Correspondance
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Revue d'Histoire littéraire de la France
1 – 2023, 123e année, n° 1. varia - Pages : 243 à 244
- Revue : Revue d'Histoire littéraire de la France
Correspondance
Sollicité par la revue pour écrire un compte rendu de l’édition par Mireille Huchon dans la « Bibliothèque de la Pléiade » des Œuvres de Louise Labé (2021), François Rigolot nous a adressé la lettre suivante, en nous donnant « toute licence pour publier cette lettre, à défaut de recension formelle, dans les colonnes de la RHLF » :
« Étant malheureusement dans l’impossibilité de vous fournir un compte rendu détaillé de cette entrée dans la Pléiade, je me bornerai à vous envoyer ce bref message, car je ne puis me soustraire à ce devoir par égard pour la qualité, la nouveauté et l’importance des travaux de Mireille Huchon qui ont le singulier mérite d’ouvrir un débat fructueux auprès des lecteurs passionnés par la littérature de la Renaissance.
Puisque vous avez lu mon édition des œuvres de cette même Louise Labé (Garnier-Flammarion 1984 et sq.) ainsi que mon ouvrage intitulé Louise Labé Lyonnaise, ou la Renaissance au féminin (Éditions Champion, 1997), vous savez à quel point je tiens Louise Labé, depuis des décennies, pour un nouvel Orphée de la Renaissance qui a su réaliser le rêve de nombreuses anciennes muettes en naviguant le grand fleuve du langage poétique pour ranimer des mythes oubliés et les récrire au féminin. Sachez que je n’ai pas changé d’avis à ce sujet.
Cependant, après avoir lu Le Labérynthe que Mireille Huchon a publié à Genève en 2020, puis la présente édition de la Pléiade pour laquelle vous m’avez écrit, je ne puis m’empêcher de vous avouer avec quel empressement j’accueille l’invitation que nous lance cette éminente collègue pour revoir la plupart de nos présupposés littéraires au sujet des poètes du milieu du xvie siècle. Voilà qui permet, en effet, de reposer des questions fondamentales sur cet « âge d’or de la poésie française » en nous faisant redécouvrir le jeu sérieux (serio 244ludere) qui se déploie chez les écrivains féminins et masculins de l’époque pratiquant la voie trop souvent négligée de l’éloge paradoxal. Textes à l’appui, Mireille Huchon a su montrer par exemple à quel point le monde surprenant des Folastries et des Gaytez invitait à poser ou reposer le problème de l’ambiguïté sexuelle et des travestissements dont la poésie fait souvent l’objet.
C’est donc à rien de moins qu’à un réexamen du « sens » généralement attribué à la poésie, non seulement de Louise Labé mais de ses contemporains du xvie siècle, qu’ose nous convier Mireille Huchon, et cela avec une maîtrise et une érudition remarquables. Par leur nouveauté et leur indéniable richesse, les récents travaux de Mireille Huchon sur Louise Labé sont désormais, comme ils continuent à l’être sur Rabelais, un témoignage indispensable dans les Annales de la critique littéraire du xvie siècle.
Disons-le donc alors tout net : en faisant une entrée fulgurante dans la Pléiade, cette nouvelle édition, sous couvert de renforcer les preuves d’une supercherie littéraire, réussit à donner un nouveau sens, savamment contextualisé, à une écriture poétique dont les siècles suivants ont pu nous faire oublier l’étonnante profondeur et toute la saveur.
Bien cordialement,
François Rigolot »