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Classiques Garnier

Revue des livres

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Aux origines de léconomie politique. Antoine de Montchrétien et son « Traîcté de lŒconomie Politique », Marc Laudet, LHarmattan, 2016, 187 p.

Joël Thomas Ravix

Université Nice Sophia Antipolis
GREDEG

Antoine de Montchrétien est un auteur pour le moins mystérieux. Sil ninvente sans doute pas le syntagme œconomie politique, il est le premier à lutiliser dans le titre de son ouvrage de 16151. Cependant, il faut admettre avec Jean-Claude Perrot (1988, p. 63) que cette utilisation « paraît bien fortuite » puisque « lauteur loublie dans les six cents pages de son texte ». Autre mystère : alors même que les poèmes et les tragédies de Montchrétien ont conservé une place dans lhistoire de la littérature après son décès tragique, survenu en 1621 ; son Traîcté de lœconomie politique est au contraire tombé très vite dans loubli puisquil na laissé aucune trace dans les ouvrages du siècle suivant. Ainsi, par exemple, il ne figure pas dans le « Catalogue dune bibliothèque déconomie politique » établit par labbé Morellet et annexé à son Prospectus dun nouveau dictionnaire de commerce, publié en 1769. Louvrage de Montchrestien ne commence à être véritablement évoqué quà partir du milieu du xixe siècle par Joseph Garnier en 1852 dans le Journal des Économistes, puis en 1853 par le même Joseph Garnier qui lui consacre un article dans le deuxième tome du Dictionnaire de léconomie politique de Coquelin et Guillaumin. Le Traîcté lui-même nest réédité, de manière tronquée, quen 1889 par Théophile Funck-Brentano et il faut encore attendre plus dun siècle pour disposer dune édition complète : celle réalisée par François Billacois en 1999. Depuis la fin du xixe siècle plusieurs interprétations de louvrage de Montchrétien ont dès lors pu être proposées dont la dernière en date est celle de Marc Laudet.

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Très schématiquement, il est possible de repérer deux types interprétations diamétralement opposées. Dune part celle très négative de Joseph Schumpeter, qui considère que lunique mérite de Montchrétien est davoir été « le premier à publier un livre sous le titre dÉconomie Politique » ; mais qui ajoute : « Cet ouvrage médiocre manque totalement doriginalité. Ce quil recommande relève peut-être dun grossier bon sens, mais il accumule des erreurs élémentaires de raisonnement qui témoignent de linfériorité, plutôt que de la supériorité de son savoir par rapport aux connaissances de son temps » [Schumpeter, 1983, t. 1, p. 240). Dautre part, les interprétations des commentateurs contemporains qui saccordent au contraire pour attribuer à Montchrétien une place importante dans linvention de léconomie politique [Perrot, 1988] et nhésitent donc pas à le ranger parmi les fondateurs de la pensée économique moderne [Guery, 2011]. Bien quil ne fasse pas directement référence à ces deux commentateurs et que son analyse sinscrive dans un registre complètement différent, cest bien à ce dernier type dinterprétation quil est possible de rattacher louvrage de Marc Laudet.

Son originalité est de proposer une réévaluation complète de la contribution de Montchrétien en adoptant une approche pour lessentiel biographique. Il commence en effet par regretter maladroitement que, « à lexception du fait quil soit reconnu comme lauteur du premier Traité dÉconomie Politique de lhistoire, pas une référence ne soit faite à ses travaux économiques, même aujourdhui, dans le corpus fondateur de ce champ disciplinaire » (p. 15)2. La raison de cette ignorance tiendrait selon lauteur à « un double malentendu » (ibid.). Dune part, la mauvaise réputation dont Montchrétien a toujours été victime, qui a pour conséquence que « la production dune pensée construite de sa part devient impensable » (ibid.). Dautre part, les commentateurs de Montchrétien « ont succombé au biais idéologique à partir duquel ils concevaient eux-mêmes leur sujet détude » (p. 16), de sorte que « cela obvie à la compréhension de lœuvre initiale » (p. 18). Il ne sagit donc pas dignorer la diversité de lœuvre, à la fois littéraire et économique, ni les ambiguïtés du personnage lui-même, mais au contraire de mettre en évidence « lunicité de lhomme et de lœuvre » (p. 19). Dans cette perspective, indique Marc Laudet, « un éclairage 291biographique devient utile à la compréhension dune œuvre foisonnante faites de multiples apports et de multiples emprunts » (ibid.). Cette démarche qui vise à renouveler linterprétation de lœuvre de Montchrestien ne lui semble toutefois pertinente quà la condition de corriger la mauvaise image de ce dernier : « il existe en effet une profonde continuité conceptuelle qui traverse toutes ses œuvres, de la première (1595) à la dernière (1616) qui est en totale contradiction avec le caractère de touche à tout, de pusillanimité, ou daventurier de plume et dépée qui est proposé » (ibid.).

Marc Laudet se propose donc d« éclairer le Traîcté de lŒconomie Politique à la lumière du parcours personnel de son auteur » (ibid.) en mobilisant pour lessentiel les résultats des recherches réalisées par des historiens de la littérature et par certains archivistes. Pour y parvenir, il structure son ouvrage en trois chapitres. Le premier a pour objectif de mettre en lumière une « unicité conceptuelle » entre la vie dAntoine de Montchrétien et lensemble de son œuvre. Dans ce premier chapitre Marc Laudet sefforce de montrer, en mobilisant la chronologie des œuvres littéraire de Montchrétien, quil est possible de mettre en parallèle ces textes et certains passages du Traîcté :

Entre le Traîcté de lŒconomie Politique et les Tragédies, il existe donc une certaine constance dans la recherche des vertus morales qui fondent la pensée dAntoine de Montchrétien à propos de ce qui fait une société (p. 42).

Ces vertus morales, la conception du sujet et du pouvoir qui les accompagnent, forment selon Marc Laudet lessentiel de la trame du Traîcté, dont il ne manquerait à ce stade que la dimension proprement économique. Cette dernière sera acquise par Montchrestien lors de son exil en Angleterre puis en Hollande. Là encore, la démarche biographique permet à Marc Laudet de contester lidée quil sagirait véritablement dun exil, comme laffirme le Mercure François qui constitue la seule source biographique de lépoque. Il est donc conduit, dans son deuxième chapitre, à contester la véracité des arguments développés par le Mercure François, au motif que ce dernier donnerait une version délibérément négative et erronée de la vie de Montchrétien.

Ce deuxième chapitre est donc essentiellement consacré à une reconstruction très argumentée de la biographie de Montchrétien et en particulier de tous les évènements qui ont conduit à son décès tragique dans la nuit 292du 7 au 8 octobre 1621 et au fait que, trois jours plus tard, son corps ait été condamné, pour de crime de lèse-majesté, à être brulé et ses cendres dispersées. Lenquête fouillée à laquelle se livre Marc Laudet apporte des informations très intéressantes, principalement sur la généalogie de Montchrétien, qui lui permettent de reconstruire son réseau de relations familiales et sociales. Cest sans doute dans ce domaine que lapport du livre de Marc Laudet est le plus important et le plus original.

Dans le troisième et dernier chapitre de son ouvrage Marc Laudet tente de replacer les développements économiques du Traîcté dans ce quil nomme « les origine culturelles caennaises », qui constitueraient « le cadre institutionnel du réseau de relations dAntoine de Montchrétien en Normandie » (p. 117). Lauteur insiste en particulier sur linfluence exercée par Jacques de Cahaignes (Recteur de lUniversité de Caen) sur la formation intellectuelle de Montchrestien. « Lenseignement qua reçu Antoine de Montchrétien lui a permis de développer une certitude quant à lévidente nécessité de fonder laction des hommes sur leur capacités à sappuyer sur la science » (p. 125). Cest également cet enseignement « qui le mène à faire émerger un nouveau champ disciplinaire seul à même de fonder les activités des hommes mais, plus généralement, de construire les fondations dune société apaisée » (ibid.). Aux enseignements reçus par Montchrétien, il faut ajouter lobservation des phénomènes économiques de son temps :

La lecture de ce livre ii [du Traîcté], au vu de lattention portée aux réalité économiques anglaises du temps montre que lorigine concrète de la conceptualisation de léconomie de son auteur, développée dans lensemble du Traîcté de lŒconomie Politique, vient précisément de ce séjour en Angleterre, puis de celui quil fait en Hollande (p. 127).

Si lauteur a sans doute raison dinsister sur les enseignements que Montchrétien a très certainement retiré de ses séjours en Angleterre et en Hollande, il ne recherche pas les influences intellectuelles quil aurait pu trouver dans ces mêmes pays. Plus généralement, sil évoque, sans toutefois sy attarder, linfluence de Jean Bodin et les très nombreux emprunts de Montchrestien aux Six Livres de la République, il ne fait aucune référence à linfluence possible de Giovanni Botero, dont louvrage Della ragion di Stato (1589) été très connu à lépoque et traduit en français par Gabriel Chappuys en 1599, sous le titre 293Raison et gouvernement dEstat3 . Dans ces conditions, il savère pour le moins délicat daffirmer que Montchrestien « invente lŒconomie Politique » (p. 165) ; dautant plus que lauteur ne précise pas ce que recouvre véritablement cette expression et que Jean-Baptiste de Say, dans le « Discours préliminaire » de son Traité déconomie politique, en fait remonter la genèse à Botero (Barthas, 2011). Au total, il ne fait aucun doute que louvrage de Marc Laudet apporte des connaissances nouvelles sur la vie mouvementée dAntoine de Montchrétien et ouvre ainsi la possibilité dune approche différente de son discours économique. Toutefois, il laisse malheureusement de côté la question de savoir si, avec le Traîcté de lœconomie politique, nous sommes véritablement « aux origines de léconomie politique ».

Références bibliographiques

Barthas, J. [2011], « Le Traicté de lœconomie politique est-il un anti-Machiavel ? Note philologique, historiographique et critique », dans Montchrestien et Cantillon. Le commerce et lémergence dune pensée économique, sous la direction dAlain Guery, Paris, ENS éditions, p. 103-130.

Botero, G. [1589-1598], De la raison dÉtat, Paris, NRF, Gallimard, 2014.

Garnier, J. [1852], « De lorigine et de la filiation du mot économie politique et des divers autres noms donnés à la science économique », Journal des économistes, No 135 et 136, juillet et août, p. 300-316.

Garnier, J. [1853], « Montchrétien », Dictionnaire de léconomie politique, publié sous la direction de Ch. Coquelin et Guillaumin, Paris, Guillaumin et Cie, t. 2, p. 226-227.

Guery, A. [2011], « Introduction », dans Montchrestien et Cantillon. Le commerce et lémergence dune pensée économique, sous la direction dAlain Guery, Paris, ENS éditions, p. 7-55.

King, J. E. [1948], “The origin of the term Political Economy”, Journal of Modern History, vol. 20, No 3, p. 230-231.

Montchrestien, A. de, Traicté de lœconomie politique, édition critique par François Billacois, Genève, Librairie Droz, 1999.

Perrot, J.-C. [1988], « Économie politique », repris dans J.-C. Perrot, Une histoire intellectuelle de léconomie politique, Paris, Éditions de lÉcole des Hautes Études en Sciences Sociales, 1992, p. 63-95.

Schumpeter, J. A. [1983], Histoire de lanalyse économique, t. 1, Paris, NRF, Gallimard.

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John Rawls : itinéraire dun libéral américain vers légalité sociale, Rima Hawi, Paris, Classiques Garnier, 2016, 436 pages, Index des noms et Index des notions.

Franck Bessis

Université Lumière Lyon 2

Ce livre étudie la construction de la théorie de la justice de Rawls à travers ses lectures et les différentes réécritures de son œuvre, depuis sa thèse de doctorat jusquà ses dernières parutions. Rima Hawi exploite les archives de Rawls à Harvard constituées, daprès ce que peut en voir le lecteur, de notes de cours, dune autobiographie non publiée et de livres annotés auxquels Rawls ajoutait des index. Lobjectif de lauteure est de montrer le rôle des philosophes et des économistes dans lélaboration et lévolution de la pensée de Rawls. Lenquête vise à montrer que laboutissement de la réflexion du théoricien de la justice serait un dépassement du capitalisme.

Lavant-propos éclaire, à partir de lautobiographie du philosophe, sa sensibilité à larbitraire des chances par lévocation dépisodes tragiques de sa vie, en particulier la disparition de ses deux frères alors enfants des suites dune maladie contractée au départ par John Rawls lui-même. Demblée apparaît le double choix de lauteure de faire une large place aux citations et de nen fournir une version traduite que lorsque que celle-ci existe par ailleurs. Ces citations sont par moment utilisées comme des preuves à part entière. Dautres fois, elles servent simplement dillustrations. Dautres fois encore, elles complètent directement le texte principal. Compte tenu de leur importance, on peut regretter quun double travail de traduction (linguistique, du français vers langlais, et sémantique, du français vers le français) nait pas été mené systématiquement pour rendre plus accessibles au lecteur francophone les discussions auxquelles ont donné lieu la Théorie de la justice aux États-Unis. Mais peut-être est-ce parce que louvrage sadresse exclusivement aux chercheurs ? Dans ce cas, une présentation plus détaillée des archives 295et quelques précisions de méthodes seraient les bienvenues pour éclairer la démarche de lauteure.

La première partie du livre sintéresse à lélaboration et à la justification des deux principes de justice de Rawls, entre sa soutenance de thèse en 1951 et la parution de son livre le plus important en 1971. Elle comporte deux chapitres de 83 et 102 pages. Le premier est consacré aux nombreuses influences philosophiques de Rawls, en sappuyant surtout sur ses notes de cours publiées. En consacrant quelques pages successivement à Hume, Mill, Sidgwick, Hobbes, Locke, Rousseau, Kant, Hegel et Marx, Rima Hawi cherche à montrer chez quel auteur Rawls est allé puiser son inspiration pour développer ses idées et théories fondamentales. Rousseau lui a par exemple servi à formuler la notion dinégalité acceptable, et John Stuart Mill a inspiré sa théorie de la justice composée de plusieurs critères. Le deuxième chapitre est consacré aux influences économiques. Cest principalement ici que sont utilisées les archives qui font de ce chapitre le plus original du livre. Rima Hawi sattache à éclaircir les mystérieuses filiations indiquées par Rawls dans un entretien accordé à la Harvard Review of Philosophy. Par exemple, Rawls y déclare devoir lidée de position originelle à Frank Knight. Lauteure tente alors de suivre au plus près la lecture de Knight par Rawls en sarrêtant sur les passages soulignés et les mots laissés dans la marge par ce dernier dans son exemplaire de The Ethics of Competition écrit par le premier.

La seconde partie en trois chapitres de longueur inégale (52, 73 et 32 pages) sintéresse à lapplication des principes. Le troisième chapitre reprend pour lessentiel la deuxième partie de la Théorie de la justice complété comme il se doit par la quatrième partie de la Justice comme équité. Rima Hawi remarque à juste titre que cette partie « appliquée » de la Théorie de la justice est trop lacunaire pour emporter ladhésion. Rawls prend plusieurs positions sans les argumenter ou en se contentant, dans le meilleur des cas, de renvoyer à dautres auteurs pour trouver des arguments. Rima Hawi relève à plusieurs reprises ces faiblesses, notamment dans lusage que Rawls fait du concept de « démocratie de propriétaire » de Meade (p. 284-285)4. Lauteure semble en revanche considérer comme convaincants les compléments apportés par la Justice comme équité. Lanalyse des lectures de Rawls aurait pu aussi conduire à exhumer les raisonnements 296qui sous-tendaient ses prises de position les moins développées, par exemple sur la fiscalité. Le quatrième chapitre fournit un résumé précieux des réactions des économistes à la Théorie de la justice. Une première partie privilégie les premiers commentaires de Sen, Arrow et Harsanyi qui considéraient que la théorie de Rawls pouvait être lue comme un cas particulier de lapproche utilitariste (le principe du maximin comme un principe de maximisation de lespérance dutilité en cas de très forte aversion pour le risque). Dans une deuxième partie, lauteure restitue le débat entre Rawls, Alexander et Musgrave, les deux seuls économistes qui ont eu droit à une réponse directe de la part de Rawls publiée en 1974 dans The Quarterly Journal of Economics. Rima Hawi nous rappelle que cest ce débat qui conduit à ajouter le loisir à la liste des « biens premiers » pour éviter que le principe du maximin ne conduise à subventionner des personnes choisissant de ne pas travailler (préférant par exemple surfer toute la journée sur les plages de Malibu). Les archives réapparaissent ici avec lexemplaire personnel de la Théorie de la justice annoté par Rawls lui-même, dans lequel lauteur signale des arguments à renforcer ou à abandonner, ce qui sera fait dans une édition ultérieure ou dans la Justice comme équité. Le cinquième et dernier chapitre, bien quil soit le plus court, constitue réellement un point daboutissement en ce quil contient la principale thèse de lauteure : Rawls aurait radicalisé ses positions tout au long de son œuvre (en réaction aux réactions suscitées par les précédentes versions), allant jusquà rejeter le capitalisme dans ses derniers écrits.

En ce quil constitue une nouvelle prise de position sur la lœuvre de Rawls, le présent ouvrage participe à ce que Mathieu Hauchecorne a appelé la « carrière » de la Théorie de la justice5. Louvrage de Rima Hawi adopte dans une première partie une position qui tend à réconcilier le Rawls des philosophes et le Rawls des économistes tandis que sa seconde partie, plus « appliquée », prend clairement partie pour un Rawls « radical » contre les interprétations plus libérales dont il a pu 297faire lobjet. Cette lecture de Rawls vient conforter celle que Richard Sobel a identifiée récemment dans lÉconomie des conventions. Ces deux interprétations convergentes des écrits de Rawls insistent également sur la même voie de prolongement de son œuvre, qui consiste à retravailler la question de la justice à lintérieur de lentreprise : « La théorie de la justice de Rawls sarrête ainsi aux portes de lentreprise quil sagit dorénavant douvrir car “les perspectives à long terme dun régime constitutionnel juste pourraient bien dépendre delles” (Rawls, 2003, p. 243), de ces interrogations et donc de ce qui se passe dans cette sphère productive » (p. 397). Mais peut-on vraiment voir dans le rejet du régime du « capitalisme de laisser-faire » une évolution de la pensée de Rawls ? Sa première présentation des principes dans la Théorie de la justice, qui procède par spécification des idées dinégalités « à lavantage de chacun » et de positions « ouverte à tous » (le fameux tableau repris pas lauteure p. 221) ne commence-t-elle pas avec le rejet du « système de la liberté naturelle » qui correspond précisément à ce régime ? On aurait alors souhaité que la critique du « capitalisme dÉtat Providence » de Rawls soit davantage questionnée par lauteure, pour que soit creusé le lien avec sa défense de limpôt négatif et son refus de lallocation universelle. Comme se le demande Philippe Van Parijs (Mylondo & Cottin-Marx, 2013), comment Rawls peut-il à la fois adhérer au concept de « démocratie de propriétaire » de Meade et rejeter lidée dallocation universelle défendue par le même auteur ? Le recours aux archives ne permet visiblement pas déclairer la lecture de Meade (et dautres) par Rawls au point de résoudre cette énigme. Un doute subsiste néanmoins sur les questions que permettent ou non de traiter ces archives dans la mesure où celles-ci ne font à aucun moment lobjet dune présentation densemble un peu détaillée.

Pour finir, la présentation des annotations de Rawls suscite des questions passionnantes quon aimerait voir développées. Chaque lecteur a ses propres manières dannoter, de souligner, surligner, entourer, raturer, et daltérer dune manière ou dune autre le texte lu6. Quelles étaient au juste les méthodes et pratiques de Rawls ? Variaient-elles en 298fonction de ses objectifs de lecture (comprendre, évaluer, mémoriser, etc.) et entre les différentes lectures quil faisait dun même texte ? Les annotations par Rawls de son propre exemplaire de Théorie de la justice apportent-elles plus, pour la compréhension de lévolution de sa pensée, que la seule comparaison de cet ouvrage et de ses publications ultérieures ? Il serait sans doute intéressant détudier ces notes de lecture à la lumière des pistes évoquées par Frédéric Kaplan dans son travail sur lannotation.

Références bibliographiques

Hauchecorne, Mathieu, [2010], « Rawls et Sen en terrain neutre ? », Genèses, No 78, p. 67-86.

Kaplan, Frédéric [2013], « Le cercle vertueux de lannotation » in Jeanneret, Michel & Kaplan, Frédéric (dir.) [2013], Le Lecteur à lœuvre, Genève, Infolio, p. 62-69.

Lejeune, Christophe [2014], Manuel danalyse qualitative : analyser sans compter ni classer, Louvain-la-Neuve, De Boeck Supérieur.

Mylondo, Baptiste & Cottin-Marx, Simon [2013], « “De chacun (volontairement) selon ses capacités à chacun (inconditionnellement) selon ses besoins” : Entretien avec Philippe Van Parijs », Mouvements, No 73, p. 155-174.

Rawls, John [2001], La justice comme équité : une reformulation de Théorie de la justice. Traduction de Guillaume Bertrand, Paris, La Découverte, 2003.

Sobel, Richard [2016], « Rawls (John). Une social-démocratie conventionnaliste et néanmoins radicale : Favereau lecteur de Rawls », in Batifoulier, Phillipe & al. (dir.) [2016], Dictionnaire des conventions. Autour des travaux dOlivier Favereau, Villeneuve dAscq, Presses Universitaires du Septentrion, p. 232-236.

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Dialogues physiocratiques sur lAmérique. Textes réunis, présentés et édités par Manuela Albertone, Paris, Classiques Garnier, 2015, 182 p.

Thierry Demals

Clersé Umr 8019 Cnrs
Université Lille 1

Manuela Albertone réunit dans cet ouvrage deux textes inédits, les Observations sur la déclaration des droits du bon peuple de la Virginie par Mirabeau et les Remarques de Du Pont sur ces mêmes Observations. En compilant ces deux textes écrits lun et lautre en 1788, son intention est dexaminer les sources physiocratiques de lindépendance américaine et, réciproquement, leffet de cet évènement sur lévolution de la pensée physiocratique elle-même, à travers la divergence de vue qui sépare les deux physiocrates à la veille de la Révolution française.

Ces dialogues physiocratiques suivent la publication en France, au début de lannée 1788, des Recherches historiques et politiques sur les États-Unis de lAmérique septentrionale de Filippo Mazzei qui insèrent une traduction des dix-huit articles de la déclaration officielle de Virginie. Cest cette constitution rédigée par Thomas Jefferson en 1776 que commentent Mirabeau et Du Pont. Les deux physiocrates ne font dailleurs aucune mention de lautre tendance de la politique américaine, celle dAlexander Hamilton et de John Adams qui donnera naissance quelques années plus tard au futur parti fédéraliste. Dans sa longue et riche présentation des deux textes, lauteure (p. 22, 45) regroupe sous le terme « Américanistes », outre Mazzei, ami de Jefferson, Du Pont et Condorcet. Il sagit, selon elle, dun réseau œuvrant en France à la promotion du modèle républicain américain, associé aux noms de Jefferson et de Franklin, par opposition au modèle anglais ou britannique inspirant davantage Hamilton et Adams. Lauteure suggère (p. 14-15) en effet une proximité de vue entre les deux écrivains américains dun 300côté et le cercle des Économistes de lautre. Elle souligne que vers la fin des années 1760 Franklin utilise le canal physiocratique, notamment les Éphémérides, pour diffuser ses idées et défendre la cause américaine, puis que Jefferson et les « Républicains américains » (p. 15) se servent de lanalyse physiocratique pour justifier leur modèle de société agraire. De sorte que, poursuit-elle (p. 36), à la veille de la Révolution française « la tradition physiocratique survivait dans Du Pont, dans Condorcet, dans lengagement de Franklin et de Jefferson ».

La question est bien sûr de savoir si, de part et dautre de lAtlantique, tous ces écrivains ont le même degré dadhésion à la doctrine physiocratique puisent avec la même intensité et si tous parlent dun même langage. Albertone a approfondi cette question dans un ouvrage récent dans lequel elle défend cette communauté de vue, tout en précisant cependant quelle nimplique pas, de la part de Jefferson et de Franklin, une stricte obédience doctrinale7. Dans sa présentation, elle fait apparaître deux points de convergence entre les Économistes français, Jefferson et Franklin avant même la guerre dindépendance : tout dabord lanalyse physiocratique de la colonie en général et de la colonie américaine en particulier, en passe de devenir une nation agricole ; ensuite la critique de la constitution mixte anglaise.

Avant même sa conversion, Mirabeau considérait la colonie comme un système de peuplement vieux comme le monde, un processus immémorial dessaimage de la population surabondante dune métropole, et il admettait que tôt ou tard les colonies sémancipaient de leur métropole tout en conservant, par une sorte de confraternité, des alliances politiques et des liens commerciaux avec celle-ci. À lépoque moderne, celle de la colonisation de lAmérique, ce raisonnement – que lon trouve aussi chez Quesnay (« Remarques sur lopinion de lauteur de lEsprit des loix concernant les colonies », 1766) – devrait en bonne logique continuer de prévaloir : une colonie tend à devenir indépendante, elle ne doit surtout pas dépendre des compagnies de commerce, à tout le moins elle doit être considérée comme une province du royaume à légal de celles de la métropole et jouir des mêmes droits. Albertone retrouve le même propos de légitimation de lémancipation américaine dans un ouvrage tardif de Mirabeau, Les devoirs (1780), mais aussi chez Turgot et Condorcet. Mais déjà, en 1778, Turgot sinquiète de ce que les constitutions américaines 301ne se soient départies, ni de la réglementation du commerce, ni de la constitution mixte des checks and balances et quelles rejettent le monocamérisme pourtant souhaité par Franklin (p. 22), tandis quen 1786 Condorcet retire de lexpérience américaine la notion de la démocratie représentative (p. 23). Ces écrivains et quelques autres encore participent dun même mouvement que lauteure appelle « rationalisme politique physiocratique » (p. 38, 48-9) ou « rationalisme politique français qui découlait de la physiocratie » (p. 41), duquel Mirabeau sécarte en partie, selon elle, à la veille de la Révolution française, puisque, favorable à lindépendance de lAmérique en 1776 quil trouve légitime, il nen approuve pas en 1788 la constitution quil qualifie de « démocrate » (p. 25).

En effet, poursuit Albertone (p. 38, 39), Mirabeau émet des réserves, non pas sur lindépendance elle-même, mais sur le choix constitutionnel des colons américains en faveur de la démocratie, célébrée par Jefferson. Elle souligne alors une divergence interne à la physiocratie, entre Mirabeau et Du Pont, le gardien du temple et le disciple aux convictions devenues mitigées (p. 35) et semble faire de la Révolution américaine une explication du prétendu relâchement doctrinal de Du Pont. La position de Mirabeau lui apparaît ainsi comme un refus de la « métamorphose du rationalisme politique qui aboutit chez Mazzei, Condorcet et Du Pont à la notion de démocratie représentative » (p. 38). Le marquis rejette les deux premiers articles de la constitution de Virginie qui portent sur le principe de légalité et de la souveraineté du peuple et sen tient encore à la présupposition dun ordre physique supérieur à lordre des hommes et à la souveraineté populaire.

Albertone retire des Observations de Mirabeau (p. 40) une justification de la monarchie comme forme naturelle dune nation agricole, dautant plus fondée que son territoire est vaste. Partant, linstauration dune république dinspiration démocratique aux États-Unis ne peut être à ses yeux que transitoire, attendu que ce grand territoire ne peut avoir dautre avenir constitutionnel que monarchique. Mirabeau ne suit donc pas la trajectoire des Américanistes qui, selon lauteure (p. 45), partagent tous la conception jeffersonienne ou virginienne de la démocratie agraire et consécutivement prêchent pour son application en France. En revanche, écrit-elle (p. 48), à cette époque, les Américanistes partagent le rationalisme politique physiocratique et Du Pont peut-il insérer dans la traduction de louvrage de Stevens/Livingston, Examen du gouvernement 302de lAngleterre comparé aux constitutions des États-Unis (1789), des notes qui sont à la fois une critique de la constitution mixte anglaise (De Lolme) et de ses défenseurs américains (Adams, Hamilton), en même temps quune défense de la distinction physiocratique entre le législateur (porteur de lois) et le “légisfaiteur” (faiseur de lois). La prise de position de Du Pont en faveur de la souveraineté populaire est certes tactique, œcuménique, note-t-elle, elle nen traduit pas moins une inflexion du rationalisme politique physiocratique (p. 48-49) qui accomplira chez Condorcet sa « métamorphose démocratique » (p. 50). La divergence entre Du Pont et Mirabeau tient essentiellement en ce que le premier ne croit plus en lactualité des « arguments physiocratiques en faveur de la monarchie » (p. 49).

Le texte de Mirabeau est de loin le plus fourni, celui de Du Pont nest quune série de remarques, souvent de forme, et dannotations du premier. Le marquis commente la constitution de Virginie article par article et fait demblée reposer toute réflexion constitutionnelle sur la connaissance préalable de lordre naturel et sur la découverte de la terre comme unique source de richesse. Trois propositions en découlent : (i) la nation américaine est consubstantielle à son territoire qui est agricole, (ii) son indépendance sous la forme dune déclaration des droits est légitime, mais (iii) le contenu de cette déclaration consacre des principes qui peuvent être dangereux si on les considère comme universels et si lon entend généraliser leur application.

Cette réserve de Mirabeau est perceptible dans son commentaire des premiers articles de la déclaration des droits, comme le souligne Albertone (p. 38-41). Le marquis y fait une distinction nette, ineffaçable selon lui, entre les lois naturelles et lois ou conventions sociales qui lui permet dassimiler cette déclaration à une convention nayant pas la valeur dun droit naturel et ne pouvant être que lémanation de ce droit qui lui est antérieur. Il en tire subséquemment que, le droit de propriété étant un droit naturel, la conservation de ce droit nécessite une autorité tutélaire, laquelle implique la subordination. Corollairement, il adjoint à sa démonstration une théorie du développement des sociétés qui postule, premièrement, que le gouvernement napparaît, sous la forme dune autorité patriarcale et militaire, quavec la sédentarisation de sociétés pastorales, comme moyen de conserver et de protéger leur territoire et leur cheptel des attaques de sociétés prédatrices ; deuxièmement, que les 303sociétés agricoles successives, fondées sur la culture de la terre, confrontées à la même loi de la conservation et à la défense de leur territoire qui est leur richesse potentielle, font apparaître la propriété foncière et lautorité tutélaire unique ; troisièmement, que les sociétés commerçantes, également sédentaires, quoique leur activité principale ne soit pas attachée au territoire, ne constituent pas un stade particulier, mais une excroissance des sociétés agricoles et, de ce fait, nexigent pas la même forme de gouvernement. Bien sûr, ces différents types de sociétés peuvent être mêlés : par exemple, des formes républicaines urbaines persistant dans les monarchies agricoles. Aucune forme de gouvernement nest donc à proscrire, ni à généraliser. Il ne fait aucun doute pour Mirabeau que le gouvernement des sociétés agricoles soit naturellement monarchique. Il est donc évident que, pour le définir, il faille recourir à des notions telles que la copropriété du revenu des terres et le despotisme légal (p. 92, 103). Mais, écrit-il, tout dépend des conditions naturelles de chaque type de société : ce sont ces conditions qui font les conditions sociales, lesquelles font à leur tour les conventions entre les individus. On aurait ainsi tort de vouloir uniformiser les gouvernements et dinstaurer le même gouvernement partout dans le monde : aux nations agricoles la monarchie, aux nations commerçantes la démocratie et laristocratie.

Considérant lAmérique comme un grand État agricole à vocation monarchique, Mirabeau émet donc des réserves sur des expressions quil trouve trop imprécises et dans lesquelles il perçoit une éviction du principe monarchique, telles que « toute autorité appartient au peuple » (article 2, p. 70). Il admet la« pluralité de la nation » ou « pluralité des opinions », si ces opinions sont éclairées par la raison et ne signifient pas « prédomination des opinions » – cest-à-dire prédominance des intérêts corporatistes –, et le droit de réformer un gouvernement qui nagit pas en vue du bien public (article 3, p. 78). Mais il ne sagit là que de réformer les conventions sociales nuisibles.

Mirabeau emploie peu le terme “république”. À certains endroits (p. 96), il semble distinguer la république et la monarchie et charge les républicains du préjugé selon lequel un roi est seul législateur dans son royaume. À dautres (p. 108), il semble les associer : « Tout est république dans le sein dune monarchie », écrit-il. Quand il oppose ces deux termes, cest en tant que formes de gouvernement et la question sous-jacente est celle de la souveraineté du peuple (le peuple est 304libre de choisir sa constitution). Et il veut signifier aux républicains que, même sous la monarchie (qui tend vers lordre naturel), le roi suit les lois naturelles et, de toute façon, ne fait pas les lois sociales à lui seul : il a un « conseil », il « consulte », il « autorise » les lois, rien de plus. Dans une monarchie agricole, la puissance législative est peu exercée, elle suit « le droit consenti dans la généralité de la nation, par la raison seule qui fait que le sens commun est appelé partout le bon sens » (p. 100). Les formes de la consultation et de la représentation du peuple sont très peu précisées, Mirabeau formant simplement le vœu que le corps législatif composé de représentants élus ne soit surtout pas permanent, mais convoqué « seulement à la volonté du gouvernement ou la mutation dun règne » (p. 114-115).

Finalement, comme le remarque Albertone (p. 8-9, 40-41, 43-44), Mirabeau fait montre dune certaine constance doctrinale et un grand souci exégétique, comme lattestent ses renvois fréquents à Physiocratie. Les Remarques de Du Pont sont, elles, beaucoup plus succinctes et ponctuelles. Elles laissent cependant percer des divergences entre le maître et le disciple que lauteure (p. 9) interprète comme une inflexion doctrinale. Ces divergences portent sur la souveraineté du peuple et la notion de copropriété (références).

Albertone décrit Du Pont comme un « américaniste » inaccompli. Cest, précise-t-elle, un soutien fervent de Jefferson et de la déclaration de Virginie en 1788, qui se démarquera du modèle jeffersonien de la démocratie agraire vers la fin de sa vie, en 1817 (p. 47). Dans ses Remarques, le physiocrate approuve lidée de faire reposer le gouvernement sur une déclaration des droits, mais ce gouvernement semble conserver un aspect monarchique – Du Pont nemploie pas le mot démocratie dans ce texte – et la déclaration consacre surtout le droit de propriété : le peuple virginien, écrit-il (p. 166), se décrit comme un « corps de propriétaires confédérés » qui forment un gouvernement pour protéger leurs propriétés et leur liberté : « Il est certainement impossible de les gouverner malgré eux », ajoute-t-il. On imagine aisément une monarchie qui ne soit pas héréditaire (pas plus que la noblesse), qui ne fasse pas les lois, mais propose des lois conformes aux « principes de la législation naturelle » et les soumette à une « forme nationale dassentiment » (p. 168).

Quant à la notion de copropriété, Du Pont nen fait pas une justification du despotisme, quil soit ou non légal, ni le synonyme dune 305ponction de richesse accaparée arbitrairement par un souverain. Cest simplement une justification de limpôt – cest-à-dire de la dépense publique – en même temps que du souverain comme prestataire de services publics et débiteur de ceux qui lui ont versé limpôt. Cest un revenu qui est proportionnel aux revenus des particuliers et dont le souverain ne peut pas disposer comme il lentend. Enfin, à larticle 5 de la déclaration portant les trois pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, Du Pont défend lidée que les insurgés américains ont pris les armes parce quils navaient aucune part à lun ou lautre de ces pouvoirs. Ils ont contesté la constitution mixte anglaise qui leur avait été imposée, ils voulu être une nation à part entière et établir eux-mêmes leurs lois sociales. Finalement, cest peut-être cette contestation du modèle britannique qui permet à Du Pont de se rapprocher du modèle jeffersonien.

Au terme de cet ouvrage, on ne peut contester linfléchissement doctrinal de Du Pont pointé par Albertone, mais les Remarques demeurent un texte trop court pour le bien saisir. Lauteure mentionne une correspondance entre les deux physiocrates qui probablement léclairerait davantage et aurait peut-être mérité dêtre publiée dans cet ouvrage. Néanmoins, lensemble proposé offre une perspective intéressante sur une dernière période assez peu connue et moins triomphante de la physiocratie, celle qui suit la disparition du maître.

1 James E. King (1948) a montré que déjà en 1611 lexpression « œconomie politique » était employée par Louis Turquet de Mayerne dans son ouvrage intitulé La monarchie aristodémocratique ou le gouvernement composé et meslé des trois formes de légitimes républiques.

2 Les références, sans autre indication que la page, renvoient toutes à louvrage de Marc Laudet.

3 Pour une traduction plus récente, on peut se reporter à Giovanni Botero (1589-1598).

4 Les numéros de pages seuls renvoient à louvrage recensé.

5 « construire la série des appropriations successives des théories de la justice en France comme une carrière est un moyen de souligner que la simple considération des propriétés internes ou textuelles dune œuvre ne suffit pas pour comprendre comment un même texte a pu successivement être perçu comme de droite ou de gauche, ou requalifié au fil des années comme essai politique, théorie économique, sociologique, juridique ou traité philosophique » (Hauchecorne, 2010, p. 69).

6 Dans le prolongement de la méthode par théorisation ancrée de Glaser & Strauss, une partie de la réflexion méthodologique en analyse qualitative porte dailleurs sur la manière de « coder » des textes, opération qui consiste dabord très concrètement à « mettre des mots dans la marge » (Lejeune, 2014).

7 National Identity and the Agrarian Republic, Aldershot, Ashgate Publishing, 2014.