Éditorial « C’était un docteur… »
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Revue Bossuet Littérature, culture, religion
2020, n° 11. Bossuet et l’Italie (xviie-xxe siècle) - Auteur : Belin (Christian)
- Pages : 11 à 13
- Revue : Revue Bossuet
Éditorial
« C’était un docteur… »
In memoriam Jacques le Brun.
Ses conseils étaient droits, ses sentiments purs, ses réflexions efficaces, sa fermeté invincible. C’était un docteur de l’ancienne marque, de l’ancienne simplicité, de l’ancienne probité1.
Tels furent les mots employés par Bossuet pour rendre un vibrant hommage à Nicolas Cornet, Grand Maître du collège de Navarre. Ils s’appliqueraient assez bien, convenons-en, à cet autre « grand maître » que fut Jacques le Brun, dont nous déplorons la disparition en cette sombre année frappée par l’épidémie du coronavirus. Il était le vice-président d’honneur de notre Association et il en avait toujours été un membre très actif, siégeant avec fidélité aux conseils d’administration qu’il éclairait de ses « conseils » judicieux et de ses « réflexions » pertinentes. Jacques le Brun ne fut pas seulement un maître des études bossuétistes, mais l’un des meilleurs spécialistes de la spiritualité du xviie siècle. Il serait inutile de retracer ici le parcours impressionnant de ses recherches, depuis Bossuet jusqu’à la mystique du pur amour, toujours ouvertes à de nouvelles interrogations ; on pourra lire à ce propos le bel hommage que lui rendent Sophie Houdard et Gérard Ferreyrolles.
12Tous ceux qui ont approché Jacques le Brun, et tous ceux qui le consultaient, demeuraient assez vite frappés par l’étendue panoramique d’un savoir qui n’était jamais figé dans un acquis ne varietur, mais toujours mobile au contraire, et toujours prêt à se laisser configurer autrement. L’érudition la plus exigeante restait au service de la pensée, et elle savait, chez lui, se convertir en plaisir de la spéculation. Il était parmi nous le nouveau Mabillon dont le patient labeur soulageait nos efforts. Sur le plan intellectuel, mais encore davantage sur le plan humain, Jacques le Brun conjuguait la science avec cet esprit d’humilité qui l’habitait en profondeur. Avec lui « l’ancienne simplicité » de la grande tradition universitaire humaniste demeurait précisément toujours neuve et toujours actuelle, parce que sans cesse renouvelée et réactualisée. Sa personnalité en faisait un être rayonnant, et son œuvre nous en restitue les lumières.
Comme on peut s’en douter, le « confinement » sanitaire a eu des répercussions sur le calendrier de nos activités. Le colloque international Pierre Le Moyne (1602-1671) : l’écriture d’un jésuite, qui devait se dérouler au printemps, à Montpellier, aura lieu l’an prochain. Les Actes ne pourront donc être publiés dans le prochain numéro de la Revue Bossuet, et le conseil d’administration de décembre devra reprogrammer nos activités à venir, à savoir un numéro thématique consacré à la réception de Bossuet en Angleterre et un colloque portant sur Molière et la religion, qui devait avoir lieu en 2022, année du quatrième centenaire de la naissance du dramaturge.
En dépit des difficultés du moment (même notre jeune et vaillant trésorier, Julien Gominet, a été durement touché par le coronavirus), l’Association n’en a pas moins continué à mener une vie souterraine, mais active. Clément Van Hamme, sous contrat doctoral à la Sorbonne, a créé un site web dédié à notre Association et à la Revue Bossuet2. Le site est désormais ouvert, et, même s’il doit encore s’enrichir de données et de documents, il offre une très belle visibilité à nos travaux. Les informations sont distribuées en des rubriques méthodiquement ordonnées. La création de cette plate-forme représente évidemment un atout considérable pour la diffusion et le rayonnement de la Revue Bossuet. Elle nous permettra également d’affermir nos relations, d’une part avec la bibliothèque diocésaine de Meaux, où se trouve le siège officiel de notre 13Association et où sont déposées nos archives, et d’autre part avec le site web des Éditions Garnier. Le travail accompli par Clément Van Hamme, assez fastidieux parfois, comme on s’en doute aisément, est tout à fait remarquable, et nous le remercions du fond du cœur pour nous avoir offert ce gîte nouveau, dont on pourra apprécier la finition et l’élégance.
Notre Association et notre Revue ont aussi entamé une coopération avec le CAHSA, Collectif d’Anthropologie et d’Histoire du Spirituel et des Affects, qui fait dialoguer, depuis 2013, des spécialistes issus de différentes disciplines, autour de la problématique du rapport entre les affects et le spirituel. Présidé par Joy Palacios, de l’Université de Calgary (Alberta, Canada), et basé à Montréal, au Québec, mais en collaboration également avec l’Université de Fribourg, ce groupe de recherche se propose d’étudier « le spirituel tel qu’il se révèle et s’exprime dans l’espace atlantique français, à travers des sources écrites et matérielles ». J’ai eu le plaisir, le 6 décembre dernier, de participer à ces activités de recherche en donnant une e-conférence en direct intitulée Historicité et anhistoricité du texte spirituel. Comment catégoriser l’émotion spirituelle ? Les conférences sont disponibles sur le site web du CAHSA et accessibles en différé aux membres du Collectif.
Le présent numéro est consacré au rayonnement de Bossuet en terre italienne. Lorsqu’il fut question de proposer cet objet d’étude, Jacques le Brun nous avait assuré qu’en dehors de quelques articles – du reste fort instructifs –, il n’avait encore jamais été traité et qu’il méritait assurément de l’être. Les différentes contributions ici rassemblées en sont la parfaite illustration. Bossuet fut beaucoup lu, traduit et imité, mais la diffusion de ses ouvrages, tant sur le plan oratoire que sur celui de la spiritualité ou de la philosophie, ménage quelques surprises, comme le montre par exemple magistralement Benedetta Papasogli à propos de Leopardi. Dans son opuscule polémique Gallia orthodoxa, Bossuet évoque, à propos de l’Église, un point d’observation situé au-delà des Alpes, in angulo Italiae. On tire un grand profit intellectuel à faire interférer les angles et les prises de vue. N’est-ce pas l’une des plus belles leçons que nous ait donnée Jacques le Brun ?
Christian Belin
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-11049-1
- EAN : 9782406110491
- ISSN : 2494-5102
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-11049-1.p.0011
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 09/11/2020
- Périodicité : Annuelle
- Langue : Français