Présence de Bossuet dans les Questions sur l’Encyclopédie de Voltaire
- Publication type: Journal article
- Journal: Revue Bossuet Littérature, culture, religion
2017, n° 8. Réceptions de Bossuet au xviiie siècle - Author: Mervaud (Christiane)
- Pages: 73 to 96
- Journal: Bossuet Studies
Présence de Bossuet
dans les Questions sur l’Encyclopédie
de Voltaire
En ce 14 décembre 1770, alors qu’il se dit en proie à de continuelles souffrances et « accablé des maux d’autrui encore plus que des [siens] », Voltaire ne trouve de réconfort que dans l’écriture. Il écrit à un vieil ami : « C’est un grand plaisir de mettre sur le papier ses pensées, de s’en rendre un compte bien net, et d’éclairer les autres en s’éclairant soi-même1. » Il fait allusion à ses Questions sur l’Encyclopédie, une œuvre alphabétique de quelque 440 articles en cours de rédaction et de publication, dont les neuf tomes paraissent de 1770 à 1772 et dont la dernière édition, du vivant de Voltaire, date de 1775. Il avait commencé à la réviser avant sa mort2. C’est une somme de sa pensée dont le destin fut singulier. Dans la première édition posthume des Œuvres de Voltaire, l’édition de Kehl (1784-1789), elle fut amalgamée à d’autres écrits alphabétiques dans un Dictionnaire philosophique qui reprenait le titre d’un ouvrage célèbre, le Dictionnaire philosophique portatif paru en 1764, mais ce nouveau « Dictionnaire philosophique » était une création des éditeurs, Beaumarchais, Condorcet, Decroix. Ils avaient voulu réunir « tout ce que Voltaire a écrit sous la forme abécédaire3 ». Cette édition a été largement reproduite jusqu’à nos jours4, et les Questions sur l’Encyclopédie restaient une œuvre largement 74méconnue, aux contours flous, confondue parfois avec le Dictionnaire philosophique portatif, mais la publication d’une édition critique de 2007 à 20135 permet désormais de cerner un dernier état de la pensée de Voltaire dans un ouvrage dont il avait revendiqué la paternité dans son Commentaire historique sur les œuvres de l’auteur de La Henriade en 1776. C’est un fait suffisamment rare pour être noté, Voltaire désavouant nombre de ses œuvres qu’il publie sous le couvert de l’anonymat ou de maints pseudonymes6. Or, dans cet ouvrage de vieillesse à vocation encyclopédique, qui brasse mille et une idées sur la religion, l’histoire, la politique, l’institution judiciaire, l’état des sciences de son temps, la littérature, maintes références renvoient à l’œuvre et à la personnalité de Bossuet, preuve de sa présence effective dans l’univers culturel de Voltaire. Ainsi se dessine, à partir d’un papillotement de remarques, une image de Bossuet qui sera à mettre en perspective avec des jugements antérieurs disséminés dans l’œuvre tout entière de Voltaire. Il s’agit d’indiquer les constantes et les variations de cette représentation de Bossuet.
Il est évident que, dans les Questions sur l’Encyclopédie, Bossuet fait seulement l’objet de jugements disséminées au fil d’articles très divers, sans plan préconçu, selon les points de vue variés, partiels, qu’autorise une littérature par alphabet. Rien de systématique donc, rien de construit, aucun portrait en pied, aucune appréciation d’ensemble. Mais ces renvois à l’œuvre de Bossuet sont susceptibles de révéler des évolutions ou des inflexions et des nuances. Ils permettent aussi d’échapper à une vision trop réductrice de l’opposition de Voltaire à l’évêque de Meaux qui a fait l’objet de maintes remarques, surtout en matière de conception de l’histoire, mais de relativement peu d’études, même s’il faut signaler une contribution récente, « Voltaire et Bossuet : les infortunes de l’éloquence » de John Patrick Lee7. En préalable, il est utile de savoir que Voltaire a 75lu les Œuvres de Bossuet de manière attentive, mais réduites à quelques titres essentiels. Elles figurent en bonne place dans sa bibliothèque, du moins dans celle qu’il possédait à Ferney au temps où il composait ses Questions sur l’Encyclopédie et il a laissé des traces de lecture dans plusieurs d’entre elles8. Voltaire peut se reporter à L’Apocalypse avec une explication dans une édition de 1690 (BV482), au Discours sur l’Histoire universelle, édition de 1737-1739 (BV483) avec notes marginales et soulignements de sa part9, à l’Histoire des variations des Églises protestantes, édition de 1752 (BV484), à la Politique tirée des propres paroles de l’Écriture sainte, édition de 1752 (BV485) avec traces de lecture10, à un Recueil des oraisons funèbres, édition de 1749 (BV486) avec, également, des traces de lecture11, à la Relation sur le quiétisme, édition de 1698 (BV487). Il s’est documenté dans la Vie de M. Bossuet, évêque de Meaux (1761) par Jean Levesque de Burigny (BV588) et il s’est reporté à la réponse de Fénelon à la Relation sur le quiétisme de Bossuet (BV1327) et à plusieurs Lettres de l’archevêque, duc de Cambrai, à l’évêque de Meaux, sur la charité, sur les douze propositions et à propos de sa condamnation du livre intitulé Explication des maximes des saints12.
Dans les Questions sur l’Encyclopédie, Voltaire traite des œuvres et des actions publiques de Bossuet. Il n’est jamais question des insinuations qu’il s’était plu à rapporter en 1751 dans le « Catalogue de la plupart des écrivains français qui ont paru dans le siècle de Louis XIV, pour servir à l’histoire littéraire de ce temps » du Siècle de Louis XIV13. Après avoir indiqué que Bossuet est l’auteur de cinquante-et-un ouvrages, il consacre toute sa notice au bruit qui a couru selon lequel Bossuet 76aurait été marié et aurait eu un fils14. C’est « une fausseté reconnue », il en convient, mais, non sans complaisance, son parfum de scandale le conduit à y faire allusion dans une autre notice du « Catalogue » et il répète cette histoire, dans le chapitre « Des Beaux-arts15 ». Il y aurait eu seulement « un contrat de mariage entre Bossuet, encore très jeune, et Mlle Desvieux ». C’est un érudit, Daniel François Secousse, qui aurait informé Voltaire de ce contrat de mariage : « Tout ce que je puis vous dire, Monsieur, c’est que feu M. Secousse m’écrivit, il y a quelques années, à Berlin, que son oncle avait réglé les droits et les reprises de Mlle Des Vieux, fondés sur son contrat avec M. Bossuet. C’est une chose que je vous assure sur mon honneur16. » Connaissait-il l’origine de ces bruits dus, semble-t-il, à un protestant réfugié à Genève, Jean-Baptiste Denis, dans ses Mémoires, anecdotes de la cour et du clergé de France (Londres, 1712)17, on l’ignore ? Mais Voltaire, pour rendre sa notice encore plus piquante, rapporte également un bon mot. Mlle Desvieux prit le nom d’une petite terre de Mauléon, à cinq lieues de Paris, acquise grâce à Bossuet et « vécut toujours l’amie de l’évêque de Meaux, dans une union sévère et respectée ». Le jésuite La Chaise, confesseur du roi, auquel Bossuet dit un jour : « On sait que je ne suis pas janséniste », aurait répondu : « On sait que vous n’êtes que mauléoniste ». Voltaire dément ces bruits, mais il les diffuse. Et dans son conte, L’Ingénu (1767), il s’en souvient lorsqu’il peint la vie à Versailles. Il exploite ces racontars dans une évocation des mœurs du haut-clergé dans laquelle il pratique l’art du sous-entendu. Le Huron, qui a été dénoncé par un espion du père La Chaise pour avoir parlé à des Huguenots, est enfermé à la Bastille. Le prieur, son oncle à la mode de Bretagne, se rend à Versailles pour plaider sa cause, mais personne ne veut le recevoir, le révérend père La Chaise est enfermé avec la belle Mme de Lesdiguières ; le prieur court à la maison de campagne de l’évêque de Meaux qui « examinait avec 77Mlle de Mauléon l’amour mystique de Mme Guyon18. » Voltaire fait d’une pierre deux coups. Aucune allusion, aucune plaisanterie à ce sujet dans les Questions sur l’Encyclopédie où surgissent, de manière parfois inattendue, des réminiscences des Œuvres de Bossuet largement commentées.
Deux orientations s’en dégagent. D’une part, Voltaire, chantre nostalgique de la grandeur des classiques, réserve une place de choix à Bossuet dans son Panthéon littéraire. D’autre part, le philosophe du xviiie siècle s’oppose au prince de l’Église, figure de proue, à ses yeux, d’un catholicisme autoritaire et persécuteur. Cette vision dichotomique permet d’étudier les modalités d’une critique littéraire et les modalités d’une opposition philosophique dans la lecture et la réception de Bossuet. Ainsi les Questions sur l’Encyclopédie condensent-elles des jugements épars dans maintes œuvres de Voltaire.
Dans les écrits de Voltaire, une première figure de Bossuet s’impose, celle du grand écrivain, celle du classique. Dès 1733, dans Le Temple du goût, puis dans les variantes de ce voyage allégorique au sanctuaire du dieu du goût, revue critique des écrivains majeurs ou mineurs, Bossuet occupe une place enviable parmi les grands hommes, La Bruyère, Fénelon, Corneille, Racine, La Fontaine, Molière. Il « anoblissait beaucoup de familiarités qui avilissaient quelquefois ses sublimes oraisons funèbres », écrit-il dans une première version19, jugement qu’il révisa : « Bossuet, le seul Français véritablement éloquent entre tant de bons écrivains en prose, qui la plupart ne sont qu’élégants20 ». Dans le chapitre « Des Beaux-arts » du Siècle de Louis XIV, la carrière du prédicateur, ses succès à la cour sont longuement évoqués : ses « discours, soutenus d’une action noble et touchante », ses oraisons funèbres, « genre d’éloquence qui demande de l’imagination et une grandeur majestueuse qui tient un peu à la poésie, dont il faut toujours emprunter quelque chose, quoique avec discrétion, quand on tend au sublime21 ». Voltaire rend hommage au style sublime de Bossuet en évoquant l’émotion de l’auditoire et du prédicateur lors du service religieux de « Madame » :
78L’éloge funèbre de Madame, enlevée à la fleur de son âge, et morte entre ses bras, eut le plus grand et le plus rare des succès, celui de faire verser des larmes à la cour. Il fut obligé de s’arrêter après ces paroles : « O nuit désastreuse, nuit effroyable ! où retentit tout à coup comme un éclat de tonnerre, cette étonnante nouvelle : Madame se meurt ! Madame est morte ! etc. » L’auditoire éclata en sanglots, et la voix de l’orateur fut interrompue par ses soupirs et par ses pleurs22.
En 1754, dans l’article « Éloquence », une de ses contributions à l’Encyclopédie, Voltaire déclare que la « grande éloquence » en France, absente du barreau, « s’est réfugiée dans les oraisons funèbres où elle tient un peu de la poésie. Bossuet et après lui Fléchier, semblent avoir obéi à ce précepte de Platon, qui veut que l’élocution d’un orateur soit quelquefois celle même d’un poète23. » Et dans les Questions sur l’Encyclopédie, en 1771, Voltaire reproduit cet article avec quelques suppressions, mais il recopie ce jugement élogieux24.
Pourtant, dans des articles datés des années 1770-1771, une nouvelle inflexion se dessine. Voltaire introduit des réserves significatives dans son appréciation de l’oraison funèbre. Il indique, dans l’article « Aristote », que ce genre « consiste presque entier dans l’exagération25 », précise dans l’article « Exagération » que l’on « ne regarde ces pièces d’éloquence que comme des déclamations ; c’est donc un grand mérite dans Bossuet, d’avoir su attendrir et émouvoir dans un genre qui semble fait pour ennuyer26 ». Même s’il n’omet point de glisser une rosserie sur de mauvais vers dont l’évêque de Meaux, dans sa jeunesse, aurait été l’auteur, une simple escarmouche en passant27, pour Voltaire, Bossuet illustre la grandeur du 17e siècle, dont l’article « Scoliaste » en 1772 énumère avec nostalgie les chefs-d’œuvre : c’était le temps « où Boileau donnait son Art poétique, Racine Iphigénie et Athalie, Quinault Atys et Armide, où Fénelon écrivait son Télémaque, où Bossuet déclamait ses oraisons funèbres, où Le Brun peignait, où Girardon sculptait28 ». Voltaire reste 79persuadé du bien-fondé de sa théorie des « quatre âges heureux » de l’humanité, dont celui du précédent roi, un temps « où les arts ont été perfectionnés29 ». Il a fixé un canon littéraire et accorde à Bossuet une place de choix dans le patrimoine français. Pour lui, l’évêque de Meaux reste « l’illustre Bossuet », même lorsqu’il va le critiquer30.
À une date impossible à déterminer, Voltaire a lu ou relu l’« Oraison funèbre d’Anne de Gonzague » et l’éloquence de Bossuet passe, pour lui, au second plan. Le récit édifiant de la conversion de la princesse Palatine n’éveille en lui que scepticisme et ironie. Dans son Recueil des Oraisons funèbres, il a mis plusieurs signets pour marquer des passages ayant retenu son attention dans cette oraison funèbre, parmi lesquels le récit de la première vision de la princesse31. En rêve, la princesse rencontre un aveugle de naissance. Elle le plaint de ne pas voir la lumière qui est si belle. L’aveugle lui répond que, bien que n’ayant jamais joui de l’éclat du soleil et que n’en ayant aucune idée, il croit qu’il est d’une « beauté ravissante », mais alors il change de visage, « prend un ton d’autorité » et l’admoneste : « mon exemple, dit-il, vous doit apprendre qu’il y a des choses très excellentes et très admirables qui échappent à notre vue et qui n’en sont ni moins vraies ni moins désirables, quoiqu’on ne les puisse ni comprendre ni imaginer ». Alors Anne de Gonzague « fit l’application de la belle comparaison de l’aveugle aux vérités de la religion et de l’autre vie », et le prédicateur commente : « Dieu, qui n’a besoin ni de temps ni d’un long circuit de raisonnements pour se faire entendre, tout à coup lui ouvrit les yeux ». La princesse passe sur-le-champ « d’une profonde obscurité à une lumière manifeste », elle ressent une joie extraordinaire, sa foi devient inébranlable, mais « au milieu de ces célestes douceurs, la justice divine eut son tour » et Anne de Gonzague prend conscience de son indignité. Elle passe trois mois dans les larmes, tombe en syncope le jour où elle doit se confesser, et c’est alors qu’elle « voit paraître ce que Jésus-Christ n’a pas dédaigné de nous donner comme l’image de sa tendresse, une poule devenue mère, empressée autour des petits qu’elle conduisait. L’un d’eux s’égare, un chien “avide” s’en empare, la princesse accourt, “lui arrache cet innocent 80animal” » et comprend que Dieu est infiniment miséricordieux32. Voltaire a souligné dans la marge le commentaire de Bossuet qui interprète la première vision, celle de l’aveugle-né comme « un songe admirable, de ceux que Dieu même fait venir du Ciel par le ministère des Anges ».
Dans l’article « Apparition, et particulièrement de sainte Potamienne et de la Princesse Palatine » paru en novembre / décembre 1770, Voltaire, comme l’indique son titre, commente longuement l’oraison funèbre d’Anne de Gonzague. C’est le sujet essentiel de cet article qui n’accorde que deux lignes à sainte Potamienne33. Voltaire traite à la fois des apparitions et des visions, les unes et les autres étant, à ses yeux, des « écarts de l’imagination » qu’il explique par des « inflammations du cerveau », même si « aucun théologien ne doute qu’à ces causes naturelles, la volonté du maître de la nature n’ait joint quelquefois sa divine influence ». Ce commentaire s’applique tout particulièrement au récit des deux visions d’Anne de Gonzague, transcrites et réécrites par Bossuet à partir de l’« Écrit de Mme de Gonzague de Clèves » et assez peu ou assez mal à d’autres exemples de cet article.
Voltaire les relate fidèlement d’un point de vue strictement factuel, mais les transcrit dans un registre qui n’a rien à voir avec celui de Bossuet. Il rapporte et résume le rêve de cette princesse dans lequel « un aveugle-né lui dit qu’il n’avait aucune idée de la lumière, et qu’il fallait en croire les autres sur les choses qu’on ne peut concevoir ». Puis, il enchaîne avec le récit de la seconde vision. Lors d’un « violent ébranlement des méninges et des fibres du cerveau dans un accès de fièvre », elle voit une poule courant après un chien qui tient dans sa gueule son poussin. Anne de Gonzague sauve ce poussin. On lui crie de le rendre au ravisseur et elle refuse. Voltaire interprète alors cette seconde vision en caricaturant le figurisme :
Ce poulet, c’était l’âme d’Anne de Gonzague Princesse Palatine ; la poule était l’Église ; le chien était le diable. Anne de Gonzague, qui ne devait jamais rendre le poulet au chien, était la grâce efficace.
Bossuet avait indiqué que, lorsque la princesse s’éveilla, « l’application de la figure qui lui avait été montrée se fit en un instant dans son 81esprit, comme si on lui eût dit : Si vous, qui êtes mauvaise, ne pouvez-vous résoudre à rendre ce petit animal que vous avez sauvé, pourquoi croyez-vous que Dieu, infiniment bon, vous redonnera au démon après vous avoir tirée de sa puissance ? » Dans cet article « Apparition » des Questions sur l’Encyclopédie, la réécriture par Voltaire de ces deux visions et le contexte dans lequel elles s’inscrivent, produisent des effets dévastateurs sur leur interprétation.
Bossuet les avait fait précéder par cette mise en garde : « Écoutez, et prenez garde surtout de n’écouter pas avec mépris l’ordre des avertissements divins et la conduite de la grâce », texte que Voltaire cite34. Mais Bossuet commente les paroles de l’aveugle, en rappelant qu’il manque un sens aux incrédules, que c’est Dieu qui le donne, que la princesse le comprit, que Dieu lui ouvrit les yeux. « Illumination », « extase », Bossuet fait assister son auditoire à un « miracle aussi étonnant que celui où Jésus-Christ fit tomber en un instant des yeux de Saül converti cette écaille dont ils étaient couverts35 ». Puis c’est le récit du repentir de la princesse, de ses larmes, de ses craintes, d’un évanouissement avant de se confesser, et de la grande miséricorde divine qui lui envoie sa seconde vision, suivie « d’un calme et d’une joie qu’elle ne pouvait exprimer ». Le grand orateur fait vivre un moment crucial d’un itinéraire spirituel, celui où Dieu ramène à lui une âme égarée36. La vie d’Anne de Gonzague était un grand exemple pour tous les mondains et les libertins : son irréligion, ses égarements passés, puis une dramatique crise intérieure suivie d’une réforme sévère de sa manière de vivre. Bossuet doit susciter, en un moment solennel, la communion dans les valeurs chrétiennes que partage son auditoire, des religieuses carmélites.
Voltaire est étranger à cet univers spirituel. Son scepticisme brouille le message. Il s’en tient à un sec condensé des faits et glisse une interprétation physiologique de la seconde vision en accord avec sa thèse selon laquelle « un cerveau enflammé voit des objets imaginaires, et entend des sons que personne ne prononce ». Lecteur, comme il le fait remarquer à la fin de cet article, des « quatre tomes de l’abbé Lenglet 82sur les apparitions37 », il accumule les exemples, les uns plus étonnants que les autres, certains très anciens et quelques-uns rapportés dans des ouvrages hagiographiques. Il fait également appel à d’autres sources, à l’Histoire ecclésiastique (1691-1734) de Claude Fleury38, aux Dissertations sur les apparitions des anges, des démons et des esprits (1746) de dom Calmet39, à l’Histoire de l’Église d’Eusèbe40. Ainsi, il est tour à tour question des visions des assassins, hantés par leurs forfaits : Théodoric qui croit voir Simmaque qu’il a fait exécuter, ou des hallucinations de Charles IX après le massacre de la Saint-Barthelemy qui voit des morts ou du sang, puis des apparitions de sainte Potamienne à saint Basilide, de Jésus-Christ à saint Victor. Selon un crescendo, les exemples suivants semblent provenir de « cervelles allumées » : saint Benoît qui a vu l’âme de saint Germain de Capoue portée par des anges, deux moines ayant vu l’âme de saint Benoît marcher sur un tapis étendu depuis le ciel jusqu’au mont Cassin, saint Eucher qui vit en enfer l’âme de Charles Martel, un saint ermite qui a vu « des diables qui enchaînaient l’âme de Dagobert dans une barque et lui donnaient cent coups de fouet ». Voltaire a commenté ironiquement ces faits extraordinaires, se demandant comment une âme marche sur un tapis, comment on l’enchaîne et comment on la fouette.
Le lecteur a été mis en condition, son esprit critique et sa méfiance ont été éveillés quant aux phénomènes merveilleux et aux miracles et c’est alors qu’intervient, dans l’article « Apparition », « le disert et savant évêque de Meaux qui pénétra toutes les profondeurs de la théologie, et qui même entreprit de lever le voile dont l’Apocalypse est couverte ». Les références de Voltaire à L’Apocalypse avec une explication de Bossuet sont toujours dénigrantes. Dans l’article « Apocalypse » des Questions sur l’Encyclopédie, il compare ce commentaire de Bossuet à celui de Newton, Observations on the prophecies of Daniel and the Apocalypse of St John. Tous deux « donnèrent beaucoup de prise à leurs ennemis », Newton « consola la race humaine de la supériorité qu’il avait sur elle », Bossuet « réjouit ses ennemis41 ».
83Voltaire, qui a indiqué qu’on peut douter de certains récits d’apparitions sans offenser la religion et qui s’est employé à saper la croyance dans des interventions surnaturelles, ménage un coup de théâtre. On attend un exposé des doutes que fait naître le récit de Bossuet, or contrairement à ce qui semblerait logique, Voltaire affirme qu’on doit croire Bossuet lorsqu’il rapporte ces apparitions et visions de la princesse Palatine parce qu’il « employa sa vie à distinguer toujours la vérité de l’apparence ». Éloge pervers qui marque un tournant dans le texte :
Il combattit avec vigueur contre les religieuses de Port-Royal sur le formulaire ; contre Paul Ferri sur le catéchisme ; contre le ministre Claude sur les variations de l’Église ; contre le docteur Dupin sur la Chine ; contre le père Simon sur l’intelligence du texte sacré ; contre le cardinal Sfondrate sur la prédestination ; contre le pape sur les droits de l’Église gallicane ; contre l’archevêque de Cambrai sur l’amour pur et désintéressé.
Voici que surgit la figure du prélat persécuteur. Bossuet ne s’est pas contenté de « distinguer la vérité de l’apparence », il a imposé sa vérité sur tous les fronts, bataillé pour défendre une orthodoxie menacée par d’autres courants de la vie religieuse. Voltaire accumule d’ailleurs les griefs contre Bossuet afin de le discréditer. Ne s’étant pas donné la peine de comprendre, ou même d’analyser les raisons qui motivent l’évêque de Meaux, l’énumération de ses actions, privée de tout fondement intellectuel ou spirituel, laisse l’impression d’une conduite agressive, sur tous les fronts, comme s’il voulait empêcher les autres de penser.
Mais parmi tous ces chefs d’accusation exposés dans un paragraphe cinglant, il en est pour lesquels Voltaire est plus impliqué que pour d’autres. Il fait allusion tour à tour à la Réfutation du Catéchisme du Sieur Paul Ferry (Metz, 1655), à la Conférence avec Monsieur Claude (Paris, 1682). Il possède l’Histoire des variations des Églises protestantes (1688) que Bossuet défendit contre les attaques de Pierre Jurieu et il a consacré, dans son « Catalogue des écrivains » du Siècle de Louis XIV, une notice au pasteur Claude, « ministre de Charenton et l’oracle de son parti, émule digne des Bossuet, des Arnauld et des Nicole », mais dont les ouvrages de controverse sont tombés dans l’oubli42 ». Si Voltaire défend les protestants, 84c’est parce qu’il ne pardonne pas à Bossuet d’avoir osé proclamer, dans l’« Oraison funèbre de Michel Le Tellier » que la Révocation de l’édit de Nantes était « le miracle de nos jours » en félicitant le nouveau Théodose, le nouveau Constantin, Louis XIV43. Voltaire est insensible à ces « droits sacrés de l’Église » que proclame le prédicateur puisque « l’Église ramasse ensemble tous les titres par où l’on peut espérer le secours de la justice44 ».
Voltaire cite ensuite deux autres victimes des persécutions de Bossuet, le docteur Louis Elliès Dupin et Richard Simon. Ce sont deux auteurs qu’il a beaucoup pratiqués et dont il apprécie les ouvrages : du premier, il indique que « sa Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques lui a fait beaucoup d’honneur », du second il signale que son Histoire de l’origine et du progrès des revenus ecclésiastiques et son Histoire critique du Vieux Testament « sont lues de tous les savants45 ». En 1686, Bossuet sollicita du premier président du Parlement de Paris, Achille de Harlay, l’interdiction du premier volume de la Nouvelle Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques de Louis Elliès Dupin dont Voltaire possède les tomes, 1, 3-4 dans une édition de 1690-1730. Or ce premier tome contenant, dans une première partie, les trois premiers siècles de l’Église, puis dans une seconde partie le récit des persécutions des chrétiens et des principaux martyrs de Jésus-Christ, a été largement annoté par Voltaire46. C’est dans cet ouvrage qu’il a trouvé maintes informations sur les œuvres de saint Justin, mais aussi sur de faux miracles, sur l’hérésie de Simon le magicien. Quant à l’arrêt de la publication de l’Histoire critique du Vieux Testament de Richard Simon, due à l’intervention de Bossuet le jeudi saint 1678, elle signifie un refus de l’exégèse biblique. Or les recherches du savant oratorien qui se livre à un examen minutieux du texte, ébranlent la théologie traditionnelle, et Voltaire, grand lecteur de la Bible toute sa vie, s’indigne des interdits de l’Église qui en entravent l’approche historique. Son opposition à Bossuet est frontale. Pour le prélat, l’Écriture étant de source divine, il n’est point permis de la traiter comme un texte humain. L’analyse des obscurités, des altérations, d’innombrables difficultés ne sont, à ses 85yeux, que des détails, de vaines disputes. Voltaire, qui ne cherche pas à comprendre la présence et les manifestations du sacré dans une religion primitive, exprime, au nom de valeurs morales, son horreur devant des massacres, à l’égard de la barbarie d’un peuple qui serait élu de Dieu, et se complaît dans l’ironie profanatrice, dans les railleries, parfois dans une critique polissonne, sur Dina violée à l’âge de six ans, sur les dévergondages d’Oolla et d’Ooliba.
Puis, dans cette énumération de l’article « Apparition », Voltaire évoque le cardinal Sfondrate. Certes Bossuet et le cardinal de Noailles ont sollicité la condamnation du Nodus praedestinationis ex sacris litteris (Rome, 1696) du cardinal Celestino Sfondrati, mais Voltaire, semble-t-il, ne le connaît que par des sources secondaires, sans doute d’après les Mémoires chronologiques et dogmatiques pour servir à l’histoire ecclésiastique depuis 1600-1716 du jésuite Hyacinthe Robillard d’Avrigny47. René Pomeau, dans sa Religion de Voltaire évoque la thèse du cardinal Sfondrate selon laquelle l’ignorance du pécheur disculpe le pécheur, ce qui permet de sauver les païens vertueux et les enfants morts sans baptême, Bossuet le conteste formellement48. Voltaire ne cesse de dénoncer des croyants qui prétendent seuls au salut et une religion qui voue impitoyablement à l’enfer49.
Le réquisitoire de l’article « Apparition » évoque également plusieurs traits marquants des disputes religieuses du siècle passé sur lesquelles Voltaire a entrepris de solides recherches lorsqu’il rédigeait Le Siècle de Louis XIV. Il est l’auteur d’une mise au point sur les libertés de l’Église gallicane, dans laquelle, de manière étonnante, il évoque longuement la Déclaration des Quatre articles en 1682 sans mentionner que ce fut Bossuet qui l’avait rédigée50. Comme on l’a remarqué à juste titre, « l’action et la pensée du même Bossuet feront l’objet de longs développements lorsqu’il sera présenté en théologien, héraut de la bataille de Rome contre calvinistes, jansénistes et quiétistes51 ». Voltaire veut imposer l’image 86du polémiste et de ses victimes plutôt que celle du prélat soutenant le combat de son roi contre la papauté. Il va donc indiquer deux querelles religieuses dans lesquelles Bossuet a été impliqué, celle de la persécution subie par les religieuses de Port-Royal, celle de la controverse avec Fénelon.
Voltaire a consacré le chapitre 37 du Siècle de Louis XIV, l’un des plus longs du livre, au Jansénisme. Il relate la genèse du jansénisme, narre les évènements qui conduisent de la rupture de la paix de l’Église à la mort de Louis XIV, puis évoque, au temps de la Régence, les convulsionnaires de Saint-Médard. L’édition critique de ce chapitre montre que Voltaire s’est appuyé sur une vaste bibliographie, celle favorable aux jansénistes étant plus abondante que celle qui leur était hostile52. Pour le formulaire, il s’est documenté dans l’Abrégé de l’histoire de Port-Royal (Cologne, 1742) de Jean Racine, dans l’Histoire abrégée de l’abbaye de Port-Royal dans Nicolas Fontaine, Mémoires pour servir à l’histoire de Port-Royal (Utrecht, 1736), dans l’ouvrage anonyme Histoire du formulaire qu’on a fait signer en France et de la paix que le pape Clément IX a rendue à cette Église en 1688 (s.l., n.d.), ouvrage qu’il a emprunté à la bibliothèque royale pour le point de vue janséniste, dans l’Histoire des cinq propositions de Jansenius (Liège, 1699) de Hilaire Dumas pour un point de vue qui leur est hostile.
De l’histoire des condamnations de cinq propositions dans l’ouvrage de Jansenius, Voltaire retient d’abord, pour les condamner, les agissements des jésuites qui, bien qu’ayant pour eux « les papes et les rois, étaient entièrement décriés dans l’esprit des peuples ». Alors qu’on « tentait toutes les voies de les rendre odieux », « Pascal fit plus ; il les rendit ridicules » :
Ses Lettres provinciales, qui paraissaient alors, étaient un modèle d’éloquence et de plaisanterie. Les meilleures comédies de Molière n’ont pas plus de sel que les premières lettres provinciales. Bossuet n’a rien de plus sublime que les dernières53.
Les jésuites « eurent le crédit de faire brûler les Lettres provinciales par un arrêt du parlement de Provence ». Dans des manchettes, il indique « Lettres provinciales chef-d’œuvre » et ce « chef-d’œuvre brûlé54 ». 87C’est aussi dans des manchettes qu’il attire l’attention sur les persécutions subies par les religieuses de Port-Royal de Paris et de Port-Royal des champs : « Formulaire à des filles », « Religieuses enlevées55 ». Car Voltaire est scandalisé par l’acharnement dont on fit preuve à leur égard :
On présenta le formulaire à signer aux filles de Port-Royal de Paris et de Port-Royal des champs ; elles répondirent qu’elles ne pouvaient en conscience avouer après le pape et les évêques, que les cinq propositions fussent dans le livre de Jansenius qu’elles n’avaient pas lu ; qu’assurément on n’avait pas pris sa pensée ; qu’il se pouvait faire que ces cinq propositions fussent erronées, mais que Jansenius n’avait pas tort56.
Irrité par leur entêtement, le pouvoir passe à l’action :
On enleva les principales religieuses de l’abbaye de Port-Royal de Paris avec deux cents gardes, et on les dispersa dans d’autres couvents : on ne laissa que celles qui voulurent signer le formulaire57.
Enfin, les religieuses de Port-Royal des champs signent la bulle de Clément XI en se retranchant dans un silence respectueux :
Le roi demanda une bulle au pape, pour la suppression de leur monastère. Le cardinal de Noailles les priva des sacrements. Leur avocat fut mis à la Bastille. Toutes les religieuses furent enlevées et mises chacune dans un couvent moins désobéissant. Le lieutenant de police fit démolir en 1709 leur maison de fond en comble, et enfin en 1711, on déterra les corps qui étaient dans l’église et dans le cimetière, pour les transporter ailleurs58.
Voltaire sait que Bossuet s’est rendu plusieurs fois à Port-Royal. Il ne prend pas en compte des enjeux théologiques, mais il se montre très sensible aux enjeux politiques. Bossuet appartient, pour lui, au camp des persécuteurs. L’allusion aux religieuses de Port-Royal, dans cet article « Apparition » des Questions sur l’Encyclopédie, n’a rien de fortuit et à plus forte raison, rien d’anodin. Elle appartient à un passé proche, elle est riche de résonances. Voltaire dénonce toujours avec virulence les attaques contre la liberté de pensée, et plus particulièrement celles venant de ce qu’il nomme fanatisme religieux.
88Enfin son énumération de toutes les controverses de Bossuet se termine par l’allusion à son combat contre l’archevêque de Cambrai et « l’amour pur et désintéressé ». Dans les Questions sur l’Encyclopédie, il condamne de nouveau Bossuet dans l’article « Amour de Dieu » :
Dès que l’auteur du Télémaque, qui commençait à jouir d’un grand crédit à la cour de Louis XIV, voulut qu’on aimât Dieu d’une manière qui n’était pas celle de l’auteur des Oraisons funèbres, celui-ci qui était un grand ferrailleur, lui déclara la guerre, et le fit condamner dans l’ancienne ville de Romulus où Dieu était ce qu’on aimait le mieux après la domination, les richesses, l’oisiveté, le plaisir et l’argent59.
Auteur d’un chapitre « Du quiétisme » dans Le Siècle de Louis XIV, Voltaire avait déjà accusé Bossuet de jalousie :
Bossuet, qui s’était longtemps regardé comme le père et le maître de Fénelon, devenu jaloux de la réputation et du crédit de son disciple, et voulant toujours conserver cet ascendant qu’il avait pris sur tous ses confrères, exigea que le nouvel archevêque de Cambrai condamnât Mme Guyon avec lui et souscrivît à ses instructions pastorales60.
Il dénonce le « très mauvais procédé de Bossuet61 :
Celui-ci se jetant aux genoux de son prince, lui demanda pardon de ne l’avoir pas averti plus tôt de la fatale hérésie de monsieur de Cambrai.
Et il s’interroge sur ce qui parut à la cour « un tour de courtisan » :
Il était bien difficile qu’au fond un homme comme Bossuet regardât comme une hérésie fatale la chimère pieuse d’aimer Dieu pour lui-même. Il se peut qu’il fût de bonne foi dans sa haine pour cette dévotion mystique, et encore plus dans la haine secrète pour Fénelon, et que confondant l’une avec l’autre, il portât de bonne foi cette accusation contre son confrère et ami, se figurant peut-être que des délations qui déshonoreraient un homme de guerre, honorent un ecclésiastique, et que le zèle de la religion sanctifie les procédés lâches62.
Puis Voltaire relate l’histoire de la condamnation papale, la soumission « sans restriction et sans réserve » de Fénelon tandis que l’évêque de 89Meaux triomphait. À ces menées de Bossuet « regardé comme un Père de l’Église », il oppose le « goût de spiritualité » de Fénelon qui « préférait dans la théologie tout ce qui a l’air touchant et sublime, à ce qu’elle a de sombre et d’épineux63 ». Il ne se prive pas de se gausser du galimatias de Mme Guyon, de ses prophéties, « une femme à révélations » qui « suffoquait de la grâce intérieure, qu’on était obligé de délacer, et qui se vidait (à ce qu’elle disait) de la surabondance de grâce pour en faire enfler le corps de l’élu qui était assis auprès d’elle64 ». Il présente Fénelon comme une victime de l’amitié. De même dans l’article « Amour de Dieu » des Questions sur l’Encyclopédie, Voltaire cite les Maximes des saints, les compare aux œuvres de saint François de Sales, enfin s’efforce de définir cet amour de Dieu :
Mais quel est ce sentiment ? Je ne sais quoi de vaste et d’indéterminé, un saisissement qui ne tient rien de nos affections ordinaires ; une âme plus sensible qu’une autre, plus désoccupée, peut-être si touchée du spectacle de la nature, qu’elle voudrait s’élancer jusqu’au maître éternel qui l’a formée65.
Parallèlement à cet effort d’analyse, Voltaire peut aussi s’abandonner à sa colère. Dans le dialogue de l’article « Vertu » des Questions sur l’Encyclopédie, entre un « honnête homme » et un « excrément de théologie », ce dernier court dénoncer à « l’official de Meaux » son interlocuteur « féneloniste » qui aime Dieu pour lui-même et la vertu pour elle-même66. Face à Fénelon, pour Voltaire, la figure de Bossuet semble toute politique, concentrée sur le maintien de l’ordre dans l’Église, dénuée de spiritualité et d’ailleurs il ignore ses écrits spirituels. 90Il juge sans indulgence ce prélat au service de la tradition, enfermé dans la forteresse de ses convictions et ne supportant aucune pensée d’autrui qu’il estime déviante. Il reste allergique aux certitudes sans faille de Bossuet dans lesquelles il voit un danger permanent pour la pensée. Ainsi, après avoir salué le grand écrivain, il a tracé l’image d’un censeur et d’un persécuteur.
Pour Voltaire, point question de passer sous silence la moindre erreur de Bossuet. Il cherche à miner son autorité, « il disloque ses constructions oratoires67 », il dénonce sa belle assurance. Trois réfutations dans les Questions sur l’Encyclopédie témoignent de ce travail de sape. L’article « Nombre » donne lieu à des ironies sur l’Apocalypse avec une explication de Bossuet. Il s’agit du nombre de la bête, 666, et les « grands docteurs » ont cherché à deviner le mot de l’énigme :
Nous avons vu que l’évêque Bossuet, moins heureux en arithmétique qu’en oraisons funèbres, a démontré que Dioclétien est la bête ; parce qu’on trouve en chiffre romains 666 dans les lettres de son nom, en retranchant les lettres qui gâteraient cette opération. Mais en se servant de chiffres romains, il ne s’est pas souvenu que l’Apocalypse est écrite en grec. Un homme éloquent peut tomber dans cette méprise. (Voyez « Apocalypse »)68.
Une seconde réfutation a plus d’envergure que ce sarcasme. Une citation littérale de la Politique tirée de l’Écriture sainte, marquée d’un trait dans la marge dans l’exemplaire de Voltaire, est commentée dans l’article « Gouvernement ». Il s’agit de l’accession au trône de Salomon relatée dans le livre des Rois :
Voilà donc la royauté attachée par succession à la maison de David et de Salomon, et le trône de David est affermi à jamais (b) (quoique ce petit escabeau appelé trône ait très peu duré). En vertu de cette loi l’aîné devait succéder au préjudice de ses frères : c’est pourquoi Adonias, qui était l’aîné, dit à Bethsabée mère de Salomon, Vous savez que le royaume était à moi, et tout Israël m’avait reconnu : mais le Seigneur a transféré le royaume à mon frère Salomon. Le droit d’Adonias était incontestable. Bossuet le dit expressément à la fin de cet article […]
À moins donc, dit Bossuet, qu’il n’arrivât quelque chose d’extraordinaire, l’aîné devait succéder. Or cet extraordinaire était que Salomon, né d’un mariage 91fondé sur un double adultère, fit assassiner au pied de l’autel son frère aîné, son roi légitime, dont les droits étaient soutenus par le pontife Abiathar et par le général Joab69.
Cet ouvrage de Bossuet était dédié au Grand Dauphin, Louis de France, fils de Louis XIV, dont il avait été le précepteur. Voltaire ironise sur ces leçons « du droit des gens et du gouvernement dans l’Écriture sainte ». Bossuet avait usé d’une phrase neutre : « à moins donc qu’il n’arrivât quelque chose d’extraordinaire » pour commenter cet épisode. Voltaire, qui n’a de cesse de dénoncer des immoralités dans l’Ancien Testament, réagit vivement en rappelant les origines et l’historique de l’accession au trône de Salomon. Fils de David et de Bethsabée, il est le fruit d’un double adultère, son père David étant marié à Mikal, sa mère Bethsabée étant l’épouse d’Urie le Hittite (2 Samuel 11, versets 3-4). Si David n’assassina pas Urie, il fit en sorte que celui-ci meure au combat (2 Samuel 11, versets 15-17). Voltaire revient fréquemment sur le meurtre d’Adonias à l’instigation de Salomon (1 Rois 2, verset 25)70. En 1768 dans L’A.B.C, dix-sept dialogues traduits de l’anglais de Monsieur Huet, il s’était déchaîné à propos de La Politique tirée des propres paroles de l’Écriture sainte :
Ne voudriez-vous pas que nous perdissions notre temps à lire ensemble le livre de Bossuet, évêque de Meaux, intitulé La Politique de l’Écriture sainte ? […] J’abandonne au déclamateur Bossuet la politique des roitelets de Juda et de Samarie, qui ne connurent que l’assassinat, à commencer par leur David, lequel ayant fait le métier de brigand pour être roi, assassina Urie dès qu’il fut maître ; et ce sage Salomon qui commença par assassiner Adonias, son propre frère, au pied de l’autel. Je suis las de cet absurde pédantisme qui consacre l’histoire d’un tel peuple à l’instruction de la jeunesse71.
Dans ces mises en cause de Bossuet, le Discours sur l’histoire universelle n’échappe pas aux banderilles voltairiennes. Dans l’article « De Diodore de Sicile et d’Hérodote », il est traité de « discours éloquent 92sur l’histoire non universelle72 », un bon mot qu’il répète. Il est réfuté dans l’article « Histoire » qui attaque sa pensée téléologique, une pensée téméraire « mêlée d’un grand ridicule » à vouloir prouver que « le Dieu de tous les peuples de la terre et de toutes les autres créatures des autres globes » ne s’occupait que du petit peuple juif73. Voltaire a lu de près le Discours sur l’histoire universelle : il traite sans surprise Bossuet de déclamateur lorsque dans le chapitre 30, celui-ci déclare : « Ainsi quatre ou cinq faits authentiques et plus clairs que la lumière du soleil, font voir notre religion aussi ancienne que le monde » ; mais Voltaire, dans ce même chapitre, écrit en marge « tres beau », réaction à cette phrase de Bossuet : « Ils [les Juifs] l’attendent [Jésus-Christ] néanmoins encore ; et leur attente, toujours frustrée, fait une partie de leur supplice. Ils l’attendent, et font voir en l’attendant qu’il a toujours été attendu74 ».
Mais la conception de l’histoire de Voltaire s’oppose radicalement à celle du Discours sur l’histoire universelle. Dans « l’Avant-Propos » de l’Essai sur les mœurs, il reproche à Bossuet de ne s’attacher qu’à une petite partie de l’humanité, privilégiant Juifs et chrétiens :
Il paraît avoir écrit uniquement pour insinuer que tout a été fait dans le monde pour la nation juive, que si Dieu donna l’empire de l’Asie aux Babyloniens, ce fut pour punir les Juifs, si Dieu fit régner Cyrus ce fut pour les venger, si Dieu envoya les Romains ce fut encore pour châtier les Juifs75.
Dans le chapitre 2, « De Bossuet », du Pyrrhonisme de l’histoire, en 1768, il se montre plus agressif, dénonçant ceux qui enseignent une chronologie fausse :
Les hommes même les plus savants, les plus éloquents n’ont servi quelquefois qu’à embellir le trône de l’erreur, au lieu de le renverser. Bossuet en est un grand exemple dans sa prétendue Histoire universelle qui n’est que celle de quatre à cinq peuples, et surtout de la petite nation juive, ou ignorée, ou justement méprisée du reste de la terre, à laquelle pourtant il rapporte tous les évènements, et pour laquelle il dit que tout a été fait ; comme si un écrivain de Cornouailles disait que rien n’est arrivé dans l’empire romain qu’en vue 93de la province de Galles. C’est un homme qui enchâsse continuellement des pierres fausses dans de l’or76.
Et dans son Histoire de l’établissement du christianisme, ouvrage publié après sa mort, Voltaire s’insurge contre la « déclamation non universelle » de ce « rhéteur de chaire77 ». Ce florilège de citations illustre la vigueur de la critique de Voltaire au nom de son aspiration à l’universel.
Il va substituer au monde gouverné par Dieu du Discours sur l’histoire universelle, un monde dont il expulse la providence. Il va élargir le champ de l’enquête historique, commençant son Essai, non pas par l’histoire telle que la Bible la relate, mais par celle de la Chine, de l’Inde et du Proche-Orient. Voltaire « trouve en Bossuet le secours “providentiel” d’un précédent à imiter et d’une philosophie à combattre78 ». Les Questions sur l’Encyclopédie font seulement des allusions rapides à ces vives critiques de Voltaire. Il en est une qu’elles taisent et qui a été exprimée avec vigueur dans Le Pyrrhonisme de l’Histoire. Bossuet prétend que les hérésies ont été prédites par Jésus-Christ79. Voltaire répond vertement à cette assertion, rappelant qu’il n’en est pas question dans les Évangiles : « mais Jésus n’a jamais dit un mot sur ces dogmes [ceux de l’Église catholique] alors inconnus, ni sur les contestations qu’ils excitèrent longtemps après lui80. » Ainsi Voltaire entend prouver que Bossuet peut être un maître d’erreur, qu’il ne faut pas le croire sur « sa parole, parole éloquente et quelquefois trompeuse81. »
Faut-il mettre ici un point final à la présence de Bossuet dans les Questions sur l’Encyclopédie, donc se limiter à l’opposition entre l’admiration pour le styliste et le rejet d’une pensée et d’une action, entre l’appréciation esthétique et l’idéologie ? Une réponse positive ne s’impose pas car il est possible de détecter, à côté des remarques clairement identifiées et des citations de l’œuvre, une présence souterraine de Bossuet plus ou moins difficile à cerner. La question étant remplie d’embûches, les réponses seront présentées sous forme d’hypothèses. Il ne faut pas majorer la 94présence de Bossuet à l’horizon de la pensée de Voltaire chaque fois qu’il fait preuve d’antichristianisme, il a bien d’autres cibles en vue. Il ne faut pas la minorer. Ainsi son dénigrement systématique des anciens Égyptiens paraît réagir aux pages de Bossuet sur leur sagesse incomparable, cet éloge de l’Égypte ayant été relayé par Rollin82 : « mon oncle riait quand il voyait Rollin copier Bossuet mot à mot, et Bossuet copier les anciens qui ont dit que dix mille combattants sortaient par chacune des cent portes de Thèbes83 ». Contre l’égyptomanie de son temps, Voltaire n’a de cesse de dénigrer l’Égypte ancienne, son gouvernement « absurde », ses superstitions, la suprématie des prêtres réduisant le gros de la nation au plus vil esclavage84. « Bœuf Apis » dans les Questions sur l’Encyclopédie, reprise, avec quelques variantes, de l’article « Apis » du Dictionnaire philosophique, traite avec mépris la zoologie sacrée. Après s’être interrogé sur la vénération dont le bœuf Apis était l’objet, Voltaire décrète que « les fanatiques voyaient en lui un dieu, les sages un simple symbole, et que le sot peuple adorait le bœuf ». Et Cambyse, qui le tua, fit voir « aux imbéciles qu’on pouvait mettre leur dieu à la broche, sans que la nature s’armât pour venger ce sacrilège ». Voltaire n’accorde que deux éloges à cette ancienne civilisation : celui d’avoir fait éclore des poulets dans des fours, celui d’une certaine tolérance, puisque les adorateurs d’un bœuf n’ont pas voulu contraindre les adorateurs d’un singe à changer de religion. Évoquant enfin leur croyance en la résurrection des corps, de manière sarcastique, il remarque qu’on ôtait la cervelle lors de l’embaumement : « les Égyptiens devaient-ils ressusciter sans cervelle85 ? » Les articles « Axe », « Climat », s’en prennent pour le premier, « aux prétendus savants d’Égypte », pour le second, à ce peuple dont il présente toujours les conquêtes de Sésostris comme légendaires86.
Il se pourrait également que le bon curé Théotime de la deuxième section de l’article « Le curé de campagne » qui avoue son goût pour la comédie, « aime passionnément le Misanthrope et toutes les tragédies 95où il y a des mœurs », refuse l’excommunication des comédiens, plaide en faveur du théâtre, prêche un credo voltairien, en fait s’oppose aux analyses de Bossuet dans ses Maximes et réflexions sur la comédie. Bossuet dénonçait le trouble éveillé dans l’âme des spectateurs par la peinture dramatique des passions, le bon curé se réjouit que le seigneur de son village fasse jouer dans son château quelques pièces par « de jeunes personnes qui ont du talent » : « ces représentations inspirent la vertu par l’attrait du plaisir ; elles forment le goût ; elles apprennent à bien parler et bien prononcer. Je ne vois rien là que de très innocent, et même de très utile87. » Le bon curé Théotime se proposait même d’assister à ces spectacles pour son « instruction, mais dans une loge grillée, pour ne point scandaliser les faibles ». À Ferney, on jouait les pièces de Voltaire, seigneur du village, sur son théâtre, mais le curé du lieu n’y assistait pas… Ainsi, dans l’œuvre de Voltaire, on peut distinguer des degrés de présence de Bossuet, les ouvrages du grand prédicateur sont pris en compte, même quand ils ne sont pas mentionnés.
On en conclut que la pensée de Bossuet reste vivante et toujours actuelle pour Voltaire, mais que son image est figée. Les Questions sur l’Encyclopédie résument bien les principales facettes de cette image telle qu’elle se construit dans l’ensemble de l’œuvre. Bossuet joue le rôle de référence obligée de l’éloquence de la chaire, de figure de proue d’un catholicisme combattif. Voltaire cherche, trouve et exploite des failles dans l’œuvre imposante de Bossuet, dans La Politique tirée des propres paroles de l’Écriture sainte, dans le Discours sur l’histoire universelle. Il dénonce « un grand ferrailleur88 », prompt à faire réprimer tous ceux qui ne pensent pas comme lui. Voltaire n’est certes pas glacé de respect par la pompe, le décorum du « grand siècle », par la majesté de Bossuet qu’on a regardé comme un Père de l’Église89, par les souffles de sublime dans son œuvre auxquels il est sensible. Il reconnaît la grandeur de Bossuet, mais celui-ci l’insupporte. Ce prélat irascible et inébranlable, imperméable au doute, intransigeant, le heurte sans cesse. Serait-ce de la part de Voltaire incompréhension et refus d’une pensée religieuse ? 96Serait-ce une incapacité de sa part à saisir les enjeux en cause lors des controverses de Bossuet ? Serait-ce manque de documentation de sa part ? Il semble qu’il faut répondre négativement à ces questions. D’abord aux deux dernières. La culture religieuse de Voltaire est impressionnante. On pouvait le deviner en le lisant. Mais c’est l’édition critique de toutes ses œuvres, les problèmes que posent leur annotation, la consultation de sa bibliothèque et des notes marginales laissées dans ses livres qui permettent d’affirmer, sans le moindre doute, que Voltaire a été obsédé par la question religieuse et qu’il n’a cessé de s’informer. Quant à la première question, relative à une incompréhension de la pensée religieuse, il semble qu’on puisse répondre de manière nuancée. Voltaire appréciait Massillon dont il se faisait lire les Sermons pendant ses repas et qui le touchait90. Il cédait parfois à la séduction de Fénelon, « le tendre archevêque de Cambrai91 », surtout quand il voit en lui la victime de Bossuet. Il a été hanté et ce, jusqu’à la fin de sa vie, par la pensée de Pascal qui l’atteignait de plein fouet ; il ne s’agit pas seulement de la 25e lettre philosophique et des ajouts de 1739 et de 1742 ; c’est en 1778, avant son décès qu’il donne, en un fascinant jeu de miroirs, une réédition avec des notes de l’Éloge et Pensées de Pascal que son ami Condorcet avait édité92. Point d’engagement existentiel ou d’engagement à ce niveau dans ses critiques de Bossuet, Voltaire voit en lui un monument dans le sillage de la Contre-Réforme ; sa pensée, malgré la force de conviction du grand orateur, lui reste profondément étrangère ; il ressent une certaine hostilité à son égard parce qu’il combat en elle l’institution ecclésiale.
Christiane Mervaud
Université de Rouen
1 D16822. Nous renvoyons, selon l’usage, au numéro de la lettre dans l’édition Correspondence and related documents, éd. Theodore Besterman, 1968-1977, Œuvres complètes de Voltaire, t. 85-135. Désormais, les Œuvres complètes dans l’édition de la Voltaire Foundation d’Oxford seront désignées par le sigle OCV, suivi de l’indication du tome.
2 Voir Samuel Taylor, « The definitive text of Voltaire’s works : the Leningrad encadrée », Studies on Voltaire, no 124, 1974, p. 7-132, ici p. 118-122.
3 Lettre du 21 août 1781, collection particulière, voir Linda Gil, L’Édition Kehl de Voltaire. Une aventure éditoriale et littéraire au tournant des Lumières, thèse de Doctorat, Paris-Sorbonne, 2014, p. 605.
4 Il faut signaler que l’édition Beuchot en 1818 en a extrait les Lettres philosophiques qui y avaient été incorporées parce que subsistait, à leur encontre, la condamnation du Parlement de Paris en 1734 qui les avait déclarées comme ouvrage « scandaleux, contraires à la religion, aux bonnes mœurs et au respect dû aux Puissances. La dernière édition des Œuvres complètes, celle de Louis Moland, 1877-1885, reprend l’édition Beuchot. C’est dans les 4 tomes de l’édition Moland (t. 17-20) que les articles des Questions sur l’Encyclopédie ont, jusqu’à nos jours, été lus, c’est-à-dire d’après la version de Kehl.
5 Questions sur l’Encyclopédie, OCV, t. 38-43, éd. sous la direction de Nicholas Cronk et Christiane Mervaud.
6 Commentaire historique, éd. Moland, t. 1, p. 121.
7 John Patrick Lee, « Voltaire et Bossuet : les infortunes de l’éloquence », Voltaire et le Grand Siècle, éd. Jean Dagen et Anne-Sophie Barrovecchio, Oxford, Voltaire foundation, coll. « Studies on Voltaire and the eighteenth century », 2006, p. 263-269.
8 Cette bibliothèque est maintenant conservée à Saint-Pétersbourg. Nous en avons le catalogue et le relevé de ses traces de lecture. Voir Biblioteka Voltera, Bibliothèque de Voltaire, Catalogue de ses livres, Moscou-Leningrad, 1961 et Corpus des notes marginales de Voltaire, OCV, t. 136-143, Oxford, Voltaire Foundation, 2008-2012. Un 9e tome du Corpus est en préparation. On renvoie au Catalogue par BV suivi du numéro de classement de l’ouvrage, et au Corpus par CN, suivi de l’indication du tome.
9 CN, t. 1, p. 406-409.
10 CN, t. 1, p. 410 : deux passages soulignés et deux signets.
11 CN, t. 1, p. 410-412 : traces de lecture dans l’Oraison funèbre de la Reine de la Grand’ Bretagne, l’Oraison funèbre d’Anne de Gonzague de Clèves, princesse Palatine, l’Oraison funèbre de messire Michel le Tellier, chancelier de France.
12 Voir BV 1321-1329.
13 Sur le « Catalogue », voir Christiane Mervaud, « Le “Catalogue des écrivains” du Siècle de Louis XIV », Voltaire et le Grand Siècle, op. cit., p. 271-287.
14 Le Siècle de Louis XIV dans Œuvres historiques, éd. René Pomeau, Bibliothèque de la Pléiade, 1962, p. 1141, désormais désigné par le sigle OH. Pour le « Catalogue », nous renvoyons seulement à cette édition. Pour le texte du Siècle de Louis XIV, chapitres 1-39, nous renverrons à cette édition et à celle en cours de publication dans les OCV, t. 13A-13D qui est une édition critique.
15 Voir la notice de « Pellisson-Fontanier, Paul » dans le « Catalogue et le chapitre “Des Beaux-arts” », OH, p. 1193 et p. 1005.
16 D9594, janvier/février 1761, à Jean Levesque de Burigny. Voir D4969, D4970.
17 Jean-Baptiste Denis, Mémoires, anecdotes de la cour et du clergé de France (Londres, 1712), p. 108-118. Voir la note 31 du chapitre 32 du Siècle de Louis XIV, OCV, t. 13D, p. 182.
18 L’Ingénu, OCV, t. 63C, p. 275.
19 Le Temple du goût, OCV, t. 9, p. 174.
20 Le Temple du goût, OCV, t. 9, p. 200. Voltaire révisa Le Temple du goût dont la première version fit scandale.
21 Voltaire définit le style de Bossuet en le qualifiant de sublime. Sur le sublime à l’époque classique, voir Nicholas Cronk, The Classical sublime : French neoclassicism and the language of literature, Rockwood Press, Charlottesville, 2002.
22 Le Siècle de Louis XIV, p. 1006.
23 Œuvres alphabétiques I, OCV, t. 33, p. 46. Cet article est paru dans le t. 5 de l’Encyclopédie.
24 Questions sur l’Encyclopédie, OCV, t. 41, p. 65.
25 Questions sur l’Encyclopédie, OCV, t. 39, p. 12.
26 Questions sur l’Encyclopédie, OCV, t. 41, p. 297.
27 Questions sur l’Encyclopédie, article « Vers et poésie », OCV, t. 43, p. 449. Il le répétera dans sa Lettre de Monsieur de Voltaire à l’Académie française, épître dédicatoire d’Irène, OCV, t. 78A, p. 101.
28 Questions sur l’Encyclopédie, OCV, t. 43, p. 250. Voir José-Michel Moureaux, « Voltaire juge des classiques : le chantre d’une accablante perfection ? », Elseneur, no 15-16, 2000, « Postérité du Grand Siècle », sous la direction de Suzanne Guellouz, p. 9-34.
29 Le Siècle de Louis XIV, OH, p. 616 ; OCV, t. 13A, p. 1.
30 Questions sur l’Encyclopédie, OCV, t. 38, p. 532.
31 CN, t. 1, p. 411. C’est l’oraison funèbre dans laquelle il a laissé le plus grand nombre de signets.
32 Oraisons funèbres, op. cit., p. 274-280.
33 Questions sur l’Encyclopédie, OCV, t. 38, p. 529-536. Voltaire avait relaté le martyre de sainte Potamienne dans l’Examen important de milord Bolingbroke (1767).
34 Questions sur l’Encyclopédie, OCV, t. 38, p. 534.
35 Actes, IX, 18.
36 Bossuet, « Oraison funèbre de très haute et très puissante Princesse Anne de Gonzague de Clèves, Princesse Palatine », Oraisons funèbres, éd. Jacques Truchet, Paris, Classiques Garnier, 1961, p. 255-291, ici p. 274-280.
37 Nicolas Lenglet du Fresnoy, Recueil de dissertations anciennes et nouvelles, sur les apparitions, les visions et les songes, 1751, BV2041, CN, t. 5, p. 308.
38 BV 1350, CN, t. 3, p. 479-610.
39 BV 618, CN, t. 2, p. 358-363.
40 BV1250, traduction de M. Cousin, CN, t. 3, p. 440-448. Sur les sources de Voltaire, voir l’annotation de cet article, OCV, t. 38, p. 529-536.
41 Questions sur l’Encyclopédie, OCV, t. 38, p. 443.
42 Le Siècle de Louis XIV, OH, p. 1150. Sur Voltaire et le protestantisme, voir Graham Gargett, Voltaire and Protestantism, Oxford, Voltaire foundation, coll. « Studies on Voltaire and the eighteenth century », no 188, 1980.
43 Oraisons funèbres, op. cit., p. 339.
44 Oraisons funèbres, op. cit., p. 335. Voltaire a laissé des traces de lecture dans l’« Oraison funèbre de Michel Le Tellier », CN, t. 1, p. 411-412.
45 Le Siècle de Louis XIV, OH, p. 1160 et p. 1209.
46 BV1167, CN, t. 3, p. 311-319. Dans la Bibliothèque de Voltaire figurent 13 ouvrages de Louis-Ellies Dupin (BV1159-1171).
47 Le Siècle de Louis XIV, OCV, t. 13D, p. 274, n. 85. Avrigny raconte que le livre du cardinal Sfondrate fut censuré sur pression de Bossuet et du cardinal de Noailles (t. 1, p. 66-68).
48 René Pomeau, La Religion de Voltaire [1956], Paris, Nizet, 1969, p. 55-56.
49 Il s’élève contre la condamnation aux peines éternelles des enfants morts sans baptême (voir l’article « Baptême » des Questions sur l’Encyclopédie, OCV, t. 39, p. 311. En marge d’une lettre de saint Augustin, il note « enfants damnés » (CN, t. 1, p. 176).
50 Le Siècle de Louis XIV, OH, p. 1033-1041 ; OCV, t. 13D, p. 53-62.
51 Diego Venturino, Le Siècle de Louis XIV, OCV, t. 13D, p. 215.
52 Voir Le Siècle de Louis XIV, OCV, t. 13D, p. 255-285.
53 Le Siècle de Louis XIV, OH, p. 1071 ; OCV, t. 13D, p. 107.
54 Le Siècle de Louis XIV, OCV, t. 13D, p. 107.
55 Le Siècle de Louis XIV, OCV, t. 13D, p. 105 et p. 108.
56 Le Siècle de Louis XIV, OH, p. 1070, OCV, t. 13D, p. 105.
57 Le Siècle de Louis XIV, OH, p. 1072, OCV, t. 13D, p. 108.
58 Le Siècle de Louis XIV, OH, p. 1075, OCV, t. 13D, p. 11-112.
59 Questions sur l’Encyclopédie, OCV, t. 40, p. 458. Négligeant l’ordre alphabétique, Voltaire a placé l’article « Amour de Dieu » après l’article « Dieu, dieux ».
60 Le Siècle de Louis XIV, OH, p. 1092-1093 ; OCV, t. 13D, p. 136.
61 Citation de la manchette, OCV, t. 13D, p. 137.
62 Le Siècle de Louis XIV, OH, p. 1093 ; OCV, t. 13D, p. 137.
63 Le Siècle de Louis XIV, OH, p. 1090 ; OCV, t. 13D, p. 133-134.
64 Le Siècle de Louis XIV, OH, p. 1091 ; OCV, t. 13D, p. 134.
65 Questions sur l’Encyclopédie, OCV, t. 40, p. 461. Ce paragraphe est à mettre en relation avec la section 2 de l’article « Religion » des Questions sur l’Encyclopédie, OCV, t. 43, p. 132-143. C’est une vision, écrite à la première personne, au cours de laquelle un génie transporte l’auteur d’abord auprès des ossements de toutes les victimes de l’intolérance religieuse, puis lui fait rencontrer Pythagore, plusieurs sages de l’antiquité dont Socrate, enfin Jésus. Un dialogue s’engage avec un Jésus aimant, mais dont on ne sait s’il fut un homme-dieu. Pour René Pomeau, ce texte est un « Mystère de Jésus voltairien » (La Religion de Voltaire, p. 379, 381), pour Marie-Hélène Cotoni, c’est une homélie dont un Jésus, maître de douceur, est au service des valeurs de Voltaire (L’Exégèse du Nouveau Testament dans la philosophie française du dix-huitième siècle, Oxford, Voltaire foundation / Paris, Touzot, coll. « Studies on Voltaire and the eighteenth century », no 220, 1984, p. 355-357).
66 Questions sur l’Encyclopédie, OCV, t. 43, p. 468.
67 René Pomeau, La Religion de Voltaire, op. cit., p. 260.
68 Questions sur l’Encyclopédie, OCV, t. 42B, p. 294-295. Voir aussi « Apocalypse », OCV, t. 38, p. 444 et « Prophéties », OCV, t. 43, p. 14.
69 Questions sur l’Encyclopédie, OCV, t. 42A, p. 115-116. Dans sa note (b), Voltaire renvoie au livre 2, proposition 9 de la Politique tirée de l’Écriture sainte. Voltaire avait souligné ce passage dans son exemplaire (CN, t. 1, p. 410).
70 Voir l’article « Salomon » du Dictionnaire philosophique portatif, OCV, t. 36, p. 501-502. Il ne cesse de dénoncer la conduite de David (OCV, t. 36, p. 1-8).
71 Voltaire, Dialogues philosophiques, éd. R. Naves, Paris, Classiques Garnier, 1966, p. 292 ; OCV, t. 65A, p. 266-267.
72 Questions sur l’Encyclopédie, OCV, t. 40, p. 473.
73 Questions sur l’Encyclopédie, OCV, t. 42A, p. 212.
74 CN, t. 1, p. 406-409, ici p. 409.
75 Essai sur les mœurs, éd. R. Pomeau, Paris, Classiques Garnier, 1963, t. 1, p. 196 ; OCV, t. 22, p. 4-5.
76 Le Pyrrhonisme de l’histoire, OCV, t. 67, p. 261-262.
77 Histoire de l’établissement du christianisme, OCV, t. 79B, p. 423.
78 René Pomeau, Essai sur les mœurs, op. cit., Introduction, p. xxxix. Dans la même veine, R. Pomeau voit dans Candide un anti-Bossuet (La Religion de Voltaire, p. 310).
79 Passage remarqué par Voltaire dans son exemplaire (CN, t. 1, p. 409).
80 Le Pyrrhonisme de l’histoire, OCV, t. 67, p. 262. L’article « Hérésie » des Questions sur l’Encyclopédie ne fait aucune allusion à cette opinion de Bossuet (OCV, t. 42A, p. 171-181).
81 Le Pyrrhonisme de l’histoire, OCV, t. 67, p. 263.
82 Voltaire a lu et annoté l’Histoire ancienne des Égyptiens, des Assyriens, des Mèdes et des Perses de Rollin (BV3008, CN, t. 8, p. 1-39).
83 La Défense de mon oncle, OCV, t. 64, p. 213.
84 La Défense de mon oncle, « Troisième Diatribe de l’abbé Bazin », « Sur l’Égypte », OCV, t. 64, p. 254-256.
85 Questions sur l’Encyclopédie, OCV, t. 39, p. 423-425. Voir aussi les plaisanteries d’un conte, Le Taureau blanc.
86 Questions sur l’Encyclopédie, OCV, t. 39, p. 258-260 et OCV, t. 450, p. 131.
87 Cet article est paru d’abord dans le Dictionnaire philosophique portatif, OCV, t. 35, p. 480-483. Voltaire le reprend intégralement dans les Questions sur l’Encyclopédie, OCV, t. 40, p. 337-341.
88 Questions sur l’Encyclopédie, « Amour de Dieu », OCV, t. 40, p. 458.
89 Le Siècle de Louis XIV, OH, p. 1091 ; OCV, t. 13D, p. 134.
90 Voir John Patrick Lee, « Voltaire and Massillon : Affinities of the heart », The French Review, vol. 2, no 3, février 1977, p. 437-445.
91 Questions sur l’Encyclopédie, « Amour de Dieu », OCV, t. 40, p. 461.
92 Éloge et Pensées de Pascal, OCV, t. 80A et voir Jean Mesnard, « Voltaire et Pascal », La Culture au xviie siècle, Enquêtes et synthèse, Paris, 1992, p. 589-600.
- CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN: 978-2-406-07134-1
- EAN: 9782406071341
- ISSN: 2494-5102
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-07134-1.p.0073
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 09-01-2017
- Periodicity: Annual
- Language: French