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Classiques Garnier

Avant-propos

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Revue Verlaine
    2018, n° 16
    . varia
  • Auteurs : Bernadet (Arnaud), Degott (Bertrand), Dupas (Solenn)
  • Pages : 11 à 14
  • Revue : Revue Verlaine
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406090830
  • ISBN : 978-2-406-09083-0
  • ISSN : 2426-8860
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-09083-0.p.0011
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 30/03/2019
  • Périodicité : Annuelle
  • Langue : Français
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AVANT-PROPOS

Dans ce numéro 16 de la Revue Verlaine, une place significative se trouve accordée à lhistoire littéraire, comme en témoignent en ouverture les éclairages biographiques consacrés à différentes périodes clefs de la vie et de lœuvre du poète. Bernard Bousmanne et Elena Savini mettent ainsi en lumière plusieurs photographies, dont lune récemment retrouvée, offerte à Élisa Moncomble en 1866, montre Verlaine âgé dune vingtaine dannées. À partir de ces clichés, les auteurs retracent une partie de la trajectoire familiale de Verlaine, tout en interrogeant les possibles références poétiques à sa cousine disparue prématurément. Autre exploration documentaire : à loccasion de la vente en octobre 2016 de la bibliothèque Tissot-Dupont, ce sont deux textes que décrit et transcrit Yann Fémy, le portrait de Rimbaud établi dans Les Hommes daujourdhui en 1888, Arthur Rimbaud. Chronique de 1895, dans chaque cas les épreuves corrigées et signées de Verlaine, qui retiennent notamment lattention pour leurs variantes. La contribution de Kensaku Kurakata signale quant à elle une citation erronée dun hendécasyllabe de Marceline Desbordes-Valmore dans la préoriginale des Poètes maudits publiée par Lutèce en juin 1885. Lanalyse de cette erreur est loccasion de retracer les étapes de la découverte de la poétesse par Verlaine, en sattardant sur les lectures quil était susceptible de faire à Londres vers juin 1873. Une lettre inédite, datée davril 1892 et adressée à « Mme Bellenger », permet par ailleurs à Seth Whidden de fournir des précisions concernant les relations entre Verlaine et Marie Krysinska, femme du peintre Georges Bellenger, amie de Frédéric-Auguste Cazals. Cest en revanche à partir dune lettre bien connue doctobre 1872 à Lepelletier que Steve Murphy nous donne à voir un Verlaine au bilinguisme facétieux, pour qui la question raciale est peut-être plus ambiguë quil ny paraît. Dans la continuité de ces contributions, deux études sintéressent au personnage de lauteur, nécessairement complexe et multiforme, à son ethos public ou littéraire. Romain Courapied se penche sur différents récits de Rachilde qui rapportent sa 12rencontre avec Verlaine en novembre 1886. Au fil des récritures de cet épisode, se dessine une double stratégie d« hommage » et d« auto-valorisation » qui invite à se questionner sur la place quoccupait le poète dans le champ littéraire des années 1880 et 1890. Cest également sur cette période, plus particulièrement sur la vie culturelle qui animait la rue Vaugirard lorsque Verlaine y séjourna à plusieurs reprises entre mars 1889 et décembre 1894, que se penche Seth Whidden. Dans ce contexte, le poète pourrait notamment avoir rencontré lécrivain norvégien Knut Hamsun, qui manifesta un réel intérêt à son égard.

Après ces études consacrées à la vie de Verlaine, à ses proches et à ses lectures, une suite de cinq articles est dédiée à lœuvre entre vers et prose. Lorientation des trois premiers est surtout linguistique. Partant du vieux coppée rebaptisé par la suite « Tantalized », Benoît de Cornulier revient à « Juillet » de Rimbaud pour en réévaluer à la fois la datation et la visée : la parodie rimbaldienne est ici flagrante. À la lumière de sa parfaite connaissance du recueil et avec les outils de lanalyse métricométrique, Christian Hervé propose quant à lui une typologie exhaustive des discordances entre mètre et syntaxe au sein de Romances sans paroles. Enfin, Marc Dominicy place sous le microscope du linguiste la pièce XLV des Dédicaces de 1894 : il émet lhypothèse quen lui laissant limpression dun texte volontairement gâché, Verlaine semble avoir voulu déstabiliser le lecteur. Suivant ces contributions consacrées à lœuvre en vers, deux articles adoptent une perspective plus poétique sur les proses verlainiennes. Patrick Thériault propose en effet de montrer comment Les Mémoires dun veuf « poursui[vent] et radicalise[nt] » le projet de Baudelaire, qui entreprit de « traîn[er] » la poésie « vers des formes et des sujets réputés contraires ou inaccessibles à lidéal ». Pour ce faire, il analyse finement la composition du recueil, où se révèle une « intelligence de la structure qui est aussi un art de lanti-structure. » À travers sa lecture de « Par la croisée », Arnaud Bernadet confirme la propension de Verlaine à « neutraliser » les signaux du poétique dans Les Mémoires dun veuf. Ce texte invite à interroger les ressorts dune prose qui sinvente par « sa capacité à mettre laccent » et se poétise par « sa capacité à mettre en sourdine », tout en cultivant des « dissonances discrètes et répétées ».

En fait de dissonance, cest plutôt au tremblement du sens – trouble ou hésitation, – au régime de lindécis, que nous invitent les six derniers 13articles. Dans sa contribution, Reynald André Chalard nous présente le Verlaine dAlbert Béguin, un Verlaine moins sensuel que catholique, dont les chansons seraient aussi des prières et dont la recherche poétique serait éclairée surtout par une métaphysique. Parti dune expression de la première ariette, Dominique Rabaté sinterroge quant à lui sur lélégiaque verlainien qui pourrait bien ne faire oublier le sujet que pour mieux le rendre sur un mode atténué, diminué, « dormant ». Cest lexpérience de la claustration qui inspire en revanche larticle de Philippe Destruel, où il sagit de réévaluer Cellulairement à laune des proses autobiographiques : défiant les traditions du poète à lhôpital ou en prison, mêlant le profane au religieux, Verlaine exploite si bien lépisode carcéral que la veine biographique travaille souterrainement lœuvre. Le Verlaine que nous présente Ether Pinon est un poète sans doute plus dégagé de la circonstance, sa quête est celle dune transparence quil perd à mesure que sapprofondit la confidence lyrique. Ce rapport tragique à linnocence sous-tendrait toute lœuvre en vers. Laissant la dissonance interne à lœuvre, le lecteur est enfin convié à sintéresser à des essais de consonance avec dautres arts, et ce faisant à explorer diverses manifestations de la réception de Verlaine au cours de la première moitié du xxe siècle. À partir dun corpus déditions illustrées des Amies conservées à luniversité Vanderbilt dans la collection Hervé Vilez1, Abby Broughton questionne les rapports entre texte et image qui se déploient autour de lérotique verlainienne. La soirée poétique et musicale qui fut donnée le 23 mars 1939 autour des œuvres du poète et de Claudel, en présence de ce dernier, livre un autre versant de la réception de Verlaine, tourné vers un horizon chrétien. Pascal Lécroart revient avec précision sur cet événement en montrant en quoi il reflète une « prise en compte fine et subtile de la matière poétique des textes ».

Comme dans les numéros précédents, on trouvera en clôture de ce volume deux recensions signées par Bertrand Degott et Yann Frémy, toutes deux consacrées à de récentes éditions, lune portant sur les Recueils de jeunesse (Nicolas Wanlin), lautre sur les Romances sans paroles (Reynold Le Damany).

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Tel quil a été adopté dans les précédents numéros de la revue, voici le système dabréviations en usage pour lensemble du volume :

CG

Correspondance générale de Verlaine (1857-1885), t. I, éd. Michael Pakenham, Fayard, 2005.

Cor. 1, 2 et 3

Correspondance de Paul Verlaine, t. I, II, III, éd. Adolphe Van Bever, Genève, Slatkine Reprints, 1983 [1922, 1923, 1929].

OP

Œuvres poétiques de Verlaine, éd. Jacques Robichez, Garnier, 1969.

OPC

Œuvres poétiques complètes de Verlaine, éd. Yves-Gérard Le Dantec, révisée par Jacques Borel, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1962.

OPr

Œuvres en prose complètes de Verlaine, éd. Jacques Borel, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1972.

RV

Revue Verlaine, no 1 à 10, Charleville-Mézières, Musée-Bibliothèque Arthur Rimbaud (1993-2007) ; à partir du no 11, Paris, Classiques Garnier (2013 à aujourdhui). Ex. RV-13, 2015, 67.

Arnaud Bernadet,
Bertrand Degott
et Solenn Dupas

1 À propos de la collection de M. Hervé Vilez, le lecteur pourra se reporter aux actes du colloque qui sest tenu à lUniversité Vanderbilt du 13 au 15 mars 2017, parus dans le précédent volume RV-15, 2017.