Books Review
- Publication type: Journal article
- Journal: Revue d’histoire de la pensée économique
2016 – 2, n° 2. varia - Authors: Diemer (Arnaud), Bensimon (Guy)
- Pages: 207 to 224
- Journal: Journal of the History of Economic Thought
Les ordolibéraux. Histoire d’un libéralisme à l’allemande, Patricia Commun, Les penseurs de la liberté, Les Belles Lettres, 2015, 418 p.
Auteur de nombreux articles sur l’ordolibéralisme, Patricia Commun a dirigé en 2003, un remarquable ouvrage L’ordolibéralisme allemand. Aux sources de l’économie sociale de marché (éditions CIRAC/CICC-Université de Cergy-Pontoise) dans lequel elle retraçait les débats relatifs au renouveau du libéralisme allemand dans les années 1930 et analysait les fondements de l’économie sociale de marché. Elle nous revient en 2016 avec un second opus : Les ordolibéraux, histoire d’un libéralisme à l’allemande, dont les objectifs sont clairement affichés dès les premières pages : 1o rappeler que l’ordolibéralisme fut avant tout un combat mené contre une dictature et un dirigisme économique qui avait plongé l’Allemagne dans le chaos, c’est ce qui explique qu’on puisse l’assimiler à la fois à une économie politique et une philosophie sociale libérale ; 2o présenter les figures de proue de l’ordolibéralisme, Walter Eucken et Wilhelm Röpke, dont les thèses restent encore peu connues en France ; 3o mieux connaître les circonstances politiques, économiques et culturelles dans lesquelles l’Allemagne fédérale a retrouvé le chemin de la prospérité.
Le livre comporte deux parties. La première partie revient sur les années 1920-1940 qui marquèrent le renouveau de la pensée libérale allemande. Si le terme d’ordolibéralisme a été inventé dans les années 1950 par l’historien et économiste Hero Moeller, ses racines sont profondément ancrées dans les années 30, avec notamment la création de la revue Ordo (1937) par Walter Eucken et Franz Böhm1. Comme le rappelle Patricia Commun, l’ordolibéralisme désigne un libéralisme d’un genre particulier. Pour les ordolibéraux
la liberté ne se construit pas dans un refus d’État, mais est censée croître sous sa protection qui se doit être bienveillante, sans être envahissante » [(2016), p. 9]2.
208D’une manière générale, les ordolibéraux étaient de jeunes économistes d’obédience libérale en rupture avec la tradition historiciste et l’anti-capitalisme allemand. Sous l’égide de l’économiste Alexander Rüstow, ils créèrent en 1922 un groupe qui prit le nom de Deutsche Ricardianer, « les ricardiens allemands ». Figuraient dans ce groupe, des libéraux (Walter Eucken et Wilhelm Röpke) mais également des socialistes (Gustav Heimann, Adolf Löwe, Emil Lederer). Les ricardiens allemands affirmaient leur volonté de ne pas se satisfaire en économie de la méthode descriptive et inductive de l’école historique. En invoquant le nom de Ricardo, ils replaçaient la pensée hypothético-déductive au cœur de la méthode scientifique. Par ailleurs, le nom de Ricardo leur permettait de se démarquer du courant manchestérien (héritage de l’Anti Corn League de Richard Cobden à la fin des années 30) et de l’idée du laissez-faire, très décriée depuis la crise de 1929. Durant cette période, l’anti-capitalisme allemand allait de pair avec un anti-libéralisme économique et politique, préparant ainsi l’avènement de la dictature et le rejet de la démocratie. De sorte que, pour les futurs ordolibéraux, il était urgent de formuler les bases d’un nouveau libéralisme, d’engager une réflexion économique rationnelle, libérée des pressions politiques et ouverte à la discussion. Pour ce faire, l’économie devait s’ériger sur des fondements objectifs et scientifiques de manière à proposer des solutions de politique économique efficaces. L’analyse des crises s’appuya principalement sur les notions de cycle et de conjoncture. Walter Eucken et Wilhelm Röpke reprirent les thèses de Gustav Cassel tout en étant très influencés par Irving Fisher, John Maynard Keynes ou Knut Wicksell.
Si Patricia Commun revient tout particulièrement sur ce qui constitue la marque de fabrique de l’ordolibéralisme, à savoir la réponse du libéralisme allemand à la montée du nazisme, son livre donne un puissant éclairage sur la vision globale d’un tout libéral et sur les différentes personnalités qui animèrent ce renouveau du libéralisme. En effet, l’ordolibéralisme ne se réduit pas à un simple réexamen du libéralisme, il défend l’idée d’un ordre décliné dans tous ses aspects (économique, politique, sociétal, spirituel). De ce fait, l’ordre libéral n’est pas un ordre spontané, mais bien un ordre à instruire et à protéger, c’est la principale mission de l’État. Par ailleurs, le courant ordolibéral était composé de jeunes économistes dont l’expertise s’affina en matière de crise conjoncturelle et structurelle. Walter Eucken s’est ainsi frotté très 209tôt au problème de l’inflation, son premier article « Kritische Betrachtungen zum deutschen Geldproblem » (« Considérations critiques sur le problème monétaire allemand ») paraît en 1923, il est consacré à la question de l’hyperinflation. Wilhelm Röpke fut l’auteur de l’ouvrage Krise und Konjunktur [Leipzig, (1932)] dans lequel il reprenait la thèse de la création excessive de crédit par la Banque centrale (qui fait baisser le taux d’intérêt au-dessous du taux d’intérêt d’équilibre). Il participa activement aux travaux de la commission Braun dont la mission principale était de répondre
aux questions fondamentales de la lutte contre le chômage et ses conséquences, et de proposer des solutions pour une politique sociale active face à la montée inexorable du chômage [(2016), p. 45].
Ces jeunes économistes n’étaient pas repliés sur eux-mêmes, ils ont entretenu, tout au long des années 1930, d’étroites relations avec leurs homologues autrichiens, américains et français. Le colloque Lippmann (1938) et le rapprochement avec les néolibéraux français (Louis Rougier, Jacques Rueff,…) symbolisent à eux-seuls l’émergence d’une troisième voie entre le planisme et le laisser-faire. Reste à comprendre comment les ordolibéraux ont œuvré pour imposer à l’opinion publique et à l’intelligentsia allemande, un nouvel ordre libéral ?
Ce point constitue la seconde partie de l’ouvrage. La thèse de Patricia Commun peut être résumée en quelques mots. Le peu de dommages subi par l’outil industriel allemand durant la guerre et le plan Marshall ne sauraient être les uniques causes du relèvement de l’Allemagne et de son basculement vers l’économie sociale de marché. Les ordolibéraux ont œuvré pendant près de 30 ans pour engager l’Allemagne sur la voie du libéralisme. Ils ont notamment
prôné, suscité et accompagné l’assainissement monétaire et budgétaire qui a conditionné le retour à l’économie de marché ; ils ont largement influencé la législation concurrentielle ; ils ont tenté de transmettre à l’Europe une culture d’orthodoxie budgétaire [(2016), p. 228].
Ainsi le spectaculaire redressement de l’Allemagne serait à mettre au crédit du retour de l’économie de marché, la cure d’austérité budgétaire et monétaire en fut l’acte de naissance. Cet assainissement aurait mis fin à l’hyperinflation tout en étant accompagné d’une libéralisation 210symbolique de toute une série de prix. Patricia Commun note que cette succession de faits doit être reliée à deux moments forts : 1o les échecs de l’économie dirigée dans les zones occidentales allemandes (1945–1948) ; 2o l’influence politique et économique de Ludwig Erhard, libéral convaincu et proche des milieux ordolibéraux allemands.
Ce retour sur Erhard et ses réformes économiques constitue le point d’orgue de cette seconde partie. Ludwig Erhard avait été initié aux idées libérales lors de sa formation en économie d’entreprise à l’Université de Nuremberg et tout au long de sa thèse sous la direction de Franz Oppenheimer. Son mémorandum de 1944, Financement de la guerre et consolidation de la dette, était un puissant plaidoyer en faveur d’un retour du libéralisme et de l’économie de marché. Toutefois, comme le rappelle Patricia Commun, ce retour ne fut ni simple ni spontané. Il supposait un assainissement radical des fondements budgétaires et monétaires de l’État allemand. L’État doit, pour les économistes ordolibéraux, agir de manière responsable en cessant d’injecter des crédits dans le circuit économique, en imposant aux banques des règles de couverture plus strictes et en gérant la transition d’une économie de guerre vers une économie de marché. L’État se devait de jouer un rôle dans le nouvel ordre libéral, toutefois il ne s’agissait pas de mettre l’économie de marché sous tutelle. Cette dernière a juste besoin d’un organe légiférant et surveillant, la loi… C’est donc à l’État de créer les conditions d’un ordre économique libéral en initiant un retour à l’orthodoxie budgétaire et monétaire, fut-ce au prix de mesures monétaires et fiscales impopulaires. De ce point vue, la thèse d’Erhard s’inscrivait dans la droite lignée des idées défendues par le courant ordolibéral. Et ces derniers (Walter Eucken, Leonhard Miksch, Wilhelm Röpke,…) pesèrent de tout leur poids (politique et idéologique) pour qu’Erhard accède au pouvoir (1948) et engage l’Allemagne dans l’économie de marché (1950–1960). Patricia Commun insiste tout particulièrement sur ce dernier point, son chapitre iii ne s’intitule-t-il pas : Les ordolibéraux, gardiens de l’ordre libéral dans l’Allemagne des années 1950 et 1960.
Pour conclure, précisons que si l’ouvrage de Patricia Commun propose un éclairage intéressant des thèses ordolibérales, il relance du même coup les recherches sur le renouveau du libéralisme des années 30 aux années 60. Un croisement des courants libéraux américains, autrichiens, allemands, français et italiens via les archives Röpke (Acton 211Institute), Eucken (Walter Eucken Archiv Frankfurt), Rougier (château de Lourmarin), Rueff (BnF), Lippmann (Yale University) et Allais (en cours de réalisation) pourrait relancer la recherche sur le libéralisme et permettre de mieux comprendre les raisons de la perte d’influence des courants néolibéral français et ordolibéral allemand dans les années 70 et 80.
Arnaud Diemer
Université Blaise Pascal Clermont-Ferrand
École Supérieure du Professorat et de l’Éducation (ESPE)
Clermont-Auvergne
212213Value and Prices in Russian Economic Thought – A journey inside the Russian synthesis, 1890-1920, François Allisson, Routledge Studies in the History of Economics, Routledge, Abingdon – New York, 2015, 179 pages, références et notes en fin de chapitre, index.
L’ouvrage que nous propose François Allisson est tiré de sa thèse de doctorat, honorée de plusieurs prix, soutenue en 2012 à l’Université de Lausanne. L’ouvrage lui-même a reçu le Prix du meilleur livre The Blanqui lecture en 2016 de l’European Society for the History of Economic Thought (ESHET).
À travers le thème de la synthèse russe entre 1890 et 1920, l’auteur nous invite plus largement à visiter tout un pan de la pensée économique russe peu connu, ou inconnu jusqu’ici, des lecteurs anglophones. Il nous montre comment les théories classique, marxiste et marginaliste ont pénétré en Russie, comment elles ont été interprétées pour former les conditions intellectuelles qui ont donné à la synthèse russe son caractère particulier, ainsi que, bien entendu, les différentes formes concrètes que la synthèse russe a prises.
La tâche que s’est fixée l’auteur, rendre compte de son voyage dans la synthèse russe, n’était pas simple, car il s’agissait pour lui d’effectuer, au terme de l’analyse de textes et de thèmes épars, une synthèse qui rende intelligible le but de son voyage : la synthèse russe. Il faut lui reconnaître le mérite d’y être parvenu sans que l’intérêt du lecteur ne faiblisse à aucun moment.
La synthèse dont il est question est la synthèse entre l’économie politique classique et la théorie de la valeur travail d’une part, et la théorie de l’utilité marginale d’autre part, avec ses conséquences sur les relations entre la valeur et les prix. L’auteur rappelle (p. 18-22)3 que des tentatives en ce sens avaient été faites en Occident, notamment par Marshall, ou Bernstein parmi les socialistes, mais elles restent étrangères 214à la synthèse russe, même si l’on y retrouve, à son terme en 1919, des accents marshalliens (chez Yurovsky4, p. 158-161). Comme l’indique F. Allisson dans le bilan qu’il effectue de la synthèse russe (p. 162-164), ce qui caractérise cette dernière est une série de tentatives de synthèse entre le marginalisme, ramené aux outils mathématiques walrasiens (les systèmes d’équations simultanées) dans une terminologie autrichienne, et une théorie classique de la valeur, héritée de la lecture par Ziber (cf. infra) de Ricardo et de Marx, qui consiste à considérer Marx comme étant le successeur de Ricardo, et qui ne distingue pas clairement la valeur travail marxienne des coûts de production ricardiens. D’où l’effort de cette synthèse pour maintenir un lien étroit entre travail, valeur et prix (à l’exception de la synthèse de Yurovsky).
Une condition spécifiquement russe, qui a sans doute favorisé l’émergence de tentatives de synthèse, est l’absence de courant de pensée interne fermement établi parmi les économistes en Russie, à la différence de l’Angleterre, de la France ou de l’Allemagne. Aussi, les théories classique et marginaliste y ont-elles pu être considérées comme complémentaires, l’une décrivant le côté objectif de la vie économique (les relations de production et l’offre), l’autre son côté subjectif (les relations d’échange et la demande). Dans ce contexte, la séparation entre la valeur et les prix, à la suite de l’échec de Marx sur le problème de la transformation, a été le facteur déclenchant des essais de synthèse entre ces deux théories, et entre valeur et prix. En ce domaine, le personnage central de la synthèse est Tugan-Baranowsky. Il s’est attaqué au problème de Marx en proposant une « transformation inverse » (p. 89-90), des prix aux valeurs, dans un cadre de reproduction simple, qui a attiré l’attention de Bortkiewicz. Ensuite, sur la base des définitions qu’il propose des concepts de valeur subjective (utilité marginale), valeur objective (prix), coûts absolus (coûts en travail) et coûts relatifs (coûts de production) (p. 114 & sq.), et de sa vision éthique de l’économie, valeur et prix doivent diverger en système capitaliste, mais peuvent être réunis en système socialiste grâce au plan économique (cf. infra).
Tugan-Baranowsky, qui n’était pas un adversaire de l’utilisation des mathématiques – pour lui les concepts économiques doivent avoir la primauté sur les démonstrations mathématiques (cf. p. 126) –, a offert une 215problématique, la synthèse, et par certains côtés, un cadre de réflexion, pour les économistes mathématiciens russes, parmi lesquels le rôle de Shaposhnikov doit être souligné (cf. infra). La synthèse qu’ils effectuent entre la valeur et les prix n’est pas sans présenter quelque ambiguïté. D’un côté, ils veulent réunifier les deux théories dans le cadre d’un système d’équations simultanées intégrant les équations walrasiennes de l’échange et les équations ricardiennes de l’offre, ce qui devrait conduire à ne pas distinguer la valeur des prix, de l’autre, ils se réfèrent d’une façon ou d’une autre au travail dépensé dans la production des marchandises, ce qui réintroduit une notion de valeur.
C’est donc le cheminement, complexe, vers ces caractères particuliers de la synthèse russe que F. Allisson nous propose de découvrir tout au long de son ouvrage. Nous ne le retracerons que très partiellement, la lecture de l’ouvrage restant irremplaçable. Celui-ci est divisé en deux parties, comprenant chacune trois chapitres.
La première partie, « Les origines de la synthèse russe », décrit l’état de la pensée économique russe mobilisée en vue de la synthèse.
Le premier chapitre, « La préhistoire de la synthèse russe » pose le problème de la synthèse, notamment à partir de son facteur déclenchant en Russie, la transformation de la valeur en prix, et donne des indications sur l’état de la pensée économique russe avant 1890, caractérisée par l’absence de courant dominant. Notons la propension des économistes russes à se préoccuper de problèmes de politique économique pratique, comme la tarification ou la régulation du crédit agricole, l’influence de l’École historique allemande et le succès du marxisme « sociologique » auprès des élites russes.
Le second chapitre, « L’économie politique classique en Russie » traite de la façon dont la pensée classique et marxiste a été perçue par les économistes russes. Ce chapitre tourne autour de l’un des personnages clés de la synthèse du fait de son influence, même s’il n’y a pas directement contribué : il s’agit de N. I. Ziber (1844-1888).
Ziber a publié deux études, l’une sur la théorie de la valeur et du capital de Ricardo, et l’autre sur la théorie de la valeur et de la monnaie de Marx, avant la publication en russe du premier volume du Capital en 1872. Ziber présente Marx comme un successeur de Ricardo, tous deux partageant la théorie de la valeur travail, Marx corrigeant et éclairant ce qu’il y avait d’imparfait ou d’obscur chez Ricardo, en particulier en 216étendant la théorie de la valeur à la force de travail, ce qui permet de comprendre l’origine du profit. Il a traduit et commenté les Principes de Ricardo (1873) ainsi que ses Œuvres (1882). Mais peu d’économistes russes ont lu Ricardo avant qu’ils ne prennent connaissance de l’échec de Marx sur le problème de la transformation avec la parution du Volume III du Capital (en 1896 en russe). Si bien que, en général en Russie, Ricardo a été étudié après Marx.
F. Allisson nous livre deux facettes de la pensée de cet auteur, l’une, que l’on pourrait dire « méthodologique », et l’autre relative à sa compréhension des théories de la valeur de Ricardo et Marx, mais qui découle de la première. L’aspect méthodologique concerne la distinction entre l’économie individuelle et l’économie sociale. L’économie individuelle, ce sont les ménages, les firmes, les communautés agricoles, les propriétaires avec leurs suites. L’économie sociale résulte des interactions entre les économies individuelles. À partir du moment où l’économie sociale est pensée comme telle, les économies individuelles doivent être envisagées « en moyenne », c’est-à-dire compte tenu de leurs interactions mutuelles : elles sont soumises à l’économie sociale, c’est-à-dire au complexe de relations avec les autres économies individuelles. Dans ces conditions la division du travail entre économies individuelles « moyennes » doit être appréhendée au niveau de l’économie sociale, et, à ce niveau, les échanges sont réglés par les quantités de travail. Mais au niveau de l’économie individuelle « moyenne » concrète, celle qui paie les salaires, les matériaux, etc., et qui perçoit un profit, les taux d’échange paraissent déterminés, non par les quantités de travail, mais par l’ensemble des coûts de production. En d’autres termes, il n’y a pas de « contradiction » entre valeur travail et coûts de production, ils expliquent les mêmes phénomènes de l’échange, mais à partir de deux points de vue différents.
Une conséquence importante du point de vue de l’économie sociale adopté par Ziber est qu’il n’y a pas d’utilité subjective. L’utilité d’un bien réside dans sa capacité à satisfaire un besoin. Les besoins d’un individu « moyen » sont les besoins physiologiques, les besoins en vêtement, habitat, etc., ce sont des besoins objectifs. Le travail produit des choses utiles en ce que ces choses satisfont ces besoins et leur utilité est objective. La répartition du travail, dans une économie sociale, est telle qu’elle satisfait ces besoins, et le fait qu’un individu particulier 217puisse préférer « par caprice » tel ou tel bien pour satisfaire un besoin, ne joue aucun rôle du point de vue des besoins permanent de l’individu « moyen ». L’utilité subjective (le « caprice ») ne peut donc être source de la valeur d’échange. Cette conception de l’utilité perdurera longtemps dans l’esprit des économistes russes et explique en partie l’introduction tardive du marginalisme, dans les années 1890.
F. Allisson résume en trois points l’héritage de Ziber parmi les économistes russes (p. 48) : 1) le goût pour la recherche abstraite en économie politique alors que les économistes russes était plutôt tournés vers des questions de politique économique pratique ; 2) l’étude des relations sociales objectives, ce qui a retardé l’introduction du marginalisme ; 3) son interprétation de l’économie classique, qui comprend le rejet de la théorie des coûts de production au profit de la théorie de la valeur travail ainsi que la continuité entre Marx et Ricardo.
Le troisième chapitre, « Le marginalisme en Russie » traite de la pénétration du marginalisme, essentiellement sous ses formes autrichienne et walrasienne, chez les économistes russes. La pénétration du marginalisme s’est faite brutalement à partir des années 1890, sans être discuté : il était soit adopté, soit rejeté. Pour ceux qui l’adoptaient, sous une forme ou sous l’autre, il était considéré comme un complément potentiel des anciennes théories, une amélioration théorique de l’économie politique, non comme une « révolution ».
Tugan-Baranowsky publie dès 1890 une étude sur l’utilité marginale dans laquelle il reprend la version autrichienne de Menger, à travers Wieser et Böhm-Bawerk, utilisant en particulier les tableaux des échelles de satisfaction pour illustrer la théorie. Il considère qu’elle est la seule théorie qui explique la dépendance de la valeur des biens à leur capacité à satisfaire les besoins à différents degrés, « en plein accord avec les faits » (cité p. 55). La théorie autrichienne sera ensuite popularisée par de nombreux autres auteurs.
La pénétration de la version walrasienne de l’utilité marginale a été plus tardive, du fait notamment de sa forme mathématique. Elle ne commence vraiment qu’en 1897 avec une présentation non technique et favorable des Éléments de Walras par Winiarski, et continue, au xxe siècle, avec en particulier les travaux de Dmitriev (1904), Slutzky (1910), et Shaposhnikov (1912) ; ce dernier fait entrer les théories de Walras dans les encyclopédies russes. Bortkiewicz, qui avait publié dès 1890, à la 218demande de Walras5, un compte-rendu de la deuxième édition des Éléments dans la Revue d’économie politique, n’a eu qu’un rôle indirect dans la pénétration de Walras en Russie, par les contacts qu’il entretenait avec les économistes russes. À ce propos, F. Allisson distingue, dans la réception de Walras, les économistes « du continent », c’est-à-dire qui vivent hors de Russie, Bortkiewicz et Winiarski, des économistes « insulaires », qui vivent en Russie dont le groupe comprend tous les autres (Dmitriev, Slutzky, Shaposhnikov, Yurovsky, en particulier). Les uns et les autres acceptent la formalisation mathématique, la théorie de l’équilibre des échanges, l’interdépendance des variables, etc., mais les deux groupes divergent sur la théorie walrasienne de la production. Les « continentaux » l’acceptent et l’intègrent dans l’équilibre général. Les « insulaires » l’ignorent ou n’en voient pas l’utilité. Les raisons de cette attitude insulaire sont à rechercher du côté de l’influence de Ziber, qui associe la production à la théorie classique, et du côté du marginalisme perçu comme une théorie de l’échange sous l’influence autrichienne (p. 65). Pour ces économistes « insulaires », la synthèse devra consister à intégrer la théorie subjective de l’échange, formulée mathématiquement, dans leur théorie objective de la production (p. 68).
La deuxième partie de l’ouvrage, « La synthèse russe » détaille les différents aspects des efforts des économistes russes dans la construction de leur synthèse.
Les deux premiers chapitres (quatrième et cinquième chapitres de l’ouvrage), respectivement « Tugan-Baranowsky sur le capitalisme et le socialisme », et « La synthèse de Tugan-Baranowsky » présentent des aspects moins connus des travaux de Tugan-Baranowsky sur la méthode, l’éthique, la valeur, les coûts et les prix. La référence au socialisme prend son sens, dans le contexte de la synthèse, dans la mesure où celle-ci est pensée par Tugan-Baranowsky à partir d’un point de vue éthique et normatif sur l’économie susceptible d’harmoniser idéalement, grâce au plan économique, le côté objectif de l’économie (la production) et le côté subjectif (les besoins et la demande).
Pour M. I. Tugan-Baranowsky (1865-1919), l’objet de l’économie politique est l’étude de l’économie nationale, comprise comme le résultat des interactions entre les économies individuelles réglées par la volonté humaine. La 219tâche de l’économie politique est de découvrir et d’expliquer les liens entre les économies individuelles et l’économie nationale. Ces liens sont gouvernés par des lois universelles (les « mécanismes cachés ») et des lois locales, qui dépendent des conditions historiques de l’économie nationale considérée. De là découle l’existence de deux ensembles de catégories économiques : les catégories « logiques » (universelles) et les catégories historiques.
Tugan-Baranowsky critique le capitalisme pour l’exploitation qui y règne, l’anarchie de la production, et la présence de crises expliquées par l’absence de planification économique nationale : en son absence, il y a en système capitaliste une « contradiction » entre le niveau individuel, qui ne connaît pas les besoins de la société, et le niveau national dans lequel s’inscrivent ces besoins. En d’autres termes, les forces productives ne sont pas réparties proportionnellement aux besoins. Cette critique « marxistoïdale » du capitalisme n’empêche pas Tugan-Baranowsky de se séparer de Marx sur des questions centrales. Ainsi, une augmentation de la composition organique du capital ne conduit pas nécessairement à la chute du taux de profit dans la mesure où elle permet l’accroissement de la productivité du travail et du taux de plus-value. De même, de son schéma de « transformation inverse » des prix aux valeurs (p. 89-90), il tire la conclusion que la valeur travail n’explique pas l’échange, mais que les prix résultent d’une évaluation subjective.
Si le capitalisme n’est pas condamné à disparaître par suite de la chute du taux de profit, il doit néanmoins être remplacé par le socialisme en vertu de principes éthiques (kantiens) qui donnent la primauté à la personne humaine, considérée comme d’égale valeur. Le but de l’économie est de satisfaire les besoins humains, reconnus de façon égale à toute personne, ce qui requiert l’adéquation de la répartition du travail entre les activités aux besoins. À l’anarchie de la production capitaliste doit donc être substitué le plan économique, qui permet cette adéquation. Dans l’esprit de Tugan-Baranowsky, le plan économique est l’expression de la synthèse entre les deux théories. D’un exemple chiffré sur le coût en travail de deux biens et leurs utilités marginales, il tire la proposition que « les utilités marginales des biens produits sont proportionnelles à leur coût en travail », ce que F. Allison appelle « la synthèse simple » (p. 99-100). Le plan économique doit donc être fondé sur la connaissance des utilités marginales sociales de chaque bien pour la satisfaction des besoins, et sur celle de leur coût en travail.
220Tugan-Baranowsky élabore ensuite une « synthèse complexe » (F. Allisson) fondée sur une série de définitions d’expressions économiques dans le cadre de sa distinction entre les catégories logiques et les catégories historiques.
La valeur subjective est une catégorie logique en ce que l’évaluation de la capacité des biens à satisfaire un besoin est universel, cette évaluation étant gouvernée par la loi de l’utilité marginale décroissante. La valeur objective, ou pouvoir d’achat d’une marchandise, ou son prix, est une catégorie historique qui prend place dans une économie d’échange et qui émerge de la valeur subjective, car l’économie nationale émerge de l’interaction des individus : les prix sont la manifestation historique de la valeur. Si la cause première de la valeur des biens est leur utilité marginale, comprise comme une utilité marginale « sociale », notion qu’il ne discute pas (p. 99), la cause seconde se situe dans la répartition du travail social entre les sphères de production, qui détermine les quantités produites et le niveau de l’utilité marginale des biens. Les coûts absolus sont les coûts en travail : même si d’autres forces de la nature concourent à la production, le travail est pour Tugan-Baranowsky la substance des coûts absolus, et non pas la substance de la valeur comme chez Marx. Les coûts relatifs qui sont les dépenses de production dont la dépense en travail ne constitue qu’une partie, sont une catégorie historique, la manifestation historique des coûts. Du point de vue social (national) et éthique, les seuls coûts pertinent sont les coûts absolus en travail, dans la mesure où, au niveau individuel, tous les autres coûts se résolvent en définitive en coûts en travail présent ou passé. Mais comme du point de vue des capitalistes individuels, les seuls coûts sont les dépenses de production, et que ce point de vue s’empare de la société, les coûts relatifs sont pertinents pour expliquer les coûts du point de vue social dans une économie capitaliste. Si les prix sont la manifestation historique de la valeur, et les coûts relatifs la manifestation historique des coûts absolus, il n’y pas de problème de transformation de la valeur en prix, ni de problème de transformation des coûts absolus en coûts relatifs.
Les relations entre valeur est prix chez Tugan-Baranowsky sont illustrées par F. Allisson à l’aide d’un tableau (p. 119) :
Valeur |
Prix |
Utilité marginale |
Valeur d’échange |
Coûts en travail |
Dépenses de production |
Les prix résultent de la synthèse entre la valeur d’échange (II) et les dépenses de production (IV). La valeur d’échange (II) est dérivée de l’utilité marginale (I) et les dépenses de production (IV) sont dérivées de la conscience capitaliste des coûts. La valeur est le résultat de la synthèse entre l’utilité marginale (I) et les coûts en travail (III). L’utilité marginale (I) représente les besoins individuels dans la sphère de l’échange, et les coûts en travail (III) les conditions objectives de la production. La synthèse complète est réalisée à la condition que les utilités marginales soient proportionnelles aux coûts en travail, ce qui ne peut être réalisé que dans une économie socialiste grâce au plan économique.
Ce plan reste un idéal dans l’économie capitaliste, mais il permet de comprendre la séparation, dans cette économie, entre les dépenses de production et les coûts en travail. Par contre, il réalise pleinement la synthèse « organique » dans l’économie socialiste où il n’y a plus lieu de séparer la valeur et les prix.
Le dernier chapitre, « La synthèse des mathématiciens » expose les travaux des économistes mathématiciens russes en relation avec la synthèse. L’auteur se concentre plus particulièrement sur ceux de Dmitriev, Bortkiewicz, Shaposhnikov et Yurovsky (qui clôt l’épisode de la synthèse russe), sans négliger les autres, notamment Slutzky, Stoliarov et Bilimovic. Ces économistes rejettent les considérations éthiques en économie et s’en tiennent à un point de vue positif.
Les Essais économiques de V. K. Dmitriev (1868-1913), sous-titrés Esquisse de synthèse organique de la théorie de la valeur travail et de la théorie de l’utilité marginale (1904), donnent à penser que leur auteur aurait pu jouer un rôle décisif dans la synthèse des mathématiciens russes. En fait, remarque F. Allisson, relativement à la spécificité de cette synthèse, ce rôle fut indirect, mais important en ce qu’il a fourni les outils mathématiques nécessaires aux économistes mathématiciens pour construire leur synthèse : au vu de la structure des Essais de Dmitriev, il n’y a qu’un « soupçon » de synthèse (p. 138).
F. Allisson présente la synthèse de L. v. Bortkiewicz (1868-1931) à travers trois phases de son activité rarement reliées entre elles jusqu’ici (p. 139-140) : 1) son intérêt, dans sa jeunesse, pour les théories de Walras et les liens qu’elles établissent entre la théorie de l’échange et la théorie de la production ; 2) ses contributions au problème de la transformation de 1906-1907, dans lesquelles il développe une théorie mathématique 222ricardienne (qui emprunte à Dmitriev) non dénuée d’une empreinte walrasienne ; et 3) son article sur l’objectivisme et le subjectivisme dans la théorie de la valeur de 1921 dans lequel il introduit les facteurs objectifs et subjectifs de la valeur. La synthèse de Bortkiewicz est présentée par F. Allisson dans un tableau (p. 140) dont la source est le dernier article mentionné, qui montre les effets d’une variation des coûts et de l’utilité sur la quantité d’équilibre et la valeur d’échange en situation de coûts de production constants (a) ou croissants (b) :
N. N. Shaposhnikov (1878-1939) a été l’étudiant de Tugan-Baranowsky, mais son approche de la synthèse est dans la ligne de Dmitriev et Bortkiewicz. Il a popularisé Walras en Russie et fut l’un des premiers à reconnaître la valeur des travaux de Dmitriev, qu’il a d’ailleurs fait connaître à Bortkiewicz, avec qui il correspondait. F. Allisson consacre plusieurs pages (p. 146-148) au personnage de Shaposhnikov car son rôle dans la pensée économique russe a été éclipsé par la stature de Dmitriev. Shaposhnikov était convaincu de la nécessité d’utiliser les méthodes mathématiques en économie. Ses principales sources d’inspiration ont été Walras, Ricardo et Tugan-Baranowsky, mais il a rapidement vu en Dmitriev et Bortkiewicz des auteurs incontournables en théorie de la valeur.
Sa synthèse, développée dans son ouvrage de 1912 Théorie de la valeur et de la distribution, est détaillée par F. Allisson (p. 148-153).
Shaposhnikov commence par établir la liste des facteurs qui déterminent la demande et l’offre. La demande d’un bien est déterminée par : 1) l’utilité marginale du bien ; 2) l’utilité marginale de tous les autres biens ; 3) le pouvoir d’achat de la monnaie, c’est-à-dire le revenu des acheteurs. L’offre est déterminée par : 4) la quantité de travail incorporée dans la production du bien ; 5) la durée du processus de production ; 2236) le taux de salaire ; et 7) le taux de profit. Certains de ces facteurs sont considérés comme donnés, car ils ne relèvent pas de l’investigation économique : il s’agit des facteurs 1, 2, 4, et 5 qui relèvent de la psychologie, de la physiologie, ou des sciences techniques. Reste donc pour la théorie économique, le revenu des acheteurs, le taux de salaire et le taux de profit. Il en résulte que la compréhension économique des prix sera réalisée quand la question de la répartition du revenu national entre salaires et profits sera résolue.
La demande d’une quantité d’un bien, pour des prix donnés, dépend de l’utilité marginale du bien, des prix des autres biens et du revenu des acheteurs (il divise la contrainte budgétaire en autant de « fonds » qu’il y a de biens, reprenant le principe de l’égalisation des utilités marginales pondérées).
L’offre de biens sur le marché dépend de leurs coûts de production, qui incluent les dépenses en salaires et biens intermédiaires, ainsi que le profit au taux normal. Pour Shaposhnikov, ces coûts de production doivent être envisagés comme coûts de reproduction de long terme, ce qui le conduit à distinguer la situation de monopole de celle de libre concurrence. En situation de monopole, la quantité offerte et le profit dépendent de la nature des coûts (croissants, décroissants ou constants). En situation de libre concurrence, prix et coûts de production coïncident en équilibre statique. Si la mobilité du capital n’est pas parfaite, l’influence des coûts de production se fait sentir graduellement, les prix pouvant se situer pendant un certain temps au-dessus ou dessous des coûts. Si par contre, il y a un changement des prix des inputs ou des salaires, et si les prix ne couvrent plus les coûts, la production cesse brutalement.
Shaposhnikov reprend l’analyse des coûts de Ricardo, avec les améliorations réalisées par Dmitriev et Bortkiewicz. Son point de départ est la division smithienne du prix en salaire, profit, et rente. Comme, chez Ricardo la rente dépend des prix, il reste le salaire, qui dépend de la quantité de travail et de sa valeur, et le profit, qui dépend du montant du capital et de la durée du processus de production. En situation concurrentielle, dans laquelle les taux de profit et les taux de salaire sont égalisés, les différences de prix entre deux biens sont expliquées par la somme totale de travail dépensé et la durée du processus de production.
Pour le calcul de la somme totale de travail, qui comprend le travail direct et indirect, Shaposhnikov reprend l’analyse de Dmitriev : il 224n’est pas besoin de remonter loin en arrière, par étapes, pour calculer le travail indirect, puisqu’il est possible, avec le système d’équations de Dmitriev, de déterminer simultanément le travail direct et indirect sous des conditions techniques données. Sur le rôle du capital fixe, il reprend l’idée de Bortkiewicz d’après laquelle la composition organique du capital, et par extension le capital fixe, n’affecte pas les prix relatifs dès lors que le capital fixe est considéré comme du travail passé.
Finalement, la synthèse de Shaposhnikov est fondée sur l’idée que les évaluations subjectives du côté de la demande, et les conditions objectives de production, du côté de l’offre, sont toutes deux nécessaires pour fournir une théorie complète de la valeur. La théorie de la demande permet de déterminer les prix de marché pour une quantité offerte donnée. Quant aux coûts de production, ils dépendent de l’échelle de la production, qui elle-même dépend de la demande (p. 151-152).
Le dernier auteur étudié par F. Allisson est L. N. Yurovsky (1884-1938). Retenons qu’avec lui certains caractères spécifiques de la synthèse russe disparaissent (p. 159-160) : 1) Marx disparaît de la scène ; 2) la valeur disparaît ; 3) il n’y a pas de problème de la transformation ; 4) bien que la question reste ouverte, le travail ne joue plus aucun rôle. Son essai de synthèse est plus en phase avec l’approche de Marshall qu’avec celle de la tradition russe inaugurée par Tugan-Baranowsky.
L’ouvrage de François Allisson n’est pas un ouvrage critique car ce n’est pas son objet. C’est un ouvrage pionnier d’histoire de la pensée économique par le thème qu’il aborde, par les références qui le soutiennent, dont on doit souligner la richesse. À ce propos, il est réconfortant de constater qu’une génération contemporaine d’économistes russes se tourne vers l’histoire nationale de leur discipline, perpétuant ainsi une partie de l’immense savoir russe.
Guy Bensimon
Institut d’Études Politiques
de Grenoble
1 Cette revue ne parut réellement qu’à partir de 1948.
2 Toute référence avec la date et la page renvoie à l’ouvrage.
3 Les numéros de page renvoient à l’ouvrage recensé.
4 Nous conservons la graphie anglaise de l’ouvrage pour les noms des auteurs.
5 Voir Pascal Bridel, « Bortkiewicz et Walras : note sur une collaboration intellectuelle avortée », Revue d’économie politique, 2008/5, Vol. 118, p. 718.
- CLIL theme: 3340 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Histoire économique
- ISBN: 978-2-406-06350-6
- EAN: 9782406063506
- ISSN: 2495-991X
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-06350-6.p.0207
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 12-13-2016
- Periodicity: Biannual
- Language: French