La voix des évêques dans la littérature pastorale Le cas de l’affaire du quiétisme en France
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Revue Bossuet Littérature, culture, religion
2019, n° 10. varia - Auteur : Morimoto (Norihiro)
- Pages : 51 à 68
- Revue : Revue Bossuet
LA VOIX DES ÉVÊQUES
DANS LA LITTÉRATURE PASTORALE
Le cas de l’affaire du quiétisme en France
Le concile de Trente définissait la prédication comme la « fonction principale » des évêques1. Les décrets des conciles provinciaux à la fin du xvie et au début du xviie siècles, inspirés de ceux de Charles Borromée, insistaient sur la réforme de la prédication2. Confrontés à des situations récurrentes de controverse entre catholiques et protestants, les évêques de France ont senti davantage l’importance de la prédication, puisque l’administration du diocèse consistait en partie dans la transmission de la parole de Dieu, de la tête aux membres de l’Église. À cette fin, l’éducation rhétorique et la formation sacerdotale ont conduit les jeunes prédicateurs à apprendre l’éloquence aussi bien que la doctrine, et à lire sous un double point de vue des modèles tels les Pères de l’Église ; c’est dans cette lignée que Bossuet a écrit vers 1670 au jeune cardinal de Bouillon qu’il fallait « former le style et apprendre les choses3 ».
Cependant, l’accès à la voix des évêques nous est restreint. En effet, les évêques imprimaient rarement leurs sermons. Jean-Pierre Camus mis à part, ce sont plutôt les prédicateurs-pédagogues qui se permettaient de publier leurs sermonnaires4. Si Bossuet, Fromentières ou Fléchier ont vu leurs oraisons funèbres éditées, ils ne les ont prononcées ni dans leur cathédrale ni même dans leur diocèse. Parmi une dizaine de sermons 52de Fénelon édités à son insu, on n’en connaît qu’un seul de la main de l’archevêque pour le sacre de l’électeur de Cologne. Comment peut-on s’approcher de la cathèdre au temps de Bossuet ? Il nous semble que les réflexions sur l’éloquence sacrée auxquelles s’adonnent les évêques font écho à une autre forme de prise de parole épiscopale : la littérature pastorale. Dans la seconde moitié du siècle, les évêques commencent à imprimer leurs écrits adressés au clergé diocésain, quelles que soient leurs formes (lettre, instruction, ordonnance ou mandement), dont l’usage varie selon les évêques et même selon les périodes5. Et, dans une certaine mesure, la perfection du style oratoire permet à des évêques de fournir un modèle aux écrits pastoraux. Car littérature pastorale et prédication sont intimement liées dans leur pratique, visant à transmettre la parole de l’évêque à chaque fidèle par le biais des prônes ou des prédications des curés. Lors de l’ordonnance sur les états d’oraison en 1695, Bossuet écrit en ces termes : « Mandons et ordonnons à tous curés, vicaires et prédicateurs, de publier dans leurs prônes et prédications notre présente Ordonnance et Instruction, aussitôt qu’elle leur sera adressée6 ». Dans ce cas, la clarté et l’éloquence des écrits doivent assurer le succès de la prédication des curés et, par là même, l’efficacité de la prise de parole épiscopale. Cette exigence s’impose davantage quand il s’agit de s’adresser non seulement aux ecclésiastiques, mais aussi aux simples fidèles, aux Nouveaux Convertis après la Révocation de l’édit de Nantes ou aux lecteurs d’écrits litigieux dans l’affaire du quiétisme.
Notre dessein n’est ici ni de refaire l’histoire de la querelle du quiétisme ni de reprendre ses enjeux doctrinaux7, mais de voir pour qui et en quel style les évêques rédigent leurs écrits pastoraux, afin de mesurer à quel point cette querelle affranchit la littérature pastorale de la forme 53traditionnelle. Nous rappellerons sommairement la contribution de Bossuet à la mutation du genre dans les années 1680, qui renouvelle la réforme des lettres pastorales et des catéchismes diocésains, avant d’interroger la diversification de l’usage des écrits pastoraux au moment de l’affaire du quiétisme, et enfin d’en venir au cas particulier de Fénelon, qui nous paraît marquer un tournant décisif dans le développement du genre8.
Bossuet et la mutation
de la littérature pastorale
Les évêques s’adressaient-ils par écrit directement aux ouailles, paysans et ouvriers ? Le nombre des lecteurs, quoique grandissant, était limité tout au long du xviie siècle. Le genre le plus facile comme le petit catéchisme ne cherchait guère à être lu par les fidèles. Au début du siècle, on utilisait les catéchismes plus ou moins théologiques de Canisius, du concile de Trente et de Bellarmin, où figuraient des termes scolastiques qui n’étaient pas tant familiers aux catéchumènes qu’aux catéchètes9. Si, dès les années 1660, de nombreux évêques se sont efforcés de publier des catéchismes en français, c’est qu’ils s’adressaient avant tout au clergé diocésain en vue d’unifier l’instruction catéchétique dans toutes les paroisses du diocèse. De fait, cette réforme de la littérature catéchétique venait se greffer sur celle, plus large, de la littérature pastorale amorcée par la publication des écrits de Charles Borromée : Jean-Jacques Olier a contribué à faire paraître en 1643 un gros volume des Acta ecclesiæ mediolanensis ; l’archevêque de Toulouse, Charles de Montchal, a fait traduire les écrits pastoraux de l’archevêque de Milan pour les publier en 1648 sous le titre des Instructions aux confesseurs ; l’assemblée du clergé de France 54a largement distribué cette traduction à ses frais en 1657. Ce recueil, réédité à de nombreuses reprises jusqu’au xviiie siècle, pouvait servir de modèle à la littérature pastorale. En parallèle, les lettres pastorales que l’on avait fait circuler dans le clergé diocésain commençaient à être publiées, mais, à quelques exceptions près, elles n’excédaient pas une dizaine de pages à cette période, traitant souvent de sujets conjecturaux qui ne concernaient pas directement les fidèles10.
La situation particulière au moment de la Révocation a amené Bossuet à modifier la nature générique de la littérature pastorale11. En 1682, par suite du succès international de l’Exposition de la doctrine de l’Église catholique, l’évêque de Meaux s’est vu conférer par le pouvoir royal un privilège général pour faire imprimer tous les ouvrages qu’il aurait composés12. Il s’est attaché à développer ses idées sur l’Église et l’eucharistie qu’il avait brièvement expliquées dans l’Exposition, en composant la Conférence avec M. Claude et le Traité de la communion sous deux espèces. Si visibles que fussent les efforts stylistiques de Bossuet pour mettre ses écrits à la portée des fidèles, l’exigence de la controverse l’a empêché d’achever les ouvrages plus particulièrement adressés à ses ouailles. Il s’est contenté de poursuivre les homélies pastorales ou de prendre la parole dans les synodes diocésains qui servaient de base à la prédication des curés. Cependant, après la Révocation, il a publié la Lettre pastorale aux nouveaux convertis de son diocèse en vue de les préparer à la communion pascale. Il s’éloigne délibérément de l’usage ordinaire des lettres pastorales chez les catholiques, puisque le ministre réfugié, Jean Claude, allègue les pratiques littéraires de l’évêque de Carthage Cyprien qui s’adressait « aux fidèles de Carthage, pour les exhorter à la pénitence et au martyre13 ». Malgré une sorte d’ordonnance qui prévient les fidèles contre les lettres des ministres, la Lettre pastorale de Bossuet n’est plus la reproduction d’une circulaire adressée au clergé diocésain. Riche de nombreuses citations scripturaires, agrémentée d’images et de comparaisons, elle compte plus de 50 pages in-quarto. Elle marque aussi bien les points cardinaux de la réfutation 55de l’hérésie que la manière dont il convient de s’adresser aux Nouveaux Convertis ; elle expose, explique et, pour ainsi dire, prêche la doctrine : « C’est Jésus-Christ même qui vous invite à ce banquet de paix ; et vous devez croire qu’il vous dit par ma bouche : “J’ai désiré d’un grand désir de manger cette pâque avec vous14.” »
Il n’est dès lors pas étonnant de voir Bossuet publier par la suite le Catéchisme du diocèse de Meaux, moins théologique qu’oratoire, d’un style simple et familier tel qu’il se profile dans le Catéchisme historique de son ami Claude Fleury. Non que Bossuet soit le premier à réformer le style sec du catéchisme, mais il est parfaitement conscient que le style du catéchisme doit déboucher sur celui des sermons. C’est sur ce point qu’il insiste dans l’avertissement aux curés :
Il nous a aussi paru que le fruit du catéchisme ne devait pas être seulement d’apprendre aux fidèles les premiers éléments de la foi, mais encore de les rendre capables peu à peu des instructions plus solides ; de sorte qu’il a fallu commencer à leur en inspirer le goût et leur donner quelque teinture du langage de l’Écriture et de l’Église, afin qu’ils fussent en état de profiter dans la suite des sermons qu’ils entendraient15.
Ayant exhorté les curés à glisser dans leurs sermons « quelque chose du catéchisme », Bossuet s’oriente vers les « pères et mères », « premiers et principaux catéchistes » des enfants, « afin que peu à peu toutes les familles soient instruites16 ». L’importance du rôle des parents est un lieu commun du petit catéchisme, mais nul ne prend autant au sérieux la manière dont le catéchisme prépare les ouailles à écouter la prédication. En cela, Bossuet reconnaît « un charme secret » aux récits historiques et préconise l’hypotypose de Jésus-Christ mise en rapport avec le contenu de l’instruction17 : il s’agit de former le goût littéraire utile à l’édification. L’intérêt du choix du langage évangélique est double : d’une part, il aide les curés à prêcher de la même façon que le catéchisme ; d’autre part, les fidèles, lorsqu’ils sont capables de lire le catéchisme, apprennent la doctrine comme s’ils écoutaient les sermons de l’évêque.
56Il est intéressant de remarquer que Fleury énonce la nouvelle définition canonique de la littérature pastorale dans son Institution au droit ecclésiastique de 1687 : « On peut aussi compter pour prédications les instructions que les évêques donnaient par leurs lettres et par leurs autres écrits, lorsqu’ils étaient consultés ou obligés de s’opposer à quelque nouvelle hérésie. De tant de Pères qui ont écrit pendant les huit premiers siècles, il n’y en a guère qui ne fussent évêques18. » C’est par l’autorité canonique de la prédication que Fleury justifie l’usage moderne de la littérature pastorale que l’on peut sans peine identifier à celui de Bossuet. Et le jeune Fénelon les rejoint en ce qu’il écrit aussi que « le ministère de la parole a été réservé aux évêques pendant plusieurs siècles, surtout en Occident19 ». Les lettres pastorales comme les catéchismes diocésains sortent ainsi légitimement de l’espace diocésain pour atteindre un plus vaste public. Si l’Exposition consacre le Bossuet écrivain-controversiste, ce sont la Lettre pastorale et le Catéchisme qui l’érigent en écrivain-évêque. Du reste, c’est non pas l’imprimeur épiscopal, mais Sébastien Mabre-Cramoisy, libraire parisien et directeur de l’Imprimerie royale, qui s’occupe de publier ces écrits pastoraux, ce qui atteste de leur large diffusion dans le royaume et au-delà20. L’évêque de Meaux propose un modèle d’instruction diocésaine sur lequel peuvent se calquer d’autres évêques. Il renouvelle ce que l’archevêque de Milan avait fait un siècle auparavant dans son diocèse, sans pour autant oublier de s’adresser aux fidèles dans le sillage salésien ; c’est ce que résumaient bien les phrases antithétiques qu’il a prononcées en 1660 dans son panégyrique de François de Sales : « Saint Charles a réveillé dans le clergé cet esprit de piété ecclésiastique ; l’illustre François de Sales a rétabli la dévotion parmi les peuples21. »
57La littérature pastorale
dans l’affaire du quiétisme
Quelle est la part de l’affaire du quiétisme dans cette mutation de la littérature pastorale ? De fait, c’est tout au long de cette affaire que les lettres circulaires se sont transformées en instructions pastorales imprimées. Les « actes de la condamnation des quiétistes » repris dans l’Instruction sur les états d’oraison de Bossuet, publiée en 1697, montrent bien comment les prélats sont amenés à diffuser amplement les écrits pastoraux22. Parmi les documents officiels, Bossuet doit se contenter de publier la bulle Cœlestis Pastor fulminée en 1687 et une série de décrets de l’Inquisition romaine entre 1688 et 169223. Parmi les circulaires, il fait traduire les lettres des cardinaux Caraccioli et Cibo aussi bien que celle de l’archevêque de Séville, Jaime de Palafox y Cardona, auxquelles s’ajoute une lettre pastorale de l’évêque de Genève, Jean d’Arenthon d’Alex, adressée aux curés de son diocèse.
En effet, l’affaire de Molinos a trouvé peu d’écho dans la littérature pastorale en France. C’est l’archevêque de Paris, François de Harlay de Champvallon qui a défriché le terrain en promulguant l’ordonnance datée du 16 octobre 1694 qui condamnait solennellement trois livres, l’Analysis orationis mentalis du barnabite François La Combe, le Moyen court et le commentaire du Cantique des cantiques (sans nommer l’auteur Mme Guyon). Bien que les raisons précises de cette intervention restent obscures24, il faut constater que Harlay avait participé avec le Père de La Chaise, confesseur du roi, à la politique royale qui consistait à contrôler et distribuer des livres religieux au moment de la Révocation25. Il avait aussi condamné en 1693 la Nouvelle Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques d’Ellies du Pin. Rien d’étonnant s’il a réagi aux livres de Mme Guyon qui 58faisaient du bruit dans son diocèse. De façon traditionnelle, l’archevêque de Paris a rédigé son ordonnance adressée au clergé, insistant sur les prescriptions divines sans entrer dans les détails. Il faut noter qu’il ne cite ni la Bible ni les Pères dans ses périodes austères. Même s’il mentionne les notions guyoniennes (« consentement passif », « abandon », « béatitude essentielle »), il ne s’applique pas à les lier l’une à l’autre, à les mettre en rapport avec les versets scripturaires, à systématiser la mauvaise doctrine qu’il condamne : il se contente de déclarer hautement que cette doctrine est « bien éloignée de celle que Jésus-Christ marque dans l’Évangile26 ».
Il revient donc à l’évêque de Meaux d’avoir déclenché dans l’espace public un débat doctrinal qu’il avait amorcé dans les conférences d’Issy avec trois ecclésiastiques, Louis-Antoine de Noailles, évêque de Châlons, Louis Tronson, supérieur général de la Compagnie de Saint-Sulpice et Fénelon, défenseur de la tradition mystique. C’est pourquoi il a fait paraître son Ordonnance et Instruction pastorale sur les états d’oraison datée du 16 avril 1695. Comme l’indique le titre, il mélange l’ordonnance avec une brève instruction qui concerne non seulement la condamnation des livres, mais encore l’explication positive et approfondie de la doctrine. Ce procédé n’est pas sans rappeler celui de sa Conférence avec Claude ou plus largement des actes composés du compte rendu et du commentaire dans la tradition de la controverse depuis Du Perron. À partir des Articles d’Issy parus aussi dans cet écrit, Bossuet établit cinq principes de discernement des faux mystiques : l’exclusion de l’humanité de Jésus-Christ, le désintéressement, la suppression des actes, la manière de parler de la mortification et enfin la louange aux oraisons extraordinaires27. Pour les réfuter, il cite ou paraphrase constamment les psaumes et les épîtres pauliniennes, tout en évitant de parler « de certaines propositions dont les oreilles chrétiennes sont trop offensées28 ». Plus que la Lettre pastorale ou le Catéchisme, cet écrit paraît exclusivement adressé aux curés et surtout aux supérieurs des communautés religieuses de son diocèse, de sorte que ceux-ci puissent mettre en œuvre l’ordonnance par leurs prônes ou prédications, reprenant les citations bibliques, sans pour autant prononcer les phrases de « faux mystiques » qui contamineraient 59les ouailles : « il faut vous avertir avant toutes choses de prendre garde de n’entamer pas la véritable spiritualité en attaquant la fausse qui fait semblant de l’imiter : à quoi nous ne voyons rien de plus utile de vous mettre devant les yeux quelques vérités fondamentales de la religion, ordonnées à cette fin dans les articles suivants […]29. » Or le caractère positif de l’argumentation, portant les traces de la controverse ou du principe de l’« exposition », nous permet de supposer que Bossuet a une conscience aiguë de l’usage de cet instrument de travail auprès des fidèles et même en dehors de son diocèse. Bien plus, l’évêque de Meaux y incorpore parfaitement l’éloquence biblique, les psaumes servant de basse continue à l’ensemble de l’ordonnance. Il s’adonne en cela à multiplier les « paroles » de David, de Jésus ou de Paul qui s’harmonisent bien avec son style concis et pathétique. On y retrouve le prédicateur qui s’occupait des stations de Carême plutôt que l’auteur des oraisons funèbres. C’est ainsi que Bossuet a pu utiliser cet écrit dans la direction spirituelle de Mme Cornuau et dans celle de Mme d’Albert30, et que Tronson a pu en recommander la lecture à la duchesse de Charost31.
Cette ordonnance de Bossuet a été immédiatement suivie de celle de Noailles, intitulée Ordonnance contre les erreurs du quiétisme. L’évêque de Châlons, en qualité de signataire, peut lui aussi recourir aux Articles d’Issy, mais il adopte une stratégie tout à fait différente. Il ne propose ni l’éclaircissement des principes ni les commentaires des Articles, mais il concentre ses arguments sur « la science et la langue nouvelle ». Pour ce faire, il s’appuie sur un verset scripturaire analogue au « texte » d’une conférence ecclésiastique, sur l’« avis que saint Paul donne à son disciple Timothée, et en sa personne à tous les évêques, de rejeter les profanes nouveautés de paroles et tout ce qu’oppose une doctrine qui porte faussement le nom de science32 ». C’est le sens des expressions qui est ici mis en cause : « Il 60n’y paraît d’abord rien que de parfait et de saint, on ne parle que de pur amour de Dieu, d’indifférence, d’abandon, de repos, d’anéantissement, de pureté, de souffrance, de rassasiement, de simplicité, et d’autres termes semblables qui ne donnent que des idées pures et saintes ; mais quand on cherche le sens de ces grandes expressions, on trouve qu’elles signifient dans cette doctrine toute autre chose que dans l’Écriture et dans les ouvrages des saints33. » Il convient de signaler que Noailles n’aborde pas de front les notions conçues par Bossuet comme principes. Cela ne signifie nullement leur divergence doctrinale, mais au contraire leur complémentarité. L’évêque de Châlons s’efforce de faire voir de façon sensible combien les conséquences de ses expressions sont pernicieuses aux fidèles aussi bien qu’éloignées des pratiques communes de l’Église. Or il y a une certaine disparité entre le style et le but persuasif. Noailles reste fidèle à la tradition des ordonnances adressées au clergé diocésain. Il n’ose pas opter pour la nouvelle forme qui amalgame l’ordonnance et l’instruction pastorale. Et, quoiqu’il déclare élever la « voix » contre les hérésies de son temps34, il n’en adopte pas moins un style écrit qui est certes conventionnel, mais peu à même de toucher le cœur des fidèles. Le recours au « démon » dépourvu de l’ornement oratoire paraît ici symptomatique : « Ce sont deux extrémités également dangereuses, où le démon veut exposer les fidèles. Il veut non seulement par ces nouveautés engager les âmes dans l’illusion, mais aussi par la trop grande crainte d’y tomber, en éloigner plusieurs autres de la vraie et pure oraison35. »
Sept mois plus tard, l’évêque de Chartres, Paul Godet des Marais, a publié son Ordonnance et Instruction pastorale36. Celle-ci concernait non seulement les trois livres condamnés, mais encore le manuscrit des Torrents de Madame Guyon qui circulait surtout à Saint-Cyr. Le principe argumentatif ressemble à celui de Noailles en ce qu’il consiste à exposer « le sens naturel de tant d’expressions mystérieuses37 ». Mais le style est beaucoup plus familier : « Hé ! qui est-ce qui ne voit pas que ces maximes 61renferment en termes équivalents, et quelquefois en termes exprès, ou par des conséquences nécessaires, les principaux articles qui ont été condamnés dans Molinos38 ? » En cela, Godet des Marais n’hésite pas à intégrer à son instruction des extraits des imprimés aussi bien que des manuscrits de Mme Guyon ; il s’applique à multiplier les citations scripturaires pour montrer les fondements doctrinaux autant que pour rendre familier le style de l’ordonnance. Dans l’exorde, d’ailleurs, il recourt à une sorte de prosopopée assez complexe, mais chère aux panégyristes, en invoquant Bernard pour le laisser prononcer la parole de Jésus-Christ39. Dans la péroraison, le style est très élevé, dans un mouvement oratoire :
L’amour de Dieu a ses croix, son travail, ses contraintes ; il a aussi son repos, sa liberté, ses joies innocentes ; il a son secret, ses faveurs, ses privilèges. L’amour divin a ses abaissements, ses obscurités, ses alarmes au Calvaire. Il a aussi au Tabor ses moments d’élévation, ses distinctions, ses illustrations : il y est instruit par la Loi et les Prophètes ; il y comprend la charité excessive de Jésus-Christ mourant ; il y voit Jésus transfiguré ; il y est environné de sa gloire ; il y entend la voix du Père Éternel : C’est ici mon fils bien-aimé. Mais jamais il ne secoue le joug des lois communes, et des pratiques du christianisme ; jamais il ne porte ses expériences au-delà des bornes que la foi a mises ; jamais il ne s’écarte d’une ligne du sentier des justes ; jamais il n’a porté la perfection au-delà des vertus ; jamais il ne s’en sépare, quelqu’élevé qu’il soit au-dessus d’elles40.
Les sermons de Godet des Marais n’ont pas été conservés, mais ici on a l’impression d’entendre sa voix. Ces quatre ordonnances jouent ainsi des rôles complémentaires. Harlay et Noailles recourent plus ou moins à une rhétorique appropriée à l’ordonnance, traitant simplement des points principaux de la doctrine ou de la discipline : il s’agit moins de convaincre les diocésains par une persuasion élaborée que de faire accepter la décision, quel que soit son contenu. En revanche, l’instruction pastorale de Godet des Marais, encore plus que celle de Bossuet, suppose des scènes concrètes de la prédication, notamment à Saint-Cyr, où la spiritualité guyonienne était encore influente41. Rien d’étonnant si la 62forme de l’ordonnance s’apparente aux sermonnaires. Les prédicateurs peuvent en utiliser non seulement les idées, mais aussi les expressions pour gagner le peuple diocésain. Il n’est du reste pas impossible que l’évêque lui-même ait prononcé cette instruction. Intégrant ces quatre ordonnances dans son livre Instruction sur les états d’oraison, Bossuet s’adonne avant tout à montrer l’unité de l’épiscopat par ces actes de condamnation, mais il doit avoir intérêt à en reprendre l’ensemble des textes rédigés selon des principes et des styles différents pour s’adapter à des lecteurs divers.
L’Instruction pastorale de Fénelon (1697)
Fénelon, lui, ne manifestait pas encore sa prise de position publique à l’égard des écrits de Mme Guyon42. Il gardait le silence sur la spiritualité et refusait l’approbation d’un traité de Bossuet43. Il s’indignera plus tard : « rien ne serait plus bas et plus lâche que de faire enfin, hors de propos, une censure, qui paraîtrait forcée, d’un livre dont il n’est pas question dans mon diocèse44. » Cependant, il devait approfondir ses réflexions sur cette matière en composant l’Explication des Articles d’Issy. Et surtout il n’était pas indifférent à l’art d’écrire : il trouvait l’ordonnance de Godet des Marais « fort bien composée et en approuvait fort le style45 ». Enfin, en janvier 1697, l’archevêque de Cambrai a publié à Paris l’Explication des maximes des saints, avant de s’adresser aux diocésains. Le souci pédagogique n’est pas absent de cet ouvrage : Fénelon rapporte chaque point polémique au système des cinq degrés d’amour ; en employant une forme particulière des articles (« vrai » et « faux »), il fait en sorte de répondre aux questions du lecteur46.
63Néanmoins, l’ouvrage n’était pas satisfaisant aux yeux des savants. Car Fénelon a supprimé beaucoup de citations d’auteurs approuvés qu’il avait recueillies avec ardeur. Pour montrer quelle était la nature de sa « soumission » au jugement du pape, il s’est contenté au départ de faire circuler deux lettres adressées « à un ami » à la Cour comme à Rome47. Suivant le conseil de Godet des Marais, il a songé à faire une courte « instruction » qui annoncerait la nouvelle édition corrigée des Maximes48. C’est après la publication de la Déclaration, signée le 6 août 1697 par trois évêques, Bossuet, Noailles et Godet des Marais49, qu’il a réalisé ne plus pouvoir compter que sur sa plume : « le troupeau, écrira-t-il au Père de La Chaise, qui m’a été confié me regarderait désormais, non comme un pasteur, mais comme un loup dévorant, si je ne le détrompais sur les accusations atroces de la Déclaration de ces prélats50. » C’est ainsi qu’a été publiée l’Instruction pastorale datée du 15 septembre 1697 :
Tout chrétien, loin d’entrer dans des disputes, doit au contraire s’expliquer de plus en plus, pour tâcher de contenter ceux qui ont eu de la peine sur ses premières explications. Un évêque, loin d’être dispensé par son caractère de suivre cette règle, est obligé à la suivre plus qu’aucun autre, puisqu’il doit tout à la vérité dont il est dépositaire, et à la charité, qui souffre tout pour l’édification de l’Église. C’est dans cet esprit, mes très chers frères, que je veux tâcher de vous faire entendre le sens des principaux endroits de mon livre qui ont arrêté plusieurs lecteurs, afin que vous puissiez nous aider à établir les maximes de la plus pure spiritualité, et à écarter avec horreur toutes celles qui peuvent favoriser l’illusion51.
À vrai dire, cet ouvrage ne porte pas sur la discipline ecclésiastique. Bien qu’il soit adressé au clergé diocésain, il déborde l’usage de la littérature pastorale plus encore que ne le font les ordonnances des quatre évêques. Alors que ceux-ci ont pour fin ultime d’interdire la lecture des écrits litigieux, Fénelon est obligé de soutenir sa « doctrine personnelle » qui lui paraît conforme à la tradition52, ce qui est tout à fait exceptionnel dans la 64littérature pastorale. Face à des adversaires qui publient l’un après l’autre des écrits à portée universelle, Fénelon doit lui aussi chercher à gagner l’opinion publique dans son diocèse aussi bien qu’à Paris, à Versailles et à Rome. On n’y trouve guère la volonté pastorale de faire transmettre la parole de l’évêque par la prédication des curés. La première partie conçue au début comme une courte instruction apparaît finalement enrichie de longs commentaires de la tradition spirituelle, celle des Pères (de Clément d’Alexandrie à Bernard), des théologiens (d’Albert le Grand à Bellarmin), des mystiques modernes (de Ruysbroeck à Surin).
Sans doute l’aspect matériel est-il non négligeable. Fénelon pense d’abord à envoyer à Rome l’instruction imprimée et les commentaires manuscrits53, mais il change d’avis pour en faire un seul écrit imprimé. S’il veut multiplier les exemplaires d’un tel travail, les manuscrits doivent lui couter plus cher que les imprimés54. Et pourtant, à la différence des accusateurs, il n’a « la liberté de rien faire imprimer55 ». Dans ces conditions, le seul moyen légitime d’imprimer son écrit est de choisir la forme de l’instruction pastorale associée à son autorité épiscopale. Cette stratégie polémique est probablement facilitée par le fait que le diocèse de Cambrai, hispano-français, est assez indépendant de la politique de l’Église gallicane56. Or, l’Instruction pastorale ne commence à être diffusée que deux mois après la date de la signature. Dans cette querelle, il y a une inégalité énorme entre les deux camps. Contrairement à la conjecture de Bossuet qui « est étonné du soin de cacher une ordonnance publique57 », Fénelon semble avoir un véritable problème lié à l’impression dans son diocèse : « Dès qu’il faut faire une controverse contre mes confrères, je ne puis imprimer contre eux à Paris où ils sont les maîtres, ni en Hollande, où cela serait indécent, ni ici où l’impression est si lente et si mauvaise58. »
65Telles sont les circonstances particulières dans lesquelles Fénelon publie son premier écrit pastoral. Comment est mise en œuvre son intention de s’adapter au clergé diocésain et éventuellement aux fidèles ? L’effort pédagogique consiste avant tout dans la clarté et l’évidence de l’argumentation. Fénelon réduit les questions à deux points : « un amour de Dieu indépendant du motif de la récompense » et « un état de charité parfait » où les âmes « n’ont plus d’ordinaire aucune affection mercenaire ou intéressée59 ». Avant d’entamer une longue démonstration de la tradition, il n’omet pas de commenter le catéchisme du concile de Trente. À quoi s’ajoutent les dispositifs rhétoriques mobilisés avec modération, telle l’apostrophe (« mes très chers frères ») qui sert à marquer chaque fois les points importants à retenir. Ce qui caractérise enfin ce gros ouvrage, c’est moins le style psalmique d’un Bossuet qui maîtrise le rythme et les images que le style naturel, familier et naïf qui s’attache à paraphraser librement la Bible (surtout Job) ou les Pères, style considéré par Godet des Marais comme « le tour ingénieux60 » :
Regardez comme des antéchrists ceux qui voudraient inspirer aux fidèles une perfection où ils perdraient de vue Jésus-Christ auteur et consommateur de notre foi. Défiez-vous non seulement des maximes monstrueuses qui sapent les fondements de la foi et des mœurs, mais encore de certaines conduites indiscrètes qui rendent trop général ce qui ne convient qu’à un petit nombre d’âmes, et qui tendent à mettre trop tôt ces mêmes âmes dans des états de perfection dont elles ont à peine de faibles commencements. Noli altum sapere, sed time. Ne laissez point les âmes dans un goût de curiosité, ni dans un désir secret d’atteindre toujours aux choses les plus hautes ; mais tenez-les dans une humble crainte61.
Fénelon s’efforce ainsi d’élaborer une forme d’instruction pastorale propre à satisfaire l’exigence des plus savants théologiens en même temps que le besoin des pasteurs et des fidèles, ce que les trois prélats font chacun de leur côté62. Ceux-ci continuent en effet à publier leurs 66écrits en jouant des rôles complémentaires : Bossuet peut se concentrer sur la composition d’ouvrages latins tel le traité de Summa doctrinæ pour la cour romaine ; Noailles, en qualité d’archevêque de Paris, est susceptible d’adresser son Instruction pastorale à un public élargi ; Godet des Marais manifeste, dans sa Lettre pastorale, un souci plus littéraire, voire populaire, qui était en germe dans son ordonnance de 1695. Du reste, Bossuet met en doute l’intention de Fénelon, faisant circuler dès 1697 un manuscrit pamphlétaire De Quietismo in Galliis refutato, avant de publier la fameuse Relation sur le quiétisme. Mais il faut souligner que ces conditions de la querelle sont en grande partie préparées par une série de prises de parole épiscopale, de publications d’ordonnances et d’instructions pastorales.
À long terme, la réforme pastorale conduit les écrits pastoraux à adopter diverses façons de transmettre la parole des évêques. Se remarquent ainsi des différences, doctrinales ou stylistiques, entre les évêques dans la littérature pastorale, visant à persuader les fidèles en dépit des contraintes formelles. D’un point de vue générique, les lettres et instructions pastorales sont nées comme un supplément à l’ordonnance ou au mandement, afin de consolider leur publication et leur observance à travers les prônes ou les prédications des curés. Mais elles s’en démarquent rapidement pour communiquer directement la parole et la voix des évêques. Au cours de l’affaire du quiétisme, les lettres circulaires sont progressivement remplacées par les instructions pastorales qui s’apparentent à un écrit librement composé, puisqu’elles sont publiées par l’évêque sans privilège ni examen, et qu’elles ne sont du reste plus liées à telle ou telle ordonnance. L’affaire du Nouveau Testament de Trévoux pourrait certes marquer le triomphe de la censure royale sur la censure épiscopale63, mais cette limitation de l’autorité épiscopale n’empêche pas les évêques de publier leurs écrits pastoraux dans leur diocèse. Ainsi, au début du xviiie siècle, on note un véritable essor des instructions pastorales. Fénelon, comme Noailles et Godet des Marais, en publient inlassablement. Dans une période où l’unité de l’épiscopat est à établir, l’archevêque de Cambrai poursuit, quoique d’une façon fort personnelle, la réforme pastorale 67inaugurée par Bossuet, cherchant à corriger l’ignorance du clergé autant que celle des fidèles par la littérature pastorale, avec l’élaboration d’un style qui s’inspire à bien des égards de la prédication familière.
Cette mutation de la littérature pastorale produit une cascade de réfutations des ordonnances ou des mandements. Dans l’assemblée des évêques de la province de Cambrai en 1699, tenue après la publication du Mandement de Fénelon qui interdit la lecture des Maximes des saints dans son diocèse, l’évêque de Saint-Omer, Louis Alphonse de Valbelle, l’accuse de l’avoir adressé au clergé et non aux fidèles64. Dans l’affaire du Cas de conscience, Fénelon prête davantage attention à la manière de publier un mandement qui selon lui « doit être sensible, populaire, et néanmoins décisif65 ». Il espère ardemment que « tous les évêques ou du moins le torrent prendra le mandement de Chartres pour modèle66 ». De ce point de vue, il est à noter la formule de son Ordonnance et Instruction pastorale de 1704 : « Mandons et ordonnons à tous curés, vicaires, directeurs et confesseurs de lire en leur particulier notre présente Ordonnance et Instruction, et de publier dans leurs prônes l’endroit où est la censure de l’Imprimé, qui commence par ces mots, À ces causes67. » Le mot de prédication ou de prédicateur ne se trouve plus dans cette formule : les curés sont invités à ne prononcer dans leurs prônes que les expressions de l’archevêque.
Est-ce à dire que Fénelon abandonne l’importance qu’il a accordée à la prédication ? Au contraire, il retourne en quelque sorte à la pratique de l’Antiquité, à l’époque où « le ministère de la parole a été réservé aux évêques » comme il l’a écrit dans sa jeunesse68. Il fait transmettre sa parole non plus à travers la prédication des curés, mais à travers les écrits pastoraux accompagnés de ses propres prédications dans la cathédrale ou de ses conférences publiques lors des visites pastorales. Il préférera désormais adopter cette forme qui lui permet de garder aussi bien la précision doctrinale que la liberté stylistique. S’il n’entreprend 68jamais d’éditer ses sermons, il s’applique à publier le recueil de ses mandements. Aussi cette quête de la forme convenable à la prise de parole épiscopale lui permet-elle de s’opposer avec ingéniosité à d’autres ordonnances. En 1704, il s’en prend à l’Ordonnance de Noailles contre le Cas de conscience, mettant en scène avec audace un jeune bachelier en face d’un vieux janséniste afin de révéler la contradiction du cardinal : « Quoi ! M. le cardinal, qui avait promis tant de protection aux disciples de saint Augustin, les traite de rebelles à l’Église, de fauteurs des parjures dans les professions de foi, et réalise le fantôme du jansénisme69 ? » Cela annonce sa fameuse Instruction pastorale mise en forme de dialogues de 1714, en parfaite harmonie avec sa conception de la prédication familière. Il ne doit pas prêcher dans sa cathédrale de façon à contredire la coutume de son temps, mais il réalise en partie son idéal de la prédication dans ses écrits pastoraux : c’est, sinon la voix vivante, du moins la voix écrite de l’archevêque.
Norihiro Morimoto
EA 3206 CELLAM,
Université Rennes 2
1 Le Saint Concile de Trente œcuménique et général célébré sous Paul III, Jules III et Pie IV, souverains pontifes, nouvellement traduit par M. l’abbé Martial Chanut, Paris, S. Mabre-Cramoisy, 1674, p. 28 (Ve session, décret de réformation, chapitre ii).
2 Voir Peter Bayley, French Pulpit Oratory, 1598-1650, Cambridge, Cambridge University Press, 1980, p. 43-45.
3 Bossuet, Sur le style et la lecture des Pères de l’Église pour former un orateur, dans Œuvres oratoires, éd. J. Lebarq, revue et augmentée par Ch. Urbain et E. Levesque, Paris, Desclée de Brouwer, 1914-1926, 7 vol., t. VII, p. 13.
4 Voir Cinthia Meli, Le Livre et la Chaire. Les pratiques d’écriture et de publication de Bossuet, Paris, Champion, 2014, p. 153-169.
5 Voir Henri-Jean Martin, Livre, pouvoir et société à Paris au xviie siècle, Genève, Droz, 1969, p. 790. Sur la distinction canonique tardivement élaborée, voir Jean-Henri-Romain Prompsault, « Instructions pastorales », dans Dictionnaire raisonné de droit et de jurisprudence en matière civile ecclésiastique, Paris, Ateliers catholiques du Petit-Montrouge, 1849, 3 vol. (Encyclopédie théologique, 1re série, t. 36-38), t. II, col. 627-631 (cité par Claude Savart, « Deux siècles d’enseignement épiscopal. Les lettres pastorales des archevêques de Paris, 1802-1966 », Revue d’histoire de l’Église de France, t. 86, no 216, 2000, p. 119-184).
6 Bossuet, Ordonnance et Instruction sur les états d’oraison, dans Œuvres complètes [désormais OB], éd. Fr. Lachat, Paris, Vivès, 1862-1875, 31 vol., t. XVIII, p. 366.
7 L’histoire de cette querelle est bien connue. Voir Louis Cognet, Crépuscule des mystiques, Paris-Tournai, Desclée, 1958 ; Jean Orcibal, « Le procès des “Maximes des saints” devant le Saint-Office », Archivio italiano per la storia della pièta, vol. V, 1968, p. 409-536 ; Jacques Le Brun, La Spiritualité de Bossuet, Paris, Klincksieck, 1972, p. 439-695.
8 Sur l’usage particulier des instructions pastorales chez Fénelon, voir Sylvio Hermann De Franceschi, « La controverse théologique par l’instruction pastorale. Délectation victorieuse et prémotion physique selon Fénelon : à propos de la Théologie de Châlons de Louis Habert (1711) », dans J.-P. Gay et Ch.-O. Stiker-Métral (dir.), Les Métamorphoses de la théologie, Paris, Champion, 2012, p. 147-171. Notre propos est de chercher les origines de cet usage.
9 Voir Jean-Claude Dhôtel, Les Origines du catéchisme moderne, Paris, Aubier, 1967, p. 65-116.
10 Dans les années 1650, quelques évêques ont publié leur instruction pastorale autour de la bulle Cum occasione ou de la censure de l’Apologie des casuistes. Les sujets se sont multipliés au cours des deux décennies suivantes.
11 Voir Fabrice Preyat, Le Petit Concile de Bossuet et la christianisation des mœurs et des pratiques littéraires sous Louis XIV, Lit, Berlin, 2007, p. 241-246.
12 Voir Cinthia Meli, op. cit., p. 77.
13 Bossuet, Lettre pastorale aux nouveaux convertis de son diocèse, OB, t. XVII, p. 247.
14 Ibid., p. 243.
15 Bossuet, Catéchisme du diocèse de Meaux, OB, t. V, p. xi.
16 Ibid., p. xiii.
17 Sur les récits, Bossuet renvoie explicitement au Catéchisme historique de Fleury (Ibid., p. xv). Sur l’hypotypose, voir Anne Régent-Susini, Bossuet et la rhétorique de l’autorité, Paris, Champion, 2011, p. 494.
18 Claude Fleury, Institution au droit ecclésiastique, dans Opuscules, Nîmes, P. Beaume, 1780-1783, 5 vol., t. II, p. 215-216. Il faut noter que l’auteur n’avait pas abordé de front la littérature pastorale dans l’Institution du droit ecclésiastique de France publiée à son insu en 1677. Mais, en 1682, il a ainsi annoncé la formule de 1687 : « tous les évêques prêchaient, et il n’y avait guère qu’eux qui prêchassent. » (Les Mœurs des chrétiens, dans Opuscules, éd. citée, t. I, p. 198)
19 Fénelon, Dialogues sur l’éloquence, dans Œuvres, éd. J. Le Brun, Paris, Gallimard, 1983-1997, 2 vol., t. I, p. 71.
20 Au moins, la Lettre pastorale a été traduite en anglais (lettre du P. J. Johnston à Bossuet, 6 mai 1686, dans Correspondance [désormais CB], éd. Ch. Urbain et E. Levesque, Paris, Hachette, 1909-1925, 15 vol., t. III, p. 233). Sur les réactions des réfugiés en Hollande, voir Élisabeth Labrousse, « Les réponses du Refuge à la Pastorale aux N. C. de Meaux », dans Th. Goyet et J.-P. Collinet (dir.), La Prédication au xviie siècle, Paris, Nizet, 1980, p. 343-355.
21 Bossuet, Panégyrique du bienheureux François de Sales, dans Œuvres oratoires, éd. citée, t. III, p. 580.
22 Bossuet, Instruction sur les états d’oraison, Paris, J. Anisson, 1697. Nous citerons d’après cette édition les ordonnances de Noailles (25 avril 1695) et de Godet des Marais (21 novembre 1695) qui sont peu accessibles.
23 Bossuet ne semble pas bien renseigné au départ (lettre de Bossuet à son neveu, 24 septembre 1696, CB, t. VIII, p. 75).
24 Voir Louis Cognet, Crépuscule des mystiques, op. cit., p. 111-114.
25 Voir Jean Orcibal, Louis XIV et les protestants, Paris, Vrin, 1951, p. 177-180 ; Bernard Chédozeau, Bossuet et les protestants. « La voie de charité » et les distributions de livres aux Nouveaux Convertis (1685-1687), Montpellier, Publications Montpellier 3, 2002, p. 29-36.
26 François de Harlay de Champvallon, Ordonnance portant condamnation de trois livres…, Paris, Fr. Muguet, 1694, p. 6.
27 Bossuet, Ordonnance et Instruction pastorale sur les états d’oraison, OB, t. XVIII, p. 351-366. Sur ce point, voir Jacques Le Brun, op. cit., p. 550-554.
28 Bossuet, Ordonnance et Instruction pastorale sur les états d’oraison, OB, t. XVIII, p. 365.
29 Ibid., p. 357.
30 Voir lettre de Bossuet à Mme Cornuau, 6 mai 1695, CB, t. VII, p. 79-81 ; lettre à Mme d’Albert, 10 mai 1695, CB, t. VII, 81-83. D’ailleurs, lorsque l’évêque de Meaux a voulu envoyer cette Ordonnance à Mme de Harlay qui se trouvait alors dans le diocèse de Sens, il a confié un exemplaire à Mme d’Albert pour ne pas paraître le divulguer hors du diocèse (lettre à Mme d’Albert, 1er juin 1695, CB, t. VII, p. 111-113).
31 Voir lettre de Tronson à Bossuet, 3 mai 1695, dans Correspondance [désormais CT], éd. L. Bertrand, Paris, Lecoffre, 1904, t. III, p. 487 ; lettre à la duchesse de Charost, 22 mai 1695, CT, t. III, p. 487-488.
32 Louis-Antoine de Noailles, Ordonnance contre les erreurs du Quiétisme, 2e éd. [1697], reprise dans Bossuet, Instruction sur les états d’oraison, op. cit., p. lxxvii.
33 Ibid., p. lxxviii-lxxix. Comme l’a remarqué Louis Cognet (op. cit., p. 310), Noailles y donne en outre la liste des auteurs recommandables.
34 Louis-Antoine de Noailles, op. cit., p. lxxvii.
35 Ibid., p. lxxxii.
36 C’est Tronson qui s’occupait de diffuser cette ordonnance et surtout de l’envoyer au général des chartreux, Innocent Le Masson (lettre de Tronson à D. Innocent, 5 décembre 1695, CT, t. III, p. 496).
37 Paul Godet des Marais, Ordonnance et Instruction pastorale portant condamnation des livres…, 2e éd. [1696], reprise dans Bossuet, Instruction sur les états d’oraison, op. cit., p. xci.
38 Ibid., p. cxviii.
39 Ibid., p. xciv-xcv.
40 Ibid., p. cxxviii.
41 Mme de La Maisonfort, ancienne amie de Mme Guyon, et deux religieuses seront plus tard chassées de Saint-Cyr pour leur « quiétisme » (lettre de Bossuet à son neveu, 19 mai 1697, CB, t. VIII, p. 256).
42 Lettre de Fénelon à Tronson, 26 février 1696, dans Correspondance [désormais CF], éd. J. Orcibal, Paris, Klincksieck, 1972-1976 (t. I-V) puis, avec la collaboration de J. Le Brun et I. Noye, Genève, Droz, 1987-2007 (t. VI-XVIII), t. IV, p. 57.
43 Lettre de Bossuet à Pierre La Broue, 4 septembre 1696, CB, t. VIII, p. 59.
44 Lettre de Fénelon à l’abbé de Chantérac, 8 décembre 1697, CF, t. VI, p. 141.
45 Lettre de Tronson à Godet des Marais, 11 janvier 1696, CT, t. III, p. 499.
46 Sur la portée de cet ouvrage, voir François Trémolières, « L’Explication de Fénelon, “marquer précisément ce qui est bon et de l’expérience des saints et le réduire en un langage correct” », Rivista di Storia e Letteratura Religiosa, anno XXXVIII (2002), no 1, p. 79-99.
47 Lettre de Fénelon à un « ami », 3 septembre 1697, CF, t. VI, p. 29.
48 Lettre de Fénelon au duc de Beauvillier, 14 août 1697, CF, t. VI, p. 14.
49 Noailles, transféré à Paris, a pu désormais se justifier plus facilement de son engagement (lettre de Noailles à Bossuet, juin 1697, CB, t. VIII, p. 275).
50 Lettre de Fénelon au P. de La Chaise, 18 octobre 1697, CF, t. VI, p. 60.
51 Fénelon, Instruction pastorale sur le livre intitulé Explication des maximes des saints, dans Œuvres complètes [désormais OF], éd. J.-E.-A. Gosselin, Paris/Lille/Belfort, Leroux et Gaume/Lefort/Outhenin-Chalandre, 1848-1852, 10 vol., t. II, p. 286-287.
52 Lettre de Fénelon à l’abbé de Chantérac, 18 septembre 1697, CF, t. VI, p. 40.
53 Lettre de Fénelon à l’abbé de Chantérac, 3 septembre 1697, CF, t. VI, p. 35.
54 Lettre de l’abbé de Chantérac à Fénelon, 7 décembre 1697, CF, t. VI, p. 132.
55 Lettre de Fénelon à l’abbé Quinot, août 1697, CF, t. VI, p. 16.
56 Lettre de l’abbé de Chantérac à Fénelon, 18 octobre 1697, CF, t. VI, p. 64 : « Lorsque je lui racontais [au cardinal de Norice] comment M. de Meaux s’était élevé contre votre livre, il me dit : Comment cela, puisque M. de Meaux est seulement évêque et que M. de Cambrai est archevêque ? J’ajoutai que même vous n’étiez pas de l’Église de France, et que vous n’entriez point aux assemblées du clergé. »
57 Lettre de Bossuet à son neveu, 27 octobre 1697, CB, t. VII, p. 433.
58 Lettre de Fénelon à l’abbé de Chantérac, 9 décembre 1697, CF, t. VI, p. 143. Il en va de même pour une version latine (lettre de Fénelon à l’abbé de Chantérac, 18 décembre 1697, CF, t. VI, p. 162).
59 Fénelon, Instruction pastorale…, OF, t. II, p. 287.
60 Paul Godet des Marais, Lettre pastorale sur le livre intitulé Explication des maximes des saints, OF, t. III, p. 88.
61 Fénelon, Instruction pastorale…, OF, t. II, p. 328.
62 À en croire Chantérac, les avis des cardinaux à l’égard de l’Instruction pastorale de Fénelon étaient largement favorables (lettre de l’abbé de Chantérac à Fénelon, 4 janvier 1698, CF, t. VI, p. 182).
63 Voir John Woodbridge, « Censure royale et censure épiscopale : le conflit de 1702 », xviiie siècle, no 8, 1976, p. 333-355 ; Fabrice Preyat, op. cit., p. 252-266 ; Cinthia Méli, op. cit., p. 90-106.
64 Procès-verbal de l’assemblée provinciale des évêques de la province de Cambrai, OF, t. III, p. 414-415. Fénelon refuse également la suppression de ses écrits postérieurs aux Maximes des saints, demandée par le même évêque de Saint-Omer. Sur les détails de la distribution du mandement, voir lettre de Fénelon à Barbézieux, 30 septembre 1700, CF, t. X, p. 101.
65 Lettre de Fénelon à l’abbé de Langeron, 24 mai 1703, CF, t. XII, p. 42.
66 Ibid., p. 45.
67 Fénelon, Ordonnance et Instruction pastorale portant condamnation d’un livre intitulé Cas de conscience, OF, t. III, p. 636.
68 Fénelon, Dialogues sur l’éloquence, dans Œuvres, éd. citée, t. I, p. 71.
69 Fénelon, Lettres sur l’ordonnance du cardinal de Noailles contre le Cas de conscience, OF, t. IV, p. 463.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-09798-3
- EAN : 9782406097983
- ISSN : 2494-5102
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-09798-3.p.0051
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 29/10/2019
- Périodicité : Annuelle
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