Comptes rendus
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Revue d'Histoire littéraire de la France
2 – 2021, 121e année, n° 2. varia - Pages : 445 à 493
- Revue : Revue d'Histoire littéraire de la France
Le destin d’une grand-mère
dans les manuscrits des Garçons
de Montherlant
Pierre Duroisin
Quels sont les rapports secrets, les métamorphoses nécessaires qui existent entre la vie d’un écrivain et son œuvre, entre la réalité et l’art, ou plutôt […] entre les apparences de la vie et la réalité même qui en faisait le fond durable et que l’art a dégagée ?
Marcel Proust, Jean Santeuil.
On connaît Les Garçons de Montherlant, qu’il s’agisse de la version expurgée de 1969 ou de la version complète de 1973, comme le second volet de La Jeunesse d’Alban de Bricoule, cette trilogie romanesque plus ou moins autobiographique dont le premier volet, Les Bestiaires, avait paru en 1926 et le troisième volet, Le Songe, en 1922, un « désordre » qui tient au fait que l’auteur porta Les Garçons pendant plus d’un demi-siècle, jusqu’à hésiter sur le titre qu’il leur donnerait1.
Cette lente maturation explique aussi la masse de notes, de brouillons, de dactylogrammes, de versions provisoires ou définitives, pas moins de mille deux cent douze folios, que le Service des Manuscrits modernes et contemporains de la Bibliothèque nationale de France conserve pour les seuls Garçons sous la cote « NAF 28165 (boîtes 9 et 10) ».
424De cet impressionnant volume où Michel Raimond a reconnu « quatre couches rédactionnelles2 », nous avons retenu deux morceaux « inemployés » que domine la figure – autoritaire mais aimante et vénérée – de Mme de Coantré, la grand-mère maternelle du héros, aussi proche bien souvent de Marguerite de Riancey, la grand-mère maternelle de Montherlant3, que Bricoule est proche de son créateur au même âge.
Nous lirons d’abord ces pages, nous verrons ensuite pourquoi elles furent délaissées par l’auteur.
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Le premier texte vient de la boîte 9, où il fait partie d’une liasse intitulée « Chemise bleue titrée “Brouillons Ville / 1929 et 1913” », même si on n’y trouve aucun manuscrit datant de 1913.
Il compte huit pages, numérotées de 1 à 7 avec une page 3bis, qui correspondent aux folios 43 à 50. Son titre au crayon bleu : « Nuances religieuses de la famille d’Alban », est suivi d’une mention à l’encre violette : « à mettre au net », qui suppose que Montherlant avait la ferme intention de l’intégrer au roman. Mais il se ravisa. On lit aussi sur la première page les mots « brouillon inemployable », dûment soulignés, au stylo à bille rouge, indice d’une époque plus récente. Et de fait, ces pages n’ont laissé aucune trace dans Les Garçons4.
425Nuances religieuses de la famille d’Alban
[1] Une scène, qui s’était passée lorsque Alban avait douze ou treize ans, était restée imprimée en lui. On avait invité à déjeuner un vieil aumônier des zouaves, qu’on jugeait imbécile, mais que par hasard on respectait, parce que sa barbe, toute blanche, était parfaitement soignée, et parce qu’il tenait au militaire. À je ne sais quelle parole de Mme de Coantré, ce bon homme s’était écrié avec un rire dont il voulait atténuer sa réprobation : « Oh, mais c’est là une idée janséniste ! » Mme de Coantré, répliquant, avait prononcé le nom, qu’Alban entendait pour la première fois, d’un certain abbé de Saint-Cyran. « C’était un mauvais prêtre », avait tranché le vieillard. Jamais Alban n’oubliera comment, à ce mot, il avait vu Mme de Coantré pâlir, ni la lutte qui se peignit sur son visage avant qu’elle eût la force de dire : « Allons, parlons d’autre chose, cela vaudra mieux. » Scène qu’un initié eût rapprochée peut-être de celle où la sœur Angélique Arnaud, au réfectoire, entendant un esprit fort risquer une plaisanterie sur la lecture pieuse que l’on faisait, n’avait pu retenir ses larmes.
[2] Le jour où, à seize ans, Mme de Coantré avait été avertie par un incident du même ordre que ce mot de jansénisme n’était pas de ceux qu’on pouvait prononcer avec indifférence dans sa famille, elle avait demandé, elle, des explications. Sa mère lui avait alors appris, en affaiblissant beaucoup la chose, que son bisaïeul et son trisaïeul avaient été suspects de jansénisme.
En réalité5................................................................................................... ..........................................................................................................................
La jeune Coëtnempern, effrayée et curieuse, avait lu et interrogé. Alors elle avait su que, depuis l’âge où on peut dire qu’on est quelque chose, elle était janséniste de tendance sans le savoir.
L’austérité et la dureté, le courage et l’indépendance des Messieurs de Port-Royal faisaient l’unisson avec l’accent de son âme, petite fille au front bombé, aux grands yeux fixes de nocturne, déjà déshabituée du sourire, élevée dans les deuils et les drames. Son cœur était aux Messieurs et aux grandes Sœurs, quand son esprit ne [3] saisissait pas encore la raison de leur différence ni le sens de leurs combats. Elle ne comprenait pas bien les paroles, mais leur accent l’empoignait. Elle était de leur race6, d’abord, par ces parties profondes où l’intelligence ne pénètre pas7.
426Quand elle dédaignait si singulièrement les prêtres, jusqu’à parler d’eux avec mépris devant ce petit-fils qu’elle avait laissé mettre entre leurs mains, était-ce bien différent de la croyance en une sorte de communication divine qui arriverait directement à ceux qui sont réservés, en passant par-dessus la tête des ministres ? Quand elle demandait tant à ceux-ci, que, de prime abord, elle les rebutait presque tous comme indignes, n’était-ce pas voisin de l’état d’esprit qui avait voulu que, depuis sept cents ans, l’Église fût dans le mauvais chemin ? Et qu’est-ce que respirait tout cela, sinon le jansénisme ? Elle allait plus loin, sur tel et tel point, jusqu’à l’adhésion nette et jaillissante. Si8 elle [3bis] lisait, de M. de Saint-Cyran : « De mille âmes il n’en revient pas une », ou encore : « La pénitence différée jusqu’à l’heure de la mort reste fort douteuse », une voix profonde, qui avait l’accent de l’exaltation, jetait en elle l’e pure ! fameux : « Et pourtant, c’est tout de même là la vérité ! » Inconsciente de son scandale, elle se fût affirmée de bonne foi orthodoxe. Son « Pourtant ! » pathétique n’était qu’une idée de derrière la tête.
ill., et quand […]9 avait marqué dans sa famille, elle s’y était attachée d’autant plus fortement, par cet orgueil indéfendable que nous prenons à ressembler à nos ancêtres, fût-ce dans leurs défauts, et qui suffit à lui seul à juger la valeur morale du « Je mets mes pas dans les pas de mes parents ». Mme de Coantré se flattait d’être janséniste, comme tel jeune noble de 1930 tire vanité d’avoir le nez en pied de marmite, parce que, dans sa maison, le nez en pied de marmite se retrouve dès Charles IX10.
[4] Mme de Bricoule n’avait pas hérité du côté sombre de sa mère. En elle avait marqué surtout le caractère Coantré, léger, rieur, sans âpreté, plein d’un désir de bonheur dont on n’avait jamais vu beaucoup de traces chez les Cöetnempern ; elle eût peut-être été superficielle, à la Coantré, sans l’apport du sang maternel. De sa religion il n’y a rien à dire. Sa supériorité était autre part que là ; elle avait la religion d’une femme du monde, honnête, sensible, et élevée dans les principes de son milieu, mais qui est tout cela sans avoir besoin de religion, et pour qui la religion ne compte guère. Mais le Cte de Bricoule avait apporté, pour le mêler au sang d’Alban, un génie sombre qui n’était pas sans analogie avec celui des Coëtnempern. Ce petit homme qui n’eût pas [été] déplacé dans une toile du Greco, olivâtre et velu, aux grands yeux noirs, à la courte barbe noire peignée à la madrilène, et de qui la famille était espagnole il y a quatre siècles, n’avait aucune idée des nuances du catholicisme qui inquiétaient les Coëtnempern, mais, avec une foi de charbonnier, il avait poussé la pratique 427catholique jusqu’à une dévotion rigoriste où il mettait quelque chose de son caractère taciturne, un peu étroit, et presque sauvage : Conférence Saint-Vincent de Paul, Confrérie du Sacré-Cœur, messe quotidienne, retraites, etc. ; le dogme était indiscutable, le clergé parfait : un doute, une plaisanterie sur l’un ou l’autre étaient sévèrement jugés, et la blague des Coantré, comme l’âcre indépendance d’esprit des Coëtnempern, étaient [sic] une des nombreuses raisons pour lesquelles il était assez froid avec la famille de sa femme. Ce n’était pas que M. de Bricoule n’eût des passions : il en avait, d’autant plus ardentes que plus matées. Il disait, [5] par exemple, que, sans la religion, il eût tué. Dans ces conditions, on le louera de s’être maintenu énergiquement à celle-ci, et peut-être ne l’exagérait-il tant que parce qu’il la connaissait comme l’unique garde-fou qui le retînt au-dessus des abîmes.
Tels étaient les différents affluents du catholicisme qui venaient donner dans Alban. Lui, sa religion était plutôt celle de sa mère avec cette différence – et certes, c’en est une ! – qu’elle n’était même pas pour lui un devoir. Il aimait l’Église, nageait à merveille dans <les méandres> de la [vie] spirituelle, invoquait Dieu et les saints quand il avait peur de quelque chose ou désirait vivement quelque chose ; cela n’allait pas plus loin. Jamais, au moins depuis qu’il avait quitté l’enfance, le fait qu’un acte fût classé « péché » ne l’avait empêché de le faire, sans lutte et sans remords. Mais, le poussât-on, on voyait que cette sorte de catholicisme n’était sienne que parce qu’il ne prenait pas le catholicisme au sérieux. Si on le poussait il disait : « Si le catholicisme est vrai, le vrai catholicisme est celui de ma grand-mère. » De tout lui-même, le catholicisme où le côté contre-nature est développé, celui des Paul et des Augustin, lui semblait la conséquence logique de Jésus-Christ. Le côté rigoureux [6] – Coëtnempern, voire Bricoule, – qu’il y avait en lui s’était jeté du côté « vieux Romain », trouvait son expression dans des Catons, des Gracques, des Césars, comme chez M. de Coëtnempern il trouvait son expression dans des Saint-Cyran et des Rancé. Mais, quelque coup de la grâce (pour employer le vocabulaire catholique) aurait fondu sur Alban, pour lui donner une foi véritable, au lieu de ce succédané de la foi qui était le sien, comme il est celui des quatre cinquièmes des catholiques, on l’eût vu basculer subitement du côté austère, et faire bénéficier la religion des rigueurs dont il fait bénéficier plutôt le civisme. Son catholicisme n’était si pâle et si commun que parce que au fond, il ne croyait pas. S’il eût cru, – ce qui s’appelle croire, – il eût tendu vers la sainteté.
Bref, pour résumer le côté passionnel de ces familles en une formule amie de la mémoire, on peut dire que, dans un temps extraordinaire, M. de Bricoule se fût fait une vertu de couper des têtes d’hérétiques ; [7] que Mme de Bricoule n’eût coupé de tête à personne ; que Mme de Coantré, qui n’aimait que la hauteur, eût coupé des têtes de tout ce qui était bas, ou plutôt, par indifférence les eût laissé couper, tandis qu’Alban, sans passion sur les choses religieuses, se fût plutôt réservé avec joie le rayon des ennemis de la patrie. Tous d’ailleurs, 428tant qu’ils étaient, prêts à donner leurs propres têtes, pour n’importe quoi, ou presque, comme ils étaient prêts à prendre celles des autres.
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La première question qu’on se pose est forcément : « De quand datent ces pages ? » On n’oserait dire qu’elles sont précisément de 1929, malgré l’intitulé de la liasse où elles se trouvent : « Brouillons Ville / 1929 et 1913 », car si l’on ne peut rien déduire de leurs versos, hélas vierges, le texte lui-même nous invite à la prudence.
On a bien lu, à la p. 3 : « Mme de Coantré se flattait d’être janséniste, comme tel jeune noble de 1930 tire vanité d’avoir le nez en pied de marmite… », sauf que Montherlant avait d’abord écrit : « comme telle famille se flatte devant d’avoir le nez en l’air pcq pied de marmite », qui, en soi, n’est pas daté, mais enfin la correction suggère quelqu’un qui écrit en 1930, voire plus tard, donnant même à penser que le morceau ne s’intégrerait plus, désormais, dans un roman dont l’action démarre en 1912-1913. Quand il commettra un anachronisme dans Les Garçons en excipant d’un ouvrage de Meier paru en 1930 : Histoire de l’amour grec, l’écrivain s’en excusera en disant que c’est « par licence poétique » qu’il l’a situé « avant 191211 ». Un 1930 dans « Nuances religieuses de la famille d’Alban » aurait demandé une pareille note.
Quoi qu’il en soit, on a, pour dater le texte, un autre indice, plus solide et net de toute ambiguïté : l’empreinte du Port-Royal de Sainte-Beuve, que Montherlant, ainsi qu’il l’a expliqué dans une « Note sur “Port-Royal” » d’avril 1944 et dans la « Préface » des Garçons de 1969, avait découvert en 1929.
Que disait-il en 1944 ? Que sa « famille grand-maternelle désencadra et relégua dans une boîte, au fond d’un placard, comme un objet obscène, un Christ aux bras étroits qui avait appartenu à une aïeule », et que s’il « avai[t] près de trente ans quand [il] mi[t] au jour ce Christ à l’étreinte réticente, et le cilice que [s]a grand’mère portait encore sur son lit de mort […], quinze ans plus tôt [il] avai[t] été excité et alléché par les airs mystérieux, et gros de réprobation, avec lesquels [s]a grand’mère parlait des survivances du jansénisme chez certains membres de [sa] famille, presque contemporains ».
En 1944, Montherlant évoquait aussi trois manuscrits du xviiie siècle découverts « dans l’enfer de la bibliothèque grand-maternelle », des « “journaux de bord” de conventicules du jansénisme finissant » qui le firent entrer « dans le jansénisme par sa caricature et son Bas-Empire », avant qu’il ne découvrît à Alger, par l’entremise de Sainte-Beuve, le « vrai Port-Royal ». Et de rappeler ce qu’il avait écrit en 1929 dans Pour une Vierge noire, que s’il devait être un jour « foudroyé par la Grâce », il se mettrait dans « la ligne de cœur du 429christianisme », celle « qui va de l’Évangile à Port-Royal, en passant par saint Paul et par saint Augustin12 ».
Toutes choses que l’écrivain redira plus ou moins dans la préface de 1969 pour LesGarçons, où il rapporte qu’en 1929, il « lisai[t] le Port-Royal de Sainte-Beuve, qui [l]e touchait extrêmement » pour une double raison : parce qu’« il flattait la part rigoureuse de [lui]-même, tant par l’esprit du jansénisme que parce qu’il débutait sur une réforme morale, – alors qu’adolescent [il] avai[t] tenté une réforme de cette sorte au collège », et parce que « cette œuvre qui, de toutes celles qu’[il] avai[t] lues tendant à [l]e rapprocher du christianisme, était la seule qui eût atteint ce but, avait été écrite par un incroyant13 ».
Où trouve-t-on Sainte-Beuve dans « Nuances religieuses de la famille d’Alban » ?
Dans ceci d’abord : « Scène qu’un initié eût rapprochée peut-être de celle où la sœur Angélique Arnaud, au réfectoire, entendant un esprit fort risquer une plaisanterie sur la lecture pieuse que l’on faisait, n’avait pu retenir ses larmes », qui s’inspire d’une note de Sainte-Beuve sur la clôture dans le chapitre v de son livre premier, « Origine et renaissance de Port-Royal » : « Cette clôture même du monastère devint tout à l’instant une occasion de charité et de sanctification commençante au dehors. On mit au travail quantité de pauvres du voisinage ; outre leur salaire, on les nourrissait à l’abbaye ; la jeune abbesse assistait elle-même à la distribution, et leur faisait lire par un petit garçon, pendant le repas, un livre spirituel proportionné à leur intelligence. Un jour qu’un libertin, là présent, se permit une plaisanterie sur ce qu’on lisait, elle ne put, dit-on, retenir ses larmes14. »
On relève ensuite les mots mêmes de Saint-Cyran : « De mille âmes il n’en revient pas une », et : « La pénitence différée jusqu’à l’heure de la mort reste fort douteuse », qu’on lira pareillement dans le tome premier de Sainte-Beuve.
« De mille âmes il n’en revient pas une » est extrait du discours que Saint-Cyran tint à la sœur Marie-Claire quand, après l’avoir rebutée pendant six mois, il accepta enfin de l’entendre « au commencement de l’année 1637, la veille de la Purification de la Vierge ». Il lui dit notamment ceci : « Je loue Dieu de 430vous voir revenir à lui en vérité. C’est une grâce de laquelle vous n’estimez pas assez la rareté : de mille âmes, il n’en revient pas une », qu’on lit dans le chapitre ii du livre deuxième, et dont l’essentiel se retrouve dans le chapitre iv du même livre : « De même qu’il disait à la sœur Marie-Claire dans l’oracle de la pénitence : De mille âmes il n’en revient pas une, il redisait, s’armant du mot de saint François de Sales, et y redoublant le tonnerre : Sur dix mille prêtres, pas un ! progression effrayante dans les chances de l’abîme et dans la hauteur de plus en plus périlleuse de l’élection15 ! » Et là-dessus non plus, Mme de Coantré n’était pas en reste, qui, s’agissant des « ministres » de Dieu, « les rebutait presque tous comme indignes ».
Quant à l’autre parole de Saint-Cyran : « La pénitence différée jusqu’à l’heure de la mort reste fort douteuse », elle est aussi dans le tome premier de Sainte-Beuve, dans une note où il la cite comme une des « trois ou quatre opinions rigoureuses » que d’aucuns ont reprochées à Saint-Cyran16.
Tout converge donc, les extraits de Sainte-Beuve bien plus encore que l’allusion au jeune noble de 1930, pour situer le premier jet de notre texte aux environs de 1929-1930.
Reprenons maintenant chacun des membres de la famille Bricoule, de la grand-mère au petit-fils.
Pour Mme de Coantré, il n’y a pas l’ombre d’un doute, son modèle fut bien ici Marguerite de Riancey, qui déjà l’avait été pour Les Bestiaires, les deux grands-mères ayant eu la révélation de l’art tauromachique en même temps que leurs petits-fils respectifs.
Le premier portrait qu’on ait d’elle, ce n’est pas à Montherlant qu’on le doit, mais à son ami Jacques-Napoléon Faure-Biguet17 dans la biographie que celui-ci publia chez Plon en 1941 sous le titre Les Enfances de Montherlant (de neuf à vingt ans).
Voici ce que dit Faure-Biguet de la grand-mère maternelle, quand il passe en revue tous les membres de la « gens » : « Mme de Riancey, quand je l’ai connue, était une vieille dame18 aux yeux de hibou, largement dilatés, comme si elle fixait toujours quelque spectre. Continuellement en deuil, n’écrivant que sur du papier bordé de noir, égrenant la nuit tombée, dans l’obscurité, d’interminables chapelets qui exaspéraient les siens, elle vivait dans une chambre aux meubles 431désuets, où il n’y avait rien qui ne fût lugubre […]. Quand Mme de Riancey fut morte, on trouva dans ses affaires une sorte de ceinture de crin, dont on ne devina pas d’abord l’usage : c’était un cilice. Notons qu’elle avait de famille une teinte janséniste. » Faure-Biguet ajoute que « Montherlant a dans sa bibliothèque un manuscrit ancien, sorte de “journal de bord” d’un conventicule janséniste du xviiie siècle, provenant de sa grand’mère », et qu’« il y a là une hérédité qu’il était intéressant de signaler », l’intéressé ayant lui-même reconnu « sans détour son “côté janséniste”19 ».
La similitude entre la page de Faure-Biguet et la « Note sur “Port-Royal” » de 1944 est telle qu’on est en droit de se demander si Montherlant suggéra son texte à l’auteur des Enfances ou s’il le lui emprunta, mais il y a plus surprenant encore.
En 1971, Montherlant rédige une « Préface des “Convulsionnaires” » qui occupe près de dix pages dans La Marée du soir. Il y décrit sa grand-mère comme une personne qui, « de goût et de circonstances […] avait vécu dans le tragique » ; il fait allusion au cilice qu’elle a porté20 et la montre dans « une chambre estampillée de son génie » : « Elle disait son chapelet interminablement entre chien et loup, laissant le noir envahir sa chambre ; de ses yeux noirs et vastes d’oiseau de nuit crucifié, elle fixait quelque part les Choses Horribles : l’angoisse était sa raison de vivre. Le bruissement de son chapelet, et tout ce lugubre environnant exaspéraient son fils, mon oncle, qui venait et l’insultait, puis revenait et lui demandait pardon. » Ces traits, qu’on a lus chez Faure-Biguet en 1941, sont en germe chez la jeune Coëtnempern de notre inédit, cette « petite fille […] aux grands yeux fixes de nocturne, déjà déshabituée du sourire, élevée dans les deuils et les drames ».
On a pu s’étonner de lire dans la « Note » de 1944 que, lorsque Mme de Riancey « parlait des survivances du jansénisme chez certains membres de sa famille », elle prenait « des airs mystérieux, et gros de réprobation ». Le Montherlant de 1971 s’en explique plus longuement, qui nous dit que « Mme de Riancey parlait souvent avec une sévérité de bon aloi de certains de [leurs] parents qui jansénisaient plus ou moins au siècle dernier », mais qui se demande pourquoi, à son mur, pendait le masque de Pascal, pourquoi elle tenait bien serrés, dans sa « modeste armoire à livres », les manuscrits déjà cités en 1944, parmi lesquels ce « journal de bord d’un conventicule de convulsionnaires, jansénistes dégénérés », pourquoi enfin on ne trouva qu’après sa mort, « au fond d’un placard, ce christ à l’embrassement étroit qui aurait dû avoir place dans sa chambre, à côté de l’autre christ qui dominait sa petite chapelle ». Pourquoi, sinon parce que sa grand-mère, « suivant la coutume que la nécessité imposait aux jansénistes, se cachait un peu de l’être, surtout à cause de son mari, de 432son fils, de son gendre, compagnons de sa gens, élevés chez les Jésuites, et qui ne juraient que par les Jésuites21 ». La veille dame de la fiction, de même, est contrainte de cacher son jansénisme au « vieil aumônier des zouaves22 ».
Après Mme de Coantré, sa fille, marquée surtout par « le caractère Coantré, léger, rieur, sans âpreté, plein d’un désir de bonheur dont on n’avait jamais vu beaucoup de traces chez les Cöetnempern ».
Dans le portrait qu’il a laissé de la mère de Montherlant, Faure-Biguet ne dit rien de ses convictions religieuses, peut-être parce que, comme pour Mme de Bricoule dans « Nuances religieuses de la famille d’Alban », il n’y avait sur ce chapitre « rien à dire ». Il souligne en revanche que « Mme de Montherlant avait été, entre 1890 et 1895, une des jeunes filles les plus “lancées” de Paris […], jolie, aimant passionnément le monde, le flirt, la danse, l’opéra, les fêtes23 ».
Quant à Montherlant, il en usera pour sa mère comme il a fait pour sa grand-mère, reprenant plus ou moins les mots de Faure-Biguet pour brosser d’abord le portrait de Mme de Bricoule dans LesGarçons, pour esquisser ensuite celui de sa mère dans l’interview qu’il donna en mai 1971 à Jean José Marchand. Nous en retiendrons que Mme de Bricoule dans Les Garçons est « bonne chrétienne à la manière du monde », une autre façon de dire qu’« elle avait la religion d’une femme du monde », mais aussi qu’« elle avait été une jeune fille très lancée, raffolant du bal, des flirts, des bijoux, du Palais de Glace, du cheval au Bois, de l’Opéra-Comique24 », comme Mme de Montherlant de qui son fils dira à J. J. Marchand, qu’elle « avait été une des jeunes filles les plus lancées du Paris des années d’avant 190025 ». Faure-Biguet estimait que « les Riancey [étaient], dans les “composantes” Montherlant, l’élément rieur, brillant, heureux, peut-être un peu superficiel26 » ; transposé, cela donnerait que « les Coantré étaient, dans les “composantes” Bricoule, l’élément rieur, brillant, etc. »
On en est loin avec le Cte de Bricoule, de qui le « génie sombre n’était pas sans analogie avec celui des Coëtnempern ». Son physique : un « petit homme qui n’eût pas été déplacé dans une toile du Greco, olivâtre et velu, aux grands yeux noirs, à la courte barbe noire peignée à la madrilène, et de qui la famille était espagnole il y a quatre siècles », s’apparente à celui du père de Montherlant, 433que Faure-Biguet a dépeint comme « un petit homme au teint bistre, aux cheveux, aux moustaches et aux grands yeux noirs », qui « n’avait pas seulement l’aspect physique d’un Espagnol », mais « sembl[ait] en avoir eu le caractère, taciturne et assez sombre27 ».
Montherlant ne parlera pas à J. J. Marchand du physique de son père28. Pour les convictions religieuses en revanche, quand il déclare que son « père était un homme très sérieux, un peu terne, un peu morose, très bon chrétien, toujours faisant partie des conférences Saint-Vincent-de-Paul des paroisses où il se trouvait, faisant des retraites chez les jésuites à Manrèse, enfin vraiment très catholique », qu’« il était le plus catholique de toute [la] maisonnée avec [s]a grand-mère29 », on est proche de cette « dévotion rigoriste » où le Comte de Bricoule « mettait quelque chose de son caractère taciturne, un peu étroit, et presque sauvage : Conférence Saint-Vincent de Paul, Confrérie du Sacré-Cœur, messe quotidienne, retraites, etc. »
Montherlant ne dit rien non plus à Marchand des rapports entre son père et le reste de la famille, mais ce qu’il écrivait en 1929-1930 du Comte de Bricoule, que « la blague des Coantré, comme l’âcre indépendance d’esprit des Coëtnempern, étaient [sic] une des nombreuses raisons pour lesquelles il était assez froid avec la famille de sa femme », rappelle Faure-Biguet citant, parmi les épreuves qui accablèrent Mme de Riancey, « sa mauvaise intelligence avec son gendre ».
Reste Alban, qui « ne prenait pas le catholicisme au sérieux », mais qui disait : « Si le catholicisme est vrai, le vrai catholicisme est celui de ma grand-mère », Alban pour qui « le catholicisme où le côté contre-nature est développé, celui des Paul et des Augustin, semblait la conséquence logique de Jésus-Christ », au point que, si « quelque coup de la grâce » lui avait donné « une foi véritable, au lieu de ce succédané de la foi qui était le sien […], on l’eût vu basculer subitement du côté austère ».
C’est « la ligne de cœur » du christianisme telle que l’auteur de Pour une Vierge noire se la représentait à l’époque même de « Nuances religieuses de la famille d’Alban », et qu’il a redite, presque dans les mêmes termes, dans sa « Note » de 1944 sur Port-Royal : « S’il m’arrivait quelque jour d’être foudroyé par la Grâce, je me mettrais dans une ligne que je serais tenté d’appeler la 434ligne de cœur du christianisme, parce qu’il me semble la voir courir, comme la sève dans un arbre, au cœur du christianisme : elle est une tradition qui va de l’Évangile à Port-Royal, en passant par saint Paul et par saint Augustin (ne frôle-t-elle pas Calvin ?)30 »
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Le second morceau annoncé dès l’abord compte quatre pages numérotées de 13 à 16 qui correspondent aux folios 388 à 391 de la boîte 9 dans une liasse intitulée « Notes générales ». Cela dit, elles ont leur titre propre : « Sentiments de Mme de Coantré au renvoi d’Alban », que suit la mention « Rôle de Mme de C » au crayon. Leurs versos sont vierges, mais les « Notes générales » se situant toutes autour de 1929, il est raisonnable de les situer vers la même époque. Et s’il n’y a pas ici le « brouillon inemployable » que nous connaissons bien, c’est un fait qu’elles furent inemployées.
On est au moment où Alban vient d’être renvoyé de son collège (Notre-Dame du Parc ou simplement le Parc) pour avoir été surpris avec son protégé en un lieu où ils n’avaient que faire ensemble.
Sentiments de Mme de Coantré au renvoi d’Alban
[13] La conduite de Mme de Coantré, dans cette affaire, fut admirable. Mme de Bricoule, un peu remise le lendemain matin31, annonça le renvoi d’Alban à sa mère ; toutefois elle se borna à dire qu’Alban, ayant la garde et la responsabilité d’une cabane où étaient enfermés des ustensiles de jeux, en avait confié la clef à un élève qui avait fait d’elle mauvais usage. Enfin elle mentit comme elle put, c’est-à-dire mal, et avec force froncements du nez. De tout cela Mme de Coantré crut ce qu’elle voulut, mais l’idée ne l’effleurait même pas qu’Alban avait pu faire quelque chose de bas. Elle dit simplement : « Cela vaut mieux ainsi. Tu n’as qu’à le mettre au Lycée, il y a longtemps que je te l’ai dit. »
Mme de Coantré ne se sentait nullement offensée que son petit-fils fût mis à la porte d’un collège. Il n’y avait guère qu’une vingtaine de personnes, toutes d’une naissance si solide que les Coëtnempern se donnaient l’élégance de les respecter, qui eussent le pouvoir d’offenser Mme de Coantré. À nulle autre, elle n’avait donné ce pouvoir. Vis-à-vis de ces autres personnes, elle [14] était, si j’ose dire, comme un hippopotame vis-à-vis d’un chasseur qui ne serait armé que de C 32 : dix balles frappent l’hippopotame ; il ne le sent pas ; il ne sait 435même pas que cela a eu lieu. Cette position de Mme de Coantré n’était pas le fruit de l’éducation, d’un raidissement : elle était vraiment naturelle. Quand elle disait : « Personne ne m’a jamais fait de tort », elle le disait vraiment avec ingénuité. En effet, si on lui faisait un tort évident, le tort, en la touchant, cessait d’en être un dans son esprit, parce que le dogme était intangible, qu’elle était hors de portée. Ainsi l’un de ses frères, officier, avait été cassé de son grade pour avoir répondu à un supérieur ; eh bien, cela se résumait pour Mme de Coantré en cette seule petite phrase triomphante : « Il lui a dit son fait. » Elle acceptait de n’être pas ménagée, ne ménageant pas elle-même.
Le talent qu’avait Mme de Coantré d’échapper aux torts lui était facilité par ce fait notable que, dans la famille, quand une situation acquise n’était pas ruinée par un tiers, il était d’usage qu’on la ruinât soi-même par quelque extravagance. Jadis, un Coëtnempern, tout de même que le Marquis d’Ambres, avait quitté le service pour ne pas donner du Monseigneur à Louvois. Le sens de cette belle tradition était pieusement respecté. Le feu Cte de Coantré avait été surpris de trouver un soir à sa table, hors du temps des vacances, son fils, qui [15] était interne à la « rue des Postes » (1). C’était Mme de Coantré qui, sur l’heure, sans consulter son époux, l’avait retiré de cet établissement fameux, à cause d’une observation faite sur son carnet de notes, qui lui avait déplu. Ce même jeune Coantré (mort aujourd’hui), et fort doué, s’était fait tout jeune une brillante situation dans l’industrie : il l’avait abandonnée parce que son associé avait l’haleine mauvaise et que le jeune Coantré ne parvenait plus à vaincre sa répugnance à s’approcher de lui pour lui parler. M. de Coëtnempern (celui qui rotait si bien32) avait été reçu, jeune homme, à l’École des Chartes, ce qui lui ouvrait un avenir d’étude et de dignité au lieu du désœuvrement et de la bohème où il vivait. Mais il avait renoncé aux Chartes quand on était venu s’installer à Auteuil, parce qu’il n’y avait pas de restaurant convenable dans les environs de l’École, et que cela l’ennuyait d’aller en chercher un trop loin, ou de venir déjeuner à Auteuil. Et nous ne parlons pas de la demi-douzaine de Coëtnempern, officiers, qui avaient [16] donné leur démission au moment des inventaires, ce geste ressortissant davantage au genre sublime qu’à la loufoquerie.
On comprendra donc qu’il importait assez peu aux membres de la famille Coëtnempern qu’un tiers leur causât un tort, assurés qu’ils étaient que, de toutes façons… C’est pourquoi Mme de Coantré était infiniment Coëtnempern en prenant avec insouciance le renvoi d’Alban : il y avait même, dans ce renvoi, quelque chose qui était si purement dans l’esprit de la famille, que pour un peu elle en eût été flattée. Cet événement eût-il gêné Alban dans ses études, 436qu’elle n’en eût pas eu cure davantage : elle avait toujours poussé Mme de Bricoule à ne pas faire passer à son fils le baccalauréat, qui ne lui servirait à rien de rien, et paraissait presque à la vieille dame une humiliation, à cause de la nécessité où serait Alban d’aller se faire juger « Dieu sait par qui ». Car c’était la coquetterie de ces familles, de ne pas sentir d’humiliation où il y [en] avait une, et d’en mettre une où il n’y en avait pas. Bref, tout ce qui surnagea en Mme de Coantré, du renvoi de son petit-fils, fut que les prêtres du Parc étaient des saligauds (ce fut son expression), et que d’ailleurs elle n’en était pas surprise.
(1) Quelques personnes ignorent peut-être que ce nom est l’appellation familière de l’École…, où les jeunes gens bien sont chauffés à haute pression pour les examens des grandes écoles. Cette École, située autrefois à Paris, rue des Postes, est aujourd’hui à Versailles.
*
On commencera par un remords de l’auteur.
Mme de Coantré, quand sa fille lui annonce le renvoi d’Alban, lui répond : « Cela vaut mieux ainsi. Tu n’as qu’à le mettre au Lycée, il y a longtemps que je te l’ai dit. » Sauf que le texte fut d’abord : « Tu n’as qu’à le mettre chez les Jésuites, où il sera enfin avec des garçons de son milieu », qui s’accordait aussi mal avec son jansénisme qu’avec celui de Mme de Riancey. Faure-Biguet nous le dit bien, quand il avait fallu, à la rentrée de 1910, choisir une école qui fût « en mesure de préparer solidement au bachot », on s’agita ferme chez les Montherlant : « M. de Montherlant désire les Jésuites, où il a été élevé. Le “côté Riancey” de la villa Saint-Ferdinand n’en veut pas ; il y a une vieille prévention contre la Société », prévention dont Faure-Biguet croyait avoir trouvé un indice dans une lettre de Montalembert sur laquelle on reviendra. « Mais il y a plus profond encore, ajoute le biographe : l’autoritaire Mme de Riancey ne veut pas que, par l’intermédiaire des Jésuites, M. de Montherlant prenne trop d’influence sur son fils33. » Ce qui nous renvoie à La Marée du soir, quand Montherlant lui-même suppose que si Mme de Riancey camouflait son jansénisme, c’était « surtout à cause de son mari, de son fils, de son gendre, compagnons de sa gens, élevés chez les Jésuites, et qui ne juraient que par les Jésuites34 ». Substituer le Lycée aux Jésuites dans « Sentiments de Mme de Coantré au renvoi d’Alban », ce n’était que corriger un lapsus.
Cela posé, venons-en à la figure majeure de ces pages.
Que Mme de Coantré ait eu le caractère bien trempé, on s’en serait douté, et l’image de l’hippopotame qu’une décharge de carabine de jardin laisse 437insensible lui convient à merveille35. De Mme de Riancey, qu’il a commencé de connaître quand la famille habitait encore rue Lauriston, Faure-Biguet dira moins cavalièrement qu’elle en était « la personnalité la plus forte », ce que Montherlant confirmera en 1971, en la présentant comme « la personnalité la plus accusée » de la famille36. Quant à la susceptibilité que la vieille dame a héritée des Coëtnempern et qu’illustre si bien la « réponse » que fit l’un de ses frères, officier, à un supérieur, elle fait un peu penser à la réaction de Montherlant lorsqu’il s’était inscrit, au début de 1915, à une « société » où il se retrouva sous les ordres d’un instructeur qui n’était autre que l’acteur Louis Gauthier37. Celui-ci « n’a du sergent que le képi, pour le reste il est habillé en civil. Les Suisses ne voulaient pas saluer le chapeau de Gessler ; Montherlant trouve que le képi de M. Gauthier ne vaut pas le salut militaire. Plusieurs fois l’instructeur le rappelle à l’ordre. Las enfin de n’obtenir pas les “marques extérieures de respect” auxquelles il a droit, il prie Montherlant de ne plus revenir. » Faure-Biguet, quand il rapporte cette anecdote, compare le réfractaire à Guillaume Tell et les siens38 ; l’auteur de « Sentiments de Mme de Coantré au renvoi d’Alban » avait illustré l’arrogance des Coëtnempern par un trait, ajouté en marge, qui vient de Saint-Simon : « C’était, dit-il dans ses Mémoires quand il parle du marquis d’Ambres, un grand homme très-bien fait, du nom de Gelas, très-brave homme, qui avait grande mine, de l’esprit, beaucoup de hauteur, qui quitta le service pour ne pas écrire monseigneur à Louvois, qui ne lui pardonna jamais, ni le roi non plus39. »
Autoritaire, Mme de Coantré l’est au point de retirer son fils de l’école Sainte-Geneviève40 « sans consulter son époux », mais Mme de Riancey n’avait pas agi autrement pour son fils. Quand Faure-Biguet évoque le renvoi de Montherlant de Sainte-Croix de Neuilly en mars 1912, il souligne que le père ne sut jamais rien « de ces drames », Mme de Montherlant ayant simplement prétendu « qu’elle avait retiré son fils d’un collège où il y avait trop d’indiscipline ». Si « le coup d’État » fut si facilement accepté, ajoute Faure-Biguet, cela tient sans doute au 438fait que M. de Montherlant n’aimait pas Sainte-Croix, mais c’est aussi parce qu’« il y avait un précédent dont on parlait souvent dans la famille : Mme de Riancey, autrefois, avait d’autorité retiré son fils des Jésuites sans consulter son époux41 ».
Cela dit, les deux phénomènes de notre inédit : le « jeune Coantré » retiré de la « rue des Postes42 » et le Coëtnempern « reçu, jeune, à l’École des Chartes », nous conduiront aussi aux Célibataires, qui paraîtront en 1934.
Léon de Coantré, dans LesCélibataires, vit chichement dans un pavillon du boulevard Arago avec son oncle Élie (un Coëtquidan, sinon un Coëtnempern) et gère péniblement l’héritage de leur mère et sœur, décédée il y a tout juste six mois. Il est à peine nécessaire de rappeler que Montherlant a créé les deux bonshommes en s’inspirant plus ou moins de ce qu’il avait connu à la villa Saint-Ferdinand, où Mme de Riancey soutenait financièrement et son frère et son fils43 ; ce qu’il faut en revanche souligner, ce sont les traits communs aux deux phénomènes de 1929 et aux « deux magots », tel étant leur surnom, de 1934.
Le Coantré des Garçons, « fort doué, s’était fait tout jeune une brillante situation dans l’industrie », avant d’y renoncer « parce que son associé avait l’haleine mauvaise ». Léon de Coantré de même, « était un garçon doué », qui s’était associé avec un certain Levier, ex-camarade de régiment, pour monter une affaire, « un dispositif permettant l’agrandissement des clichés photographiques », qui aurait dû marcher mais qui périclita par sa faute, et c’est alors qu’il « publia qu’il ne pouvait plus travailler à côté de Levier, tant l’homme empoisonnait de la bouche44 ».
Quant au Coëtnempern qui, après un déménagement, « avait renoncé aux Chartes » pour des raisons que nous dirons alimentaires, il annonce un peu le Coëtquidan qui, après un déménagement là aussi, cessa « d’aller aux cours des Sciences politiques comme il faisait auparavant chaque jour », en arguant qu’il ne pouvait pas faire « une heure et demie de bus par jour45 ». Ce ne sont là que des traits épars, mais qui ajoutent à la cohésion de l’œuvre, éditée ou non.
Dans l’avant-propos qu’il rédigea en 1947 pour une éventuelle édition de son roman, Montherlant, tout en admettant que « certains personnages ou certains traits des Garçons sont inspirés de souvenirs de [s]on adolescence », 439insiste aussi sur le fait que « l’œuvre n’en est pas le moins du monde, pour cela, autobiographique » et que « toute identité donnée à un personnage de ce roman, toute croyance que telle scène ou telle situation ont été “effectivement ainsi” seraient […] de grossières erreurs46 », mais enfin personne n’y croit vraiment, M. Raimond le premier, qui reconnaîtra sans hésiter Mme de Riancey derrière Mme de Coantré47.
On ira même plus loin. Le jeune Coantré de « Sentiments de Mme de Coantré au renvoi d’Alban », qui deviendra Léon de Coantré dans Les Célibataires, nous rappelle que l’oncle de Montherlant avait fondé en 1899, sinon une fabrique d’agrandisseurs pour la photographie, une « société automobile H. de Riancey » qui eut le temps de produire une « Riancey » avant de péricliter48.
Et c’est aussi vrai, d’une certaine façon, pour ces Coëtnempern « qui avaient donné leur démission au moment des inventaires ». On se souvient d’avoir lu chez Faure-Biguet qu’il y avait chez les Riancey « une vieille prévention » contre les Jésuites et qu’il la trouvait déjà chez l’arrière-grand-père maternel de Montherlant, Henry de Riancey, ce « chevalier du catholicisme » n’ayant pas été élève des Jésuites, ayant même été « plutôt contre eux », durant toute sa carrière politique49. Faure-Biguet a mal interprété, en l’occurrence, un passage du Montalembert du R. P. Lecanuet50, mais on en retient que l’aïeul s’était opposé aux « Universitaires », les Victor Cousin et autres. Les Coëtnempern prenant fait et cause pour l’Église un demi-siècle plus tard, quand éclate la Querelle des Inventaires51, s’inscrivent dans la tradition Riancey. On en revient toujours au même constat : un incessant va-et-vient entre souvenirs de l’adolescence et fiction. Et la figure de Mme de Coantré est à cet égard emblématique, même si elle pâlit au fil des versions.
440En 1929, et cela se voit bien quand on parcourt l’ensemble des manuscrits, la vieille dame intervient très régulièrement, s’amusant autant que Mme de Bricoule d’une toquade d’Alban pour une « fille du catéchisme », se réjouissant autant qu’elle de l’élection de son petit-fils à la présidence d’une « Académie de collège », soutenant que l’abbé Coquelan, le directeur du collège, « a l’air d’un veau », prenant enfin une dimension tragique avec l’Épilogue du roman, quand Mme de Bricoule, qui sent sa fin proche, lui fait promettre « de ne laisser entrer Alban dans sa chambre <que> quand tout sera fini, qu’après qu’on lui [aura] mis la jugulaire, pour qu’il ne la v[oie] pas défigurée52 ».
« Mme de Coantré, poursuivait l’auteur, vécut encore dix ans. La guerre était finie depuis quatre ans que son unique lecture était encore de(s) livres de guerre ; tout se passait comme si elle avait adoré ce cataclysme, parce qu’il l’avait portée dans les hauteurs. […] Une semaine avant sa mort, elle disait avec défi, quand les médecins et le prêtre, qu’elle méprisait tous, avaient quitté la chambre : “Est-ce qu’on croit que je vais mourir comme ça ?”, semblant croire que c’était déchoir que mourir pour une personne de qualité. Elle non plus [pareille en cela à sa fille], durant ses dernières heures, ne dit pas un mot à Alban. On mourait sans phrases dans cette famille. »
Enfin, « quelque temps auparavant, la garde avait trouvé dans le lit de Mme de Coantré un objet dont elle ne comprenait pas l’usage. Elle le montra à Alban, qui crut deviner, mais qui s’enquit auprès de M. de Coëtnempern. “C’est un cilice”, dit M. de Coëtnempern, les larmes lui sortant des yeux. Mme de Coantré, à soixante-dix-huit ans, portait un cilice. Mais elle avait son franc-parler sur les prêtres53 ».
Nul ne sait si Mme de Riancey tint précisément sur les prêtres de Sainte-Croix les propos que tenait Mme de Coantré sur ceux du Parc : « des saligauds », mais pour le reste, les recommandations que lui fait Mme de Bricoule, le cilice et jusqu’au silence qui précède sa mort, il faut rouvrir Faure-Biguet et Montherlant.
Il faut rouvrir Faure-Biguet à deux reprises : à la page où il dit que « parmi ses dernières volontés Mme de Montherlant commandait qu’on ne laissât pas entrer son fils dans la chambre mortuaire, avant de lui avoir mis la mentonnière54 » (ce qui, dans la version finale des Garçons, deviendra une recommandation trouvée dans les papiers de la défunte : « Que mon fils n’entre pas chez moi tant que je serai ridicule avec la mentonnière, et qu’on laisse mes cheveux comme 441ils sont55 »), et à la page, déjà citée, où il évoque le cilice qu’on a trouvé dans les affaires de Mme de Riancey après son décès56.
Il faut aussi relire Montherlant. Pour le cilice, ce sera la « Note sur “Port-Royal” » de 1944 et la « Préface des “Convulsionnaires” » de 1971 qu’on a lues plus haut dans le même contexte « jansénisant ». Pour le silence dans le temps qui précède la mort, ce sera un court passage de Mais aimons-nous ceux que nous aimons ? : « Ma grand’mère mourut et j’en eus une grande peine. […] Les derniers mots qu’on entendit de sa bouche avaient été : “Je n’ai rien à dire57.” ».
En 1947, Mme de Coantré commence de s’effacer, mais elle est encore citée lorsqu’il est question des passions amoureuses du tout jeune Alban58. En 1969, elle est, avec sa fille et les gouvernantes, de ces femmes qui ont éduqué le jeune Alban, même si l’auteur ajoute qu’elle était « morte bientôt59 ». Elle reparaît comme une lectrice de Byron, pareille en cela à la grand-mère de Montherlant60, dans la version intégrale du roman, la différence majeure entre les versions de 1929 et 1947 et celles de 1969 et 1973 tenant au fait qu’en 1929 Mme de Coantré survivait dix ans à sa fille, comme Mme de Riancey avait survécu plus de huit ans à la sienne61.
« Toute identité donnée à un personnage de ce roman, toute croyance que telle scène ou telle situation ont été “effectivement ainsi” seraient […] de grossières erreurs », disait Montherlant en 1947. On ne nous en voudra pas trop d’avoir cédé à ce funeste penchant toutes les fois que nous avons reconnu Mme de Riancey et les siens derrière Mme de Coantré et sa famille.
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Une question reste pendante : pourquoi ces « brouillons » si proches du net furent-ils en fin de compte délaissés ?
Dans le cas très précis qui nous occupe, il est clair qu’au fil des ans et des remaniements, le personnage de Mme de Coantré, malgré les quelques 442soubresauts que nous venons de décrire, perdit de son importance aux yeux de l’auteur. À quoi bon dès lors alourdir une œuvre déjà copieuse avec des pages qui ne servaient pas directement l’intrigue ? D’autres pages subiront d’ailleurs le même sort, qui affecteront d’autres figures, mais que l’auteur va parfois « récupérer » ici et là, donnant ainsi aux morceaux sacrifiés une seconde vie.
Prenons tout justement cette boîte 9 d’où est issu « Nuances religieuses de la famille d’Alban ».
Nous tombons presque tout de suite sur quatre pages intitulées « Deux collégiens de rhétorique62 » dont il ne restera que peu de chose dans le roman, que ce soit dans la version de 1969 ou dans celle de 1973. Sauf que, dès 1930, Montherlant les publiait telles quelles dans la revue Europe, sous le titre « Deux élèves de rhétorique », en même temps que deux autres textes de la même liasse : « M. l’abbé Coquelan, directeur du collège N.-D. du Parc » (nous avons vu plus haut comment Mme de Coantré le traitait) et « Une académie de collège » (celle que nous avons évoquée en parlant de Mme de Coantré), l’ensemble dans Europe s’intitulant « Sage comme une image (Fragments d’un roman abandonné)63 ».
Mieux que cela. En 1941, Montherlant donne sa bénédiction à Faure-Biguet pour que le tout paraisse dans Les Enfances sous le titre « Fragments d’un roman abandonné (inspiré à Montherlant par l’école Sainte-Croix)64 ». En fait, chacun de ces morceaux connut un sort particulier : « Deux collégiens de rhétorique », on vient de le dire, se résumera à une dizaine de lignes65 ; Coquelan sera purement et simplement éliminé du roman66 ; « Une académie de collège », 443en revanche, sera maintenu, au prix certes de quelques remaniements67, mais il occupera une place de choix : en tête des Garçons.
Cela dit, le morceau essentiel, quand il s’agit d’éliminer d’un côté tout en récupérant de l’autre, se trouve dans les folios 13 à 28 de la boîte 9 : seize pages intitulées « Serge Sandrier » dont on a de fortes raisons de croire qu’elles devaient venir en tête du roman68, jusqu’à ce que Montherlant décide de les éditer à part. Ce qu’il fait en 1948 dans une édition de luxe qu’il intitule tout simplement Serge Sandrier69après les avoir publiées dans Les Nouvelles littéraires du 20 février 1932 sous le titre « Scènes de la vie de foyer. Serge Sandrie ».
Ici aussi, on cherchera des raisons à ce déclassement. Serge n’est-il pas l’adolescent dont Alban est amoureux, ce « durus amor » valant à l’aîné d’être renvoyé du collège70 ? La raison, cette fois-ci, tient probablement au fait que ces pages mettent en scène Sandrier et sa famille à l’exclusion de Bricoule et des siens71. En déclassant « Serge Sandrier » au profit d’« Une académie de collège », le romancier a braqué notre regard sur Alban, comme pour nous rappeler que Les Garçons s’intégraient dans une trilogie intitulée La Jeunesse d’Alban de Bricoule72 ; en l’éditant à part, il conservait le bénéfice de l’avoir écrit.
Les seize pages de « Serge Sandrier » éliminées, Montherlant ne pouvait agir autrement avec les deux pages intitulées « Comte ! Comtesse ! » qu’on trouve dans la boîte 9 juste avant « Nuances religieuses de la famille d’Alban » : même si Alban y est cité par Serge pour son titre de noblesse, la scène se passe toute chez les Sandrier73. Le « brouillon inemployable » au stylo à bille rouge 444qui va obéliser « Nuances religieuses de la famille d’Alban » fit de même pour « Comte ! Comtesse ! ».
Autant d’aléas dans la composition qui nous rappellent que Montherlant, à qui l’on a volontiers reproché les avant-propos, les postfaces, les notes dont il entourait ses œuvres, choisissait aussi, à l’occasion, la demi-mesure. Que de fois, à l’époque des Olympiques, n’avait-il soutenu avec Hésiode que « la moitié est plus que le tout » ! Mme de Coantré entrait sans doute dans la moitié dont l’auteur des Garçons jugea bon de se délester74.
1. À preuve, la façon dont est présentée la trilogie parmi les « Ouvrages de Henry de Montherlant » dans l’édition Grasset des Bestiaires en 1926 : « I. Les Bestiaires, roman, 1926 (les taureaux). / II. La Ville dont le Prince est un Enfant, roman (le collège), paraîtra un jour. / III. Le Songe, roman, 1922 (la guerre) », et ce qu’on en lit encore en 1929 dans l’édition Grasset de La petite Infante de Castille : « Les Bestiaires, roman, 1926 (les taureaux). / La Ville dont le Prince est un Enfant, roman (l’amour), àparaître. / Le Songe, roman, 1922 (la guerre) ». On sait que La Ville sera finalement une pièce, dont le texte parut en 1951.
2. Savoir quelques notes « jetées sur le papier » dès 1914 ; « un brouillon de plusieurs dizaines de pages » que M. Raimond situe en 1929 ; « un ensemble de dix-sept chapitres d’une vingtaine de pages chacun » qui fut « sans doute élaboré au cours des années 40 » mais que Montherlant avait mis au point en 1947 « pour le cas où il viendrait à mourir subitement » ; la dernière main enfin, entre 1965 et 1967, qui aboutit aux version de 1969 et de 1973 (voir la « Notice » aux p. 1375 et sv. du volume Romans II regroupant La Rose de sable, Les Garçons suivis de Serge Sandrier, Le Chaos et la nuit et Un assassin est mon maître qui a paru dans la « Bibliothèque de la Pléiade » en 1982). Il faut toutefois souligner que, la BnF ayant acquis les manuscrits des Garçons lors d’une vente qui se fit à Drouot en novembre 2000, M. Raimond n’a sans doute pas travaillé sur les bases dont nous disposons maintenant. Nous-même d’ailleurs nous n’aurions pu lire ces manuscrits dans de bonnes conditions sans l’autorisation expresse de M. Jean-Claude Barat, l’ayant-droit de Montherlant, et le concours de M. Guillaume Fau, le directeur du Service des Manuscrits modernes et contemporains à la BnF ; nous leur en sommes très reconnaissant.
3. Nous avons donné dans la RHLF de mars 2018 le récit de son agonie par Montherlant lui-même. De la correspondance que le petit-fils et la grand-mère ont échangée entre 1917 et 1919, et que Pierre Sipriot publia chez Laffont, en 1982, dans le tome I de son Montherlant sans masque, on retient le plus souvent qu’elle écorna la réputation guerrière de l’auteur du Songe, mais cette correspondance a aussi montré que l’attachement de Montherlant pour sa grand-mère n’avait d’égal que celui qu’elle-même lui porta. Un mot, d’une lettre du 3 mars 1919, est à cet égard révélateur : « Je t’ai mis sur un piédestal et je ne veux pas que tu en tombes » (Pierre Sipriot, op. cit., p. 100 et Henri de Meeûs en épigraphe de son article « Marguerite (des barons) Potier de Courcy (1847-1923), grand-mère maternelle d’Henry de Montherlant » sur le site www.montherlant.be).
4. On a donné le texte sans les remords mais on a signalera les points où la lecture est incertaine. Quant à l’intitulé inattendu de cette liasse, il traduit les hésitations de Montherlant sur le titre à donner au roman sur le collège.
5. Ici deux lignes de points pour un développement qui manque.
6. En marge : « qui n’était pas de la race du doux », comme pour compléter : « Elle était de leur race ».
7. La page 3 (fo 45) est composée de deux demi-pages. La première va de « saisissait » à « Elle était de leur race, d’abord, par ces parties profondes où l’intelligence ne pénètre pas », où « d’abord » est un ajout interlinéaire. La seconde demi-page, collée sur la première, commence avec « Quand elle dédaignait ». Entre les deux, on lit : « Elle l’était plus encore », qui explique le « d’abord » de plus haut, mais que Montherlant n’a pas développé. On est manifestement à un point où il avait modifié le plan de son texte.
8. Après ce « Si », une note : « page ci-contre », invite à lire la suite sur la page 3bis : « elle lisait, de M. de St Cyran… » Mais avant de retenir cet état du texte et d’ajouter ce « Si » qui fait le lien entre les deux pages, Montherlant avait écrit en haut de la page 3bis : « On lui avait dit que ces hommes étaient dans l’erreur. / Elle l’était plus encore, elle s’en apercevait bientôt. Quand elle lisait », qu’il a soigneusement barré pour aboutir à : « Si elle lisait… », ce « Elle l’était plus encore » barré rejoignant celui de la page 3 évoqué dans la note 7.
9. Le texte est amputé.
10. Dans la marge de gauche : « Elle devait communiquer ».
11. Voir Romans II, op. cit., p. 608 en note. Le passage n’étant pas dans l’édition de 1969, la note n’y est pas non plus.
12. Le Maître de Santiago, Paris, Gallimard, 1947, p. 139-141 (Théâtre, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1972, p. 525-526). Pour une vierge noire, premier avatar de Trois Jours au Montserrat, est daté de 1929. Il a paru aux Éditions du Cadran en 1930. Le passage qu’on vient de lire se trouve à la p. 399 dans le vol. Essais de la Bibl. de la Pléiade (1963). On notera surtout que la note d’avril 1944 reprenait des paragraphes entiers d’un article paru dans Comœdia le 24 juillet 1943 sous le titre « Demain il fera jour ».
13. Romans II, op. cit., p. 436. Pour tout ce qui concerne les liens entre Montherlant et Port-Royal, il faut lire, dans l’ordre des parutions : Montherlant du côté de Port-Royal. La pièce et ses sources de Bona Rondini (Paris, Nouvelles Éditions Debresse, 1962) ; “L’Aventure janséniste” dans l’œuvre de Henry de Montherlant de Jacqueline Michel (Paris, A. G. Nizet, 1976) ; La dramaturgie catholique de Henry de Montherlant. La tentation du christianisme “pris au sérieux” de Michel Monnerie (Paris, Séguier, 2009, p. 229-265) ; « Le Port-Royal de Montherlant et ses sources »de Laurence Plazenet (RHLF, 2012/1, p. 179-213).
14. Sainte-Beuve, Port-Royal, Paris, L. Hachette et Cie, 1878 (4e éd.), t. I, p. 111, note 1.
15. Ibid., p. 354 et 450 respectivement.
16. Ibid., p. 505. On en retrouve l’écho dans Pour une Vierge noire, à la suite des lignes que Montherlant citait en 1944. Il vient de ranger les « pénitences in extremis » parmi les étranges façons de se sauver ; il ajoute qu’il lui « semble que les chrétiens se font de grandes illusions » et que « si leur Dieu est le bon, il y aura des surprises, et du vide dans le ciel » (Pour une Vierge noire, op. cit., p. 56 et Trois Jours au Montserrat dans Romans II, op. cit., p. 400).
17. Ils avaient fait connaissance à Janson de Sailly en mars 1905.
18. La « veille dame », née en 1847, n’avait donc pas soixante ans, mais il faut tenir compte de ce que représentait une quasi-sexagénaire, perpétuellement endeuillée, pour un gamin de douze ans à peine en ce début de xxe siècle.
19. Jacques-Napoléon Faure-Biguet, Les Enfances de Montherlant (de neuf à vingt ans), Paris, Plon, 1941, p. 12-13.
20. La Marée du soir, Paris, Gallimard, 1972, p. 116.
21. Ibid., p. 108-109 passim. M. Monnerie a fait ces rapprochements entre Montherlant et Faure-Biguet dans La dramaturgie catholique de Henry de Montherlant (voir la note 13).
22. Autre allusion au passé de Mme de Riancey, dont le mari avait servi dans les zouaves pontificaux du temps où Garibaldi envahissait les États du pape. Selon Faure-Biguet, elle s’était évanouie lorsque son fiancé avait rejoint les troupes pontificales (Les Enfances de Montherlant, op. cit., p. 12). On note aussi que Coëtnempern, le nom de jeune fille de Mme de Coantré, est très proche du Coëtnempren de l’arrière-arrière-grand-mère de Montherlant, Agathe de Coëtnempren de Kersaint (voir à ce sujet, H. de Meeûs, Pour Montherlant, Bruxelles chez l’auteur, 2011, p. 313).
23. Les Enfances de Montherlant, op. cit., p. 10.
24. Voir Les Garçons, 1969, p. 45-46 (Romans II, op. cit., p. 474).
25. Jean José Marchand, Montherlant, Paris, J-M. Place, « Archives du xxe siècle », 1980, p. 26-27 passim.
26. Les Enfances de Montherlant, op. cit., p. 11.
27. Ibid., p. 9-10.
28. Un trait assez irrévérencieux lui était cependant venu à l’esprit en septembre 1938, quand il se trouva au British Museum, devant « le taureau no 1254, bas-relief de la décoration de la scène au théâtre d’Éphèse ». Il lui semble alors que le taureau « ressemble à [s]on père » : « Même œil rond et caverneux et même parti du nez » (Carnet XXXV, Essais, op. cit., p. 1264).
29. J. J. Marchand, op. cit., p. 25. Dans Tous Feux éteints, Montherlant résumera les choses comme suit : « De mes parents et proches parents avec qui je cohabitais durant plus d’un quart de siècle, mon père et ma grand-mère maternelle étaient les seuls à être catholiques fervents ; les autres, plus ou moins superficiels » (op. cit., Paris, Gallimard, 1975, p. 141, parmi les « Carnets sans dates et Carnets 1972 »). Pour Manrèse, qui existe depuis 1877, on rappelle qu’il est « le Centre spirituel jésuite en Île de France », et qu’il est situé à Clamart, sur le diocèse de Nanterre.
30. Voir la note 12 pour les références. La version de Pour une Vierge noire se lit à la p. 399 du volume Essais de la « Bibliothèque de la Pléiade » dans Trois Jours au Montserrat. On comprend le sous-titre que M. Monnerie a donné à son livre : La tentation du christianisme “pris au sérieux”.
31. Le dernier mot de cet ajout au crayon : « un peu remise… », est d’une lecture incertaine.
32. Rappel, semble-t-il, d’un trait déjà noté dont on n’a pas trouvé trace dans les manuscrits des Garçons. On relève en tout cas ceci : « Il y avait là le vieux pli Coënempern, dont nous parlerons plus tard », sur le fo 373 de la boîte 9, dans un ajout à l’exposé des raisons pour lesquelles Alban n’était pas vraiment affecté par son renvoi.
33. Les Enfances de Montherlant, op. cit., p. 62-63.
34. Voir plus haut dans le texte.
35. Le calibre 32 est utilisé pour la destruction des « nuisibles », pies, rats et autres. Des chasses aux rats furent en leur temps organisées dans le jardin du 106 rue Lauriston, où la gens Montherlant a vécu jusqu’en mars 1907, et le jeune Henry en fit d’homériques descriptions où il décalquait des scènes de cirque de Quo Vadis dans ses lettres de l’été 1906 à Faure-Biguet (Les Enfances de Montherlant, op. cit., p. 25-27). Les chasses de la rue Lauriston se faisaient avec un ratier, mais la carabine de jardin était d’usage courant dans ce genre de situation.
36. Ibid., p. 11 et J. J. Marchand, op. cit., p. 26, respectivement.
37. Gauthier (1864-1946) ne fut pas qu’acteur, il fut aussi le directeur de l’hygiène à la Fédération nationale des sociétés d’éducation physique de France. D’où ses fonctions d’instructeur.
38. Les Enfances de Montherlant, op. cit., p. 155.
39. Saint-Simon, Mémoires, tome 34, chap. 558, Paris, H.-L. Delhoye, 1840, p. 242. Pour se soustraire à l’obligation d’appeler monseigneur un secrétaire d’État, ce qu’était Louvois, il fallait être prince, duc ou maréchal de France, ce que d’Ambres n’était pas.
40. Qui était le vrai nom de l’école de la rue des Postes. La Ginette, comme on l’appelle familièrement, avait été fondée en 1854. Son siège fut d’abord au 18 de la rue Lhomond du temps que celle-ci s’appelait rue des Postes. C’est en 1913 qu’elle migra à Versailles.
41. Les Enfances de Montherlant, op. cit., p. 91. On aura noté la concordance des formules : « sans consulter son époux » chez Faure-Biguet comme dans notre texte, où ces quatre mots sont d’ailleurs un ajout postérieur au premier jet.
42. Dans Les Garçons, Linsbourg, ex-camarade de Bricoule, lui dira lorsqu’ils se retrouveront par une belle nuit de mai 1914 : « Je suis bouclé aux Postes », et Montherlant ajoutera une note toute pareille à celle qu’on a lue dans « Sentiments de Mme de Coantré au renvoi d’Alban » : « Collège dirigé par les jésuites, à Paris, rue des Postes. On y préparait aux grandes écoles. Fréquenté par toute l’aristocratie » (Romans II, op. cit., p. 783).
43. Nous renverrons ici à la p. 188 de « Trois inédits de Montherlant (I) » paru dans la RHLF de mars 2018.
44. Les Célibataires, Romans I, op. cit., p. 756.
45. Ibid., p. 761.
46. Voir Romans II, op. cit., p. 1399.
47. Ibid., p. 1396.
48. On lit ceci sur le site France Archives – Portail national des Archives : « Société des Automobiles de Henry de Riancey ou “Moteurs H de Riancey” [appartenant à Henry Joseph Marie Pie Camusat de Riancey, constructeur, demeurant à Paris, 18 rue Duphot], 1899 : dépôt de pièces de publication, 1899 ; dépôt au greffe de l’acte de formation de la société anonyme des Automobiles H de Riancey, Moteurs H de Riancey et Gévin, 26 juin 1899 ; statuts, 1899 », tandis que sur le site du Royal Veteran Car Club Belgium, on apprend que la firme belge Snoeck, installée à Ensival-lez-Verviers et spécialisée dans la fabrication de machines textiles, ayant décidé de se lancer dans l’aventure automobile entre 1899 et 1905, obtint à l’époque « l’exclusivité de la vente en Belgique des voitures construites à Levallois-Perret par le comte Henri de Riancey ». La Riancey était un « véhicule deux places à roues avant motrices, équipé d’un moteur de 2,5 cv, à deux cylindres horizontaux opposés et refroidis par ailettes, la direction se faisant par barre franche et pivot central ».
49. Les Enfances de Montherlant, op. cit., p. 63. Dès la p. 9, il est présenté comme le « champion de la monarchie et de la religion ».
50. On ne refera pas la démonstration qu’on a faite dans « Les mystères de la Lettre sur le serviteur châtié de Henry de Montherlant », Les Lettres romanes, 69, no 1-2, 2015, p. 197 et notes 25 et 26.
51. La Querelle surgit à la suite de la Loi de séparation des Églises et de l’État de 1905 qui prévoyait l’inventaire des biens des Églises, notamment de l’Église catholique. Des troubles éclatèrent ici et là, notamment en Bretagne, le « pays » des Coëtnempern comme des Riancey.
52. Fo 481 dans la boîte 9 et Romans II, op. cit., p. 1394.
53. Fo 483 dans la boîte 9 et Romans II, op. cit., p. 1395. M. Raimond a eu raison de lire « son unique lecture était encore des livres de guerre » : Montherlant, qui avait d’abord écrit : « …qu’elle ne se nourrissait encore que de livres de guerre », a modifié son texte mais en oubliant d’ajouter une s à de. En revanche, on croit pouvoir lire sans hésiter Coëtnempern à deux reprises.
54. Les Enfances de Montherlant, op. cit., p. 164.
55. Romans II, op. cit., p. 817 (p. 346 dans la version de 1969). À rapprocher de ce qu’on lit sur un feuillet de La Vie en forme de proue, le roman prévu pour 1919 mais avorté que la BnF conserve dans la boîte 15 des NAF 28165 du fonds Montherlant : « Elle avait dit : Je ne veux pas que mon fils soit là pendant assiste à mon agonie. Je ne veux pas qu’il me voie ridicule. Ce sera bien assez qu’il me voie soit là pendant la veillée mortuaire, avec qud j’aurai une mentonnière et des mouches sur ma figure. »
56. Les Enfances de Montherlant, op. cit., p. 13 et plus haut dans notre texte, p. 431.
57. Que Montherlant commente comme suit : « C’est ce qu’on dit quand on en aurait trop à dire » (Mais aimons-nous ceux que nous aimons ?, op. cit., p. 113).
58. Et avec les mêmes mots qu’en 1929 : « Mme de Bricoule et la grand-mère d’Alban, Mme de Coantré, furent au courant de “la fille”, et s’en amusèrent beaucoup » (voir Romans II, op. cit., p. 1441 et fo 56 de la section « Manuscrit de 1947 » dans la boîte 10).
59. Voir p. 45 dans la version de 1969 et Romans II, op. cit., p. 473 pour la version de 1973.
60. De qui Faure-Biguet rapporte qu’elle avait, jeune fille, un Byron sous son traversin » (Les Enfances de Montherlant, op. cit., p. 11-12)
61. Le « dix » du manuscrit a remplacé un mot biffé illisible.
62. « Deux collégiens de rhétorique » était surmonté d’un autre titre au crayon : « De Menvielle » (car Montherlant, à l’époque, maintenait la particule dans tous les cas), qui fut barré, ledit Menvielle étant appelé à céder finalement sa place à Linsbourg.
63. Voir les pages 164 à 171 du no 94 du 15 octobre 1930. S’il faut entrer dans les détails (mais ces détails donnent la mesure des hésitations de l’écrivain), on note que, lors de la parution des Bestiaires en 1926, sur la page détaillant les « Ouvrages de Henry de Montherlant », Sage comme une image était présenté comme un roman en préparation, avec la mention « (l’amour) », mais qu’il ne devait pas concurrencer les futurs Garçons, la trilogie La Jeunesse d’Alban de Bricoule étant, on l’a déjà dit, présentée comme suit : « I. Les Bestiaires, roman, 1926 (les taureaux). / II. La Ville dont le prince est un enfant, roman (le collège), paraîtra un jour. […] / III. Le Songe, roman, 1922 (la guerre). » (Grasset, 1926, p. 4). Les choses prendront une autre tournure en 1929 quand paraîtra La petite Infante de Castille : Sage comme une image aura disparu et il aura cédé son identité : « l’amour » à La Ville, toujours « à paraître ».
64. Les trois textes y figurent aux pages 217 à 227, Sainte-Croix, où Montherlant fut de janvier 1911 à mars 1912, étant l’équivalent du collège Notre-Dame du Parc de la fiction.
65. On trouvera ce reliquat aux pages 63-64 de l’édition de 1969 du roman et Romans II, op. cit., p. 491-492.
66. Il en ira de même pour certain abbé Pestour, qui surgit ici et là, furtivement, dans les manuscrits des Garçons et qui pour les lecteurs du Songe est une vieille connaissance : directeur de conscience d’Alban dans les premières versions du Songe (c’est même à ce titre qu’il est cité en 1940 dans Paysage des “Olympiques”), Pestour disparaît des versions ultérieures. Il y aurait du reste un parallèle à faire entre toutes ces « escamotades ».
67. Il faudrait reprendre les deux versions d’« Une académie de collège » pour bien montrer en quoi consistèrent ces remaniements. Disons, pour faire bref, que l’abbé de Pradts, figure centrale du roman comme de la pièce parente La Ville dont le prince est un enfant, et qui joue dans la première version un rôle essentiel, est éliminé de la version définitive parce que son apparition dans le récit à ce moment-là aurait été prématurée : son heure viendra plus tard.
68. On ne peut que suivre M. Raimond sur ce terrain.
69. Ce fut chez Gilbert Droin avec des illustrations de Mariette Lydis. Aux pages que nous venons d’évoquer, Montherlant avait adjoint trois courts extraits de ses futurs Garçons où Sandrier, par la force des choses, est omniprésent. Notons au passage que Serge finira par s’appeler Souplier, comme dans La Ville dont le prince est un enfant, où il s’était d’abord appelé Soubrier. Voici d’ailleurs ce qu’on lit à ce propos dans l’édition de 1958 du Théâtre dans l’édition de la « Bibliothèque de la Pléiade », p. 851 : « Certains pourront rêver, s’ils en ont le goût, que Serge Soubrier est un petit cousin de Dominique Soubrier », ladite Dominique étant l’héroïne du Songe. Une parenté qui s’était amorcée dès 1929 : Alban « connut […] longtemps plus tard, lit-on sur le fo 463 de la boîte 9, une admirable fille, Dominique Soubrier, qui peut-être ne se fixa d’abord en lui que parce que son nom avait une telle consonance avec celui de Serge » (Romans II, op. cit., p. 1388).
70. C’était, transposée, la passion du collégien Montherlant pour un de ses condisciples, Philippe Giquel.
71. Sur le manuscrit, « Serge Sandrier » est suivi d’une ébauche de sous-titre barrée : « (Scènes de la vie ». Un autre titre fut ajouté au crayon, avant d’être à son tour barré : « Scène Serge et sa mère », qui est en effet le thème essentiel de ces seize pages.
72. Dans LeSonge comme dans LesBestiaires, Alban apparaît dès les premières lignes.
73. Nous avons édité et commenté « Comte ! Comtesse ! » sur le site www.montherlant.be (voir le no 150 de la rubrique « Articles »).
74. Reprendre tous les passages inemployés des boîtes 9 et 10 nous aurait conduit fort loin, loin en tout cas de notre grand-mère, mais s’il est un blanc considérable dans Les Garçons tels que Montherlant les publia, c’est bien celui qu’aurait dû, qu’aurait pu combler le texte des folios 657 à 726 de la boîte 10. La dernière chemise de la boîte 10 porte un titre qui intrigue : « Montherlant / Les Garçons / Inédits », suivi d’un second titre qu’on doit à une main avisée : « Chapitres xvii et xviiiInédits des “Garçons” – Texte qui devait correspondre au chapitre xx de la “Bibliothèque de la Pléiade” (Très peu d’identique) ». Ledit chapitre xx dans l’édition de la « Bibliothèque de la Pléiade » s’intitule « La nuit de mai d’Alban et de Linsbourg (27 mai 1914) ». Bricoule et Linsbourg, amis et rivaux à Notre-Dame du Parc, en ont été exclus pour les mêmes raisons, Linsbourg quelque temps après Bricoule, mais le hasard les fait se retrouver dans une réunion mondaine. Ils quittent la réunion et vont rôder du côté de l’ancien Parc, ravivant leurs souvenirs communs. Les chapitres « inédits », qui datent selon toute apparence de 1955 et suggèrent par là même une cinquième « couche rédactionnelle », font se rencontrer Bricoule et Menvielle, celui que remplacera Linsbourg dans les dernières versions du roman, et il n’y est pratiquement question, par le fait de Menvielle d’ailleurs, que de pédérastie, à un point tel que Bricoule en est agacé. M. Raimond a bien montré que la version de 1969 des Garçons était une version expurgée par la volonté de Montherlant (voir Romans II, op. cit., p. 1410). S’il avait eu connaissance de ces chapitres que nous dirons sulfureux, il n’aurait pas manqué de les signaler, d’autant plus que la version manuscrite est accompagnée de son dactylogramme dûment revu par l’auteur. Nous ne renonçons pas, quant à nous, à l’idée de les publier un jour comme les témoins de la censure renforcée que Montherlant exerça sur son roman.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-11766-7
- EAN : 9782406117667
- ISSN : 2105-2689
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-11766-7.p.0189
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 14/05/2021
- Périodicité : Trimestrielle
- Langue : Français