Books Review
- Publication type: Journal article
- Journal: Revue d’histoire de la pensée économique
2017 – 1, n° 3. varia - Authors: Ravix (Joël Thomas), Bessis (Franck), Demals (Thierry)
- Pages: 289 to 305
- Journal: Journal of the History of Economic Thought
Aux origines de l’économie politique. Antoine de Montchrétien et son « Traîcté de l’Œconomie Politique », Marc Laudet, L’Harmattan, 2016, 187 p.
Joël Thomas Ravix
Université Nice Sophia Antipolis
GREDEG
Antoine de Montchrétien est un auteur pour le moins mystérieux. S’il n’invente sans doute pas le syntagme œconomie politique, il est le premier à l’utiliser dans le titre de son ouvrage de 16151. Cependant, il faut admettre avec Jean-Claude Perrot (1988, p. 63) que cette utilisation « paraît bien fortuite » puisque « l’auteur l’oublie dans les six cents pages de son texte ». Autre mystère : alors même que les poèmes et les tragédies de Montchrétien ont conservé une place dans l’histoire de la littérature après son décès tragique, survenu en 1621 ; son Traîcté de l’œconomie politique est au contraire tombé très vite dans l’oubli puisqu’il n’a laissé aucune trace dans les ouvrages du siècle suivant. Ainsi, par exemple, il ne figure pas dans le « Catalogue d’une bibliothèque d’économie politique » établit par l’abbé Morellet et annexé à son Prospectus d’un nouveau dictionnaire de commerce, publié en 1769. L’ouvrage de Montchrestien ne commence à être véritablement évoqué qu’à partir du milieu du xixe siècle par Joseph Garnier en 1852 dans le Journal des Économistes, puis en 1853 par le même Joseph Garnier qui lui consacre un article dans le deuxième tome du Dictionnaire de l’économie politique de Coquelin et Guillaumin. Le Traîcté lui-même n’est réédité, de manière tronquée, qu’en 1889 par Théophile Funck-Brentano et il faut encore attendre plus d’un siècle pour disposer d’une édition complète : celle réalisée par François Billacois en 1999. Depuis la fin du xixe siècle plusieurs interprétations de l’ouvrage de Montchrétien ont dès lors pu être proposées dont la dernière en date est celle de Marc Laudet.
290Très schématiquement, il est possible de repérer deux types interprétations diamétralement opposées. D’une part celle très négative de Joseph Schumpeter, qui considère que l’unique mérite de Montchrétien est d’avoir été « le premier à publier un livre sous le titre d’Économie Politique » ; mais qui ajoute : « Cet ouvrage médiocre manque totalement d’originalité. Ce qu’il recommande relève peut-être d’un grossier bon sens, mais il accumule des erreurs élémentaires de raisonnement qui témoignent de l’infériorité, plutôt que de la supériorité de son savoir par rapport aux connaissances de son temps » [Schumpeter, 1983, t. 1, p. 240). D’autre part, les interprétations des commentateurs contemporains qui s’accordent au contraire pour attribuer à Montchrétien une place importante dans l’invention de l’économie politique [Perrot, 1988] et n’hésitent donc pas à le ranger parmi les fondateurs de la pensée économique moderne [Guery, 2011]. Bien qu’il ne fasse pas directement référence à ces deux commentateurs et que son analyse s’inscrive dans un registre complètement différent, c’est bien à ce dernier type d’interprétation qu’il est possible de rattacher l’ouvrage de Marc Laudet.
Son originalité est de proposer une réévaluation complète de la contribution de Montchrétien en adoptant une approche pour l’essentiel biographique. Il commence en effet par regretter maladroitement que, « à l’exception du fait qu’il soit reconnu comme l’auteur du premier Traité d’Économie Politique de l’histoire, pas une référence ne soit faite à ses travaux économiques, même aujourd’hui, dans le corpus fondateur de ce champ disciplinaire » (p. 15)2. La raison de cette ignorance tiendrait selon l’auteur à « un double malentendu » (ibid.). D’une part, la mauvaise réputation dont Montchrétien a toujours été victime, qui a pour conséquence que « la production d’une pensée construite de sa part devient impensable » (ibid.). D’autre part, les commentateurs de Montchrétien « ont succombé au biais idéologique à partir duquel ils concevaient eux-mêmes leur sujet d’étude » (p. 16), de sorte que « cela obvie à la compréhension de l’œuvre initiale » (p. 18). Il ne s’agit donc pas d’ignorer la diversité de l’œuvre, à la fois littéraire et économique, ni les ambiguïtés du personnage lui-même, mais au contraire de mettre en évidence « l’unicité de l’homme et de l’œuvre » (p. 19). Dans cette perspective, indique Marc Laudet, « un éclairage 291biographique devient utile à la compréhension d’une œuvre foisonnante faites de multiples apports et de multiples emprunts » (ibid.). Cette démarche qui vise à renouveler l’interprétation de l’œuvre de Montchrestien ne lui semble toutefois pertinente qu’à la condition de corriger la mauvaise image de ce dernier : « il existe en effet une profonde continuité conceptuelle qui traverse toutes ses œuvres, de la première (1595) à la dernière (1616) qui est en totale contradiction avec le caractère de touche à tout, de pusillanimité, ou d’aventurier de plume et d’épée qui est proposé » (ibid.).
Marc Laudet se propose donc d’« éclairer le Traîcté de l’Œconomie Politique à la lumière du parcours personnel de son auteur » (ibid.) en mobilisant pour l’essentiel les résultats des recherches réalisées par des historiens de la littérature et par certains archivistes. Pour y parvenir, il structure son ouvrage en trois chapitres. Le premier a pour objectif de mettre en lumière une « unicité conceptuelle » entre la vie d’Antoine de Montchrétien et l’ensemble de son œuvre. Dans ce premier chapitre Marc Laudet s’efforce de montrer, en mobilisant la chronologie des œuvres littéraire de Montchrétien, qu’il est possible de mettre en parallèle ces textes et certains passages du Traîcté :
Entre le Traîcté de l’Œconomie Politique et les Tragédies, il existe donc une certaine constance dans la recherche des vertus morales qui fondent la pensée d’Antoine de Montchrétien à propos de ce qui fait une société (p. 42).
Ces vertus morales, la conception du sujet et du pouvoir qui les accompagnent, forment selon Marc Laudet l’essentiel de la trame du Traîcté, dont il ne manquerait à ce stade que la dimension proprement économique. Cette dernière sera acquise par Montchrestien lors de son exil en Angleterre puis en Hollande. Là encore, la démarche biographique permet à Marc Laudet de contester l’idée qu’il s’agirait véritablement d’un exil, comme l’affirme le Mercure François qui constitue la seule source biographique de l’époque. Il est donc conduit, dans son deuxième chapitre, à contester la véracité des arguments développés par le Mercure François, au motif que ce dernier donnerait une version délibérément négative et erronée de la vie de Montchrétien.
Ce deuxième chapitre est donc essentiellement consacré à une reconstruction très argumentée de la biographie de Montchrétien et en particulier de tous les évènements qui ont conduit à son décès tragique dans la nuit 292du 7 au 8 octobre 1621 et au fait que, trois jours plus tard, son corps ait été condamné, pour de crime de lèse-majesté, à être brulé et ses cendres dispersées. L’enquête fouillée à laquelle se livre Marc Laudet apporte des informations très intéressantes, principalement sur la généalogie de Montchrétien, qui lui permettent de reconstruire son réseau de relations familiales et sociales. C’est sans doute dans ce domaine que l’apport du livre de Marc Laudet est le plus important et le plus original.
Dans le troisième et dernier chapitre de son ouvrage Marc Laudet tente de replacer les développements économiques du Traîcté dans ce qu’il nomme « les origine culturelles caennaises », qui constitueraient « le cadre institutionnel du réseau de relations d’Antoine de Montchrétien en Normandie » (p. 117). L’auteur insiste en particulier sur l’influence exercée par Jacques de Cahaignes (Recteur de l’Université de Caen) sur la formation intellectuelle de Montchrestien. « L’enseignement qu’a reçu Antoine de Montchrétien lui a permis de développer une certitude quant à l’évidente nécessité de fonder l’action des hommes sur leur capacités à s’appuyer sur la science » (p. 125). C’est également cet enseignement « qui le mène à faire émerger un nouveau champ disciplinaire seul à même de fonder les activités des hommes mais, plus généralement, de construire les fondations d’une société apaisée » (ibid.). Aux enseignements reçus par Montchrétien, il faut ajouter l’observation des phénomènes économiques de son temps :
La lecture de ce livre ii [du Traîcté], au vu de l’attention portée aux réalité économiques anglaises du temps montre que l’origine concrète de la conceptualisation de l’économie de son auteur, développée dans l’ensemble du Traîcté de l’Œconomie Politique, vient précisément de ce séjour en Angleterre, puis de celui qu’il fait en Hollande (p. 127).
Si l’auteur a sans doute raison d’insister sur les enseignements que Montchrétien a très certainement retiré de ses séjours en Angleterre et en Hollande, il ne recherche pas les influences intellectuelles qu’il aurait pu trouver dans ces mêmes pays. Plus généralement, s’il évoque, sans toutefois s’y attarder, l’influence de Jean Bodin et les très nombreux emprunts de Montchrestien aux Six Livres de la République, il ne fait aucune référence à l’influence possible de Giovanni Botero, dont l’ouvrage Della ragion di Stato (1589) été très connu à l’époque et traduit en français par Gabriel Chappuys en 1599, sous le titre 293Raison et gouvernement d’Estat3 . Dans ces conditions, il s’avère pour le moins délicat d’affirmer que Montchrestien « invente l’Œconomie Politique » (p. 165) ; d’autant plus que l’auteur ne précise pas ce que recouvre véritablement cette expression et que Jean-Baptiste de Say, dans le « Discours préliminaire » de son Traité d’économie politique, en fait remonter la genèse à Botero (Barthas, 2011). Au total, il ne fait aucun doute que l’ouvrage de Marc Laudet apporte des connaissances nouvelles sur la vie mouvementée d’Antoine de Montchrétien et ouvre ainsi la possibilité d’une approche différente de son discours économique. Toutefois, il laisse malheureusement de côté la question de savoir si, avec le Traîcté de l’œconomie politique, nous sommes véritablement « aux origines de l’économie politique ».
Références bibliographiques
Barthas, J. [2011], « Le Traicté de l’œconomie politique est-il un anti-Machiavel ? Note philologique, historiographique et critique », dans Montchrestien et Cantillon. Le commerce et l’émergence d’une pensée économique, sous la direction d’Alain Guery, Paris, ENS éditions, p. 103-130.
Botero, G. [1589-1598], De la raison d’État, Paris, NRF, Gallimard, 2014.
Garnier, J. [1852], « De l’origine et de la filiation du mot économie politique et des divers autres noms donnés à la science économique », Journal des économistes, No 135 et 136, juillet et août, p. 300-316.
Garnier, J. [1853], « Montchrétien », Dictionnaire de l’économie politique, publié sous la direction de Ch. Coquelin et Guillaumin, Paris, Guillaumin et Cie, t. 2, p. 226-227.
Guery, A. [2011], « Introduction », dans Montchrestien et Cantillon. Le commerce et l’émergence d’une pensée économique, sous la direction d’Alain Guery, Paris, ENS éditions, p. 7-55.
King, J. E. [1948], “The origin of the term ‘Political Economy’”, Journal of Modern History, vol. 20, No 3, p. 230-231.
Montchrestien, A. de, Traicté de l’œconomie politique, édition critique par François Billacois, Genève, Librairie Droz, 1999.
Perrot, J.-C. [1988], « Économie politique », repris dans J.-C. Perrot, Une histoire intellectuelle de l’économie politique, Paris, Éditions de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales, 1992, p. 63-95.
Schumpeter, J. A. [1983], Histoire de l’analyse économique, t. 1, Paris, NRF, Gallimard.
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John Rawls : itinéraire d’un libéral américain vers l’égalité sociale, Rima Hawi, Paris, Classiques Garnier, 2016, 436 pages, Index des noms et Index des notions.
Franck Bessis
Université Lumière Lyon 2
Ce livre étudie la construction de la théorie de la justice de Rawls à travers ses lectures et les différentes réécritures de son œuvre, depuis sa thèse de doctorat jusqu’à ses dernières parutions. Rima Hawi exploite les archives de Rawls à Harvard constituées, d’après ce que peut en voir le lecteur, de notes de cours, d’une autobiographie non publiée et de livres annotés auxquels Rawls ajoutait des index. L’objectif de l’auteure est de montrer le rôle des philosophes et des économistes dans l’élaboration et l’évolution de la pensée de Rawls. L’enquête vise à montrer que l’aboutissement de la réflexion du théoricien de la justice serait un dépassement du capitalisme.
L’avant-propos éclaire, à partir de l’autobiographie du philosophe, sa sensibilité à l’arbitraire des chances par l’évocation d’épisodes tragiques de sa vie, en particulier la disparition de ses deux frères alors enfants des suites d’une maladie contractée au départ par John Rawls lui-même. D’emblée apparaît le double choix de l’auteure de faire une large place aux citations et de n’en fournir une version traduite que lorsque que celle-ci existe par ailleurs. Ces citations sont par moment utilisées comme des preuves à part entière. D’autres fois, elles servent simplement d’illustrations. D’autres fois encore, elles complètent directement le texte principal. Compte tenu de leur importance, on peut regretter qu’un double travail de traduction (linguistique, du français vers l’anglais, et sémantique, du français vers le français) n’ait pas été mené systématiquement pour rendre plus accessibles au lecteur francophone les discussions auxquelles ont donné lieu la Théorie de la justice aux États-Unis. Mais peut-être est-ce parce que l’ouvrage s’adresse exclusivement aux chercheurs ? Dans ce cas, une présentation plus détaillée des archives 295et quelques précisions de méthodes seraient les bienvenues pour éclairer la démarche de l’auteure.
La première partie du livre s’intéresse à l’élaboration et à la justification des deux principes de justice de Rawls, entre sa soutenance de thèse en 1951 et la parution de son livre le plus important en 1971. Elle comporte deux chapitres de 83 et 102 pages. Le premier est consacré aux nombreuses influences philosophiques de Rawls, en s’appuyant surtout sur ses notes de cours publiées. En consacrant quelques pages successivement à Hume, Mill, Sidgwick, Hobbes, Locke, Rousseau, Kant, Hegel et Marx, Rima Hawi cherche à montrer chez quel auteur Rawls est allé puiser son inspiration pour développer ses idées et théories fondamentales. Rousseau lui a par exemple servi à formuler la notion d’inégalité acceptable, et John Stuart Mill a inspiré sa théorie de la justice composée de plusieurs critères. Le deuxième chapitre est consacré aux influences économiques. C’est principalement ici que sont utilisées les archives qui font de ce chapitre le plus original du livre. Rima Hawi s’attache à éclaircir les mystérieuses filiations indiquées par Rawls dans un entretien accordé à la Harvard Review of Philosophy. Par exemple, Rawls y déclare devoir l’idée de position originelle à Frank Knight. L’auteure tente alors de suivre au plus près la lecture de Knight par Rawls en s’arrêtant sur les passages soulignés et les mots laissés dans la marge par ce dernier dans son exemplaire de The Ethics of Competition écrit par le premier.
La seconde partie en trois chapitres de longueur inégale (52, 73 et 32 pages) s’intéresse à l’application des principes. Le troisième chapitre reprend pour l’essentiel la deuxième partie de la Théorie de la justice complété comme il se doit par la quatrième partie de la Justice comme équité. Rima Hawi remarque à juste titre que cette partie « appliquée » de la Théorie de la justice est trop lacunaire pour emporter l’adhésion. Rawls prend plusieurs positions sans les argumenter ou en se contentant, dans le meilleur des cas, de renvoyer à d’autres auteurs pour trouver des arguments. Rima Hawi relève à plusieurs reprises ces faiblesses, notamment dans l’usage que Rawls fait du concept de « démocratie de propriétaire » de Meade (p. 284-285)4. L’auteure semble en revanche considérer comme convaincants les compléments apportés par la Justice comme équité. L’analyse des lectures de Rawls aurait pu aussi conduire à exhumer les raisonnements 296qui sous-tendaient ses prises de position les moins développées, par exemple sur la fiscalité. Le quatrième chapitre fournit un résumé précieux des réactions des économistes à la Théorie de la justice. Une première partie privilégie les premiers commentaires de Sen, Arrow et Harsanyi qui considéraient que la théorie de Rawls pouvait être lue comme un cas particulier de l’approche utilitariste (le principe du maximin comme un principe de maximisation de l’espérance d’utilité en cas de très forte aversion pour le risque). Dans une deuxième partie, l’auteure restitue le débat entre Rawls, Alexander et Musgrave, les deux seuls économistes qui ont eu droit à une réponse directe de la part de Rawls publiée en 1974 dans The Quarterly Journal of Economics. Rima Hawi nous rappelle que c’est ce débat qui conduit à ajouter le loisir à la liste des « biens premiers » pour éviter que le principe du maximin ne conduise à subventionner des personnes choisissant de ne pas travailler (préférant par exemple surfer toute la journée sur les plages de Malibu). Les archives réapparaissent ici avec l’exemplaire personnel de la Théorie de la justice annoté par Rawls lui-même, dans lequel l’auteur signale des arguments à renforcer ou à abandonner, ce qui sera fait dans une édition ultérieure ou dans la Justice comme équité. Le cinquième et dernier chapitre, bien qu’il soit le plus court, constitue réellement un point d’aboutissement en ce qu’il contient la principale thèse de l’auteure : Rawls aurait radicalisé ses positions tout au long de son œuvre (en réaction aux réactions suscitées par les précédentes versions), allant jusqu’à rejeter le capitalisme dans ses derniers écrits.
En ce qu’il constitue une nouvelle prise de position sur la l’œuvre de Rawls, le présent ouvrage participe à ce que Mathieu Hauchecorne a appelé la « carrière » de la Théorie de la justice5. L’ouvrage de Rima Hawi adopte dans une première partie une position qui tend à réconcilier le Rawls des philosophes et le Rawls des économistes tandis que sa seconde partie, plus « appliquée », prend clairement partie pour un Rawls « radical » contre les interprétations plus libérales dont il a pu 297faire l’objet. Cette lecture de Rawls vient conforter celle que Richard Sobel a identifiée récemment dans l’Économie des conventions. Ces deux interprétations convergentes des écrits de Rawls insistent également sur la même voie de prolongement de son œuvre, qui consiste à retravailler la question de la justice à l’intérieur de l’entreprise : « La théorie de la justice de Rawls s’arrête ainsi aux portes de l’entreprise qu’il s’agit dorénavant d’ouvrir car “les perspectives à long terme d’un régime constitutionnel juste pourraient bien dépendre d’elles” (Rawls, 2003, p. 243), de ces interrogations et donc de ce qui se passe dans cette sphère productive » (p. 397). Mais peut-on vraiment voir dans le rejet du régime du « capitalisme de laisser-faire » une évolution de la pensée de Rawls ? Sa première présentation des principes dans la Théorie de la justice, qui procède par spécification des idées d’inégalités « à l’avantage de chacun » et de positions « ouverte à tous » (le fameux tableau repris pas l’auteure p. 221) ne commence-t-elle pas avec le rejet du « système de la liberté naturelle » qui correspond précisément à ce régime ? On aurait alors souhaité que la critique du « capitalisme d’État Providence » de Rawls soit davantage questionnée par l’auteure, pour que soit creusé le lien avec sa défense de l’impôt négatif et son refus de l’allocation universelle. Comme se le demande Philippe Van Parijs (Mylondo & Cottin-Marx, 2013), comment Rawls peut-il à la fois adhérer au concept de « démocratie de propriétaire » de Meade et rejeter l’idée d’allocation universelle défendue par le même auteur ? Le recours aux archives ne permet visiblement pas d’éclairer la lecture de Meade (et d’autres) par Rawls au point de résoudre cette énigme. Un doute subsiste néanmoins sur les questions que permettent ou non de traiter ces archives dans la mesure où celles-ci ne font à aucun moment l’objet d’une présentation d’ensemble un peu détaillée.
Pour finir, la présentation des annotations de Rawls suscite des questions passionnantes qu’on aimerait voir développées. Chaque lecteur a ses propres manières d’annoter, de souligner, surligner, entourer, raturer, et d’altérer d’une manière ou d’une autre le texte lu6. Quelles étaient au juste les méthodes et pratiques de Rawls ? Variaient-elles en 298fonction de ses objectifs de lecture (comprendre, évaluer, mémoriser, etc.) et entre les différentes lectures qu’il faisait d’un même texte ? Les annotations par Rawls de son propre exemplaire de Théorie de la justice apportent-elles plus, pour la compréhension de l’évolution de sa pensée, que la seule comparaison de cet ouvrage et de ses publications ultérieures ? Il serait sans doute intéressant d’étudier ces notes de lecture à la lumière des pistes évoquées par Frédéric Kaplan dans son travail sur l’annotation.
Références bibliographiques
Hauchecorne, Mathieu, [2010], « Rawls et Sen en terrain neutre ? », Genèses, No 78, p. 67-86.
Kaplan, Frédéric [2013], « Le cercle vertueux de l’annotation » in Jeanneret, Michel & Kaplan, Frédéric (dir.) [2013], Le Lecteur à l’œuvre, Genève, Infolio, p. 62-69.
Lejeune, Christophe [2014], Manuel d’analyse qualitative : analyser sans compter ni classer, Louvain-la-Neuve, De Boeck Supérieur.
Mylondo, Baptiste & Cottin-Marx, Simon [2013], « “De chacun (volontairement) selon ses capacités à chacun (inconditionnellement) selon ses besoins” : Entretien avec Philippe Van Parijs », Mouvements, No 73, p. 155-174.
Rawls, John [2001], La justice comme équité : une reformulation de Théorie de la justice. Traduction de Guillaume Bertrand, Paris, La Découverte, 2003.
Sobel, Richard [2016], « Rawls (John). Une social-démocratie conventionnaliste et néanmoins radicale : Favereau lecteur de Rawls », in Batifoulier, Phillipe & al. (dir.) [2016], Dictionnaire des conventions. Autour des travaux d’Olivier Favereau, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, p. 232-236.
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Dialogues physiocratiques sur l’Amérique. Textes réunis, présentés et édités par Manuela Albertone, Paris, Classiques Garnier, 2015, 182 p.
Thierry Demals
Clersé Umr 8019 Cnrs
Université Lille 1
Manuela Albertone réunit dans cet ouvrage deux textes inédits, les Observations sur la déclaration des droits du bon peuple de la Virginie par Mirabeau et les Remarques de Du Pont sur ces mêmes Observations. En compilant ces deux textes écrits l’un et l’autre en 1788, son intention est d’examiner les sources physiocratiques de l’indépendance américaine et, réciproquement, l’effet de cet évènement sur l’évolution de la pensée physiocratique elle-même, à travers la divergence de vue qui sépare les deux physiocrates à la veille de la Révolution française.
Ces dialogues physiocratiques suivent la publication en France, au début de l’année 1788, des Recherches historiques et politiques sur les États-Unis de l’Amérique septentrionale de Filippo Mazzei qui insèrent une traduction des dix-huit articles de la déclaration officielle de Virginie. C’est cette constitution rédigée par Thomas Jefferson en 1776 que commentent Mirabeau et Du Pont. Les deux physiocrates ne font d’ailleurs aucune mention de l’autre tendance de la politique américaine, celle d’Alexander Hamilton et de John Adams qui donnera naissance quelques années plus tard au futur parti fédéraliste. Dans sa longue et riche présentation des deux textes, l’auteure (p. 22, 45) regroupe sous le terme « Américanistes », outre Mazzei, ami de Jefferson, Du Pont et Condorcet. Il s’agit, selon elle, d’un réseau œuvrant en France à la promotion du modèle républicain américain, associé aux noms de Jefferson et de Franklin, par opposition au modèle anglais ou britannique inspirant davantage Hamilton et Adams. L’auteure suggère (p. 14-15) en effet une proximité de vue entre les deux écrivains américains d’un 300côté et le cercle des Économistes de l’autre. Elle souligne que vers la fin des années 1760 Franklin utilise le canal physiocratique, notamment les Éphémérides, pour diffuser ses idées et défendre la cause américaine, puis que Jefferson et les « Républicains américains » (p. 15) se servent de l’analyse physiocratique pour justifier leur modèle de société agraire. De sorte que, poursuit-elle (p. 36), à la veille de la Révolution française « la tradition physiocratique survivait dans Du Pont, dans Condorcet, dans l’engagement de Franklin et de Jefferson ».
La question est bien sûr de savoir si, de part et d’autre de l’Atlantique, tous ces écrivains ont le même degré d’adhésion à la doctrine physiocratique puisent avec la même intensité et si tous parlent d’un même langage. Albertone a approfondi cette question dans un ouvrage récent dans lequel elle défend cette communauté de vue, tout en précisant cependant qu’elle n’implique pas, de la part de Jefferson et de Franklin, une stricte obédience doctrinale7. Dans sa présentation, elle fait apparaître deux points de convergence entre les Économistes français, Jefferson et Franklin avant même la guerre d’indépendance : tout d’abord l’analyse physiocratique de la colonie en général et de la colonie américaine en particulier, en passe de devenir une nation agricole ; ensuite la critique de la constitution mixte anglaise.
Avant même sa conversion, Mirabeau considérait la colonie comme un système de peuplement vieux comme le monde, un processus immémorial d’essaimage de la population surabondante d’une métropole, et il admettait que tôt ou tard les colonies s’émancipaient de leur métropole tout en conservant, par une sorte de confraternité, des alliances politiques et des liens commerciaux avec celle-ci. À l’époque moderne, celle de la colonisation de l’Amérique, ce raisonnement – que l’on trouve aussi chez Quesnay (« Remarques sur l’opinion de l’auteur de l’Esprit des loix concernant les colonies », 1766) – devrait en bonne logique continuer de prévaloir : une colonie tend à devenir indépendante, elle ne doit surtout pas dépendre des compagnies de commerce, à tout le moins elle doit être considérée comme une province du royaume à l’égal de celles de la métropole et jouir des mêmes droits. Albertone retrouve le même propos de légitimation de l’émancipation américaine dans un ouvrage tardif de Mirabeau, Les devoirs (1780), mais aussi chez Turgot et Condorcet. Mais déjà, en 1778, Turgot s’inquiète de ce que les constitutions américaines 301ne se soient départies, ni de la réglementation du commerce, ni de la constitution mixte des checks and balances et qu’elles rejettent le monocamérisme pourtant souhaité par Franklin (p. 22), tandis qu’en 1786 Condorcet retire de l’expérience américaine la notion de la démocratie représentative (p. 23). Ces écrivains et quelques autres encore participent d’un même mouvement que l’auteure appelle « rationalisme politique physiocratique » (p. 38, 48-9) ou « rationalisme politique français qui découlait de la physiocratie » (p. 41), duquel Mirabeau s’écarte en partie, selon elle, à la veille de la Révolution française, puisque, favorable à l’indépendance de l’Amérique en 1776 qu’il trouve légitime, il n’en approuve pas en 1788 la constitution qu’il qualifie de « démocrate » (p. 25).
En effet, poursuit Albertone (p. 38, 39), Mirabeau émet des réserves, non pas sur l’indépendance elle-même, mais sur le choix constitutionnel des colons américains en faveur de la démocratie, célébrée par Jefferson. Elle souligne alors une divergence interne à la physiocratie, entre Mirabeau et Du Pont, le gardien du temple et le disciple aux convictions devenues mitigées (p. 35) et semble faire de la Révolution américaine une explication du prétendu relâchement doctrinal de Du Pont. La position de Mirabeau lui apparaît ainsi comme un refus de la « métamorphose du rationalisme politique qui aboutit chez Mazzei, Condorcet et Du Pont à la notion de démocratie représentative » (p. 38). Le marquis rejette les deux premiers articles de la constitution de Virginie qui portent sur le principe de l’égalité et de la souveraineté du peuple et s’en tient encore à la présupposition d’un ordre physique supérieur à l’ordre des hommes et à la souveraineté populaire.
Albertone retire des Observations de Mirabeau (p. 40) une justification de la monarchie comme forme naturelle d’une nation agricole, d’autant plus fondée que son territoire est vaste. Partant, l’instauration d’une république d’inspiration démocratique aux États-Unis ne peut être à ses yeux que transitoire, attendu que ce grand territoire ne peut avoir d’autre avenir constitutionnel que monarchique. Mirabeau ne suit donc pas la trajectoire des Américanistes qui, selon l’auteure (p. 45), partagent tous la conception jeffersonienne ou virginienne de la démocratie agraire et consécutivement prêchent pour son application en France. En revanche, écrit-elle (p. 48), à cette époque, les Américanistes partagent le rationalisme politique physiocratique et Du Pont peut-il insérer dans la traduction de l’ouvrage de Stevens/Livingston, Examen du gouvernement 302de l’Angleterre comparé aux constitutions des États-Unis (1789), des notes qui sont à la fois une critique de la constitution mixte anglaise (De Lolme) et de ses défenseurs américains (Adams, Hamilton), en même temps qu’une défense de la distinction physiocratique entre le législateur (porteur de lois) et le “légisfaiteur” (faiseur de lois). La prise de position de Du Pont en faveur de la souveraineté populaire est certes tactique, œcuménique, note-t-elle, elle n’en traduit pas moins une inflexion du rationalisme politique physiocratique (p. 48-49) qui accomplira chez Condorcet sa « métamorphose démocratique » (p. 50). La divergence entre Du Pont et Mirabeau tient essentiellement en ce que le premier ne croit plus en l’actualité des « arguments physiocratiques en faveur de la monarchie » (p. 49).
Le texte de Mirabeau est de loin le plus fourni, celui de Du Pont n’est qu’une série de remarques, souvent de forme, et d’annotations du premier. Le marquis commente la constitution de Virginie article par article et fait d’emblée reposer toute réflexion constitutionnelle sur la connaissance préalable de l’ordre naturel et sur la découverte de la terre comme unique source de richesse. Trois propositions en découlent : (i) la nation américaine est consubstantielle à son territoire qui est agricole, (ii) son indépendance sous la forme d’une déclaration des droits est légitime, mais (iii) le contenu de cette déclaration consacre des principes qui peuvent être dangereux si on les considère comme universels et si l’on entend généraliser leur application.
Cette réserve de Mirabeau est perceptible dans son commentaire des premiers articles de la déclaration des droits, comme le souligne Albertone (p. 38-41). Le marquis y fait une distinction nette, ineffaçable selon lui, entre les lois naturelles et lois ou conventions sociales qui lui permet d’assimiler cette déclaration à une convention n’ayant pas la valeur d’un droit naturel et ne pouvant être que l’émanation de ce droit qui lui est antérieur. Il en tire subséquemment que, le droit de propriété étant un droit naturel, la conservation de ce droit nécessite une autorité tutélaire, laquelle implique la subordination. Corollairement, il adjoint à sa démonstration une théorie du développement des sociétés qui postule, premièrement, que le gouvernement n’apparaît, sous la forme d’une autorité patriarcale et militaire, qu’avec la sédentarisation de sociétés pastorales, comme moyen de conserver et de protéger leur territoire et leur cheptel des attaques de sociétés prédatrices ; deuxièmement, que les 303sociétés agricoles successives, fondées sur la culture de la terre, confrontées à la même loi de la conservation et à la défense de leur territoire qui est leur richesse potentielle, font apparaître la propriété foncière et l’autorité tutélaire unique ; troisièmement, que les sociétés commerçantes, également sédentaires, quoique leur activité principale ne soit pas attachée au territoire, ne constituent pas un stade particulier, mais une excroissance des sociétés agricoles et, de ce fait, n’exigent pas la même forme de gouvernement. Bien sûr, ces différents types de sociétés peuvent être mêlés : par exemple, des formes républicaines urbaines persistant dans les monarchies agricoles. Aucune forme de gouvernement n’est donc à proscrire, ni à généraliser. Il ne fait aucun doute pour Mirabeau que le gouvernement des sociétés agricoles soit naturellement monarchique. Il est donc évident que, pour le définir, il faille recourir à des notions telles que la copropriété du revenu des terres et le despotisme légal (p. 92, 103). Mais, écrit-il, tout dépend des conditions naturelles de chaque type de société : ce sont ces conditions qui font les conditions sociales, lesquelles font à leur tour les conventions entre les individus. On aurait ainsi tort de vouloir uniformiser les gouvernements et d’instaurer le même gouvernement partout dans le monde : aux nations agricoles la monarchie, aux nations commerçantes la démocratie et l’aristocratie.
Considérant l’Amérique comme un grand État agricole à vocation monarchique, Mirabeau émet donc des réserves sur des expressions qu’il trouve trop imprécises et dans lesquelles il perçoit une éviction du principe monarchique, telles que « toute autorité appartient au peuple » (article 2, p. 70). Il admet la« pluralité de la nation » ou « pluralité des opinions », si ces opinions sont éclairées par la raison et ne signifient pas « prédomination des opinions » – c’est-à-dire prédominance des intérêts corporatistes –, et le droit de réformer un gouvernement qui n’agit pas en vue du bien public (article 3, p. 78). Mais il ne s’agit là que de réformer les conventions sociales nuisibles.
Mirabeau emploie peu le terme “république”. À certains endroits (p. 96), il semble distinguer la république et la monarchie et charge les républicains du préjugé selon lequel un roi est seul législateur dans son royaume. À d’autres (p. 108), il semble les associer : « Tout est république dans le sein d’une monarchie », écrit-il. Quand il oppose ces deux termes, c’est en tant que formes de gouvernement et la question sous-jacente est celle de la souveraineté du peuple (le peuple est 304libre de choisir sa constitution). Et il veut signifier aux républicains que, même sous la monarchie (qui tend vers l’ordre naturel), le roi suit les lois naturelles et, de toute façon, ne fait pas les lois sociales à lui seul : il a un « conseil », il « consulte », il « autorise » les lois, rien de plus. Dans une monarchie agricole, la puissance législative est peu exercée, elle suit « le droit consenti dans la généralité de la nation, par la raison seule qui fait que le sens commun est appelé partout le bon sens » (p. 100). Les formes de la consultation et de la représentation du peuple sont très peu précisées, Mirabeau formant simplement le vœu que le corps législatif composé de représentants élus ne soit surtout pas permanent, mais convoqué « seulement à la volonté du gouvernement ou la mutation d’un règne » (p. 114-115).
Finalement, comme le remarque Albertone (p. 8-9, 40-41, 43-44), Mirabeau fait montre d’une certaine constance doctrinale et un grand souci exégétique, comme l’attestent ses renvois fréquents à Physiocratie. Les Remarques de Du Pont sont, elles, beaucoup plus succinctes et ponctuelles. Elles laissent cependant percer des divergences entre le maître et le disciple que l’auteure (p. 9) interprète comme une inflexion doctrinale. Ces divergences portent sur la souveraineté du peuple et la notion de copropriété (références).
Albertone décrit Du Pont comme un « américaniste » inaccompli. C’est, précise-t-elle, un soutien fervent de Jefferson et de la déclaration de Virginie en 1788, qui se démarquera du modèle jeffersonien de la démocratie agraire vers la fin de sa vie, en 1817 (p. 47). Dans ses Remarques, le physiocrate approuve l’idée de faire reposer le gouvernement sur une déclaration des droits, mais ce gouvernement semble conserver un aspect monarchique – Du Pont n’emploie pas le mot démocratie dans ce texte – et la déclaration consacre surtout le droit de propriété : le peuple virginien, écrit-il (p. 166), se décrit comme un « corps de propriétaires confédérés » qui forment un gouvernement pour protéger leurs propriétés et leur liberté : « Il est certainement impossible de les gouverner malgré eux », ajoute-t-il. On imagine aisément une monarchie qui ne soit pas héréditaire (pas plus que la noblesse), qui ne fasse pas les lois, mais propose des lois conformes aux « principes de la législation naturelle » et les soumette à une « forme nationale d’assentiment » (p. 168).
Quant à la notion de copropriété, Du Pont n’en fait pas une justification du despotisme, qu’il soit ou non légal, ni le synonyme d’une 305ponction de richesse accaparée arbitrairement par un souverain. C’est simplement une justification de l’impôt – c’est-à-dire de la dépense publique – en même temps que du souverain comme prestataire de services publics et débiteur de ceux qui lui ont versé l’impôt. C’est un revenu qui est proportionnel aux revenus des particuliers et dont le souverain ne peut pas disposer comme il l’entend. Enfin, à l’article 5 de la déclaration portant les trois pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, Du Pont défend l’idée que les insurgés américains ont pris les armes parce qu’ils n’avaient aucune part à l’un ou l’autre de ces pouvoirs. Ils ont contesté la constitution mixte anglaise qui leur avait été imposée, ils voulu être une nation à part entière et établir eux-mêmes leurs lois sociales. Finalement, c’est peut-être cette contestation du modèle britannique qui permet à Du Pont de se rapprocher du modèle jeffersonien.
Au terme de cet ouvrage, on ne peut contester l’infléchissement doctrinal de Du Pont pointé par Albertone, mais les Remarques demeurent un texte trop court pour le bien saisir. L’auteure mentionne une correspondance entre les deux physiocrates qui probablement l’éclairerait davantage et aurait peut-être mérité d’être publiée dans cet ouvrage. Néanmoins, l’ensemble proposé offre une perspective intéressante sur une dernière période assez peu connue et moins triomphante de la physiocratie, celle qui suit la disparition du maître.
1 James E. King (1948) a montré que déjà en 1611 l’expression « œconomie politique » était employée par Louis Turquet de Mayerne dans son ouvrage intitulé La monarchie aristodémocratique ou le gouvernement composé et meslé des trois formes de légitimes républiques.
2 Les références, sans autre indication que la page, renvoient toutes à l’ouvrage de Marc Laudet.
3 Pour une traduction plus récente, on peut se reporter à Giovanni Botero (1589-1598).
4 Les numéros de pages seuls renvoient à l’ouvrage recensé.
5 « construire la série des appropriations successives des théories de la justice en France comme une carrière est un moyen de souligner que la simple considération des propriétés internes ou textuelles d’une œuvre ne suffit pas pour comprendre comment un même texte a pu successivement être perçu comme de droite ou de gauche, ou requalifié au fil des années comme essai politique, théorie économique, sociologique, juridique ou traité philosophique » (Hauchecorne, 2010, p. 69).
6 Dans le prolongement de la méthode par théorisation ancrée de Glaser & Strauss, une partie de la réflexion méthodologique en analyse qualitative porte d’ailleurs sur la manière de « coder » des textes, opération qui consiste d’abord très concrètement à « mettre des mots dans la marge » (Lejeune, 2014).
7 National Identity and the Agrarian Republic, Aldershot, Ashgate Publishing, 2014.
- CLIL theme: 3340 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Histoire économique
- ISBN: 978-2-406-06967-6
- EAN: 9782406069676
- ISSN: 2495-8670
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-06967-6.p.0289
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 06-09-2017
- Periodicity: Biannual
- Language: French