Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Samuel Beckett et la culture française
- Pages : 369 à 373
- Collection : Carrefour des lettres modernes, n° 9
Résumés
Llewellyn Brown, « Note liminaire »
Si venir en France, pour Samuel Beckett, pouvait signifier rejoindre un bouillonnement culturel, il n’en va pas de même aujourd’hui, depuis que la langue française est devenue “mineure”. On note ainsi un déséquilibre entre les études beckettiennes au plan international, où la contribution francophone est désormais marginalisée. Cependant, affirmer le lien entre Beckett et le domaine français permet aussi de préserver l’inscription de cet auteur dans une certaine tradition intellectuelle et culturelle.
Yann Mével, « Introduction. Beckett et la question des frontières nationales »
Cette introduction présente un état des lieux d’une critique beckettienne de plus en plus soucieuse de rendre compte des dimensions littéraires, linguistiques, culturelles et socio-politiques de l’œuvre. Loin de toute appropriation nationale, ce volume analyse le positionnement de Samuel Beckett et de son œuvre par rapport à la littérature et la pensée de langue française, invite à s’interroger sur certaines spécificités de la critique beckettienne de langue française et sur l’héritage de l’œuvre.
Angela Moorjani, « Beckett et la littérature française. Les années d’apprentissage »
Cet essai sonde le début de la passion de Beckett pour la littérature française : sa « jeunesse studieuse » à Trinity College Dublin, suivie d’un séjour parisien et la composition d’un poème sur René Descartes, d’une étude sur Marcel Proust, avant de se lancer dans une carrière brillante, et vite avortée, d’enseignant à TCD. Ces années d’apprentissage nous renseignent et sur les auteurs français que Beckett se plaît à persifler et, ce qui importe davantage, sur ceux qu’il reconnaît comme ses précurseurs.
370Thomas Hunkeler, « Beckett et la poésie française, de Ronsard à Rimbaud. “Des mots qu’à l’air je jette” »
Cet article analyse les multiples façons dont la poésie de langue française, de Scève et Ronsard à Baudelaire, Apollinaire et Éluard, a marqué l’œuvre de Samuel Beckett. On y observe notamment comment l’auteur passe d’un mode allusif très marqué, notamment dans ses œuvres de jeunesse, à des échos plus discrets, mais non moins efficaces, dès la fin des années trente. Par ce recours à la poésie, Beckett se montre sensible à des tonalités lyriques, qui forment souvent un contrepoint marqué à sa prose.
Yo Fujiwara, « La définition de la musique dans le Proust de Beckett, à travers sa lecture de Schopenhauer et de Proust »
Dans le dernier paragraphe de Proust, si Samuel Beckett pense l’essence de la musique en se fondant sur un chapitre du Monde comme volonté et comme représentation d’Arthur Schopenhauer, sa démarche ne correspond pas tout à fait à celle du philosophe. Les termes avec lesquels Beckett définit la musique ne viennent pas moins du lexique de Proust que de celui de Schopenhauer. C’est sa lecture des scènes consacrées à l’écoute de la musique dans le texte proustien qui fait l’objet de notre analyse.
Amanda Dennis, « Samuel Beckett et la langue maternelle. Ambivalence et expatriation linguistique »
Cette étude interroge les raisons pour lesquelles Samuel Beckett a écrit en français après la Seconde Guerre mondiale. Son expatriation linguistique signale une ambivalence à l’égard de son paysage d’origine, son identité nationale, sa mère et son maître littéraire, James Joyce. La liberté d’écrire en français mène Beckett à une exploration profonde et personnelle, donnant ainsi naissance à un style littéraire qui accède à ce qui est le plus proche par le biais de ce qui semble le plus étranger.
Matthijs Engelberts, « Beckett et la France, stratégies (de la liberté) d’appartenance. Le cas d’Eleutheria »
Une analyse intertextuelle d’Eleutheria montre que cette pièce s’inscrit dans un dialogue avec le théâtre d’avant-garde français. Tout en évitant d’affirmer 371que Samuel Beckett serait « a specifically French writer », cette contribution tente ensuite de déterminer le rôle que la France a pu jouer pour Beckett. Paris en tant que capitale d’une république laïque rivalise à cet égard avec Paris en tant que capitale culturelle internationale, chaque ville permettant certaines formes de liberté.
Jean-Baptiste Frossard, « Samuel Beckett et l’imaginaire de la clarté française »
Pourquoi Samuel Beckett choisit-il d’écrire en français ? Les possibilités qu’offre une langue étrangère, qui rompt le rapport naturel à la langue, pourraient à elles seules justifier ce choix. Pourtant, cette démarche repose également sur un imaginaire qui fait du français une langue susceptible d’appuyer la recherche d’épure et d’appauvrissement entreprise par l’écrivain : cet imaginaire plonge ses racines dans l’esthétique classique, qui détermine la façon dont Beckett envisage la langue.
Stéphanie Smadja, « La “Trilogie” de Beckett dans l’histoire de la prose française »
Marquée très fortement par l’ouverture à la langue parlée et influencée par un patron endophasique, la “Trilogie” en français de Samuel Beckett entretient un rapport complexe avec l’histoire de cette catégorie esthétique qu’est la prose. Inscription dans certaines tendances novatrices, subversion de ces dernières, la prose de Beckett soulève la question des frontières génériques et s’inscrit dans un lien de proximité et de distance avec une forme encore novatrice : le monologue intérieur.
Izumi Nishimura, « Molloy de Beckett et L’Étranger de Camus à la recherche du maternel absent »
L’Étranger d’Albert Camus s’inscrit comme ouvrage de référence sur le thème de la « mère absente » et source d’inspiration pour Samuel Beckett dans l’écriture de Molloy, fonctionnant comme une norme intériorisée. L’analyse pragmatique et textuelle met en évidence les points communs de cette relation, mais l’analyse de la genèse littéraire montre que ces normes maternelles similaires mènent Molloy à l’effacement du traumatisme, et Meursault à la nostalgie, révélant ainsi l’originalité de chaque écrivain.
372Noriko Takayama, « Poésie invisible et pensée cachée dans l’œuvre de Beckett »
Qu’il y ait parenté entre l’univers de Samuel Beckett et des penseurs, qui peut en douter ? Mais dans quelle mesure ces derniers ont-ils inspiré Beckett et contribué à la formation de son écriture, peu susceptible d’être ramenée à la simple expression philosophique ? Cette contribution se propose d’interroger la poétique de l’écriture chez Beckett dans son lien à la problématique de l’acte d’écrire.
Osamu Yoshino, « Beckett et Lévinas. L’espace et la respiration »
Cet article se propose de montrer que l’œuvre de Samuel Beckett et la pensée d’Emmanuel Levinas se rencontrent dans « l’au-delà de l’être », et comment la langue et la pensée continuent à fonctionner en dépit de leur incapacité. Cet argument se fonde sur les idées d’expression telles que « l’obligation d’exprimer » chez Beckett et « la responsabilité pour autrui » chez Levinas. En ce qui concerne la question de l’expression, l’espace et la respiration font particulièrement sens.
Llewellyn Brown, « Quel Lacan pour quel Beckett ? Étude de la critique anglophone et française »
Les lectures lacaniennes de Samuel Beckett révèlent un destin français dans la réception de l’œuvre, dont cette étude cherche à établir les lignes de force. Certaines utilisations de Jacques Lacan négligent la cohérence spécifique de l’approche psychanalytique ou se limitent à son registre symbolique. Or nous observons une proximité entre Lacan et Beckett à l’égard du réel et du corps.
Martin Mégevand, « Avec Ludovic Janvier. Au fil du théâtre beckettien »
La disparition de Ludovic Janvier imposait un hommage au pionnier de l’étude critique de l’œuvre de Samuel Beckett en France. La présente relecture – à partir de sa pensée du théâtre –, cherche à en dégager l’actualité : celle d’une lecture non totalisante, fragmentaire mais non dispersée, ambitionnant de saisir l’œuvre à la fois dans son inchoativité et dans sa dynamique, en vue d’approcher au plus près le noyau du « drame » (à entendre aussi dans un sens existentiel) de la création beckettienne.
373Bruno Clément, « L’œil et l’oreille. Samuel Beckett et la question des figures »
Dans cet article, les thèmes de la vue et de l’ouïe ont été retenus pour deux raisons. D’abord parce qu’ils concernent aussi bien, quoique différemment, la littérature et la philosophie. Ensuite parce que le traitement que leur réserve Samuel Beckett permet de repenser la logique de deux figures traditionnelles majeures : la prosopopée (pour la voix) et l’hypotypose (pour l’œil). Ce sont de nouveaux termes pour penser la question de l’imagination – à laquelle la philosophie est peut-être redevable.
François Noudelmann, « Écouter la musique de Samuel Beckett. “Chut !” »
La musique n’est pour Samuel Beckett ni une source d’inspiration, ni un modèle d’écriture, mais elle fournit des composants à l’expérience créatrice. Bien qu’attiré par des pièces romantiques, Beckett oriente son œuvre vers l’inexpressivité. Alliant la série, l’épuisement, la répétition, l’amoindrissement, il privilégie le matériau sonore, la résonance, celle de la voix et du souffle, et construit des dispositifs sonores. Ses œuvres relèvent d’une pensée de la composition musicale.
Sjef Houppermans, « Samuel Beckett et la littérature française d’aujourd’hui »
Rejoindre la voie beckettienne en tant qu’auteur créateur implique une discipline de refus, une ascèse autoréflexive, une forme d’ironie qui dérape, une exigence de lecture radicale. Parmi les nombreux écrivains qui, d’une façon ou d’une autre, veulent rejoindre cette tradition, Valère Novarina pour son théâtre multiforme et Éric Chevillard pour son inlassable exploration des virtualités narratives, comptent parmi les plus convaincants.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-09635-1
- EAN : 9782406096351
- ISSN : 2494-7520
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-09635-1.p.0369
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 17/12/2019
- Langue : Français