Le Prince et le Mendiant Rhétorique et spiritualité de la prière chez Dom Innocent Le Masson
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Revue Bossuet Littérature, culture, religion
2017, n° 8. Réceptions de Bossuet au xviiie siècle - Auteur : Ruggeri (Marc)
- Pages : 109 à 134
- Revue : Revue Bossuet
Le Prince et le Mendiant
Rhétorique et spiritualité de la prière
chez Dom Innocent Le Masson
Dom Innocent Le Masson, 51e Prieur de l’Ordre des Chartreux, est bien connu pour les combats qui l’ont opposé aux jansénistes, à l’Abbé de Rancé, et surtout à Madame Guyon1. C’est à ce titre qu’on s’est intéressé récemment au Louis XIV des Chartreux2. Mais la défense de l’orthodoxie contre le jansénisme et le quiétisme a, en partie, éclipsé l’intense activité de direction spirituelle de Dom Le Masson. Très tôt, comme maître des novices, puis comme Prieur Général des Chartreux, de 1676 à sa mort en 1708, Dom Le Masson s’est consacré à la formation des moines et des moniales de son ordre, en publiant de très nombreux ouvrages : instructions, avis, lettres, méditations, directoires, dont la doctrine spirituelle est tout entière rassemblée dans Introduction à la vie intérieure et parfaite3. Dans le second volume de cette somme figure un avis : « Sur l’Oraison Intérieure, et Direction pour en faciliter l’usage 110à toutes sortes de personnes4 », qui constitue un abrégé d’un traité sur l’oraison, composé quarante ans plus tôt et inlassablement réédité, avec de nouveaux chapitres et de nombreux « éclaircissements » rendus indispensables eu égard au développement du quiétisme. L’ultime version de ce traité, parue en 1698 sous le titre : Direction pour se former avec ordre et tranquillité au saint exercice de l’oraison5, offre une théorie de l’oraison et de la vie mystique qui demeure, à ce jour, un socle de la vie spirituelle cartusienne.
D’inspiration profondément salésienne, l’oraison selon Innocent Le Masson se présente comme « un entretien », « un colloque », « une divine conversation » : « Il faut, écrit-il dans Direction pour se former avec ordre… à l’oraison, aller simplement, à la bonne foi et sans art, pour être auprès de Dieu, pour l’aimer, et pour s’unir à lui ; car comme dit S. François de Sales, le véritable amour n’a guère de méthode6 ».
N’y-a-t-il pas quelque paradoxe à vouloir « former » à l’oraison « avec ordre » et proposer d’y progresser « sans art » ? Et de quel art est-il question ? En s’attachant à présenter les formes que prend l’oraison dans ce traité, notre propos sera moins d’en déterminer les enjeux spirituels que d’en approcher la dimension expressive. Quel(s) type(s) de discours l’oraison produit-elle ? A-t-elle ou non des liens avec l’art oratoire ? En somme, l’oraison selon Dom Le Masson permet-elle de poser quelques jalons pour l’étude d’une rhétorique de la prière ?
111Discours d’oraison,
oraison sans discours
On retiendra, dans les définitions qu’Antoine Furetière donne de l’oraison, deux acceptions. La première relève de la rhétorique, la seconde de la spiritualité :
ORAISON, signifie aussi une harangue, un discours étudié et poli qu’on prononce en public, ou qui est composé à ce dessein […]. En ce sens on dit en Rhétorique, qu’il y a cinq parties de l’Oraison, l’Exorde, la Narration, la Confirmation, la Confutation, et la Péroraison.
ORAISON, signifie plus ordinairement chez les Chrétiens, Prière qu’on fait à Dieu, et à ses Saints […]. En ce sens on distingue trois sortes d’oraisons ; la vocale, qui est l’ordinaire qu’on prononce de bouche ; la mentale, qu’on fait de la pensée en méditant ; la jaculatoire, qui se fait par une vive et prompte aspiration de cœur, et c’est en ce sens qu’on dit qu’une courte prière ou oraison pénètre les cieux7.
La proximité de ces deux définitions dans le Dictionnaire de Furetière autorise-t-elle l’assimilation de la prière à un discours ? Et à supposer qu’elle constitue une forme de discours, la prière obéit-elle pour autant aux règles de l’art oratoire ?
La rhétorique, en effet, ne vise pas à « pénétrer les cieux », mais seulement à convaincre en emportant l’adhésion de l’esprit et à persuader en emportant l’adhésion du cœur. Pour ce faire, l’orateur compose son discours (dipositio), recourt à des lieux et des arguments dont la tradition a reconnu l’efficacité (inventio), soigne son expression et son style (elocutio), déploie son talent dans une performance oratoire (actio). Il sait que pour persuader l’auditoire, il doit manifester son caractère moral (ethos) et en appeler aux passions du public (pathos). Mais le destinataire de la prière a-t-il besoin d’être convaincu, puisqu’il s’agit de Dieu, qui connaît, au plus intime, nos pensées et nos sentiments ? À cet égard, les propos de Dom Le Masson sur « les actes et la manière de les faire dans l’oraison » sont sans ambiguïté :
112Le commun des hommes s’imagine que pour faire un acte dans l’Oraison, il faut composer comme un discours tissu de paroles qui aient de l’ordre et de la suite, et qui expriment en bons termes la pensée de l’esprit, l’affection et le désir du cœur ; ils croient que pour parler à Dieu, il faut faire de même qu’un homme qui veut faire connaître sa pensée et ses sentiments à un autre homme ; ils ne croiraient pas avoir fait d’actes, s’ils n’avaient prononcé des paroles de bouche, telles que nous les voyons dans les livres de dévotion, où l’on trouve des formules de prière ; ou du moins s’ils n’avaient dit en Esprit ces mêmes paroles sans les prononcer de bouche.
Mais on se trompe en ceci, puisqu’il y a une grande différence entre parler aux hommes et parler à Dieu. Il voit le fond de nos cœurs et de nos pensées, sans qu’il soit besoin de discours pour les lui faire connaître ; et il sait ce que nous voulons lui dire avant que nous nous en expliquions8.
En les démarquant ainsi des « discours réglés » et « des réflexions délibérées », Dom Le Masson oppose les principes de l’oraison à ceux de la rhétorique. Son propos, qui concerne l’oraison mentale et non « la vocale », rejette en effet toutes les règles de l’éloquence que nous avons évoquées plus haut : la dispositio (« il faut composer comme un discours tissu de paroles qui aient de l’ordre et de la suite »), l’elocutio (« qui expriment en bons termes »), l’argumentation discursive (« la pensée de l’esprit »), le recours aux passions (« l’affection et le désir du cœur »), l’actio (« Ils ne croiraient pas avoir fait d’actes, s’ils n’avaient prononcé des paroles de bouche »), et l’inventio (« dans les livres de dévotion, où l’on trouve des formules de prière »). La prière donc, selon sa définition commune, est bien moins un discours qu’un état, et si l’âme y produit des paroles intérieures, ce sont celles d’un appel au secours :
Il faut se persuader que la substance et l’essence de l’Oraison consistent dans l’élévation de l’âme à Dieu, à qui elle a recours comme à son premier principe et à son souverain bien, et vers lequel elle se porte avec un cœur contrit et humilié, et avec une entière confiance ; de l’âme, dis-je, qui veut implorer son assistance, et qui le cherche pour s’attacher et s’unir à lui ; qui croit fermement que Dieu lui est plus présent qu’elle ne l’est à elle-même, et qui étant animée d’une foi vive, le regarde comme étant dans son propre cœur, et plus présent qu’elle ne l’est à soi-même9.
Faut-il alors renoncer à la catégorie du discours pour définir cet état de présence et d’entretien avec Dieu ? La rhétorique n’a-t-elle aucune 113prise sur la prière de demande ? Les réponses que fournit Dom Le Masson sont plus complexes que la simplicité de ses vues ne le laisse entendre.
Si on considère que c’est par cette vue de Dieu présent que l’âme se sent animée à lui parler et à s’expliquer à lui par le langage de cœur tel qu’était celui de la mère du Prophète Samuel. Si on considère enfin que, quoique la bouche ne parle pas, le cœur le peut faire d’une manière très éloquente, et demander à Dieu sa miséricorde et son assistance avec une grande facilité, puisque la simple exposition que le cœur lui fait de ses désirs, lui peut servir de paroles. La chose étant bien entendue, et l’esprit en étant persuadé comme d’une vérité assurée, les difficultés qui étonnent et qui rebutent du saint Exercice de l’Oraison intérieure et mentale s’évanouiront absolument. On verra que l’entretien discursif n’est qu’un accessoire, et que, quand on demeurerait simplement en la présence de Dieu, ayant l’esprit et le cœur tournés vers lui, avec l’intention de l’adorer et de lui plaire, en lui exposant ses désirs, en le regardant des yeux de l’âme comme l’enfant jette des regards affectifs sur sa mère, sans qu’il puisse lui parler, et implorant et attendant de lui ses secours avec confiance, on ferait une très bonne Oraison. Dieu même met les âmes les plus avancées dans cet état, pour les conduire de là à la contemplation la plus élevée, et à l’union avec lui10.
« Langage » et « éloquence de cœur », « exposition des désirs », « entretien discursif », imploration silencieuse, autant d’éléments d’une éloquence muette – muta eloquentia – qui incitent à retrouver, dans les degrés de l’oraison proposés par Dom Le Masson, les parties traditionnelles du discours selon Quintilien.
Échelle ascétique
et disposition rhétorique
Après avoir présenté, dans les deux premiers points de son traité, les dispositions intérieures nécessaires à l’oraison et la situation de l’âme et du corps en présence de Dieu, Dom Le Masson précise quelles sont les étapes de l’entretien spirituel :
Il faut ensuite entrer en discours avec Dieu, sans se mettre en peine de la composition des paroles, ni faire grand état de la suite du discours ; car cela 114nuit aux bonnes affections, et appartient plutôt à l’étude qu’à la production sincère d’un cœur qui vient pour se répandre en Dieu11.
Le refus réitéré de toute éloquence participe d’une volonté de rendre l’oraison accessible à tous, en ce qu’elle est bien moins un art dont il faudrait posséder les secrets qu’une grâce accordée par Dieu à ceux qui s’abandonnent à sa Providence.
Par cette grâce de Méditation, il faut entendre la facilité d’élever et d’unir son esprit à Dieu, de faire de solides réflexions, de concevoir de bonnes affections, et de les exprimer devant sa Majesté avec des paroles intérieures et des sentiments produits de l’abondance du cœur12.
Au croisement de la tradition cartusienne13 et de l’enseignement salésien sur la théologie mystique14, Dom Le Masson distingue quatre degrés dans l’oraison : ils en constituent l’échelle ascétique et permettent d’atteindre à un état mystique, état qu’il s’interdit cependant d’analyser : « Il y a une autre espèce de contemplation qui s’appelle passive, de laquelle je ne dis rien. Dieu apprend lui-même ce que c’est aux âmes qu’il y élève ; et je crois qu’elle ne se peut ni bien définir, ni bien expliquer15 ». Il limite donc son examen à l’union, un état de contemplation consciente et silencieuse de la présence divine, quatrième stade de l’élévation de l’âme vers Dieu, après l’anéantissement, la méditation ou considération et les affections :
Si de la méditation, [l’Esprit de Dieu] vous attire aux affections sans discours, c’est un degré qu’il vous fait monter, il faut vous y tenir, car le discours ne se fait que pour y parvenir. Si des affections, il vous élève au recueillement, ou à l’union, il faut vous y tenir tranquillement jusqu’à ce qu’il vous en fasse descendre. Tout de même, quand il arrivera que, vous étant mis en sa présence, vous ne vous trouverez pas élevé à l’union, descendez volontiers aux affections. Si vous ne trouvez rien dans ces affections, descendez à la considération. Et enfin, si vous étiez aride dans la considération, descendez encore volontiers à 115l’exercice d’anéantissement, en vous tenant anéanti en sa présence avec douceur, avec confiance et avec patience, en lui exposant les désirs de votre cœur ; et il sera de ceux, comme dit St François de Sales, qui ne rompent jamais, car ils se plient à toutes les volontés de Dieu16.
L’oraison, qui porte ainsi l’âme à Dieu, se présente comme un temps de rencontre et d’entretien, temps aux limites précises : « au moins une demi-heure chaque matin », temps disposé aussi selon les règles de composition d’un discours.
L’entretien se doit commencer.
1. Par la connaissance de notre néant, et par l’adoration de la Divine Majesté, que nous croyons si élevée au-dessus de nous, que nous n’aurions point la hardiesse de paraître devant elle, si elle n’avait la bonté de nous le permettre.
2. Par la contrition de nos péchés.
3. Par l’intention d’unir notre prière à celle de Jésus-Christ, et de la faire pour accomplir la volonté de Dieu, qui nous ordonne de lui exposer et de lui demander nos besoins par la prière, laquelle nous protesterons de vouloir faire, parce que c’est la volonté de Dieu17.
On aura reconnu dans cette première étape de l’oraison les constituants de l’exorde : une captatio benevolentiae assurée par des déclarations d’humilité et de soumission inhérentes au genre judiciaire, mais ici christianisées et transformées en marques de notre nature déchue ; la manifestation des mœurs (ethos) du fidèle et l’expression de l’autorité divine (pathos) ; enfin, l’annonce du sujet (insinuatio), autrement dit l’union par la prière à la volonté divine.
Le second temps de l’oraison, consacré à la méditation, s’apparente à l’étape rhétorique de la narration : « On entre ensuite en considération de quelque point pris dans quelque pieux livre de Méditations qu’on peut même avoir ouvert devant soi, spécialement dans les commencements18 ». Cette étape d’exposition des faits correspond plus précisément à une phase de considération et de pensée discursive et analytique : « on prend les points l’un après l’autre », sans pour autant s’y arrêter par indiscrétion, car « s’arrêter sur la spéculation pour s’y complaire, c’est satisfaire la curiosité naturelle de l’esprit ; c’est étudier plutôt que prier19 ». Or, ce qu’il faut 116éveiller pendant la méditation, c’est une écoute attentive et amoureuse, où l’on se délecte des vérités de la foi, où l’on s’adonne, sur le modèle de la lectio divina, à l’exercice salésien du « ruminement mystique20 » :
[La méditation] n’est autre chose qu’une pensée attentive et entretenue volontairement dans l’esprit sur les objets dont la considération nous peut rendre bons et dévots, afin d’exciter par ce moyen la volonté à des saintes affections et à des bonnes résolutions. C’est un ruminement Mystique, pour parler ainsi des aliments qu’on a pris par les pâturages des saintes Écritures, et des œuvres de la Charité de Dieu […]. Manger, dit S. François de Sales, c’est méditer, car on tourne et mâche la viande spirituelle comme entre les dents de la considération21.
Mais si elle se propose de considérer en détail toutes les raisons que nous avons d’aimer Dieu, « la méditation se fait presque toujours avec peine, travail et discours, l’esprit allant de considération en considération22 ». Il n’est pas rare alors que l’âme se décourage et « se trouve sèche ». Cet état constitue le dernier degré de l’échelle ascétique, une épreuve d’anéantissement à laquelle il ne faut pourtant pas craindre d’être soumis. L’aphasie, qui frappe le fidèle dans ces moments de sécheresse, suspend le discours, mais nullement l’entretien qui consiste alors à rester en présence de Dieu :
Si l’âme se trouve sèche dans ses considérations, elle ne doit point se laisser aller au découragement ni à l’inquiétude, mais demeurer avec simplicité en la présence de Dieu […]. Si nous ne pouvons lui parler, parce que nous sommes pour ainsi dire enroués, demeurons néanmoins dans la chambre et faisons lui la révérence : il nous verra là, il agréera notre patience, et favorisera notre silence23.
Qu’elle prenne la forme d’une considération ou d’un anéantissement, la phase de méditation ne saurait être la fin de l’oraison. C’est à la contemplation qu’elle doit acheminer l’âme dans une nouvelle étape : et celle-ci, du point de vue rhétorique, relève de la confirmation :
117De la méditation l’âme passe à la contemplation, qu’on peut appeler la fille de la méditation, parce que c’est par la méditation que le feu des saintes affections et de l’amour de Dieu étant allumé, il s’en produit une attention aux choses Divines, qui est amoureuse, simple et arrêtée sur son objet qui lui devient certain et sensible24.
Peut-être y a-t-il quelque abus à identifier cette étape à la confirmation d’un discours, lieu privilégié du raisonnement et de l’exhibition des preuves, alors que dans la contemplation, l’âme s’épanche en son Dieu. Mais on peut aussi considérer que ces deux phases ont en commun d’emporter la conviction de l’âme en lui révélant la plénitude de la vérité.
Les actes de la troisième espèce sont ceux que produisent plus ordinairement les âmes avancées dans le Saint exercice de l’Oraison, qui considèrent et regardent les vérités Chrétiennes et surnaturelles d’un œil éclairé de la foi, qui en sont aussitôt pénétrées, sans avoir besoin de considérations discursives, et qui sont émues à produire des actes de foi, d’espérance et de charité ; ou à s’unir à Dieu par des actes d’admiration et d’amour qui sont si spirituels et si subtils, qu’il n’y paraît presque point de trace de discours25.
Cette conviction de l’âme n’est pas le fruit de « considérations discursives », mais celui de la grâce :
Les âmes avancées, qui dès l’instant qu’elles se sont mises en la présence de Dieu, sont aussitôt convaincues et pénétrées de la vérité qu’elles voulaient méditer, et sur lesquelles par conséquent Dieu fait reluire un rayon de la contemplation, et qui sont attirées aux affections, doivent se gouverner en la manière que nous avons déjà dite26.
L’étape de contemplation comporte, comme la méditation, deux degrés que Dom Le Masson distingue avec précision : les affections et l’union. Les affections ne s’acquièrent pas, elles se reçoivent de la grâce de Dieu. Autant dire qu’elles peuvent survenir à tout moment de l’oraison et qu’elles ne sont pas subordonnées à la dispositio :
Si Dieu vous ayant jeté un regard, votre affection s’enflamme pour lui parler, je vous le répète encore une fois, n’affectez point de composition de discours, mais produisez vos affections comme elles se trouveront, avec la même naïveté, 118confiance et sincérité, dont un enfant se sert envers sa mère, se jetant dans son sein quand les paroles lui manquent27.
La phase d’affections constitue un seuil du discours au delà duquel il n’y a plus qu’un silence de contemplation active où les actes sont « de simple regard accompagnés d’une effusion que l’âme fait d’elle-même tout entière en Dieu28 ». Ces actes se produisent au dernier degré d’oraison examiné :
[Ils] sont propres aux âmes que Dieu élève à la contemplation active, qui après s’être mises en la présence de Dieu, sont incontinent attirées à un recueillement intérieur où elles reçoivent des impressions de grâces qui leur font voir, comme à découvert, les vérités divines, croire et admirer, espérer et aimer et produire des actes de toutes ces vertus, soit distincts, soit compris alors dans le seul acte de charité. Je dis, alors et non pas en tout temps et en la manière que les faux mystiques l’ont voulu faire croire, elles produisent ces actes d’une manière si douce et tranquille, mais si spirituelle et si subtile, qu’ils sont comme imperceptibles à l’âme qui les produit, parce qu’elle est comme abîmée en Dieu qui est son unique objet29.
Ce degré d’oraison que Dom Le Masson nomme « l’union » s’accorde tout à fait à l’étape rhétorique de la confirmation dans le sens où Dieu s’y révèle dans toute la vérité de la Foi :
[…] si, en produisant vos affections vous vous sentez attiré par des connaissances profondes que la Foi produit, ou, pour mieux dire, que Dieu produit par la Foi, de sa grandeur, de sa bonté et de sa présence, qui vous mette dans l’exercice de l’union, laissez-vous aller, et tenez-vous y tant que Dieu vous y souffrira, mais sans vous y attachez aucunement […]30.
Conformément aux règles de la rhétorique classique, l’oraison s’achève sur une péroraison qui récapitule les objets de la prière et s’applique à émouvoir les passions en conjuguant action de grâce et action de demande :
[L’âme] finira par d’affectueuses actions de grâce de tous les bienfaits qu’elle a reçus de Dieu en général et en particulier ; par une répétition de tous ces bons propos et de ces demandes, tant pour le spirituel que pour le temporel ; 119et par la recommandation de ses amis, et des âmes du Purgatoire, qu’il ne faut jamais oublier dans toutes nos prières31.
Verra-t-on dans cette recommandation ultime une transposition chrétienne de l’appel à la pitié qui clôt les discours judiciaires ? Il n’est pas de parole persuasive, en effet, qui ne s’adapte à l’objet du discours. Aussi doit-on se demander de quel genre oratoire relève une prière qui a Dieu pour objet.
Les genres du discours
ou les raisons de prier
Ce n’est pas le moindre des paradoxes de voir se développer, à l’occasion d’une justification de l’oraison monastique, les éléments d’une rhétorique mondaine. En effet, quand il aborde les raisons de prier, Dom Le Masson inscrit son propos dans les « cérémonies de la parole » propres à la vie aulique. La première raison de prier, écrit Dom La Masson, est « pour rendre à Dieu l’honneur et l’hommage que nous lui devons » :
Cela se peut faire sans qu’il vous parle, ni vous à lui ; car ce devoir se rend en reconnaissant qu’il est notre Dieu et que nous sommes ses créatures, et demeurant devant lui prosternés en esprit en attendant ses commandements. Combien y a-t-il de Courtisans qui vont cent fois à la présence du Roi, non pas pour lui parler, ni pour l’entendre, mais simplement afin d’en être vus et de témoigner par leurs assiduités, qu’ils sont dévoués à sa personne et à son service ; de même se présenter devant Dieu, seulement pour lui marquer notre dépendance, et l’assurance de notre soumission et de notre attachement à son service, est une fin très excellente, très sainte et très pure, et par conséquent de très grande perfection32.
L’assimilation du fidèle à un courtisan et de Dieu au Roi signale d’emblée que la prière relève d’un discours épidictique où la rhétorique de l’éloge déploie ses vertus amplificatrices :
120Si vous aviez pour ami un grand Prince qui revînt d’une bataille, où il eût remporté une grande victoire, après avoir souffert les plus grands outrages du monde, qui se fût réduit à se déguiser et à passer pour un misérable, et que ce Prince n’eût entrepris ce grand combat, et ne se fût réduit à ce déguisement que pour vous délivrer de la captivité, si ce Prince étant de retour vous l’alliez voir pour lui témoigner vos reconnaissances, que diriez-vous ? Vous lui feriez ce qui s’appelle au monde un compliment, le plus affectif que vous pourriez, en lui témoignant l’admiration où vous êtes de sa Charité, de sa force, de sa conduite, de ses beaux faits, et de ses bontés envers vous ; vous lui expliqueriez à lui-même ses belles actions en détail, et en exprimant vos reconnaissances de ce que vous lui devez, vous y joindriez l’expression de ce que vous attendez de lui, de vos regrets de l’avoir offensé et d’avoir été la cause de ses souffrances, de vos protestations de l’honorer, de l’aimer et de la servir ; et vous produiriez d’autres semblables affections de l’abondance du cœur33.
Mais alors que la typologie tripartite des genres oratoires s’efforce de distinguer le discours épidictique, le délibératif et le judiciaire, dans la prière, ces trois discours sont mêlés, peut-être parce que la scène de l’oraison se joue toujours simultanément dans la salle du trône, au conseil du roi et au tribunal. Si le Roi attend les louanges, il prend aussi les décisions que requiert toute sollicitation. D’où l’inflexion de l’épidictique en délibératif quand la prière se fait demande de protection :
Appliquez cette idée et cet exemple aux mystères de la Vie et de la Mort de Jésus-Christ notre Sauveur, et servez-vous en dans la pratique. Tout de même, dans les mystères de la Résurrection de Jésus-Christ, et dans ceux qui l’ont suivi, allez à lui comme vous iriez vers ce grand Prince, après voir ouï dire qu’il est monté sur le Trône, afin de lui témoigner votre joie, lui faire vos compliments, lui demander sa protection, lui représenter vos besoins, lui faire mille acclamations, lui donner mille louanges, et lui faire connaître que vous dépendez tout de lui34.
La pluralité de discours qu’autorise le genre délibératif ne doit pas pour autant précipiter la parole dans un empressement inconsidéré ou un flot ininterrompu. L’ethos du courtisan est celui d’un honnête homme qui sait mesurer son propos pour permettre au Prince d’exercer son pouvoir de délibérer :
121Dans quelque facilité que nous nous trouvions de parler à Dieu et d’exprimer nos affections dans l’oraison, il ne faut point suivre la pente que nous aurions de parler toujours. Un homme qui serait appelé à l’Audience de quelque Prince, se rendrait importun et ridicule s’il parlait toujours sans interruption. Il parle, après il se tait pour laisser parler et délibérer le Prince. Cependant il demeure en sa présence avec respect et en silence. Il lève les yeux respectueusement pour le regarder, et lui dit encore peu de mots ; il écoute ce qu’il plaira au Prince de lui répondre, et se tait encore, en demeurant devant lui dans le silence. Et ainsi de temps en temps il continue à lui exposer les désirs de son cœur d’une manière tranquille et éloignée de précipitation et d’empressement, imitant ce que Jésus-Christ fit dans la Prière du Jardin des Oliviers35.
La prière d’intercession relève elle aussi du discours délibératif, puisque, convoquant une assemblée orientée vers une décision à prendre, elle est calquée sur le modèle du conseil du Roi :
En méditant sur les actions et sur la gloire de la Sainte Vierge et des Saints, faites comme si vous deviez aller rendre visite à de grands Seigneurs qui sont vos bons amis, pour leur rendre tous vos devoirs, les féliciter de leur gloire, leur demander leur protection et la continuation de leur bienveillance ; pour leur déclarer vos besoins, leur demander leur faveur auprès du Roi, et leur dire avec respect tout ce que vous voudrez36.
Enfin l’oraison n’a de sens que dans la perspective du Salut et, à ce titre, s’inscrit naturellement dans le genre judiciaire. Non seulement l’exorde et la péroraison développent, comme nous l’avons déjà signalé, une topique propre à l’éloquence du tribunal, mais la narration elle-même s’apparente au plaidoyer :
En le considérant comme votre Juge, faites tout ce que vous feriez, et dites tout ce que vous diriez à un Juge qui aurait un procès à juger qui vous est de la dernière conséquence, et où il y va de votre bien et de votre vie, si vous l’alliez solliciter pour vous le rendre favorable37.
Des raisons multiples qui motivent l’acte d’oraison, il résulte une fluctuation du genre du discours qui n’est pas sans conséquence sur tout le système rhétorique, non seulement sur l’inventio, en ce que la distinction se trouve fragilisée de l’ethos et du pathos, mais aussi sur 122l’elocutio, l’oraison pouvant en effet articuler plusieurs styles. Dans le cadre épidictique de la prière, la figure monarchique de Dieu détermine un appareil émotionnel du discours qui relève de l’éloge et de la célébration et justifie l’utilisation d’un style élevé. Copia et amplification animent alors une prière d’hommage à Dieu pour « lui faire mille acclamations, pour lui donner mille louanges38 ». Dans le cadre judiciaire, la figure du juge semble autoriser le recours à des arguments d’ordre plus rationnel qui cherchent à emporter l’adhésion de l’esprit divin. Dans le cadre délibératif au contraire, il s’agit de susciter l’émotion de Dieu. Le fidèle « dit ce qu’il peut pour l’émouvoir à compassion39 » et, touché par sa créature, Dieu abandonne sa posture de roi ou de juge pour lui présenter le modèle de son Fils humilié. À la façon du Christ ou d’une mère, il reçoit la prière du fidèle tout en en déterminant la forme : une demande simple et modeste, dont l’expression indigente et le style bas participent du genus humile.
De la représentation à la présence
Le premier degré de l’oraison mentale, la considération, constitue un temps de méditation qui, encore une fois, s’accorde pleinement aux exigences d’un discours continu. Il relève d’une espèce d’actes « produits en esprit par des paroles intérieures et par manière de pensées et de discours40 ».
Qu’est-ce que considération et acte discursif ? C’est ce qui se fait par une application de l’âme qui se sert de son entendement et qui fait passer par son raisonnement tout ce qui peut servir à lui faire connaître les bontés de Dieu et l’excellence de la vertu ; et à lui découvrir la laideur du péché et du vice, afin de concevoir l’estime qu’elle doit avoir de l’autre. Et les actes qu’elle produit ensuite de ces considérations sont appelés discursifs parce qu’ils sont des suites du discours que l’âme a fait en elle-même, pour s’émouvoir à produire ces actes d’affections et de demandes explicites41.
123Étape préparatoire à la rencontre, la méditation consiste à se représenter les bienfaits de Dieu, en trouvant des ressources dans l’appareil rationnel et logique de la rhétorique qui fournit les preuves destinées à convaincre l’esprit. On reconnaîtra aisément dans ces preuves qui fondent le « raisonnement » deux lieux communs du discours oratoire : celui des contraires (« l’excellence de la vertu », « la laideur du vice ») et celui de la comparaison (« afin de concevoir l’estime qu’elle doit avoir de l’autre »). Mais le méditant sait aussi recourir aux lieux de la définition ou de la division : « La méditation considère en détail tous les motifs que nous avons d’aimer Dieu42 ». Cet examen qui vise à persuader l’âme et à la transporter au stade des affections n’est qu’un moyen d’émouvoir le cœur du méditant. Le tableau dont on détaille toutes les beautés, puis qu’on admire d’une seule vue, offre une image lumineuse de ce mouvement de l’oraison :
Il faut donc goûter [la vérité], en aimer et admirer l’Auteur, la contempler pour s’en émouvoir davantage, comme on a rencontré un excellent tableau, plus on le regarde plus on l’estime. Quand on a considéré en détail l’excellence de tous les traits de ce tableau, on ne raisonne plus, on regarde seulement, et on demeure épris de sa beauté. Voilà une idée de ce qui s’appelle contemplation en matière d’Oraison43.
La méditation est la forme première et discursive d’une contemplation intérieure qui, au cours de l’oraison, abandonne progressivement la médiation de la parole pour celle du regard.
Encore faut-il préciser la nature de ce regard. Le tableau qu’évoque Dom Le Masson a bien peu d’affinités avec la composition de lieu de saint Ignace ou même avec la considération d’un saint François de Sales. Ces deux maîtres de la vie spirituelle ne craignaient pas de recourir à l’imagination pour se représenter Dieu. Dom Le Masson, au contraire, invite à la rejeter et il semble, sur ce point, bien plus proche des positions quiétistes de Mme Guyon ou de Malaval :
Remarquez qu’il n’est pas besoin de se former une idée de quelque chose corporelle qui représente Dieu dans l’imagination : au contraire, s’il s’en forme quelqu’une de soi-même, il faut s’habituer à la rejeter, comme une chose qui ne se trouve pas dans Dieu qui est un pur Esprit44.
124Si elle conserve quelque chose de visuel, la méditation doit élever l’âme au-dessus des images sensibles. Même en ce qui concerne la représentation par le méditant de l’Humanité du Christ : « il vaut mieux s’habituer à regarder par la Foi tous les mystères de sa Vie et de sa Mort, que de se former dans l’esprit quelque image de sa personne et de ses actions. Tout ce qui occupe l’imagination ne doit être regardé qu’en passant45 ».
Il s’agit donc de convertir progressivement le regard sensible en un regard de foi, de s’habituer, non pas à se représenter Dieu, mais à se mettre en sa présence, tout comme y invite aussi saint François de Sales :
Pour le former plus facilement à cette pratique, on peut user de cette comparaison. Quand vous êtes dans une chambre, et que vous savez que votre ami y est caché derrière une tapisserie, est-il besoin pour lui parler de vous former l’idée de son portrait dans votre imagination ? Non, sans doute, et vous estimeriez cette application superflue. Vous lui dites ce qu’il vous plaît, sans vous former aucune idée ; car il vous suffit de savoir certainement qu’il est présent, et qu’il vous entend. Faites-en de même à l’égard de Dieu, parlez-lui hardiment, car il vous entend, et ne l’allez point chercher ailleurs qu’au milieu de votre cœur, puisqu’il y est assurément46.
Cette façon de regarder « par les yeux de l’âme », n’est pas sans analogie avec la situation d’un aveugle :
On peut ajouter à la comparaison de l’ami caché derrière la tapisserie, celle d’un aveugle qui se trouve devant un grand roi. Il ne le voit pas, mais néanmoins, dès qu’on l’avertit que le Roi est présent, il se met et se tient dans un état très respectueux. Si le Roi lui fait l’honneur de l’appeler pour lui parler, il s’approche, et la ferme croyance qu’il a que c’est au Roi qu’il parle, l’empêche de penser à autre chose qu’à lui parler. Il ne se forme aucune idée dans son imagination de la figure du roi. Il est seulement appliqué et attentif à lui témoigner sa soumission et son respect, à lui faire connaître ce qu’il voudrait faire pour son service, et à lui exposer les besoins qu’il a de sa protection et de ses secours47.
Pour pratiquer « la présence de foi », l’âme du méditant ne saurait avoir recours à l’imagination, puisque cette présence est certaine : il s’agit de se servir de l’entendement et de l’esprit, « selon l’ordre de la droite raison » secourue par la foi, puisque seul Dieu peut persuader de 125sa présence. D’où l’importance du « Second point » du traité : « En se présentant devant Dieu, [l’âme] doit apporter avec soi la Foi, l’Espérance et la Charité […]48 ». Avant même que l’âme, dans la phase de méditation, ne cherche à se convaincre de la présence divine et à s’émouvoir pour produire des actes d’affections, c’est Dieu lui-même qui la convainc et la persuade par la puissance rhétorique des trois vertus théologales :
Elle doit être persuadée par la Foi, que Dieu est partout, et qu’il connaît tout […]. Par l’Espérance, elle doit être établie dans une fermeté inébranlable pleine de confiance, que Dieu lui accordera tous les secours nécessaires pour conduire les actions de sa vie mortelle, selon la Loi, et pour parvenir à la vie éternelle […]. Par la Charité, elle doit être convaincue que Dieu l’aime d’un amour éternel […]49.
On comprend mieux pourquoi, aux yeux de Dom Le Masson, la méditation est une grâce qui « ne peut s’acquérir par aucun travail humain50 ». Mais cela signifie aussi que la grâce a sa rhétorique, qu’elle est experte à convaincre l’esprit du méditant, à émouvoir son cœur, et à lui communiquer sa propre éloquence :
Par cette grâce de Méditation, il faut entendre la facilité d’élever et d’unir son esprit à Dieu, de faire de solides réflexions, de concevoir de bonnes affections, et de les exprimer devant sa Majesté avec des paroles intérieures et des sentiments produits de l’abondance du cœur51.
Une rhétorique de la mendicité
Nous avons déjà vu comment l’image du courtisan configure un ethos de soumission, de respect et de déférence, face à un Dieu qu’on cherche moins à convaincre qu’à émouvoir. Mais l’ethos du courtisan demande à être nuancé par celui du mendiant dont la figure occupe le cœur de la direction spirituelle d’Innocent Le Masson.
126La façon de se gouverner dans ce discours avec Dieu, se comprendra mieux par un exemple familier que par un amas de paroles. Comment se gouverne un pauvre qui, outre son indigence, est surchargé de blessures, et qui manque de paroles pour représenter ses maux et ses besoins ? Que fait-il quand il se présente devant un grand Prince pour avoir l’aumône ? Il se jette à ses pieds, il lui découvre ses plaies, et dit ce qu’il peut pour l’émouvoir à compassion. Si les paroles lui manquent, il se contente de montrer ses plaies, et de se tenir en sa présence avec obstination, jusqu’à ce qu’il le regarde. Quand il s’aperçoit que le Prince jette les yeux sur lui, il recommence à lui exposer ses besoins avec une nouvelle ferveur d’affection ; mais quand il lui a jeté quelque pièce d’argent, la joie lui fournit des paroles, telles que l’abondance de son cœur lui suggère, sans affection ni composition de discours. Ce sont là les trois degrés par où Dieu fait passer ordinairement les bonnes âmes dans les communications qu’il veut avoir avec elles52.
On peut reconnaître dans cette image de l’indigent « qui manque de paroles pour représenter ses maux et ses besoins » la figure du mendiant spirituel utilisée par le chartreux Guigues du Pont53 au xiiie siècle, ou bien encore une forme de « l’oraison de mendicité » chère à Gerson54.
Si la figure du courtisan trouve toute sa place dans une phase de considération réflexive, la faiblesse de l’ethos mendiant s’harmonise beaucoup mieux avec les moments de sécheresse. Dans cette phase d’anéantissement, l’oraison elle-même devient indigente, les paroles manquent et la rhétorique du verbe cède la place à l’éloquence du corps. Paradoxalement, le silence donne alors tout son sens à l’actio : « Il se contente de montrer ses plaies ». Bien plus que celle de Lazare quelquefois mentionnée, c’est l’image du Christ qui fournit au fidèle l’archétype de cette position éthique :
C’est ainsi que notre Seigneur Jésus-Christ, notre cher Maître, a fait dans son Oraison du Jardin des Oliviers où, se trouvant triste jusques à la mort, il a employé le temps de sa prière à répéter plusieurs fois un même discours pour nous donner l’exemple de la patience, de la résignation et de la manière de nous gouverner devant Dieu dans l’état de la sécheresse de nos discours et de nos affections55.
127Au seuil de son néant et de l’aphasie, le fidèle n’en dispose pas moins des ressources de l’inventio où la parole se régénère dans la kénose du Christ. La prière se fait acte de confiance dans cette régénération du discours lui-même : une régénération lente, progressive (« il recommence à lui exposer ses besoins ») qui donne à l’elocutio ses traits essentiels : la répétition et toutes les formes stylistiques de la demande :
[…] si les paroles lui manquent, elle n’a qu’à persévérer à se tenir en sa présence, avec patience et avec humilité, et qu’à se contenter de recommencer de temps en temps ses demandes, et lui exposer ses besoins avec confiance56.
L’inventio peut aussi être mise à contribution en fournissant exempla et lieux communs aisément imitables :
Si l’âme se trouve sèche dans ses considérations, elle ne doit point se laisser aller au découragement ni à l’inquiétude, mais demeurer avec simplicité en la présence de Dieu, pour y faire l’exercice du pauvre mendiant, dont nous venons de parler. Elle dira une fois par exemple : Mon Dieu, vous savez qui je suis, je voudrais avoir le bonheur de vous entretenir, mais je ne le mérite pas, et ma stupidité m’apprend assez que ma faiblesse est grande et mon esprit incapable de s’unir à vous ; que votre sainte volonté soit faite, pourvu que vous me donniez votre crainte et votre saint Amour, cela me suffit57.
Répétition, défaillance du verbe, modestie de la demande, recours aux lieux communs de l’oraison : l’elocutio du mendiant spirituel relève en tous points du sermo humilis propre à l’éloquence chrétienne, image de la kénose paradoxale et sublime du Verbe divin. Les vues de Dom Le Masson héritent à cet égard de la leçon augustinienne retenue par des prédicateurs comme Bossuet ou réaffirmée par Port-Royal : en matière de rhétorique, le seul orateur que l’on doive imiter, c’est le Christ.
Le Verbe éternel, écrit Arnauld, ne s’est pas contenté de se présenter à nos yeux avec un corps entièrement semblable aux nostres, mais […] il a voulu mesme s’abaisser et se couvrir de la simplicité des expressions, et des paroles dont nous nous servons ordinairement entre nous58.
128L’oraison du cœur
Si, dans la phase de sécheresse, l’âme indigente configure son caractère à l’imitation du Verbe humilié, les natures de l’ethos et du pathos se modifient à nouveau lorsqu’elle accède au degré des affections.
Si Dieu vous ayant jeté un regard, votre affection s’enflamme pour lui parler, je vous le répète encore une fois, n’affectez point de composition de discours, mais produisez vos affections comme elles se trouveront, avec la même naïveté, confiance et sincérité, dont un enfant se sert envers sa mère, se jetant dans son sein quand les paroles lui manquent. Car c’est ainsi qu’il faut que nous nous jetions avec un amour respectueux dans cet adorable Sein de Dieu pour nous y reposer, pour y remettre tous nos soins et toutes nos défiances, et pour y faire doucement la répétition de nos demandes ; car il se plaît à être importuné, et à nous voir persuadés de la tendresse de son amour59.
En se substituant à celui du mendiant, l’ethos de l’enfant qui se réfugie auprès de sa mère dessine toujours la figure d’une âme humble et confiante qui s’abandonne à l’amour de Dieu, mais s’y ajoutent aussi les traits de la spontanéité naturelle et de l’innocence60. Moins étudiée que celle du pauvre, la parole de l’enfant n’est qu’un babil, la forme langagière de celui – l’infans – qui ne sait pas parler. Elle n’est que pure émotivité, expression enflammée d’un cœur ignorant tout des lois du discours. « La joie lui fournit des paroles, telles que l’abondance de son cœur lui suggère, sans affection ni composition de discours61 », écrit Dom Le Masson à propos du mendiant que Dieu a regardé. Mais il s’agit encore d’une parole articulée. Celle de l’enfant est à vrai dire moins une parole qu’un regard affectif, première forme du regard spirituel que le fidèle adresse à Dieu dans le dernier degré de l’oraison :
[…] quand on demeurerait simplement en la présence de Dieu, ayant l’esprit et le cœur tournés vers lui, avec l’intention de l’adorer et de lui plaire, en lui exposant ses désirs, en le regardant des yeux de l’âme comme l’enfant jette des regards affectifs sur sa mère, sans qu’il puisse lui parler, et implorant et 129attendant de lui ses secours avec confiance, on ferait une très bonne Oraison. Dieu même met les âmes les plus avancées dans cet état, pour les conduire de là à la contemplation la plus élevée, et à l’union avec lui62.
Les passions que suscite alors cette rhétorique de l’enfance ne sont plus seulement celles qu’on serait en droit d’attendre d’un roi ou d’un juge : la protection, la clémence, le pardon, mais celles d’une mère : la compassion, la douceur, la tendresse. Aussi le fidèle doit-il adapter ce nouveau langage à l’effet émotionnel qu’il en attend. L’elocutio, à ce stade de l’oraison, hérite en droite ligne des principes de l’éloquence salésienne : « production sincère d’un cœur qui vient pour se répandre devant Dieu63 », « considération de quelque point de Méditation avec douceur de cœur, avec suavité d’esprit et sans impatience64 ». Ce libre entretien de l’âme éprise de son Dieu s’apparente à un soliloque :
Lui parler comme à soi-même, puisqu’il lui est plus présent qu’elle-même, et se souvenir de ce regard de l’enfant sur sa mère, dont nous avons parlé ci-dessus, qui est plus éloquent que tous les discours65.
De fait, la rhétorique des affections s’est émancipée de toute la substance réflexive du discours. La méditation, dans ce qu’elle conserve de spéculation et d’« entretien discursif » n’est qu’un moyen de susciter l’affection et de permettre l’union avec Dieu : « L’âme donc ne doit point recourir aux moyens quand elle se sent comme parvenue à la fin66 ». Aussi le langage des affections n’est-il, tout comme l’oraison elle-même, qu’un échauffement du cœur :
Que l’oraison est une fournaise qui sert à trois choses : à échauffer l’âme du saint Amour, à la rendre pliable à tout le bien, et à la purifier comme l’or dans le creuset […]67.
Cela ne signifie pas pour autant qu’il faille confondre le cœur et la sensibilité. Dans le chapitre ix de son traité, Dom Le Masson consacre 130de fines analyses à « cette tendresse de cœur68 » et à l’échauffement naturel des passions, dont Dieu nous protège en nous accordant des moments de sécheresse qui mortifient le cœur dans ses joies et le délivrent des dévotions trop sensibles.
L’admirable Sagesse de Dieu se sert ici de sécheresses comme d’un stratagème, pour se rendre maîtresse de nos cœurs, pour les réduire et les réformer69.
De même pour l’esprit : si les affections y produisent un échauffement, il faut en recevoir la grâce tout en en maîtrisant les effets :
Il est important même de ramener l’esprit à la tranquillité, et à une douce simplicité, quand on le voit épris d’une ferveur empressée dans son opération, et qu’il veut agir comme de soi-même en suivant le mouvement de cette ferveur trop ardente et trop empressée ; car cela ne sert qu’à le fatiguer inutilement. Il faut pour lors s’appliquer à le ramener à la tranquillité de la paix par un doux anéantissement de l’âme devant Dieu, en entrant dans ces sentiments de David : Seigneur, tous mes désirs sont devant vous, et mon gémissement ne vous est point caché70.
En concevant le degré de l’affection comme l’échauffement d’une âme qui sait aussi se gouverner, Dom Le Masson définit tout autant la ferveur maîtrisée de l’oraison que « le langage du cœur ». L’éloquence qui en résulte est naturelle, vive et spontanée comme l’expression balbutiante de l’enfant, mais à la fois douce, tranquille, maîtrisée, comme la réponse de la mère. Elle constitue un acte spirituel que Dom Le Masson décrit avec la plus grande précision dans son traité :
Les actes spirituels de la raison éclairée et animée d’une vive Foi, qui produit les affections de son cœur sans suite de discours, mais par des élans et des saillies de raison et de cœur. Les vues et les affections se suivent et s’entrecoupent ; et l’âme pénétrée de la vive foi de la présence de Dieu, lui expose ses sentiments et les désirs de son cœur d’une manière vive, affective et tranquille71.
À ce degré, l’oraison est devenue « jaculatoire » : la parole intérieure n’est plus qu’un jaillissement intermittent, fruit d’une raison qui n’a plus rien de spéculatif et d’un cœur qu’on ne saurait confondre avec la 131sensibilité. Une parole libre et maîtrisée, spontanée et volontaire, linéaire et fragmentée, profondément dynamique, d’un mouvement qui échappe aux lois artificielles du discours. De nature essentiellement lyrique, ces « élans » et ces « saillies », dont on remarquera la nature toute salésienne, constituent aussi une expression discontinue qui s’accorde pleinement avec des affections « diffuses » et « multipliées ». Autre paradoxe, ce morcellement de la parole pour dire l’unification des âmes en Dieu :
Elles disent souvent tout sans rien dire, car leur cœur parle à Dieu sans avoir besoin de s’expliquer ; elles ne disent souvent qu’une même chose, à l’exemple de Jésus-Christ, lorsqu’il faisait sa prière dans le Jardin des Oliviers, mais cette chose comprend tout72.
L’extrême densité de cette parole en éclats rompt définitivement la fragile articulation du discours et de l’expérience spirituelle, de la rhétorique humaine et de l’oraison.
« Discours sans discourir »
Si, comme nous l’avons vu, la rhétorique de l’oraison prend sa source dans celle de la grâce, elle trouve aussi en Dieu son accomplissement. Parvenue au degré de l’union, l’âme, qui auparavant discourait pour persuader son Créateur, est elle-même convaincue :
L’âme entre dans cet état de contemplation quand, après avoir médité les vérités Divines, elle reçoit sur elle comme un rayon du Soleil de sa grâce, qui lui fait voir d’une manière fixe et évidente les merveilles des bontés de Dieu. Elle en est convaincue, elle les regarde avec paix, avec consolation et sans travail73.
« Discours sans discourir, eût dit Bossuet, où est substantiellement toute vérité, et qui est la vérité même74 ». L’évidence de la parole divine se donne à l’âme sur le mode du dévoilement : c’est le Verbe qui répand sa lumière et s’offre à l’âme sans qu’elle ait à fournir le moindre effort 132de compréhension. Mais c’est aussi à la catégorie rhétorique de l’enargeia qu’il convient de rapporter cette expérience de l’évidence des vérités divines. Le divin rhéteur procède avec les âmes comme Cicéron avec ses auditeurs : « De là procédera l’enargeia, que Cicéron appelle clarté et évidence, qui nous semble non pas tant raconter que montrer, et nos sentiments ne suivront pas moins que si nous assistions aux événements eux-mêmes75 ». Dom Le Masson revient fréquemment sur la puissance de persuasion de cette rhétorique divine :
La contemplation fait comme Marie Madeleine qui, ayant reçu un mot de la bouche de Jésus Christ et l’ayant reconnu, ne cherche plus, n’est plus en peine, mais se jette à ses pieds pour les embrasser, et n’est occupée que de son Amour et de la joie d’avoir trouvé ce qu’elle cherchait avec tant de désir76.
L’activité impartie à l’âme dans ce dernier degré de l’oraison consiste en un abandon de toute volonté propre et une attention à Dieu qui substitue à la parole humaine un regard intérieur uniquement dirigé par la grâce :
Les anciens Pères, selon Cassien, se servent du terme de regard, intuitus, pour signifier l’attention de l’âme à Dieu, et l’intention de lui plaire, parce qu’un seul regard intérieur, un regard de Foi et de confiance, peut comprendre et produire l’une et l’autre ; et même quand l’âme se trouve dans ce regard fixe et tranquille animé de Charité, elle doit demeurer devant Dieu, en laissant reposer ses puissances, sans s’en servir pour discourir ou pour produire des actes formés ; car ce regard peut être appelé un acte continué, et qui referme tous les actes que l’âme pourrait faire alors77.
La parole humaine sera-t-elle réduite au silence face à l’évidence de la révélation divine et dans l’union de l’âme avec Dieu ?
Les âmes que Dieu occupe entièrement de lui, n’ont rien à dire ; car leur regard intérieur dit tout, et contient tout ce qu’elles voudraient dire78.
Il n’est plus besoin ici ni de raisonnement, ni de discours, puisqu’on a trouvé ce qu’on cherchait, et qu’on est convaincu de la vérité d’une manière pénétrante. Il faut donc la goûter, en aimer et admirer l’Auteur ; la contempler pour s’en émouvoir davantage79.
133Bien que, dans l’effusion de leur volonté en Dieu, les âmes semblent avoir définitivement rompu les liens avec la rhétorique humaine, le ravissement ne leur interdit pas pour autant une effusion verbale de saillies et d’élancements qui cristallisent leurs extases.
Que si [les âmes] deviennent entièrement occupées du souvenir et de la présence de Dieu, et comme tout attachées intérieurement à lui, qu’elles suivent l’attrait, en faisant une effusion de toute leur âme et de toute leur volonté en Dieu : cette effusion sera un acte d’union continué qui comprend tous les autres. Mais on pourra de temps en temps produire quelque élancement d’affection formée, comme sont ceux-ci : Mon Dieu et mon tout…Vous êtes mon Dieu, ma miséricorde. Sans néanmoins se distraire de cette adhésion et union à Dieu80.
La parole ne se recompose pas en discours : elle en condense tous les possibles dans des élancements affectifs qui seuls, à ce degré d’union, peuvent plaire à Dieu :
C’est ce regard et cette vue intérieure de l’âme qui l’occupe, qui la met dans l’admiration, et qui la réduit à ne pouvoir l’exprimer que par des exclamations, telles qu’étaient celles de S. Bruno ô Bonté, ô Bonté, celle de S. Augustin, ô Bonté toujours ancienne et toujours nouvelle, et celle de S. François qui passait les nuits sur ses genoux en répétant ces paroles ô Dieu, vous êtes mon Dieu et mon tout. Les affections ne sont point alors ni diffuses ni multipliées, mais elles sont comme quintessenciées dans celle-ci, qui est très intime, et qu’on appelle à bon droit affection contemplative ; car elle regarde fixement ce qu’elle doit aimer, elle est pénétrée de son excellence, et elle désire de l’aimer uniquement et de plus en plus. L’Amour de Dieu a un langage de cœur qui est plutôt fatigué qu’aidé par les discours et par un tissu de paroles81.
Cette « affection contemplative » n’est pas sans évoquer les élévations de l’École française de spiritualité et les « ô » d’admiration de Bérulle et de Bourgoing. Ces matières d’admiration sont, comme l’écrit Bourgoing, « brèves et concises ; elles sont grandement affectives ; elles contiennent beaucoup de choses en peu de paroles, et des profondes vérités en deux mots82 ». Assiste-t-on, dans ces concrétions lyriques, à l’anéantissement de la rhétorique ou à son accomplissement ? À sa disparition ou à son exhaussement ? Ne peut-on considérer que là, au 134miroir de la rhétorique divine, la rhétorique humaine touche, par son évidence et sa simplicité, à la pointe du sublime ?
Ainsi, le traité de Dom Le Masson, que nous avons tenté de présenter selon les critères de la rhétorique, offre à l’analyse du discours un champ d’étude encore bien peu exploité. Il permet, par exemple, de mesurer combien, dans le cadre de l’oraison, l’inventio l’emporte sur l’elocutio, ne serait-ce que par la priorité donnée aux multiples formes de l’ethos et du pathos. Ils constituent aussi des pièces majeures à joindre au dossier de l’éloquence paradoxale et du discours mystique, confirmant, s’il en était besoin, les analyses lumineuses que Christian Belin a proposées de la méditation et des relations entre discursivité et contemplation, mystiques et anti-mystiques, fable et parole : « Dans l’ordre mystique, écrit-il, toute discursivité est peut-être prédestinée à mourir, mais elle n’en est pas pour autant évacuée a priori83 ». Ne peut-on en dire de même de la rhétorique, quand elle est mise au service de l’oraison ? C’est bien à cette rhetorica abscondita que l’homme a recours quand il adresse sa prière à Dieu.
Marc Ruggeri
Lycée Sophie Germain (Paris)
1 Sur ces combats, on se reportera à l’article « Le Masson » de S. Autore, dans le Dictionnaire de Théologie catholique, Paris, Letouzey et Ané, 1926, t. IX, col. 202-207. Voir aussi Richard Cadoux, « Autour de la notion de décadence monastique. La querelle entre Rancé et Le Masson », dans Transversalités, no 91, juillet-septembre 2004, p. 99-120 ; et Dominique Tronc, « Quiétude et vie mystique. Madame Guyon et les Chartreux », dans Transversalités, op. cit., p. 121-149.
2 L’expression est empruntée au titre de l’étude, ancienne mais indispensable, de Monseigneur Jacques Martin, Le Louis XIV des Chartreux, Dom Innocent Le Masson, Paris, Téqui, 1975. Pour une approche plus récente de la vie et de l’œuvre de Dom Le Masson, voir Robert Bindel et Pierre Aelred (dir.), Dom Innocent Le Masson, chartreux méconnu, Noyonnais oublié, Salzbourg, « Analecta cartusiana », no 209, 2007.
3 Innocent Le Masson, Introduction à la vie intérieure et parfaite, Paris, Antoine Dezallier, 1701. Sur la doctrine spirituelle de Dom Le Masson, on consultera l’article « Innocent Le Masson » de Dom Augustin Devaux dans le Dictionnaire de Spiritualité, Paris Beauchesne, 1976, t. IX, col. 572-583 ; et plus récemment, le très bel article de Nathalie Nabert dont les travaux ont permis de redécouvrir la spiritualité de Dom Le Masson, « La question de l’unité de la vie contemplative chez Dom Innocent Le Masson », dans Transversalités, op. cit., p. 185-203.
4 Dom Innocent Le Masson, Introduction à la vie intérieure et parfaite, op. cit., Avis VI, p. 67-114.
5 Dom Innocent Le Masson, Direction pour se former avec ordre et tranquillité au saint exercice de l’oraison, Grenoble, André Faure, 1698. Composé en 1661 pour le frère Antoine Adam, ce traité de l’oraison connaîtra de nombreuses rééditions sous des titres variés, en 1672, 1674, 1676, 1698, avant d’être repris et abrégé dans Introduction à la vie intérieure et parfaite en 1701. Il a fait l’objet d’une réédition récente, sous forme de textes choisis, par Christophe Bagonneau, Traité de l’oraison, Paris, Éditions Parole et Silence, 2005. Nous citerons le texte d’après la 4e édition de 1698, revue et augmentée par Dom Le Masson (désormais : Direction).
6 Direction, op. cit., chap. iv, p. 39.
7 Antoine Furetière, Dictionnaire universel, La Haye-Rotterdam, Arnout et Reinier Leers, 1690.
8 Direction, op. cit., chap. vii, p. 122.
9 Ibid., chap. i, p. 6.
10 Ibid., chap. i, p. 6-8.
11 Ibid., chap. iii, p. 29-30.
12 Ibid., chap. ii, p. 10.
13 Voir les quatre degrés de la scala claustrarium, dans Guigues II le chartreux, Lettre sur la vie contemplative, douze méditations, éd. Edmund Colledge et James Walsh, Paris, Les Éditions du Cerf, « Sources chrétiennes », no 163, p. 81-123.
14 Voir Saint François de Sales, Traité de l’Amour de Dieu, dans Œuvres, éd. André Ravier, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1969, Livre VI, p. 607-660.
15 Ibid., chap. vii, p. 129.
16 Ibid., chap. vii, p. 111-112.
17 Ibid., chap. iii, p. 30.
18 Ibid., chap. iii, p. 30-31.
19 Ibid., chap. vii, p. 93.
20 Voir Saint François de Sales, Traité de l’Amour de Dieu, op. cit., Livre VI, chap. ii, p. 614-615. Sur la rumination spirituelle, voir aussi Guigues II le chartreux, Lettre sur la vie contemplative, op. cit., p. 85-87.
21 Ibid., chap. viii, p. 143 et 147. Citation extraite du Traité de l’Amour de Dieu, op. cit., Livre VI, chap. vi, p. 627.
22 Ibid., chap. viii, p. 146-147.
23 Ibid., chap. iv, p. 39 et 43.
24 Ibid., chap. viii, p. 144.
25 Ibid., chap. vii, p. 128.
26 Ibid., chap. vii, p. 106-107.
27 Ibid., chap. iv, p. 34.
28 Ibid., chap. vii, p. 126.
29 Ibid., chap. vii, p. 128.
30 Ibid., chap. vii, p. 114-115.
31 Ibid., chap. iv, p. 40.
32 Ibid., chap. iv, p. 41-42.
33 Ibid., chap. iv, p. 35-36.
34 Ibid., chap. iv, p. 36-37.
35 Ibid., chap. iv, p. 47-48.
36 Ibid., chap. iv, p. 37-38.
37 Ibid., chap. iv, p. 37.
38 Ibid., chap. iv, p. 37.
39 Ibid., chap. iv, p. 31.
40 Ibid., chap. vii, p. 125.
41 Ibid., chap. vii, p. 127.
42 Ibid., chap. viii, p. 145.
43 Ibid., chap. viii, p. 145.
44 Ibid., chap. iii, p. 23.
45 Ibid., chap. iii, p. 26.
46 Ibid., chap. iii, p. 24-25.
47 Ibid., chap. iii, p. 28-29.
48 Ibid., chap. iii, p. 20.
49 Ibid., chap. iii, p. 21-22.
50 Ibid., chap. iii, p. 10.
51 Ibid., chap. ii, p. 10.
52 Ibid., chap. iv, p. 31-32.
53 Voir Guigues du Pont, Traité sur la contemplation, éd., trad. et notes par Dom Philippe Dupont, Salzbourg, 1985, « Analecta cartusiana », no 72, vol. I, p. 199.
54 Voir le traité de direction spirituelle que Jean Gerson a écrit, en langue vernaculaire, pour apprendre à prier : Jean Gerson, La Mendicité spirituelle, dans Œuvres complètes, vol. VII, L’œuvre française, éd. Mgr Glorieux, Paris, Desclée, 1966.
55 Direction, op. cit., chap. iv, p. 33.
56 Ibid., chap. iv, p. 33.
57 Ibid., chap. iv, p. 39-40.
58 Cité par Emmanuel Bury, « L’évidence au service de la prédication : réflexions du xviie siècle sur saint Augustin », dans Carlos Lévy et Laurent Pernot (dir.) Dire l’évidence (Philosophie et Rhétorique antique), Paris, L’Harmattan, 1997, p. 75-91, ici p. 89.
59 Direction, op. cit., chap. iv, p. 34.
60 Dom Le Masson reprend ici la comparaison de l’orant avec le petit enfant, développée par François de Sales. Voir Traité de l’Amour de Dieu, op. cit., Livre VII, chap. i, p. 663-664.
61 Ibid., chap. iv, p. 31.
62 Ibid., chap. i, p. 7-8.
63 Ibid., chap. iii, p. 30.
64 Ibid., chap. iv, p. 40.
65 Ibid., chap. iv, p. 48.
66 Ibid., chap. ii, p. 18.
67 Ibid., chap. ix, p. 163.
68 Ibid., chap. ix, p. 156.
69 Ibid., chap. iv, p. 44.
70 Ibid., chap. iv, p. 48-49.
71 Ibid., chap. vii, p. 125-126.
72 Ibid., chap. vii, p. 128.
73 Ibid., chap. viii, p. 144.
74 Bossuet, Élévations sur les Mystères, Méditations et autres textes, éd. Renaud Silly o. p., Paris, Robert Laffont, « Bouquins », Élévations, XII, 7, p. 420.
75 Quintilien, Institution oratoire, trad. Jean Cousin, Paris, Les Belles Lettres, 2003, t. IV, livre VI, 2, 32, p. 32.
76 Direction, op. cit., chap. viii, p. 144-145.
77 Ibid., chap. iv, p. 49.
78 Ibid., chap. vii, p. 120.
79 Ibid., chap. viii, p. 145.
80 Ibid., chap. vii, p. 110.
81 Ibid., chap. viii, p. 145-146.
82 Cité par Henri Bremond, Histoire littéraire du sentiment religieux en France, [1921], vol. I, t. 3, Grenoble, Jérôme Millon, 2006, p. 987.
83 Christian Belin, La Conversation intérieure. La Méditation en France au xviie siècle, Paris, Champion, « Lumière classique », 2002, p. 340.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-07134-1
- EAN : 9782406071341
- ISSN : 2494-5102
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-07134-1.p.0109
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 01/09/2017
- Périodicité : Annuelle
- Langue : Français