Avant-propos
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Revue Verlaine
2018, n° 16. varia - Auteurs : Bernadet (Arnaud), Degott (Bertrand), Dupas (Solenn)
- Pages : 11 à 14
- Revue : Revue Verlaine
AVANT-PROPOS
Dans ce numéro 16 de la Revue Verlaine, une place significative se trouve accordée à l’histoire littéraire, comme en témoignent en ouverture les éclairages biographiques consacrés à différentes périodes clefs de la vie et de l’œuvre du poète. Bernard Bousmanne et Elena Savini mettent ainsi en lumière plusieurs photographies, dont l’une récemment retrouvée, offerte à Élisa Moncomble en 1866, montre Verlaine âgé d’une vingtaine d’années. À partir de ces clichés, les auteurs retracent une partie de la trajectoire familiale de Verlaine, tout en interrogeant les possibles références poétiques à sa cousine disparue prématurément. Autre exploration documentaire : à l’occasion de la vente en octobre 2016 de la bibliothèque Tissot-Dupont, ce sont deux textes que décrit et transcrit Yann Fémy, le portrait de Rimbaud établi dans Les Hommes d’aujourd’hui en 1888, Arthur Rimbaud. Chronique de 1895, dans chaque cas les épreuves corrigées et signées de Verlaine, qui retiennent notamment l’attention pour leurs variantes. La contribution de Kensaku Kurakata signale quant à elle une citation erronée d’un hendécasyllabe de Marceline Desbordes-Valmore dans la préoriginale des Poètes maudits publiée par Lutèce en juin 1885. L’analyse de cette erreur est l’occasion de retracer les étapes de la découverte de la poétesse par Verlaine, en s’attardant sur les lectures qu’il était susceptible de faire à Londres vers juin 1873. Une lettre inédite, datée d’avril 1892 et adressée à « Mme Bellenger », permet par ailleurs à Seth Whidden de fournir des précisions concernant les relations entre Verlaine et Marie Krysinska, femme du peintre Georges Bellenger, amie de Frédéric-Auguste Cazals. C’est en revanche à partir d’une lettre bien connue d’octobre 1872 à Lepelletier que Steve Murphy nous donne à voir un Verlaine au bilinguisme facétieux, pour qui la question raciale est peut-être plus ambiguë qu’il n’y paraît. Dans la continuité de ces contributions, deux études s’intéressent au personnage de l’auteur, nécessairement complexe et multiforme, à son ethos public ou littéraire. Romain Courapied se penche sur différents récits de Rachilde qui rapportent sa 12rencontre avec Verlaine en novembre 1886. Au fil des récritures de cet épisode, se dessine une double stratégie d’« hommage » et d’« auto-valorisation » qui invite à se questionner sur la place qu’occupait le poète dans le champ littéraire des années 1880 et 1890. C’est également sur cette période, plus particulièrement sur la vie culturelle qui animait la rue Vaugirard lorsque Verlaine y séjourna à plusieurs reprises entre mars 1889 et décembre 1894, que se penche Seth Whidden. Dans ce contexte, le poète pourrait notamment avoir rencontré l’écrivain norvégien Knut Hamsun, qui manifesta un réel intérêt à son égard.
Après ces études consacrées à la vie de Verlaine, à ses proches et à ses lectures, une suite de cinq articles est dédiée à l’œuvre entre vers et prose. L’orientation des trois premiers est surtout linguistique. Partant du vieux coppée rebaptisé par la suite « Tantalized », Benoît de Cornulier revient à « Juillet » de Rimbaud pour en réévaluer à la fois la datation et la visée : la parodie rimbaldienne est ici flagrante. À la lumière de sa parfaite connaissance du recueil et avec les outils de l’analyse métricométrique, Christian Hervé propose quant à lui une typologie exhaustive des discordances entre mètre et syntaxe au sein de Romances sans paroles. Enfin, Marc Dominicy place sous le microscope du linguiste la pièce XLV des Dédicaces de 1894 : il émet l’hypothèse qu’en lui laissant l’impression d’un texte volontairement gâché, Verlaine semble avoir voulu déstabiliser le lecteur. Suivant ces contributions consacrées à l’œuvre en vers, deux articles adoptent une perspective plus poétique sur les proses verlainiennes. Patrick Thériault propose en effet de montrer comment Les Mémoires d’un veuf « poursui[vent] et radicalise[nt] » le projet de Baudelaire, qui entreprit de « traîn[er] » la poésie « vers des formes et des sujets réputés contraires ou inaccessibles à l’idéal ». Pour ce faire, il analyse finement la composition du recueil, où se révèle une « intelligence de la structure qui est aussi un art de l’anti-structure. » À travers sa lecture de « Par la croisée », Arnaud Bernadet confirme la propension de Verlaine à « neutraliser » les signaux du poétique dans Les Mémoires d’un veuf. Ce texte invite à interroger les ressorts d’une prose qui s’invente par « sa capacité à mettre l’accent » et se poétise par « sa capacité à mettre en sourdine », tout en cultivant des « dissonances discrètes et répétées ».
En fait de dissonance, c’est plutôt au tremblement du sens – trouble ou hésitation, – au régime de l’indécis, que nous invitent les six derniers 13articles. Dans sa contribution, Reynald André Chalard nous présente le Verlaine d’Albert Béguin, un Verlaine moins sensuel que catholique, dont les chansons seraient aussi des prières et dont la recherche poétique serait éclairée surtout par une métaphysique. Parti d’une expression de la première ariette, Dominique Rabaté s’interroge quant à lui sur l’élégiaque verlainien qui pourrait bien ne faire oublier le sujet que pour mieux le rendre sur un mode atténué, diminué, « dormant ». C’est l’expérience de la claustration qui inspire en revanche l’article de Philippe Destruel, où il s’agit de réévaluer Cellulairement à l’aune des proses autobiographiques : défiant les traditions du poète à l’hôpital ou en prison, mêlant le profane au religieux, Verlaine exploite si bien l’épisode carcéral que la veine biographique travaille souterrainement l’œuvre. Le Verlaine que nous présente Ether Pinon est un poète sans doute plus dégagé de la circonstance, sa quête est celle d’une transparence qu’il perd à mesure que s’approfondit la confidence lyrique. Ce rapport tragique à l’innocence sous-tendrait toute l’œuvre en vers. Laissant la dissonance interne à l’œuvre, le lecteur est enfin convié à s’intéresser à des essais de consonance avec d’autres arts, et ce faisant à explorer diverses manifestations de la réception de Verlaine au cours de la première moitié du xxe siècle. À partir d’un corpus d’éditions illustrées des Amies conservées à l’université Vanderbilt dans la collection Hervé Vilez1, Abby Broughton questionne les rapports entre texte et image qui se déploient autour de l’érotique verlainienne. La soirée poétique et musicale qui fut donnée le 23 mars 1939 autour des œuvres du poète et de Claudel, en présence de ce dernier, livre un autre versant de la réception de Verlaine, tourné vers un horizon chrétien. Pascal Lécroart revient avec précision sur cet événement en montrant en quoi il reflète une « prise en compte fine et subtile de la matière poétique des textes ».
Comme dans les numéros précédents, on trouvera en clôture de ce volume deux recensions signées par Bertrand Degott et Yann Frémy, toutes deux consacrées à de récentes éditions, l’une portant sur les Recueils de jeunesse (Nicolas Wanlin), l’autre sur les Romances sans paroles (Reynold Le Damany).
14Tel qu’il a été adopté dans les précédents numéros de la revue, voici le système d’abréviations en usage pour l’ensemble du volume :
CG |
Correspondance générale de Verlaine (1857-1885), t. I, éd. Michael Pakenham, Fayard, 2005. |
Cor. 1, 2 et 3 |
Correspondance de Paul Verlaine, t. I, II, III, éd. Adolphe Van Bever, Genève, Slatkine Reprints, 1983 [1922, 1923, 1929]. |
OP |
Œuvres poétiques de Verlaine, éd. Jacques Robichez, Garnier, 1969. |
OPC |
Œuvres poétiques complètes de Verlaine, éd. Yves-Gérard Le Dantec, révisée par Jacques Borel, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1962. |
OPr |
Œuvres en prose complètes de Verlaine, éd. Jacques Borel, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1972. |
RV |
Revue Verlaine, no 1 à 10, Charleville-Mézières, Musée-Bibliothèque Arthur Rimbaud (1993-2007) ; à partir du no 11, Paris, Classiques Garnier (2013 à aujourd’hui). Ex. RV-13, 2015, 67. |
Arnaud Bernadet,
Bertrand Degott
et Solenn Dupas
1 À propos de la collection de M. Hervé Vilez, le lecteur pourra se reporter aux actes du colloque qui s’est tenu à l’Université Vanderbilt du 13 au 15 mars 2017, parus dans le précédent volume RV-15, 2017.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-09083-0
- EAN : 9782406090830
- ISSN : 2426-8860
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-09083-0.p.0011
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 30/03/2019
- Périodicité : Annuelle
- Langue : Français