Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Rituels de la vie publique et privée du Moyen Âge à nos jours
- Pages : 361 à 366
- Collection : POLEN - Pouvoirs, lettres, normes, n° 27
Résumés
Philippe Haugeard, « Introduction »
L’ouvrage entend saisir le rituel à l’intersection du public et du privé afin de définir les différents phénomènes d’interaction et/ou de translation en jeu dans la ritualité entre ces deux espaces. La démarche pluridisciplinaire fait apparaître l’intérêt heuristique et herméneutique du croisement des diverses sciences humaines et la perspective transhistorique permet de mettre en valeur variance et invariance dans une ritualité toujours tributaire de son contexte historique et culturel.
Sylvia Mullins, « Ex membris sanctis. Myroblytes et usage rituel de l’huile sainte en Europe médiévale »
L’article porte sur le culte des saintes myroblytes (dont le modèle serait sainte Catherine d’Alexandrie) dans l’Occident médiéval et aux rituels privés et publics qui étaient associés à leur pouvoir de produire corporellement, de leur vivant ou après leur mort, une huile sainte et miraculeuse. Cet article étudie ce faisant le contenu et la fonction idéologiques du discours hagiographique construit par l’Église autour de ces figures particulières de saintes.
François Wallerich, « Pratiques et usages “profanes” de la communion. Transgressions privées d’un rituel public au Moyen Âge (1170-1230) »
Entre 1170 et 1230, de nombreux textes évoquent des fidèles qui, au lieu d’avaler l’hostie à la communion, la conservent pour s’en servir à des fins jugées « profanes » par l’Église. Ayant pour but de combattre ces pratiques, la documentation doit être déconstruite pour comprendre les enjeux de cette réappropriation. L’opposition entre public et privé, qui ne s’applique ici que partiellement, permet d’insister sur la publicité du rituel comme condition de son contrôle par l’institution.
362Fannie Caron-Roy, « Icône publique, dévotion privée. La Madonna della Clemenza dans le palais du cardinal Altemps à Rome »
En 1584, le cardinal Altemps amorce le projet de construction de sa chapelle funéraire dans l’église Sainte-Marie-du-Trastévère. La Madonna della Clemenza, une icône du viiie siècle qui y fera office de retable, est également le motif choisi par le prélat quelques années plus tard pour orner le plafond du studiolo de son palais. Cet article mettra en lumière l’extension des rituels, du domaine public à la demeure privée, que permet ce déplacement iconographique.
Jean-Patrice Boudet, « Un charivari tragique à la cour de Charles VI. Le bal des Ardents »
Le bal des Ardents, sorte de charivari organisé par Charles VI à l’occasion du remariage d’une dame d’honneur de la reine, en janvier 1393, se termine par la fin tragique de quatre nobles de l’entourage royal. Les récits de Froissart et du Religieux de Saint-Denis permettent de distinguer rituels semi-publics au sein de la cour et rituels publics de réparation de la faute. L’article cherche à préciser la portée de l’événement, dans son contexte historique et anthropologique.
Gabriele Vickermann-Ribémont, « Staging marriage, la réinvention d’un rituel de mariage sur la scène comique (fin xviie et xviiie siècles) »
Le motif structurant de la comédie qu’est le mariage n’est pas pour autant représenté sur scène, mais signifié par une action en coulisses ou des rituels de substitution. Ceux-ci sont ancrés dans une réalité juridique précise et entretiennent par leur langage symbolique une affinité avec celui des genres dramatiques, comme le montre l’exemple de la bénédiction paternelle, rituel laïque et privé qui bénéficie de l’efficacité du geste nourrie par l’histoire du rituel religieux et public.
Aïcha Salmon, « Les rites de la nuit de noces bourgeoise en France au xixe siècle »
Au xixe siècle, on commence à accorder davantage d’intimité aux époux durant leur nuit de noces. La volonté d’effacement des rites traditionnels, jugés trop intrusifs, dans les nuits de noces bourgeoises se manifeste à travers la coïncidence de plus en plus fréquente entre la première nuit du mariage 363et le début du voyage de noces et aboutit au renforcement du secret autour de « réalités » du mariage auxquelles sont confrontées subitement certaines jeunes filles non préparées.
Anne Verdet, « Bals de campagne, de la place du village à la clandestinité. Des années vingt à la Libération »
Le rituel du bal fut très longtemps constitutif de la formation des couples, rituel social impliquant tout un groupe. Sous l’Occupation, il dut évoluer pour se maintenir, paradoxe inhérent aux rituels, les mariages étant repoussés à un après indéfini. La version clandestine des bals composait avec l’insécurité : instrumentarium sommaire et cadre spatio-temporel fluctuant. Rituel public devenu caché, sinon privé, il était l’affirmation de la vitalité d’une jeunesse doublement en mal de liberté.
Aubrée David-Chapy, « L’invention de rituels, mettre en scène et servir le pouvoir au féminin. Le cas des régences de Louise de Savoie (1515-1531) »
La question de la régence féminine, telle qu’elle s’invente pour Louise de Savoie, mère de François Ier, est étroitement liée à celle des pratiques et des représentations. Louise de Savoie ne dispose d’abord que d’une auctoritas s’exerçant dans la sphère privée, comme éducatrice et conseillère du roi, mais rapidement certains rituels de la vie privée sont reproduits et démultipliés dans la sphère publique afin de conférer à Louise de Savoie une dignité et des pouvoirs spécifiques.
Nicolas Lombart, « Réinventer les rituels politiques au Nouveau Monde. Usages privés et publics de la “promesse” dans L’Histoire notable de la Floride de René de Laudonnière (1586) »
Sur quelle base juridique négocier avec les indiens du Nouveau Monde ? La question prend une résonance particulière dans L’Histoire notable de la Floride de René de Laudonnière (1586) en raison de la place centrale accordée aux rites de promesse improvisés avec les Timucua dans la Floride française (1562-1565). Ni vraiment privée, ni totalement publique, la promesse permet à Laudonnière, sincère ou duplice, de naviguer entre les rois indiens, en expérimentant de nouvelles pratiques machiavéliennes.
364Fanny Giraudier, « Le baptême des enfants de France. Rituel politique et religieux, entre sphère privée et publique »
Célébration monarchique, le baptême des enfants royaux, qui possède une dimension familiale forte, se situe à la croisée de l’intime et du politique. Si on y fait des gestes de soin du quotidien qui sont des rituels de purification et d’entrée dans la communauté chrétienne, la cérémonie possède aussi une portée politique forte : en elle s’entremêlent enjeux dynastiques, diplomatie et affirmation des positions nobiliaires au sein de la cour.
Marianne Cailloux, « La ritualisation de l’image mémorielle dans l’espace domestique. L’exemple de l’ensemble gravé de la Maison Tracq à Bessans en Maurienne »
La maison Tracq à Bessans est décorée de gravures collées sur mobilier, témoignant de la pratique d’une famille sur plusieurs générations : l’investissement visuel de l’espace domestique régule le rapport aux évènements personnels et contextuels. Comment l’image sert-elle de support de médiatisation de pratiques rituelles ? Ces gravures nous renseignent sur la régulation normative sociale par l’image, personnelle et collective, d’individus et de communautés de la fin du Moyen Âge à la révolution industrielle.
Myriam Watthee-Delmotte, « Commémorer pour légitimer. Du Tombeau des gloires au cénotaphe des obscurs »
Les tombeaux littéraires reposent sur la logique du don/contre-don. Célébrer les morts, dans la littérature contemporaine, c’est leur offrir la reconnaissance qui leur faisait défaut et inciter à la mémoire sereine. En retour, en soulignant des aspects qui coïncident avec leurs propres difficultés d’être, les auteurs instaurent une communauté symbolique d’hommes souffrants, s’intègrent dans une fratrie imaginaire d’écrivains, et assignent aux lecteurs leur place dans le rite de commémoration.
Rémi Dalisson, « Rituel officiel, rituel subversif. La question de la commémoration de la guerre d’Algérie en France »
Depuis 1962, aucun consensus ne règne sur la mémoire de la guerre d’Algérie. C’est que la commémoration de ce conflit reste complexe tant il 365résume les problèmes de la mémoire de guerre, de la colonisation et du rapport au postcolonial. Pour réussir la commémoration, la rendre cathartique et compréhensible, il est nécessaire de lui trouver un langage qui fasse sens, un rituel fédérateur. Il s’agit ici de comprendre la construction de ce rituel, les problèmes qu’il soulève et ses interprétations.
Chantal Senséby, « Les rituels documentaires. Variations et facteurs de variabilité (Anjou et Touraine, xie et xiie siècles) »
Le rituel documentaire constitue le dernier moment d’une transaction effectuée en trois séquences spatio-temporelles complémentaires. Pour qu’une transaction faite en privé par un laïc et une abbaye, dans la domus du laïc puis dans la secreta pars du monastère, se réalise pleinement et obtienne une reconnaissance sociale, elle doit associer la société locale, être divulguée publice et être respectueuse de la res publica. La limite entre privé et public s’estompe, mais sans jamais disparaître.
Cécile Lignereux, « Une marque de savoir-vivre. Les assurances de souvenir dans la pratique épistolaire du xviie siècle »
Parmi les rituels épistolaires destinés à préserver les liens d’amitié, celui des assurances de souvenir laisse aux épistoliers des marges de manœuvre considérables, même si c’est une pratique de civilité codifiée. Les assurances de souvenir constituent une catégorie de lettres dotée d’un protocole persuasif propre ; elles fonctionnent comme une séquence textuelle capable de s’intégrer dans différents schémas rhétoriques ; elles se présentent comme une figure à forte teneur phraséologique.
Valérie Jacob-Blanchemanche, « Une lecture ethnocritique des rituels funéraires dans La Table-aux-Crevés (1929) »
Dans le quatrième roman de Marcel Aymé, la « mauvaise mort » occupe une place centrale. Une lecture ethnocritique des rituels funéraires souligne les dérèglements durant chaque phase des rites. En outre, ces pratiques obéissent à la fois à une coutume locale (orale et communautaire) et à des manifestations urbaines (écrites et extérieures). Le texte littéraire éclaire l’efficacité symbolique pour des enjeux multiples et opposés et permet de dépasser l’approche sociohistorique de l’entre-deux-guerres.
366Pascal Lardellier, « Un anthropologue au GIGN. Rites d’hier et d’aujourd’hui au sein de l’unité d’élite de la Gendarmerie nationale »
Le GIGN est une unité d’élite structurée en profondeur par un éventail de rites renvoyant notamment à des univers symboliques chevaleresques. Ce chapitre, issu d’un terrain de plusieurs années au sein du GIGN, analyse spécifiquement certains de ces rites : la « remise du MR », le « tir de confiance » et le « tour de la garnison » apparaissent comme autant de résurgences de rites plus anciens, exhumés à des fins d’intégration, de cohésion, de défi, ou de réassurance.
Anne Friederike Delouis, « Conclusion. Un regard anthropologique sur les rituels de la vie publique et de la vie privée »
L’anthropologie a développé depuis la fin du xixe siècle un impressionnant corpus théorique sur le rituel, de sorte qu’elle pourrait se croire sur ce sujet comme en terrain réservé. Ce que nous rappelle ce volume dans sa diversité, c’est que le récit historique entre en résonance avec l’analyse anthropologique, et qu’un échange, portant notamment sur l’articulation du privé et du public, est susceptible, au-delà des modes et des déplacements thématiques forcés et vite datés, d’enrichir chacune des disciplines.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-11489-5
- EAN : 9782406114895
- ISSN : 2492-0150
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-11489-5.p.0361
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 13/07/2021
- Langue : Français