[Introduction de la cinquième partie]
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Rituels de la vie publique et privée du Moyen Âge à nos jours
- Pages : 263 à 264
- Collection : POLEN - Pouvoirs, lettres, normes, n° 27
Les rites, ciments d’une collectivité humaine, supposent toutefois l’adhésion de l’individu au groupe, tout en la consolidant par son effectivité même. Les contestations, les transgressions, les dévoiements des rituels peuvent être l’expression d’une liberté ou du moins d’une individualité qui refuse de se plier à la loi commune. La codification du rituel peut ainsi être réinventée par un individu qui se la réapproprie. Toutefois, le rite est souvent en soi suffisamment plastique pour accueillir des variations qui permettent son évolution et donc sa pérennité, selon une logique d’intégration de l’individu dans le groupe.
Initiatives individuelles et personnelles, les donations pieuses à des établissements religieux en Anjou et en Touraine aux xie et xiie siècles obéissent à des procédures strictes que Chantal Senséby étudie dans la première contribution : les rituels de la donation, selon leurs phases, impliquent oralité et écriture, gestes privés et publics, ces derniers se déroulant dans des espaces tantôt laïques, tantôt religieux ; ces rituels s’inscrivent dans un continuum qui confère à la donation son efficience et son irrémédiabilité.
À l’âge classique, ainsi que le montre Cécile Lignereux, les manuels d’art épistolaire ou secrétaires tentent de ritualiser l’expression des sentiments privés : si cette pratique s’oppose à notre idée moderne de la spontanéité affective, de tels échanges visent à la régulation pacifiée de la communication, selon l’idéal de l’honnête homme. Ainsi tout particulièrement de l’assurance du souvenir, protocole épistolaire, qui, loin d’être un carcan étouffant l’individu, lui fournit un canevas pragmatique où déployer son expressivité.
Valérie Jacob-Blanchemanche propose une lecture de La Table-aux-Crevés de Marcel Aymé dans une perspective ethnocritique : le roman raconte la manière dont une communauté villageoise tente de réguler les conséquences du suicide d’une paysanne, qui met en péril tant la structure du groupe que l’essence de chaque individu – de là le dérèglement des rites funéraires traditionnels, à l’image du destin précaire de la ruralité dans l’entre-deux guerres.
264Pour finir cette partie, Pascal Lardellier nous introduit au sein du GIGN où il a pu enquêter en partageant la vie de ce groupe d’élite de la Gendarmerie Nationale ; il nous livre ainsi, de l’intérieur comme acteur, mais avec l’extériorité de l’anthropologue, une description et une analyse des différents rituels mis en œuvre pour éprouver et constituer la solidarité de groupe de ses membres.