de travail dont il est question dans cet article, constituent une étape essentielle de ce processus.
2 Niveau soumis à un plafond qui augmente avec le degré de dépendance des personnes concernées, et dont est déduit un ticket modérateur fonction du revenu du ménage.
3 Tous les extraits d’entretiens sont issus de l’enquête qualitative réalisée pour la DARES, auprès d’aides à domicile d’associations, d’entreprises et de CCAS. Ces entretiens ont été réalisés entre décembre 2014 et mars 2015.
- Thème CLIL : 3319 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Économie publique, économie du travail et inégalités -- Travail, emploi et politiques sociales
- ISBN : 978-2-406-10053-9
- EAN : 9782406100539
- ISSN : 2555-039X
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-10053-9.p.0213
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 17/02/2020
- Périodicité : Semestrielle
- Langue : Français
- Mots-clés : Aide à domicile, temps de travail, rationalisation, conditions de travail