Aller au contenu

Classiques Garnier

Le Prince et le Mendiant Rhétorique et spiritualité de la prière chez Dom Innocent Le Masson

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Revue Bossuet Littérature, culture, religion
    2017, n° 8
    . Réceptions de Bossuet au xviiie siècle
  • Auteur : Ruggeri (Marc)
  • Résumé : Comment parler à Dieu ? La prière suppose-t-elle un discours ou consiste-t-elle en un état ? De l’orateur à l’orant, de Quintilien à Dom Innocent Le Masson (1627-1703), l’oraison spirituelle a toujours cherché à s’émanciper de l’oraison profane. Mais à étudier les écrits de direction du général des Chartreux, il semblerait que la rhétorique, si effacée soit-elle, continue à exercer une influence sur la prière. Une rhétorique de mendiant, humble et sensible, pour s’accorder à la kénose du Verbe divin.
  • Pages : 109 à 134
  • Revue : Revue Bossuet
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406071341
  • ISBN : 978-2-406-07134-1
  • ISSN : 2494-5102
  • DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-07134-1.p.0109
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 01/09/2017
  • Périodicité : Annuelle
  • Langue : Français
109

Le Prince et le Mendiant

Rhétorique et spiritualité de la prière
chez Dom Innocent Le Masson

Dom Innocent Le Masson, 51e Prieur de lOrdre des Chartreux, est bien connu pour les combats qui lont opposé aux jansénistes, à lAbbé de Rancé, et surtout à Madame Guyon1. Cest à ce titre quon sest intéressé récemment au Louis XIV des Chartreux2. Mais la défense de lorthodoxie contre le jansénisme et le quiétisme a, en partie, éclipsé lintense activité de direction spirituelle de Dom Le Masson. Très tôt, comme maître des novices, puis comme Prieur Général des Chartreux, de 1676 à sa mort en 1708, Dom Le Masson sest consacré à la formation des moines et des moniales de son ordre, en publiant de très nombreux ouvrages : instructions, avis, lettres, méditations, directoires, dont la doctrine spirituelle est tout entière rassemblée dans Introduction à la vie intérieure et parfaite3. Dans le second volume de cette somme figure un avis : « Sur lOraison Intérieure, et Direction pour en faciliter lusage 110à toutes sortes de personnes4 », qui constitue un abrégé dun traité sur loraison, composé quarante ans plus tôt et inlassablement réédité, avec de nouveaux chapitres et de nombreux « éclaircissements » rendus indispensables eu égard au développement du quiétisme. Lultime version de ce traité, parue en 1698 sous le titre : Direction pour se former avec ordre et tranquillité au saint exercice de loraison5, offre une théorie de loraison et de la vie mystique qui demeure, à ce jour, un socle de la vie spirituelle cartusienne.

Dinspiration profondément salésienne, loraison selon Innocent Le Masson se présente comme « un entretien », « un colloque », « une divine conversation » : « Il faut, écrit-il dans Direction pour se former avec ordre… à loraison, aller simplement, à la bonne foi et sans art, pour être auprès de Dieu, pour laimer, et pour sunir à lui ; car comme dit S. François de Sales, le véritable amour na guère de méthode6 ».

Ny-a-t-il pas quelque paradoxe à vouloir « former » à loraison « avec ordre » et proposer dy progresser « sans art » ? Et de quel art est-il question ? En sattachant à présenter les formes que prend loraison dans ce traité, notre propos sera moins den déterminer les enjeux spirituels que den approcher la dimension expressive. Quel(s) type(s) de discours loraison produit-elle ? A-t-elle ou non des liens avec lart oratoire ? En somme, loraison selon Dom Le Masson permet-elle de poser quelques jalons pour létude dune rhétorique de la prière ?

111

Discours doraison,
oraison sans discours

On retiendra, dans les définitions quAntoine Furetière donne de loraison, deux acceptions. La première relève de la rhétorique, la seconde de la spiritualité :

ORAISON, signifie aussi une harangue, un discours étudié et poli quon prononce en public, ou qui est composé à ce dessein []. En ce sens on dit en Rhétorique, quil y a cinq parties de lOraison, lExorde, la Narration, la Confirmation, la Confutation, et la Péroraison.

ORAISON, signifie plus ordinairement chez les Chrétiens, Prière quon fait à Dieu, et à ses Saints []. En ce sens on distingue trois sortes doraisons ; la vocale, qui est lordinaire quon prononce de bouche ; la mentale, quon fait de la pensée en méditant ; la jaculatoire, qui se fait par une vive et prompte aspiration de cœur, et cest en ce sens quon dit quune courte prière ou oraison pénètre les cieux7.

La proximité de ces deux définitions dans le Dictionnaire de Furetière autorise-t-elle lassimilation de la prière à un discours ? Et à supposer quelle constitue une forme de discours, la prière obéit-elle pour autant aux règles de lart oratoire ?

La rhétorique, en effet, ne vise pas à « pénétrer les cieux », mais seulement à convaincre en emportant ladhésion de lesprit et à persuader en emportant ladhésion du cœur. Pour ce faire, lorateur compose son discours (dipositio), recourt à des lieux et des arguments dont la tradition a reconnu lefficacité (inventio), soigne son expression et son style (elocutio), déploie son talent dans une performance oratoire (actio). Il sait que pour persuader lauditoire, il doit manifester son caractère moral (ethos) et en appeler aux passions du public (pathos). Mais le destinataire de la prière a-t-il besoin dêtre convaincu, puisquil sagit de Dieu, qui connaît, au plus intime, nos pensées et nos sentiments ? À cet égard, les propos de Dom Le Masson sur « les actes et la manière de les faire dans loraison » sont sans ambiguïté :

112

Le commun des hommes simagine que pour faire un acte dans lOraison, il faut composer comme un discours tissu de paroles qui aient de lordre et de la suite, et qui expriment en bons termes la pensée de lesprit, laffection et le désir du cœur ; ils croient que pour parler à Dieu, il faut faire de même quun homme qui veut faire connaître sa pensée et ses sentiments à un autre homme ; ils ne croiraient pas avoir fait dactes, sils navaient prononcé des paroles de bouche, telles que nous les voyons dans les livres de dévotion, où lon trouve des formules de prière ; ou du moins sils navaient dit en Esprit ces mêmes paroles sans les prononcer de bouche.

Mais on se trompe en ceci, puisquil y a une grande différence entre parler aux hommes et parler à Dieu. Il voit le fond de nos cœurs et de nos pensées, sans quil soit besoin de discours pour les lui faire connaître ; et il sait ce que nous voulons lui dire avant que nous nous en expliquions8.

En les démarquant ainsi des « discours réglés » et « des réflexions délibérées », Dom Le Masson oppose les principes de loraison à ceux de la rhétorique. Son propos, qui concerne loraison mentale et non « la vocale », rejette en effet toutes les règles de léloquence que nous avons évoquées plus haut : la dispositio (« il faut composer comme un discours tissu de paroles qui aient de lordre et de la suite »), lelocutio (« qui expriment en bons termes »), largumentation discursive (« la pensée de lesprit »), le recours aux passions (« laffection et le désir du cœur »), lactio (« Ils ne croiraient pas avoir fait dactes, sils navaient prononcé des paroles de bouche »), et linventio (« dans les livres de dévotion, où lon trouve des formules de prière »). La prière donc, selon sa définition commune, est bien moins un discours quun état, et si lâme y produit des paroles intérieures, ce sont celles dun appel au secours :

Il faut se persuader que la substance et lessence de lOraison consistent dans lélévation de lâme à Dieu, à qui elle a recours comme à son premier principe et à son souverain bien, et vers lequel elle se porte avec un cœur contrit et humilié, et avec une entière confiance ; de lâme, dis-je, qui veut implorer son assistance, et qui le cherche pour sattacher et sunir à lui ; qui croit fermement que Dieu lui est plus présent quelle ne lest à elle-même, et qui étant animée dune foi vive, le regarde comme étant dans son propre cœur, et plus présent quelle ne lest à soi-même9.

Faut-il alors renoncer à la catégorie du discours pour définir cet état de présence et dentretien avec Dieu ? La rhétorique na-t-elle aucune 113prise sur la prière de demande ? Les réponses que fournit Dom Le Masson sont plus complexes que la simplicité de ses vues ne le laisse entendre.

Si on considère que cest par cette vue de Dieu présent que lâme se sent animée à lui parler et à sexpliquer à lui par le langage de cœur tel quétait celui de la mère du Prophète Samuel. Si on considère enfin que, quoique la bouche ne parle pas, le cœur le peut faire dune manière très éloquente, et demander à Dieu sa miséricorde et son assistance avec une grande facilité, puisque la simple exposition que le cœur lui fait de ses désirs, lui peut servir de paroles. La chose étant bien entendue, et lesprit en étant persuadé comme dune vérité assurée, les difficultés qui étonnent et qui rebutent du saint Exercice de lOraison intérieure et mentale sévanouiront absolument. On verra que lentretien discursif nest quun accessoire, et que, quand on demeurerait simplement en la présence de Dieu, ayant lesprit et le cœur tournés vers lui, avec lintention de ladorer et de lui plaire, en lui exposant ses désirs, en le regardant des yeux de lâme comme lenfant jette des regards affectifs sur sa mère, sans quil puisse lui parler, et implorant et attendant de lui ses secours avec confiance, on ferait une très bonne Oraison. Dieu même met les âmes les plus avancées dans cet état, pour les conduire de là à la contemplation la plus élevée, et à lunion avec lui10.

« Langage » et « éloquence de cœur », « exposition des désirs », « entretien discursif », imploration silencieuse, autant déléments dune éloquence muette – muta eloquentia – qui incitent à retrouver, dans les degrés de loraison proposés par Dom Le Masson, les parties traditionnelles du discours selon Quintilien.

Échelle ascétique
et disposition rhétorique

Après avoir présenté, dans les deux premiers points de son traité, les dispositions intérieures nécessaires à loraison et la situation de lâme et du corps en présence de Dieu, Dom Le Masson précise quelles sont les étapes de lentretien spirituel :

Il faut ensuite entrer en discours avec Dieu, sans se mettre en peine de la composition des paroles, ni faire grand état de la suite du discours ; car cela 114nuit aux bonnes affections, et appartient plutôt à létude quà la production sincère dun cœur qui vient pour se répandre en Dieu11.

Le refus réitéré de toute éloquence participe dune volonté de rendre loraison accessible à tous, en ce quelle est bien moins un art dont il faudrait posséder les secrets quune grâce accordée par Dieu à ceux qui sabandonnent à sa Providence.

Par cette grâce de Méditation, il faut entendre la facilité délever et dunir son esprit à Dieu, de faire de solides réflexions, de concevoir de bonnes affections, et de les exprimer devant sa Majesté avec des paroles intérieures et des sentiments produits de labondance du cœur12.

Au croisement de la tradition cartusienne13 et de lenseignement salésien sur la théologie mystique14, Dom Le Masson distingue quatre degrés dans loraison : ils en constituent léchelle ascétique et permettent datteindre à un état mystique, état quil sinterdit cependant danalyser : « Il y a une autre espèce de contemplation qui sappelle passive, de laquelle je ne dis rien. Dieu apprend lui-même ce que cest aux âmes quil y élève ; et je crois quelle ne se peut ni bien définir, ni bien expliquer15 ». Il limite donc son examen à lunion, un état de contemplation consciente et silencieuse de la présence divine, quatrième stade de lélévation de lâme vers Dieu, après lanéantissement, la méditation ou considération et les affections :

Si de la méditation, [lEsprit de Dieu] vous attire aux affections sans discours, cest un degré quil vous fait monter, il faut vous y tenir, car le discours ne se fait que pour y parvenir. Si des affections, il vous élève au recueillement, ou à lunion, il faut vous y tenir tranquillement jusquà ce quil vous en fasse descendre. Tout de même, quand il arrivera que, vous étant mis en sa présence, vous ne vous trouverez pas élevé à lunion, descendez volontiers aux affections. Si vous ne trouvez rien dans ces affections, descendez à la considération. Et enfin, si vous étiez aride dans la considération, descendez encore volontiers à 115lexercice danéantissement, en vous tenant anéanti en sa présence avec douceur, avec confiance et avec patience, en lui exposant les désirs de votre cœur ; et il sera de ceux, comme dit St François de Sales, qui ne rompent jamais, car ils se plient à toutes les volontés de Dieu16.

Loraison, qui porte ainsi lâme à Dieu, se présente comme un temps de rencontre et dentretien, temps aux limites précises : « au moins une demi-heure chaque matin », temps disposé aussi selon les règles de composition dun discours.

Lentretien se doit commencer.

1. Par la connaissance de notre néant, et par ladoration de la Divine Majesté, que nous croyons si élevée au-dessus de nous, que nous naurions point la hardiesse de paraître devant elle, si elle navait la bonté de nous le permettre.

2. Par la contrition de nos péchés.

3. Par lintention dunir notre prière à celle de Jésus-Christ, et de la faire pour accomplir la volonté de Dieu, qui nous ordonne de lui exposer et de lui demander nos besoins par la prière, laquelle nous protesterons de vouloir faire, parce que cest la volonté de Dieu17

On aura reconnu dans cette première étape de loraison les constituants de lexorde : une captatio benevolentiae assurée par des déclarations dhumilité et de soumission inhérentes au genre judiciaire, mais ici christianisées et transformées en marques de notre nature déchue ; la manifestation des mœurs (ethos) du fidèle et lexpression de lautorité divine (pathos) ; enfin, lannonce du sujet (insinuatio), autrement dit lunion par la prière à la volonté divine.

Le second temps de loraison, consacré à la méditation, sapparente à létape rhétorique de la narration : « On entre ensuite en considération de quelque point pris dans quelque pieux livre de Méditations quon peut même avoir ouvert devant soi, spécialement dans les commencements18 ». Cette étape dexposition des faits correspond plus précisément à une phase de considération et de pensée discursive et analytique : « on prend les points lun après lautre », sans pour autant sy arrêter par indiscrétion, car « sarrêter sur la spéculation pour sy complaire, cest satisfaire la curiosité naturelle de lesprit ; cest étudier plutôt que prier19 ». Or, ce quil faut 116éveiller pendant la méditation, cest une écoute attentive et amoureuse, où lon se délecte des vérités de la foi, où lon sadonne, sur le modèle de la lectio divina, à lexercice salésien du « ruminement mystique20 » :

[La méditation] nest autre chose quune pensée attentive et entretenue volontairement dans lesprit sur les objets dont la considération nous peut rendre bons et dévots, afin dexciter par ce moyen la volonté à des saintes affections et à des bonnes résolutions. Cest un ruminement Mystique, pour parler ainsi des aliments quon a pris par les pâturages des saintes Écritures, et des œuvres de la Charité de Dieu []. Manger, dit S. François de Sales, cest méditer, car on tourne et mâche la viande spirituelle comme entre les dents de la considération21.

Mais si elle se propose de considérer en détail toutes les raisons que nous avons daimer Dieu, « la méditation se fait presque toujours avec peine, travail et discours, lesprit allant de considération en considération22 ». Il nest pas rare alors que lâme se décourage et « se trouve sèche ». Cet état constitue le dernier degré de léchelle ascétique, une épreuve danéantissement à laquelle il ne faut pourtant pas craindre dêtre soumis. Laphasie, qui frappe le fidèle dans ces moments de sécheresse, suspend le discours, mais nullement lentretien qui consiste alors à rester en présence de Dieu :

Si lâme se trouve sèche dans ses considérations, elle ne doit point se laisser aller au découragement ni à linquiétude, mais demeurer avec simplicité en la présence de Dieu []. Si nous ne pouvons lui parler, parce que nous sommes pour ainsi dire enroués, demeurons néanmoins dans la chambre et faisons lui la révérence : il nous verra là, il agréera notre patience, et favorisera notre silence23.

Quelle prenne la forme dune considération ou dun anéantissement, la phase de méditation ne saurait être la fin de loraison. Cest à la contemplation quelle doit acheminer lâme dans une nouvelle étape : et celle-ci, du point de vue rhétorique, relève de la confirmation :

117

De la méditation lâme passe à la contemplation, quon peut appeler la fille de la méditation, parce que cest par la méditation que le feu des saintes affections et de lamour de Dieu étant allumé, il sen produit une attention aux choses Divines, qui est amoureuse, simple et arrêtée sur son objet qui lui devient certain et sensible24.

Peut-être y a-t-il quelque abus à identifier cette étape à la confirmation dun discours, lieu privilégié du raisonnement et de lexhibition des preuves, alors que dans la contemplation, lâme sépanche en son Dieu. Mais on peut aussi considérer que ces deux phases ont en commun demporter la conviction de lâme en lui révélant la plénitude de la vérité.

Les actes de la troisième espèce sont ceux que produisent plus ordinairement les âmes avancées dans le Saint exercice de lOraison, qui considèrent et regardent les vérités Chrétiennes et surnaturelles dun œil éclairé de la foi, qui en sont aussitôt pénétrées, sans avoir besoin de considérations discursives, et qui sont émues à produire des actes de foi, despérance et de charité ; ou à sunir à Dieu par des actes dadmiration et damour qui sont si spirituels et si subtils, quil ny paraît presque point de trace de discours25.

Cette conviction de lâme nest pas le fruit de « considérations discursives », mais celui de la grâce :

Les âmes avancées, qui dès linstant quelles se sont mises en la présence de Dieu, sont aussitôt convaincues et pénétrées de la vérité quelles voulaient méditer, et sur lesquelles par conséquent Dieu fait reluire un rayon de la contemplation, et qui sont attirées aux affections, doivent se gouverner en la manière que nous avons déjà dite26.

Létape de contemplation comporte, comme la méditation, deux degrés que Dom Le Masson distingue avec précision : les affections et lunion. Les affections ne sacquièrent pas, elles se reçoivent de la grâce de Dieu. Autant dire quelles peuvent survenir à tout moment de loraison et quelles ne sont pas subordonnées à la dispositio :

Si Dieu vous ayant jeté un regard, votre affection senflamme pour lui parler, je vous le répète encore une fois, naffectez point de composition de discours, mais produisez vos affections comme elles se trouveront, avec la même naïveté, 118confiance et sincérité, dont un enfant se sert envers sa mère, se jetant dans son sein quand les paroles lui manquent27.

La phase daffections constitue un seuil du discours au delà duquel il ny a plus quun silence de contemplation active où les actes sont « de simple regard accompagnés dune effusion que lâme fait delle-même tout entière en Dieu28 ». Ces actes se produisent au dernier degré doraison examiné :

[Ils] sont propres aux âmes que Dieu élève à la contemplation active, qui après sêtre mises en la présence de Dieu, sont incontinent attirées à un recueillement intérieur où elles reçoivent des impressions de grâces qui leur font voir, comme à découvert, les vérités divines, croire et admirer, espérer et aimer et produire des actes de toutes ces vertus, soit distincts, soit compris alors dans le seul acte de charité. Je dis, alors et non pas en tout temps et en la manière que les faux mystiques lont voulu faire croire, elles produisent ces actes dune manière si douce et tranquille, mais si spirituelle et si subtile, quils sont comme imperceptibles à lâme qui les produit, parce quelle est comme abîmée en Dieu qui est son unique objet29.

Ce degré doraison que Dom Le Masson nomme « lunion » saccorde tout à fait à létape rhétorique de la confirmation dans le sens où Dieu sy révèle dans toute la vérité de la Foi :

[] si, en produisant vos affections vous vous sentez attiré par des connaissances profondes que la Foi produit, ou, pour mieux dire, que Dieu produit par la Foi, de sa grandeur, de sa bonté et de sa présence, qui vous mette dans lexercice de lunion, laissez-vous aller, et tenez-vous y tant que Dieu vous y souffrira, mais sans vous y attachez aucunement []30.

Conformément aux règles de la rhétorique classique, loraison sachève sur une péroraison qui récapitule les objets de la prière et sapplique à émouvoir les passions en conjuguant action de grâce et action de demande :

[Lâme] finira par daffectueuses actions de grâce de tous les bienfaits quelle a reçus de Dieu en général et en particulier ; par une répétition de tous ces bons propos et de ces demandes, tant pour le spirituel que pour le temporel ; 119et par la recommandation de ses amis, et des âmes du Purgatoire, quil ne faut jamais oublier dans toutes nos prières31.

Verra-t-on dans cette recommandation ultime une transposition chrétienne de lappel à la pitié qui clôt les discours judiciaires ? Il nest pas de parole persuasive, en effet, qui ne sadapte à lobjet du discours. Aussi doit-on se demander de quel genre oratoire relève une prière qui a Dieu pour objet.

Les genres du discours
ou les raisons de prier

Ce nest pas le moindre des paradoxes de voir se développer, à loccasion dune justification de loraison monastique, les éléments dune rhétorique mondaine. En effet, quand il aborde les raisons de prier, Dom Le Masson inscrit son propos dans les « cérémonies de la parole » propres à la vie aulique. La première raison de prier, écrit Dom La Masson, est « pour rendre à Dieu lhonneur et lhommage que nous lui devons » :

Cela se peut faire sans quil vous parle, ni vous à lui ; car ce devoir se rend en reconnaissant quil est notre Dieu et que nous sommes ses créatures, et demeurant devant lui prosternés en esprit en attendant ses commandements. Combien y a-t-il de Courtisans qui vont cent fois à la présence du Roi, non pas pour lui parler, ni pour lentendre, mais simplement afin den être vus et de témoigner par leurs assiduités, quils sont dévoués à sa personne et à son service ; de même se présenter devant Dieu, seulement pour lui marquer notre dépendance, et lassurance de notre soumission et de notre attachement à son service, est une fin très excellente, très sainte et très pure, et par conséquent de très grande perfection32.

Lassimilation du fidèle à un courtisan et de Dieu au Roi signale demblée que la prière relève dun discours épidictique où la rhétorique de léloge déploie ses vertus amplificatrices :

120

Si vous aviez pour ami un grand Prince qui revînt dune bataille, où il eût remporté une grande victoire, après avoir souffert les plus grands outrages du monde, qui se fût réduit à se déguiser et à passer pour un misérable, et que ce Prince neût entrepris ce grand combat, et ne se fût réduit à ce déguisement que pour vous délivrer de la captivité, si ce Prince étant de retour vous lalliez voir pour lui témoigner vos reconnaissances, que diriez-vous ? Vous lui feriez ce qui sappelle au monde un compliment, le plus affectif que vous pourriez, en lui témoignant ladmiration où vous êtes de sa Charité, de sa force, de sa conduite, de ses beaux faits, et de ses bontés envers vous ; vous lui expliqueriez à lui-même ses belles actions en détail, et en exprimant vos reconnaissances de ce que vous lui devez, vous y joindriez lexpression de ce que vous attendez de lui, de vos regrets de lavoir offensé et davoir été la cause de ses souffrances, de vos protestations de lhonorer, de laimer et de la servir ; et vous produiriez dautres semblables affections de labondance du cœur33.

Mais alors que la typologie tripartite des genres oratoires sefforce de distinguer le discours épidictique, le délibératif et le judiciaire, dans la prière, ces trois discours sont mêlés, peut-être parce que la scène de loraison se joue toujours simultanément dans la salle du trône, au conseil du roi et au tribunal. Si le Roi attend les louanges, il prend aussi les décisions que requiert toute sollicitation. Doù linflexion de lépidictique en délibératif quand la prière se fait demande de protection :

Appliquez cette idée et cet exemple aux mystères de la Vie et de la Mort de Jésus-Christ notre Sauveur, et servez-vous en dans la pratique. Tout de même, dans les mystères de la Résurrection de Jésus-Christ, et dans ceux qui lont suivi, allez à lui comme vous iriez vers ce grand Prince, après voir ouï dire quil est monté sur le Trône, afin de lui témoigner votre joie, lui faire vos compliments, lui demander sa protection, lui représenter vos besoins, lui faire mille acclamations, lui donner mille louanges, et lui faire connaître que vous dépendez tout de lui34.

La pluralité de discours quautorise le genre délibératif ne doit pas pour autant précipiter la parole dans un empressement inconsidéré ou un flot ininterrompu. Lethos du courtisan est celui dun honnête homme qui sait mesurer son propos pour permettre au Prince dexercer son pouvoir de délibérer :

121

Dans quelque facilité que nous nous trouvions de parler à Dieu et dexprimer nos affections dans loraison, il ne faut point suivre la pente que nous aurions de parler toujours. Un homme qui serait appelé à lAudience de quelque Prince, se rendrait importun et ridicule sil parlait toujours sans interruption. Il parle, après il se tait pour laisser parler et délibérer le Prince. Cependant il demeure en sa présence avec respect et en silence. Il lève les yeux respectueusement pour le regarder, et lui dit encore peu de mots ; il écoute ce quil plaira au Prince de lui répondre, et se tait encore, en demeurant devant lui dans le silence. Et ainsi de temps en temps il continue à lui exposer les désirs de son cœur dune manière tranquille et éloignée de précipitation et dempressement, imitant ce que Jésus-Christ fit dans la Prière du Jardin des Oliviers35.

La prière dintercession relève elle aussi du discours délibératif, puisque, convoquant une assemblée orientée vers une décision à prendre, elle est calquée sur le modèle du conseil du Roi :

En méditant sur les actions et sur la gloire de la Sainte Vierge et des Saints, faites comme si vous deviez aller rendre visite à de grands Seigneurs qui sont vos bons amis, pour leur rendre tous vos devoirs, les féliciter de leur gloire, leur demander leur protection et la continuation de leur bienveillance ; pour leur déclarer vos besoins, leur demander leur faveur auprès du Roi, et leur dire avec respect tout ce que vous voudrez36.

Enfin loraison na de sens que dans la perspective du Salut et, à ce titre, sinscrit naturellement dans le genre judiciaire. Non seulement lexorde et la péroraison développent, comme nous lavons déjà signalé, une topique propre à léloquence du tribunal, mais la narration elle-même sapparente au plaidoyer :

En le considérant comme votre Juge, faites tout ce que vous feriez, et dites tout ce que vous diriez à un Juge qui aurait un procès à juger qui vous est de la dernière conséquence, et où il y va de votre bien et de votre vie, si vous lalliez solliciter pour vous le rendre favorable37.

Des raisons multiples qui motivent lacte doraison, il résulte une fluctuation du genre du discours qui nest pas sans conséquence sur tout le système rhétorique, non seulement sur linventio, en ce que la distinction se trouve fragilisée de lethos et du pathos, mais aussi sur 122lelocutio, loraison pouvant en effet articuler plusieurs styles. Dans le cadre épidictique de la prière, la figure monarchique de Dieu détermine un appareil émotionnel du discours qui relève de léloge et de la célébration et justifie lutilisation dun style élevé. Copia et amplification animent alors une prière dhommage à Dieu pour « lui faire mille acclamations, pour lui donner mille louanges38 ». Dans le cadre judiciaire, la figure du juge semble autoriser le recours à des arguments dordre plus rationnel qui cherchent à emporter ladhésion de lesprit divin. Dans le cadre délibératif au contraire, il sagit de susciter lémotion de Dieu. Le fidèle « dit ce quil peut pour lémouvoir à compassion39 » et, touché par sa créature, Dieu abandonne sa posture de roi ou de juge pour lui présenter le modèle de son Fils humilié. À la façon du Christ ou dune mère, il reçoit la prière du fidèle tout en en déterminant la forme : une demande simple et modeste, dont lexpression indigente et le style bas participent du genus humile.

De la représentation à la présence

Le premier degré de loraison mentale, la considération, constitue un temps de méditation qui, encore une fois, saccorde pleinement aux exigences dun discours continu. Il relève dune espèce dactes « produits en esprit par des paroles intérieures et par manière de pensées et de discours40 ».

Quest-ce que considération et acte discursif ? Cest ce qui se fait par une application de lâme qui se sert de son entendement et qui fait passer par son raisonnement tout ce qui peut servir à lui faire connaître les bontés de Dieu et lexcellence de la vertu ; et à lui découvrir la laideur du péché et du vice, afin de concevoir lestime quelle doit avoir de lautre. Et les actes quelle produit ensuite de ces considérations sont appelés discursifs parce quils sont des suites du discours que lâme a fait en elle-même, pour sémouvoir à produire ces actes daffections et de demandes explicites41.

123

Étape préparatoire à la rencontre, la méditation consiste à se représenter les bienfaits de Dieu, en trouvant des ressources dans lappareil rationnel et logique de la rhétorique qui fournit les preuves destinées à convaincre lesprit. On reconnaîtra aisément dans ces preuves qui fondent le « raisonnement » deux lieux communs du discours oratoire : celui des contraires (« lexcellence de la vertu », « la laideur du vice ») et celui de la comparaison (« afin de concevoir lestime quelle doit avoir de lautre »). Mais le méditant sait aussi recourir aux lieux de la définition ou de la division : « La méditation considère en détail tous les motifs que nous avons daimer Dieu42 ». Cet examen qui vise à persuader lâme et à la transporter au stade des affections nest quun moyen démouvoir le cœur du méditant. Le tableau dont on détaille toutes les beautés, puis quon admire dune seule vue, offre une image lumineuse de ce mouvement de loraison :

Il faut donc goûter [la vérité], en aimer et admirer lAuteur, la contempler pour sen émouvoir davantage, comme on a rencontré un excellent tableau, plus on le regarde plus on lestime. Quand on a considéré en détail lexcellence de tous les traits de ce tableau, on ne raisonne plus, on regarde seulement, et on demeure épris de sa beauté. Voilà une idée de ce qui sappelle contemplation en matière dOraison43.

La méditation est la forme première et discursive dune contemplation intérieure qui, au cours de loraison, abandonne progressivement la médiation de la parole pour celle du regard.

Encore faut-il préciser la nature de ce regard. Le tableau quévoque Dom Le Masson a bien peu daffinités avec la composition de lieu de saint Ignace ou même avec la considération dun saint François de Sales. Ces deux maîtres de la vie spirituelle ne craignaient pas de recourir à limagination pour se représenter Dieu. Dom Le Masson, au contraire, invite à la rejeter et il semble, sur ce point, bien plus proche des positions quiétistes de Mme Guyon ou de Malaval :

Remarquez quil nest pas besoin de se former une idée de quelque chose corporelle qui représente Dieu dans limagination : au contraire, sil sen forme quelquune de soi-même, il faut shabituer à la rejeter, comme une chose qui ne se trouve pas dans Dieu qui est un pur Esprit44.

124

Si elle conserve quelque chose de visuel, la méditation doit élever lâme au-dessus des images sensibles. Même en ce qui concerne la représentation par le méditant de lHumanité du Christ : « il vaut mieux shabituer à regarder par la Foi tous les mystères de sa Vie et de sa Mort, que de se former dans lesprit quelque image de sa personne et de ses actions. Tout ce qui occupe limagination ne doit être regardé quen passant45 ».

Il sagit donc de convertir progressivement le regard sensible en un regard de foi, de shabituer, non pas à se représenter Dieu, mais à se mettre en sa présence, tout comme y invite aussi saint François de Sales :

Pour le former plus facilement à cette pratique, on peut user de cette comparaison. Quand vous êtes dans une chambre, et que vous savez que votre ami y est caché derrière une tapisserie, est-il besoin pour lui parler de vous former lidée de son portrait dans votre imagination ? Non, sans doute, et vous estimeriez cette application superflue. Vous lui dites ce quil vous plaît, sans vous former aucune idée ; car il vous suffit de savoir certainement quil est présent, et quil vous entend. Faites-en de même à légard de Dieu, parlez-lui hardiment, car il vous entend, et ne lallez point chercher ailleurs quau milieu de votre cœur, puisquil y est assurément46.

Cette façon de regarder « par les yeux de lâme », nest pas sans analogie avec la situation dun aveugle :

On peut ajouter à la comparaison de lami caché derrière la tapisserie, celle dun aveugle qui se trouve devant un grand roi. Il ne le voit pas, mais néanmoins, dès quon lavertit que le Roi est présent, il se met et se tient dans un état très respectueux. Si le Roi lui fait lhonneur de lappeler pour lui parler, il sapproche, et la ferme croyance quil a que cest au Roi quil parle, lempêche de penser à autre chose quà lui parler. Il ne se forme aucune idée dans son imagination de la figure du roi. Il est seulement appliqué et attentif à lui témoigner sa soumission et son respect, à lui faire connaître ce quil voudrait faire pour son service, et à lui exposer les besoins quil a de sa protection et de ses secours47.

Pour pratiquer « la présence de foi », lâme du méditant ne saurait avoir recours à limagination, puisque cette présence est certaine : il sagit de se servir de lentendement et de lesprit, « selon lordre de la droite raison » secourue par la foi, puisque seul Dieu peut persuader de 125sa présence. Doù limportance du « Second point » du traité : « En se présentant devant Dieu, [lâme] doit apporter avec soi la Foi, lEspérance et la Charité []48 ». Avant même que lâme, dans la phase de méditation, ne cherche à se convaincre de la présence divine et à sémouvoir pour produire des actes daffections, cest Dieu lui-même qui la convainc et la persuade par la puissance rhétorique des trois vertus théologales :

Elle doit être persuadée par la Foi, que Dieu est partout, et quil connaît tout []. Par lEspérance, elle doit être établie dans une fermeté inébranlable pleine de confiance, que Dieu lui accordera tous les secours nécessaires pour conduire les actions de sa vie mortelle, selon la Loi, et pour parvenir à la vie éternelle []. Par la Charité, elle doit être convaincue que Dieu laime dun amour éternel []49.

On comprend mieux pourquoi, aux yeux de Dom Le Masson, la méditation est une grâce qui « ne peut sacquérir par aucun travail humain50 ». Mais cela signifie aussi que la grâce a sa rhétorique, quelle est experte à convaincre lesprit du méditant, à émouvoir son cœur, et à lui communiquer sa propre éloquence :

Par cette grâce de Méditation, il faut entendre la facilité délever et dunir son esprit à Dieu, de faire de solides réflexions, de concevoir de bonnes affections, et de les exprimer devant sa Majesté avec des paroles intérieures et des sentiments produits de labondance du cœur51.

Une rhétorique de la mendicité

Nous avons déjà vu comment limage du courtisan configure un ethos de soumission, de respect et de déférence, face à un Dieu quon cherche moins à convaincre quà émouvoir. Mais lethos du courtisan demande à être nuancé par celui du mendiant dont la figure occupe le cœur de la direction spirituelle dInnocent Le Masson.

126

La façon de se gouverner dans ce discours avec Dieu, se comprendra mieux par un exemple familier que par un amas de paroles. Comment se gouverne un pauvre qui, outre son indigence, est surchargé de blessures, et qui manque de paroles pour représenter ses maux et ses besoins ? Que fait-il quand il se présente devant un grand Prince pour avoir laumône ? Il se jette à ses pieds, il lui découvre ses plaies, et dit ce quil peut pour lémouvoir à compassion. Si les paroles lui manquent, il se contente de montrer ses plaies, et de se tenir en sa présence avec obstination, jusquà ce quil le regarde. Quand il saperçoit que le Prince jette les yeux sur lui, il recommence à lui exposer ses besoins avec une nouvelle ferveur daffection ; mais quand il lui a jeté quelque pièce dargent, la joie lui fournit des paroles, telles que labondance de son cœur lui suggère, sans affection ni composition de discours. Ce sont là les trois degrés par où Dieu fait passer ordinairement les bonnes âmes dans les communications quil veut avoir avec elles52.

On peut reconnaître dans cette image de lindigent « qui manque de paroles pour représenter ses maux et ses besoins » la figure du mendiant spirituel utilisée par le chartreux Guigues du Pont53 au xiiie siècle, ou bien encore une forme de « loraison de mendicité » chère à Gerson54.

Si la figure du courtisan trouve toute sa place dans une phase de considération réflexive, la faiblesse de lethos mendiant sharmonise beaucoup mieux avec les moments de sécheresse. Dans cette phase danéantissement, loraison elle-même devient indigente, les paroles manquent et la rhétorique du verbe cède la place à léloquence du corps. Paradoxalement, le silence donne alors tout son sens à lactio : « Il se contente de montrer ses plaies ». Bien plus que celle de Lazare quelquefois mentionnée, cest limage du Christ qui fournit au fidèle larchétype de cette position éthique :

Cest ainsi que notre Seigneur Jésus-Christ, notre cher Maître, a fait dans son Oraison du Jardin des Oliviers où, se trouvant triste jusques à la mort, il a employé le temps de sa prière à répéter plusieurs fois un même discours pour nous donner lexemple de la patience, de la résignation et de la manière de nous gouverner devant Dieu dans létat de la sécheresse de nos discours et de nos affections55.

127

Au seuil de son néant et de laphasie, le fidèle nen dispose pas moins des ressources de linventio où la parole se régénère dans la kénose du Christ. La prière se fait acte de confiance dans cette régénération du discours lui-même : une régénération lente, progressive (« il recommence à lui exposer ses besoins ») qui donne à lelocutio ses traits essentiels : la répétition et toutes les formes stylistiques de la demande :

[] si les paroles lui manquent, elle na quà persévérer à se tenir en sa présence, avec patience et avec humilité, et quà se contenter de recommencer de temps en temps ses demandes, et lui exposer ses besoins avec confiance56.

Linventio peut aussi être mise à contribution en fournissant exempla et lieux communs aisément imitables :

Si lâme se trouve sèche dans ses considérations, elle ne doit point se laisser aller au découragement ni à linquiétude, mais demeurer avec simplicité en la présence de Dieu, pour y faire lexercice du pauvre mendiant, dont nous venons de parler. Elle dira une fois par exemple : Mon Dieu, vous savez qui je suis, je voudrais avoir le bonheur de vous entretenir, mais je ne le mérite pas, et ma stupidité mapprend assez que ma faiblesse est grande et mon esprit incapable de sunir à vous ; que votre sainte volonté soit faite, pourvu que vous me donniez votre crainte et votre saint Amour, cela me suffit57.

Répétition, défaillance du verbe, modestie de la demande, recours aux lieux communs de loraison : lelocutio du mendiant spirituel relève en tous points du sermo humilis propre à léloquence chrétienne, image de la kénose paradoxale et sublime du Verbe divin. Les vues de Dom Le Masson héritent à cet égard de la leçon augustinienne retenue par des prédicateurs comme Bossuet ou réaffirmée par Port-Royal : en matière de rhétorique, le seul orateur que lon doive imiter, cest le Christ.

Le Verbe éternel, écrit Arnauld, ne sest pas contenté de se présenter à nos yeux avec un corps entièrement semblable aux nostres, mais [] il a voulu mesme sabaisser et se couvrir de la simplicité des expressions, et des paroles dont nous nous servons ordinairement entre nous58.

128

Loraison du cœur

Si, dans la phase de sécheresse, lâme indigente configure son caractère à limitation du Verbe humilié, les natures de lethos et du pathos se modifient à nouveau lorsquelle accède au degré des affections.

Si Dieu vous ayant jeté un regard, votre affection senflamme pour lui parler, je vous le répète encore une fois, naffectez point de composition de discours, mais produisez vos affections comme elles se trouveront, avec la même naïveté, confiance et sincérité, dont un enfant se sert envers sa mère, se jetant dans son sein quand les paroles lui manquent. Car cest ainsi quil faut que nous nous jetions avec un amour respectueux dans cet adorable Sein de Dieu pour nous y reposer, pour y remettre tous nos soins et toutes nos défiances, et pour y faire doucement la répétition de nos demandes ; car il se plaît à être importuné, et à nous voir persuadés de la tendresse de son amour59.

En se substituant à celui du mendiant, lethos de lenfant qui se réfugie auprès de sa mère dessine toujours la figure dune âme humble et confiante qui sabandonne à lamour de Dieu, mais sy ajoutent aussi les traits de la spontanéité naturelle et de linnocence60. Moins étudiée que celle du pauvre, la parole de lenfant nest quun babil, la forme langagière de celui – linfans – qui ne sait pas parler. Elle nest que pure émotivité, expression enflammée dun cœur ignorant tout des lois du discours. « La joie lui fournit des paroles, telles que labondance de son cœur lui suggère, sans affection ni composition de discours61 », écrit Dom Le Masson à propos du mendiant que Dieu a regardé. Mais il sagit encore dune parole articulée. Celle de lenfant est à vrai dire moins une parole quun regard affectif, première forme du regard spirituel que le fidèle adresse à Dieu dans le dernier degré de loraison :

[] quand on demeurerait simplement en la présence de Dieu, ayant lesprit et le cœur tournés vers lui, avec lintention de ladorer et de lui plaire, en lui exposant ses désirs, en le regardant des yeux de lâme comme lenfant jette des regards affectifs sur sa mère, sans quil puisse lui parler, et implorant et 129attendant de lui ses secours avec confiance, on ferait une très bonne Oraison. Dieu même met les âmes les plus avancées dans cet état, pour les conduire de là à la contemplation la plus élevée, et à lunion avec lui62.

Les passions que suscite alors cette rhétorique de lenfance ne sont plus seulement celles quon serait en droit dattendre dun roi ou dun juge : la protection, la clémence, le pardon, mais celles dune mère : la compassion, la douceur, la tendresse. Aussi le fidèle doit-il adapter ce nouveau langage à leffet émotionnel quil en attend. Lelocutio, à ce stade de loraison, hérite en droite ligne des principes de léloquence salésienne : « production sincère dun cœur qui vient pour se répandre devant Dieu63 », « considération de quelque point de Méditation avec douceur de cœur, avec suavité desprit et sans impatience64 ». Ce libre entretien de lâme éprise de son Dieu sapparente à un soliloque :

Lui parler comme à soi-même, puisquil lui est plus présent quelle-même, et se souvenir de ce regard de lenfant sur sa mère, dont nous avons parlé ci-dessus, qui est plus éloquent que tous les discours65.

De fait, la rhétorique des affections sest émancipée de toute la substance réflexive du discours. La méditation, dans ce quelle conserve de spéculation et d« entretien discursif » nest quun moyen de susciter laffection et de permettre lunion avec Dieu : « Lâme donc ne doit point recourir aux moyens quand elle se sent comme parvenue à la fin66 ». Aussi le langage des affections nest-il, tout comme loraison elle-même, quun échauffement du cœur :

Que loraison est une fournaise qui sert à trois choses : à échauffer lâme du saint Amour, à la rendre pliable à tout le bien, et à la purifier comme lor dans le creuset []67.

Cela ne signifie pas pour autant quil faille confondre le cœur et la sensibilité. Dans le chapitre ix de son traité, Dom Le Masson consacre 130de fines analyses à « cette tendresse de cœur68 » et à léchauffement naturel des passions, dont Dieu nous protège en nous accordant des moments de sécheresse qui mortifient le cœur dans ses joies et le délivrent des dévotions trop sensibles.

Ladmirable Sagesse de Dieu se sert ici de sécheresses comme dun stratagème, pour se rendre maîtresse de nos cœurs, pour les réduire et les réformer69.

De même pour lesprit : si les affections y produisent un échauffement, il faut en recevoir la grâce tout en en maîtrisant les effets :

Il est important même de ramener lesprit à la tranquillité, et à une douce simplicité, quand on le voit épris dune ferveur empressée dans son opération, et quil veut agir comme de soi-même en suivant le mouvement de cette ferveur trop ardente et trop empressée ; car cela ne sert quà le fatiguer inutilement. Il faut pour lors sappliquer à le ramener à la tranquillité de la paix par un doux anéantissement de lâme devant Dieu, en entrant dans ces sentiments de David : Seigneur, tous mes désirs sont devant vous, et mon gémissement ne vous est point caché70.

En concevant le degré de laffection comme léchauffement dune âme qui sait aussi se gouverner, Dom Le Masson définit tout autant la ferveur maîtrisée de loraison que « le langage du cœur ». Léloquence qui en résulte est naturelle, vive et spontanée comme lexpression balbutiante de lenfant, mais à la fois douce, tranquille, maîtrisée, comme la réponse de la mère. Elle constitue un acte spirituel que Dom Le Masson décrit avec la plus grande précision dans son traité :

Les actes spirituels de la raison éclairée et animée dune vive Foi, qui produit les affections de son cœur sans suite de discours, mais par des élans et des saillies de raison et de cœur. Les vues et les affections se suivent et sentrecoupent ; et lâme pénétrée de la vive foi de la présence de Dieu, lui expose ses sentiments et les désirs de son cœur dune manière vive, affective et tranquille71.

À ce degré, loraison est devenue « jaculatoire » : la parole intérieure nest plus quun jaillissement intermittent, fruit dune raison qui na plus rien de spéculatif et dun cœur quon ne saurait confondre avec la 131sensibilité. Une parole libre et maîtrisée, spontanée et volontaire, linéaire et fragmentée, profondément dynamique, dun mouvement qui échappe aux lois artificielles du discours. De nature essentiellement lyrique, ces « élans » et ces « saillies », dont on remarquera la nature toute salésienne, constituent aussi une expression discontinue qui saccorde pleinement avec des affections « diffuses » et « multipliées ». Autre paradoxe, ce morcellement de la parole pour dire lunification des âmes en Dieu :

Elles disent souvent tout sans rien dire, car leur cœur parle à Dieu sans avoir besoin de sexpliquer ; elles ne disent souvent quune même chose, à lexemple de Jésus-Christ, lorsquil faisait sa prière dans le Jardin des Oliviers, mais cette chose comprend tout72.

Lextrême densité de cette parole en éclats rompt définitivement la fragile articulation du discours et de lexpérience spirituelle, de la rhétorique humaine et de loraison.

« Discours sans discourir »

Si, comme nous lavons vu, la rhétorique de loraison prend sa source dans celle de la grâce, elle trouve aussi en Dieu son accomplissement. Parvenue au degré de lunion, lâme, qui auparavant discourait pour persuader son Créateur, est elle-même convaincue :

Lâme entre dans cet état de contemplation quand, après avoir médité les vérités Divines, elle reçoit sur elle comme un rayon du Soleil de sa grâce, qui lui fait voir dune manière fixe et évidente les merveilles des bontés de Dieu. Elle en est convaincue, elle les regarde avec paix, avec consolation et sans travail73.

« Discours sans discourir, eût dit Bossuet, où est substantiellement toute vérité, et qui est la vérité même74 ». Lévidence de la parole divine se donne à lâme sur le mode du dévoilement : cest le Verbe qui répand sa lumière et soffre à lâme sans quelle ait à fournir le moindre effort 132de compréhension. Mais cest aussi à la catégorie rhétorique de lenargeia quil convient de rapporter cette expérience de lévidence des vérités divines. Le divin rhéteur procède avec les âmes comme Cicéron avec ses auditeurs : « De là procédera lenargeia, que Cicéron appelle clarté et évidence, qui nous semble non pas tant raconter que montrer, et nos sentiments ne suivront pas moins que si nous assistions aux événements eux-mêmes75 ». Dom Le Masson revient fréquemment sur la puissance de persuasion de cette rhétorique divine :

La contemplation fait comme Marie Madeleine qui, ayant reçu un mot de la bouche de Jésus Christ et layant reconnu, ne cherche plus, nest plus en peine, mais se jette à ses pieds pour les embrasser, et nest occupée que de son Amour et de la joie davoir trouvé ce quelle cherchait avec tant de désir76.

Lactivité impartie à lâme dans ce dernier degré de loraison consiste en un abandon de toute volonté propre et une attention à Dieu qui substitue à la parole humaine un regard intérieur uniquement dirigé par la grâce :

Les anciens Pères, selon Cassien, se servent du terme de regard, intuitus, pour signifier lattention de lâme à Dieu, et lintention de lui plaire, parce quun seul regard intérieur, un regard de Foi et de confiance, peut comprendre et produire lune et lautre ; et même quand lâme se trouve dans ce regard fixe et tranquille animé de Charité, elle doit demeurer devant Dieu, en laissant reposer ses puissances, sans sen servir pour discourir ou pour produire des actes formés ; car ce regard peut être appelé un acte continué, et qui referme tous les actes que lâme pourrait faire alors77.

La parole humaine sera-t-elle réduite au silence face à lévidence de la révélation divine et dans lunion de lâme avec Dieu ?

Les âmes que Dieu occupe entièrement de lui, nont rien à dire ; car leur regard intérieur dit tout, et contient tout ce quelles voudraient dire78.

Il nest plus besoin ici ni de raisonnement, ni de discours, puisquon a trouvé ce quon cherchait, et quon est convaincu de la vérité dune manière pénétrante. Il faut donc la goûter, en aimer et admirer lAuteur ; la contempler pour sen émouvoir davantage79.

133

Bien que, dans leffusion de leur volonté en Dieu, les âmes semblent avoir définitivement rompu les liens avec la rhétorique humaine, le ravissement ne leur interdit pas pour autant une effusion verbale de saillies et délancements qui cristallisent leurs extases.

Que si [les âmes] deviennent entièrement occupées du souvenir et de la présence de Dieu, et comme tout attachées intérieurement à lui, quelles suivent lattrait, en faisant une effusion de toute leur âme et de toute leur volonté en Dieu : cette effusion sera un acte dunion continué qui comprend tous les autres. Mais on pourra de temps en temps produire quelque élancement daffection formée, comme sont ceux-ci : Mon Dieu et mon toutVous êtes mon Dieu, ma miséricorde. Sans néanmoins se distraire de cette adhésion et union à Dieu80.

La parole ne se recompose pas en discours : elle en condense tous les possibles dans des élancements affectifs qui seuls, à ce degré dunion, peuvent plaire à Dieu :

Cest ce regard et cette vue intérieure de lâme qui loccupe, qui la met dans ladmiration, et qui la réduit à ne pouvoir lexprimer que par des exclamations, telles quétaient celles de S. Bruno ô Bonté, ô Bonté, celle de S. Augustin, ô Bonté toujours ancienne et toujours nouvelle, et celle de S. François qui passait les nuits sur ses genoux en répétant ces paroles ô Dieu, vous êtes mon Dieu et mon tout. Les affections ne sont point alors ni diffuses ni multipliées, mais elles sont comme quintessenciées dans celle-ci, qui est très intime, et quon appelle à bon droit affection contemplative ; car elle regarde fixement ce quelle doit aimer, elle est pénétrée de son excellence, et elle désire de laimer uniquement et de plus en plus. LAmour de Dieu a un langage de cœur qui est plutôt fatigué quaidé par les discours et par un tissu de paroles81.

Cette « affection contemplative » nest pas sans évoquer les élévations de lÉcole française de spiritualité et les « ô » dadmiration de Bérulle et de Bourgoing. Ces matières dadmiration sont, comme lécrit Bourgoing, « brèves et concises ; elles sont grandement affectives ; elles contiennent beaucoup de choses en peu de paroles, et des profondes vérités en deux mots82 ». Assiste-t-on, dans ces concrétions lyriques, à lanéantissement de la rhétorique ou à son accomplissement ? À sa disparition ou à son exhaussement ? Ne peut-on considérer que là, au 134miroir de la rhétorique divine, la rhétorique humaine touche, par son évidence et sa simplicité, à la pointe du sublime ?

Ainsi, le traité de Dom Le Masson, que nous avons tenté de présenter selon les critères de la rhétorique, offre à lanalyse du discours un champ détude encore bien peu exploité. Il permet, par exemple, de mesurer combien, dans le cadre de loraison, linventio lemporte sur lelocutio, ne serait-ce que par la priorité donnée aux multiples formes de lethos et du pathos. Ils constituent aussi des pièces majeures à joindre au dossier de léloquence paradoxale et du discours mystique, confirmant, sil en était besoin, les analyses lumineuses que Christian Belin a proposées de la méditation et des relations entre discursivité et contemplation, mystiques et anti-mystiques, fable et parole : « Dans lordre mystique, écrit-il, toute discursivité est peut-être prédestinée à mourir, mais elle nen est pas pour autant évacuée a priori83 ». Ne peut-on en dire de même de la rhétorique, quand elle est mise au service de loraison ? Cest bien à cette rhetorica abscondita que lhomme a recours quand il adresse sa prière à Dieu.

Marc Ruggeri

Lycée Sophie Germain (Paris)

1 Sur ces combats, on se reportera à larticle « Le Masson » de S. Autore, dans le Dictionnaire de Théologie catholique, Paris, Letouzey et Ané, 1926, t. IX, col. 202-207. Voir aussi Richard Cadoux, « Autour de la notion de décadence monastique. La querelle entre Rancé et Le Masson », dans Transversalités, no 91, juillet-septembre 2004, p. 99-120 ; et Dominique Tronc, « Quiétude et vie mystique. Madame Guyon et les Chartreux », dans Transversalités, op. cit., p. 121-149.

2 Lexpression est empruntée au titre de létude, ancienne mais indispensable, de Monseigneur Jacques Martin, Le Louis XIV des Chartreux, Dom Innocent Le Masson, Paris, Téqui, 1975. Pour une approche plus récente de la vie et de lœuvre de Dom Le Masson, voir Robert Bindel et Pierre Aelred (dir.), Dom Innocent Le Masson, chartreux méconnu, Noyonnais oublié, Salzbourg, « Analecta cartusiana », no 209, 2007.

3 Innocent Le Masson, Introduction à la vie intérieure et parfaite, Paris, Antoine Dezallier, 1701. Sur la doctrine spirituelle de Dom Le Masson, on consultera larticle « Innocent Le Masson » de Dom Augustin Devaux dans le Dictionnaire de Spiritualité, Paris Beauchesne, 1976, t. IX, col. 572-583 ; et plus récemment, le très bel article de Nathalie Nabert dont les travaux ont permis de redécouvrir la spiritualité de Dom Le Masson, « La question de lunité de la vie contemplative chez Dom Innocent Le Masson », dans Transversalités, op. cit., p. 185-203.

4 Dom Innocent Le Masson, Introduction à la vie intérieure et parfaite, op. cit., Avis VI, p. 67-114.

5 Dom Innocent Le Masson, Direction pour se former avec ordre et tranquillité au saint exercice de loraison, Grenoble, André Faure, 1698. Composé en 1661 pour le frère Antoine Adam, ce traité de loraison connaîtra de nombreuses rééditions sous des titres variés, en 1672, 1674, 1676, 1698, avant dêtre repris et abrégé dans Introduction à la vie intérieure et parfaite en 1701. Il a fait lobjet dune réédition récente, sous forme de textes choisis, par Christophe Bagonneau, Traité de loraison, Paris, Éditions Parole et Silence, 2005. Nous citerons le texte daprès la 4e édition de 1698, revue et augmentée par Dom Le Masson (désormais : Direction).

6 Direction, op. cit., chap. iv, p. 39.

7 Antoine Furetière, Dictionnaire universel, La Haye-Rotterdam, Arnout et Reinier Leers, 1690.

8 Direction, op. cit., chap. vii, p. 122.

9 Ibid., chap. i, p. 6.

10 Ibid., chap. i, p. 6-8.

11 Ibid., chap. iii, p. 29-30.

12 Ibid., chap. ii, p. 10.

13 Voir les quatre degrés de la scala claustrarium, dans Guigues II le chartreux, Lettre sur la vie contemplative, douze méditations, éd. Edmund Colledge et James Walsh, Paris, Les Éditions du Cerf, « Sources chrétiennes », no 163, p. 81-123.

14 Voir Saint François de Sales, Traité de lAmour de Dieu, dans Œuvres, éd. André Ravier, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1969, Livre VI, p. 607-660.

15 Ibid., chap. vii, p. 129.

16 Ibid., chap. vii, p. 111-112.

17 Ibid., chap. iii, p. 30.

18 Ibid., chap. iii, p. 30-31.

19 Ibid., chap. vii, p. 93.

20 Voir Saint François de Sales, Traité de lAmour de Dieu, op. cit., Livre VI, chap. ii, p. 614-615. Sur la rumination spirituelle, voir aussi Guigues II le chartreux, Lettre sur la vie contemplative, op. cit., p. 85-87.

21 Ibid., chap. viii, p. 143 et 147. Citation extraite du Traité de lAmour de Dieu, op. cit., Livre VI, chap. vi, p. 627.

22 Ibid., chap. viii, p. 146-147.

23 Ibid., chap. iv, p. 39 et 43.

24 Ibid., chap. viii, p. 144.

25 Ibid., chap. vii, p. 128.

26 Ibid., chap. vii, p. 106-107.

27 Ibid., chap. iv, p. 34.

28 Ibid., chap. vii, p. 126.

29 Ibid., chap. vii, p. 128.

30 Ibid., chap. vii, p. 114-115.

31 Ibid., chap. iv, p. 40.

32 Ibid., chap. iv, p. 41-42.

33 Ibid., chap. iv, p. 35-36.

34 Ibid., chap. iv, p. 36-37.

35 Ibid., chap. iv, p. 47-48.

36 Ibid., chap. iv, p. 37-38.

37 Ibid., chap. iv, p. 37.

38 Ibid., chap. iv, p. 37.

39 Ibid., chap. iv, p. 31.

40 Ibid., chap. vii, p. 125.

41 Ibid., chap. vii, p. 127.

42 Ibid., chap. viii, p. 145.

43 Ibid., chap. viii, p. 145.

44 Ibid., chapiii, p. 23.

45 Ibid., chap. iii, p. 26.

46 Ibid., chap. iii, p. 24-25.

47 Ibid., chap. iii, p. 28-29.

48 Ibid., chap. iii, p. 20.

49 Ibid., chap. iii, p. 21-22.

50 Ibid., chap. iii, p. 10.

51 Ibid., chap. ii, p. 10.

52 Ibid., chap. iv, p. 31-32.

53 Voir Guigues du Pont, Traité sur la contemplation, éd., trad. et notes par Dom Philippe Dupont, Salzbourg, 1985, « Analecta cartusiana », no 72, vol. I, p. 199.

54 Voir le traité de direction spirituelle que Jean Gerson a écrit, en langue vernaculaire, pour apprendre à prier : Jean Gerson, La Mendicité spirituelle, dans Œuvres complètes, vol. VII, Lœuvre française, éd. Mgr Glorieux, Paris, Desclée, 1966.

55 Direction, op. cit., chap. iv, p. 33.

56 Ibid., chap. iv, p. 33.

57 Ibid., chap. iv, p. 39-40.

58 Cité par Emmanuel Bury, « Lévidence au service de la prédication : réflexions du xviie siècle sur saint Augustin », dans Carlos Lévy et Laurent Pernot (dir.) Dire lévidence (Philosophie et Rhétorique antique), Paris, LHarmattan, 1997, p. 75-91, ici p. 89.

59 Direction, op. cit., chap. iv, p. 34.

60 Dom Le Masson reprend ici la comparaison de lorant avec le petit enfant, développée par François de Sales. Voir Traité de lAmour de Dieu, op. cit., Livre VII, chap. i, p. 663-664.

61 Ibid., chap. iv, p. 31.

62 Ibid., chap. i, p. 7-8.

63 Ibid., chap. iii, p. 30.

64 Ibid., chap. iv, p. 40.

65 Ibid., chap. iv, p. 48.

66 Ibid., chap. ii, p. 18.

67 Ibid., chap. ix, p. 163.

68 Ibid., chap. ix, p. 156.

69 Ibid., chap. iv, p. 44.

70 Ibid., chap. iv, p. 48-49.

71 Ibid., chap. vii, p. 125-126.

72 Ibid., chap. vii, p. 128.

73 Ibid., chap. viii, p. 144.

74 Bossuet, Élévations sur les Mystères, Méditations et autres textes, éd. Renaud Silly o. p., Paris, Robert Laffont, « Bouquins », Élévations, XII, 7, p. 420.

75 Quintilien, Institution oratoire, trad. Jean Cousin, Paris, Les Belles Lettres, 2003, t. IV, livre VI, 2, 32, p. 32.

76 Direction, op. cit., chap. viii, p. 144-145.

77 Ibid., chap. iv, p. 49.

78 Ibid., chap. vii, p. 120.

79 Ibid., chap. viii, p. 145.

80 Ibid., chap. vii, p. 110.

81 Ibid., chap. viii, p. 145-146.

82 Cité par Henri Bremond, Histoire littéraire du sentiment religieux en France, [1921], vol. I, t. 3, Grenoble, Jérôme Millon, 2006, p. 987.

83 Christian Belin, La Conversation intérieure. La Méditation en France au xviie siècle, Paris, Champion, « Lumière classique », 2002, p. 340.