Résumés et présentation des auteurs
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Romanesques
2015, Hors-série. Le roman du voyage - Pages : 241 à 248
- Revue : Romanesques
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Résumés et présentation
des auteurs
Anne Duprat, « Introduction. Voyager/raconter »
Anne Duprat, ancienne élève de l’ENS (Ulm), est professeur de littérature comparée et traductrice. Spécialiste de théorie de la fiction et des littératures européennes des xvie et xviie siècles, elle codirige avec Philippe Antoine la collection « Imago Mundi » aux Presses de l’université Paris-Sorbonne. Elle prépare une traduction inédite du théâtre de Cervantès (Théâtre barbaresque, avec A. Teulade et F. Madelpuech).
Isabel Dejardin, « Le roman grec, une matrice paradoxale »
Isabel Dejardin, professeur agrégé, docteur en littératures comparées, a publié Captives en tragédie (Saint-Genouph, 2008), qui examine la manière dont un genre littéraire est travaillé par l’histoire des idées, et Visages antiques de la barbarie (Saint-Denis, 2010). Ses travaux sur le roman grec poursuivent cette enquête sur la réception à l’âge moderne des formes initiées par la littérature antique.
Le roman d’aventures hérite de l’Odyssée, matrice initiale dont la fécondité fait consensus. Mais entre l’épopée homérique et le roman moderne vient s’intercaler le roman grec, épiphénomène d’une société en crise. Dans un monde de transition, où la cité grecque d’Asie mineure s’arc-boute pour défendre son identité, le roman agit comme une koiné. L’aventure y devient un socle fondateur dont la fixation autorise la mobilité du matériau romanesque.
The adventure novel is a descendent of the Odyssey: the initial matrix whose fecundity all agree upon. But the Greek novel, the epiphenomenon of a society in crisis, positions itself between the Homeric epic and the modern novel. In a world of transition, where the Greek city of Asia Minor buttresses itself to defend its identity, the novel acts like a koiné. In it, the adventure becomes a fundamental platform, the focus on which authorises the mobility of novelistic material.
Jean-Claude Laborie, « Les navigations de Pantagruel, de la nef des fous au bateau ivre »
Jean-Claude Laborie, maître de conférences HDR en littérature générale et comparée à l’université Paris Ouest – Nanterre – La Défense, est spécialiste du Brésil et de la littérature de voyage (xvie-xviie siècles). Il a publié Mangeur d’hommes et mangeur d’âmes. Une correspondance missionnaire au xvie, la lettre jésuite du Brésil, 1549-1568 (Paris, 2006).
Cet article étudie la manière dont un voyage fictionnel, le Quart Livre, utilise la structure du voyage, et les relations qu’entretiennent la littérature narrative et les textes viatiques au xvie siècle. C’est le projet épistémologique commun qui justifie la convergence de deux paradigmes textuels imparfaitement définis à cette époque. Le voyage, parce qu’il apparaît comme une procédure de lecture et d’explication, sert à interroger le mode de connaissance du réel, et donc la place de l’homme dans le monde.
This article studies the way in which a fictional journey, the Quart Livre, uses the structure of the journey, and the links between narrative literature and travel texts in the sixteenth century. Their common epistemological project justifies the convergence of these two textual paradigms, imperfectly defined at the time. The voyage, because it appeared as a process of reading and explanation, functioned to interrogate the mode of knowledge of the real, and thus the place of humankind in the world.
Émilie Picherot, « Les deux exils des musulmans d’Espagne dans Don Quichotte »
Émilie Picherot, maître de conférences en littérature comparée à l’université Lille 3, a soutenu une thèse sur les contacts entre les littératures française, espagnole et arabe du xve siècle au xviie siècle. Elle travaille principalement sur la littérature des Morisques ainsi que sur leur représentation dans les textes littéraires.
Cervantès intègre l’histoire des Morisques à Don Quichotte, à la manière d’une nouvelle barbaresque dont les codes narratifs constituent un modèle immédiatement identifiable dans l’ensemble des récits de voyages de l’époque : celui du récit de l’exil, puis du retour rêvé ou réalisé de ces captifs d’un genre nouveau, condamnés à la clandestinité ou à l’errance entre les deux rives de la Méditerranée.
Cervantes integrated the history of the Morisques into Don Quixote in the style of a Barbary pirate story whose narrative codes constitute a model immediately recognisable in all travelogues of the period: that of the narrative of exile, then of the desired
or realised return of these captives in a new genre, condemned to clandestineness or roaming between the two sides of the Mediterranean.
Sylviane Albertan-Coppola, « Le roman du Voyage de Bougainville »
Sylviane Albertan-Coppola, ancienne élève de l’ENS-Fontenay, agrégée de lettres modernes, est professeur de littérature française à l’université d’Amiens et auteur de nombreux ouvrages et articles sur le xviiie siècle (apologétique catholique, récits de voyage, Diderot et l’Encyclopédie).
Sachant ce que la relation de voyage de Bougainville doit elle-même à la fiction antique de l’Arcadie, renouvelée à la Renaissance, et connaissant la plasticité de l’écriture diderotienne, capable non seulement d’allier roman et philosophie mais aussi théorie et pratique du roman au sein de la même œuvre, cet article étudie la réflexion du roman dans le miroir du voyage, et du récit de voyage dans le roman.
In the knowledge that the account of the voyage of Bougainville owes much to the classical fiction of Arcadia, renewed in the Renaissance, and knowing that the plasticity of Diderot’s writing is capable not only of allying the novel with philosophy, but also of allying the theory and practice of the novel in the same work, this article studies the reflection of the novel in the mirror of the journey, and the account of the journey in the novel.
Audrey Faulot, « Les tribulations du Voyage de Carré dans l’Histoire générale des voyages et les romans de Prévost. Circulations narratives, circulations épistémologiques. »
Audrey Faulot, agrégée de lettres modernes et ancienne élève de l’École normale supérieure de Lyon, enseigne à l’université Paris Ouest – Nanterre – La Défense. Elle poursuit des recherches sur l’identité dans les romans-mémoires de la première moitié de xviiie siècle français. Elle a codirigé le collectif Prévost et les débats d’idées de son temps (Paris, Louvain, Walpole, 2015).
Au cours de sa carrière, Prévost a utilisé à deux reprises un passage du Voyage des Indes orientales de Barthélémy Carré : dans le tome IX de l’Histoire générale des voyages (1751) et dans un ajout à l’édition de 1756 des Mémoires et aventures d’un homme de qualité. Cet article analyse les réécritures qui accompagnent la circulation d’un même texte dans deux univers génériques aux antipodes l’un de l’autre. L’étude de ces métamorphoses interroge les pratiques d’écriture de Prévost, mais aussi ses pratiques de lecture.
In the course of his career, Prévost twice used a passage from the Voyage des Indes orientales by Barthélémy Carré: in volume IX of the Histoire générale des voyages (1751) and in an addition to the 1756 edition of the Mémoires et aventures d’un homme de qualité. This article analyses the rewritings which accompany the circulation of the same text in two generic universes completely removed from one another. The study of these metamorphoses interrogates the writing practices of Prévost, but also his reading practices.
Camille Guyon-Lecoq, « Le Triomphe du Sentiment de Bibiena ou pourquoi faut-il que les femmes lisent des romans tandis que les hommes voyagent ? »
Camille Guyon-Lecoq, maître de conférences à l’université Picardie – Jules-Verne, mène ses recherches sur la naissance d’une idée moderne de la sensibilité au tournant des premières Lumières, dont témoignent la tragédie en musique et les réflexions esthétiques qu’elle a suscitées. Elle a publié La Vertu des Passions. L’esthétique et la morale au miroir de la tragédie lyrique, 1673-1733 (Paris, 2002).
Dans Le Triomphe du Sentiment, l’itinéraire qui conduit de la connaissance du « Sentiment » à la « Volupté » partagée emprunte à deux modalités du romanesque de voyage : le récit fictif de deux voyages effectués par le héros et la lecture par l’héroïne d’un roman par lettres qui inclut un récit de voyage. Les voyages constituent un modèle qui permet au romancier de représenter de manière dynamique des personnages qui doivent faire advenir leur être naturel profond, intime, qui n’est en eux qu’en puissance.
In Le Triomphe du Sentiment, the path leading from the knowledge of “sentiment” to shared “sensual pleasure” borrows two modalities from travel literature: the fictive account of two journeys effected by the hero and the heroine’s reading of an epistolary novel which includes a travel account. The journeys constitute a model which provides the novelist with a dynamic way of representing the characters who must bring out their profound, natural, inner character which is but a power within them.
Guy Barthèlemy, « Une figure de la tentation romanesque dans le Voyage en Orient de Nerval »
Guy Barthèlemy, ancien élève de l’ENS de Saint-Cloud, est spécialiste de Nerval et de l’orientalisme littéraire du xixe siècle. Il a supervisé l’élaboration des notices consacrées aux littérateurs dans le Dictionnaire des orientalistes de langue française (Paris 2008) et contribué au collectif Après l’orientalisme (Paris 2011). Il a également publié « Le temps vécu dans Sylvie », dans Le Temps vécu (Paris 2013).
La tentation romanesque, récurrente dans le Voyage en Orient, trouve une incarnation dans le personnage d’une esclave que le narrateur achète au Caire. L’étude de la genèse complexe de ce personnage, des logiques textuelles dans lesquelles il s’inscrit, puis celle de deux épisodes caractérisés par une dynamique ironique de retournement, permettent de comprendre la fonction de la tentation romanesque dans cette œuvre, ainsi que la subtilité du regard que porte Nerval sur le processus de la rencontre avec l’Orient.
Novelistic temptation, recurring throughout the Voyage en Orient, is embodied in the character of the slave the narrator buys in Cairo. The study of the complex genesis of this character, the textual logics within which he is inscribed, and then two episodes characterised by an ironic dynamic of reversal allow us to understand the function of novelistic temptation in this work, as well as the subtle way in which Nerval approaches the encounter with the East.
Cécile Kovacshazy, « Le refus du récit de voyage, ou le roman ancillaire »
Cécile Kovacshazy, maître de conférences en littératures comparées à l’université de Limoges, est spécialiste de la prose européenne du xixe au xxie siècle. Elle a publié sur le double dans le roman du xxe siècle, les littératures d’Europe centrale, les littératures romani-tsiganes, la précarité dans les arts contemporains, et travaille sur la figure de la bonne dans la prose européenne des xixe-xxe siècles.
Les romans ancillaires commencent toujours par le voyage de la protagoniste fuyant sa terre natale pour se rendre à la ville où les péripéties commencent. Or, cet épisode initial est systématiquement passé sous silence. Éviter le récit princeps qu’est le voyage, c’est contrecarrer l’inscription du personnage dans une continuité temporelle et dans un espace à soi, c’est empêcher de rattacher la bonne à un lieu personnel, de la situer − ce qu’est en principe la fonction majeure du roman moderne avec son personnage, fût-il en mouvement.
Servant novels always start with the journey of the protagonist who flees her native land in order to reach the city where the events will begin. This initial episode is, however, systematically ignored. Avoiding the princeps account which is the journey is to thwart the inscription of the character in a temporal continuity and a space of her own; it prevents the possibility of attaching the servant to a personal space, of situating her – which is, in principle, the major function of the modern novel with its character, even in movement.
Anne-Sophie de Franceschi, « Le roman des “robes noires”. Relectures contemporaines des lettres de mission jésuites »
Anne-Sophie de Franceschi (CERR-CERCLL) est maître de conférences à l’université Picardie – Jules-Verne, où elle est responsable du service des affaires culturelles. Elle est spécialiste de littérature des xvie et xviie siècles, et de récits de voyages et de pèlerinage.
Dans la littérature québécoise du xxe siècle, le personnage du jésuite explorateur et missionnaire inspire une veine romanesque populaire différente des personnages de comploteurs caractéristiques du xixe siècle français. Ces romans québécois puis français sont plus marqués par le caractère d’explorateur du missionnaire. Ce personnage, inspiré d’authentiques membres de l’ancienne Compagnie, fournit un ancrage réaliste à l’auteur, qui a recours aux lettres de missions originales pour construire sa narration.
In Quebecois literature of the twentieth century, the character of the Jesuit missionary and explorer inspired a popular novelistic trend different from the figure of the conspirator characteristic of the French nineteenth century. These Quebecois, then French, novels are more marked by the missionary’s character as an explorer. This character, inspired by real members of the former Company, provide a realist anchor for the author, who uses original letters by missionaries to construct the narrative.
Alain Guyot, « Roman et récit de voyage entre le xviiie et le xxe siècle : interférences et contaminations »
Alain Guyot, professeur à l’université de Lorraine (Nancy), s’intéresse à la poétique et à la stylistique des récits de voyage, du tournant des Lumières à la fin du romantisme. Il a consacré plusieurs ouvrages, personnels ou collectifs, et de nombreux articles à ces thématiques. Il dirige avec Sarga Moussa la section « Voyages » dans l’édition des Œuvres complètes de Théophile Gautier (Paris, 2007).
À travers un certain nombre d’exemples tirés de la littérature européenne, de Daniel Defoe à Valéry Larbaud, cette contribution se propose d’explorer, sous la forme de quelques saisies chronologiques, la manière dont la fiction narrative et le roman avec leurs différents sous-genres littéraires ont interagi tout au long de la période, s’empruntant mutuellement leurs procédés au fur et à mesure de leur évolution générique.
Using a number of examples drawn from European literature, from Daniel Defoe to Valéry Larbaud, this contribution explores, in the form of chronological case studies, the ways in which narrative fiction and the novel, with their different literary
subgenres, interacted throughout the period, borrowing processes from each other in line with their generic evolution.
Mathilde Poizat-Amar, « L’épreuve du voyage, de la fracture à la diffraction. Les Immémoriaux, Victor Segalen, 1907 »
Mathilde Poizat-Amar, Lecturer à l’université du Kent en Angleterre, est titulaire d’un doctorat en cotutelle des universités du Kent et Paris Ouest – Nanterre – La Défense, en partenariat avec l’École Normale supérieure de Paris. Ses recherches portent sur la question du voyage dans l’œuvre de Blaise Cendrars, Victor Segalen et Albert Londres.
De retour de Polynésie française en 1905, Victor Segalen rapporte la matière première de son premier roman, Les Immémoriaux. Au travers des écrits décousus rédigés en voyage se dessine l’amorce d’une réflexion sur le choc exotique et la découverte d’une fondamentale hétérogénéité du monde, d’un écart immuable entre l’ici et l’ailleurs, soi et l’autre, soi pour soi. Cet article examine les trajectoires prises par l’auteur pour intégrer ces fractures découvertes en voyage dans la forme romanesque.
Returning from French Polynesia in 1905, Victor Segalen brought with him the raw material for his first novel, Les Immémoriaux. In the disjointed writings written during his travels, the beginning of a reflection on the shock of the exotic and the discovery of the fundamental heterogeneity of the world took shape, and of the immovable gap between here and elsewhere, self and other, self for self. This article examines the way the author integrated these fractures discovered whilst travelling into the novelistic form.
Marie Dollé, « Poésie en voyage. Segalen et Michaux »
Marie Dollé, professeur à l’université Picardie – Jules-Verne, spécialiste de Victor Segalen, s’intéresse également aux écrivains qui changent de langue ou entretiennent avec d’autres cultures des rapports privilégiés. Elle a notamment publié Victor Segalen. Le voyageur incertain (Paris, 2008), L’imaginaire des langues (Paris, 2002) et des articles sur Agota Kristof, Cioran, Claude Ollier, ainsi que sur le cinéma.
Henri Michaux estime que la poésie est incompatible avec le récit de voyage, ce qui ne l’empêche pas de se livrer à l’exercice. Que devient la poésie quand elle voyage ? Le récit de voyage peut-il être poétique ? Trois œuvres permettent de poser la question, écrites par deux écrivains considérés comme des poètes : Équipée de Victor Segalen, Un Barbare en Asie d’Henri Michaux et Voyage en Grande Garabagne du même auteur.
Henri Michaux held that poetry was incompatible with the travel narrative, but this did not stop him attempting to bring them together. What happens to poetry when it travels? Can the travel narrative be poetic? Three works allow us to explore these questions, written by writers considered to be poets: Équipée by Victor Segalen, Un Barbare en Asie by Henri Michaux, and Voyage en Grande Garabagne by the same author.
Jacqueline Guittard, « Roland Barthes. Fragments de voyage »
Jacqueline Guittard, docteur en histoire et sémiologie du texte et de l’image, est membre du CERCLL à l’université Picardie – Jules-Verne. Elle est membre associé de l’équipe « Aragon, Barthes, Celan », axe « Barthes », à l’ITEM, et du réseau de recherche Roland Barthes. Ses recherches portent sur la photographie dans la littérature, les rapports entre le texte et l’image, et la sémiologie des œuvres littéraires.
Le Japon fait pour Roland Barthes l’objet d’un ouvrage de commande, L’Empire des signes, tandis que la Chine est d’abord évoquée dans un mince article pour Le Monde intitulé « Alors, la Chine ? », qui deviendra un livre. De ces circonstances viendrait la forme accordée à l’un et l’autre ouvrage. L’un promet un texte dont les fragments disent assez qu’il est infini, conforme en cela aux souhaits derridéens, cependant que l’autre s’achève aussitôt qu’amorcé, sur un dépit qui a pour noms polis la fadeur et la paisibilité.
Japan was, for Roland Barthes, the object of a commissioned work, L’Empire des signes, while China was first evoked in a short article for Le Monde entitled “So, China?”, which was later to become a book. The form accorded to both works originates in these circumstances. One promises a text of endless fragments, in line with Derrida’s preferences, while the other ends as soon as it has begun, in a pique which, in polite language, could be called insipidity or serenity.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-8124-6011-1
- EAN : 9782812460111
- ISSN : 2271-7242
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-6011-1.p.0241
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 01/12/2015
- Périodicité : Semestrielle
- Langue : Français