[In memoriam] Mariella Di Maio (1947-2016)
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Revue d’Histoire littéraire de la France
2 – 2017, 117e année, n° 2. varia - Auteur : Fortunato (Valentina)
- Pages : 499 à 501
- Revue : Revue d'Histoire littéraire de la France
MARIELLA DI MAIO (1947-2016)
Mariella Di Maio vient de disparaître, à Rome, le 13 octobre 2016.
Elle était née en plein été, à Diamante, l’un des plus beaux sites du sud de l’Italie. Elle quitte sa terre natale vers la moitié des années 1960, pour s’établir à Rome. Élève de Giovanni Macchia et de Massimo Colesanti, elle soutient en 1970 sa maîtrise en Langues et Littératures étrangères, à la Faculté des Lettres de l’Université de Rome « La Sapienza », sur Pierre Louÿs (Pierre Louÿs e i miti decadenti, Roma, Bulzoni, 1979). Elle publiera ensuite son livre Oltre il viaggio. Letteratura francese minore fra Otto e Novecento (Roma, Bulzoni, 1983).
Titulaire de contrats pendant dix ans, elle devient chercheur en 1980, toujours à la Faculté des Lettres « La Sapienza », où elle collabore à l’organisation de plusieurs colloques. Parmi les plus importants, « Stendhal, Roma, l’Italia » (Rome, 7-10 novembre 1983) auquel elle participe avec la communication intitulée Interno di un racconto : « L’Abbesse de Castro ».
C’est le début d’un long chemin d’études et de recherches jalonné de nombreux travaux sur Stendhal : les monographies Stendhal. Intérieurs (Fasano-Paris, Schena-Didier Erudition, 1999), Frontières du romanesque : Stendhal, Balzac (Paris, Classiques Garnier, 2012), jusqu’aux prestigieuses éditions des Romanzi e racconti pour la collection « I Meridiani »(Milano, Mondadori, t. I, 1996 – t. II, 2002 – t. III, 2008), aux Ricordi d’egotismo (Introduzione, traduzione e note, Milano, Garzanti, 1999), à LaChartreuse de Parme (Préface, Dossier, Notes. Paris, Gallimard, « Folio classique », 2003), et à la Correspondance de Stendhal (Aux âmes sensibles. Lettres choisies. 1800-1842, Préface, Dossier, Notes. Paris, Gallimard, « Folio classique », 2011). Sa connaissance du « tendre ami des femmes », selon la définition de Simone de Beauvoir que Mariella aimait citer, lui offre progressivement la possibilité d’entrer dans le comité de rédaction de revues telles que H.B. Revue internationale d’études stendhaliennes et L’Année stendhalienne, qui accueillentplusieurs de ses travaux. Elle 500publiera aussi de nombreux articles pour le Dictionnaire de Stendhal, Paris, Champion, 2003 (« L’Abbesse de Castro », « Albano », « l’Arioste », « boue », « L. de Breme », « B. Cellini », « Les Cenci », « Chroniques italiennnes », « cœur mangé », « couvents », « La Duchesse de Palliano », « D. Fiore », « Monti », « Moyen Âge », « naturaliste », « Russe, Russie », « San Francesco a Ripa », « Suora Scolastica », « le Tasse », « Trop de faveur tue », « Vanina Vanini », « Vittoria Accoramboni »).
Elle devient Professore associato de littérature française à l’Université de Salerne (1988), puis à l’Université de Roma Tre (1996), où elle participe à la fondation du Département de Sciences politiques. En 1997, elle est professeur associé de littérature française à Paris IV-Sorbonne ; en 2000, professeur invité à Paris III-Sorbonne nouvelle ; et, l’année suivante, Professore ordinario de Littérature française auprès de son Département de Roma Tre.
Spécialiste du xixe et du xxe siècle, du romantisme et du décadentisme, elle a consacré ses études à plusieurs genres littéraires, le roman, la poésie, les écrits intimes. La liste des auteurs qui ont fait l’objet de ses publications compte entre autres Musset, Gautier, Barbey d’Aurevilly, Maupassant, Zola, Moréas, Régnier, Bourges, Gide, Valéry, Guilloux, Tournier, Yourcenar, Barthes. Elle a publié la traduction du roman de Jules Verne, Le Sphinx des glaces (La Sfinge dei ghiacci, Napoli, Guida, 1989), et enfin un essai dédié à la vie et à l’œuvre d’Edgar Allan Poe, Roma, Editori Riuniti, 1990.
Il est impossible de rappeler tous les congrès qu’elle a promus ou coordonnés, toutes ses conférences en Italie et à l’étranger. Parmi les colloques les plus importants : Naufragi/Naufrages/Shipwrecks, Université de Salerne, novembre 1992 ; Addii. Testi di congedo / Congedi nei testi, Université de Salerne, mai 1994 ; Stendhal et la Russie, Mosca-Saint-Pétersbourg, septembre 1994 ; Dimenticare Dreyfus ? Université de Roma Tre, janvier 1998 ; le XIVe Congrès International de l’Association Guillaume Budé sur La Littérature et les arts figurés de l’antiquité à nos jours, Limoges, août 1998, avec une communication sur Delacroix et l’autre sincérité. À propos du « Journal » ; Dire il politico / Dire le politique, Université de Roma Tre, janvier 2000 ; Storia e storie, Université de Roma Tre, novembre 2004. En 2009 enfin, elle donne un séminaire sur Stendhal. Journal et lettres de Russie, pour le cours d’Antoine Compagnon au Collège de France, « Écrire la vie : Montaigne, Stendhal, Proust ».
Elle participe à la recherche italienne sur les « Studi francesi in Italia (1880-1950) » et devient membre de l’équipe de recherche sur « Le romanesque », constituée par l’École des Hautes Études en Sciences Sociales, en collaboration avec l’Université de Chicago et l’« Atelier du roman ». Membre de l’Ordre des Palmes Académiques, elle reçoit en 2008 le XVIe prix littéraire des Thermes de Saint-Vincent pour son édition des Romanzi e racconti, Milano, Mondadori, « I Meridiani ».
501Ses travaux confirment un dévouement inconditionnel à la recherche, des réflexions de longue haleine et un regard toujours attentif aux influences des différents domaines de l’expression artistique, la peinture, la musique, le théâtre. On soulignera l’importance de plusieurs de ses travaux : Il cuore mangiato. Storia di un tema letterario dal Medioevo all’Ottocento (Milano, Guerini e Associati, 1996 ; trad. d’Anne Bouffard, Presses de l’Université Paris IV-Sorbonne, 2005), ses études sur le décadentisme et le romantisme (« Les districts de l’âme », dans J.-K. Huysmans. À Rebours, Paris, Sedes, 1992 ; « Il racconto della pittura », dans J.-K. Huysmans e l’immaginario decadente, Fasano, Schena, 1992 ; « La plus horrible de toutes les scènes : la Bérésina de Balzac », dans Napoléon, la guerre, l’armée, Mont-de-Marsan, Eurédit, 2002). Sa passion pour la littérature ne l’a toutefois jamais détournée d’une analyse rigoureuse des enjeux politiques que son érudition éclairait parfois d’une lumière prophétique.
Son enthousiasme et sa rigueur suscitaient chez ses étudiants une admiration qui augmentait leçon après leçon, pendant ses cours sur La Chartreuse de Parme ou les Promenades dans Rome, sur L’Étranger et Les Fleurs du Mal.
Son dernier article, achevé quelques semaines avant son hospitalisation, décèle l’ampleur de sa préparation culturelle : dans Stendhal in love, Mariella salue son fidèle ami, en dévoilant leur amour pour Shakespeare, héritage qu’Agostino Lombardo, l’un de ses meilleurs amis, lui a laissé.
Elle nous manquera, avec sa lucidité, sa lumineuse présence d’esprit, son intelligence vive, ainsi que la fumée de ses cigarettes.
Les âmes grandes jouissent d’elles-mêmes, le reste a peur et devient fou.
(Mariella, d’après Stendhal, Journal et lettres de Russie)
Valentina Fortunato
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-06928-7
- EAN : 9782406069287
- ISSN : 2105-2689
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-06928-7.p.0243
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 18/05/2017
- Périodicité : Trimestrielle
- Langue : Français