Introduction
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : Renaissance de Giono. La reconstruction de l’auteur après la Seconde Guerre mondiale
- Pages : 293 à 294
- Collection : Études de littérature des xxe et xxie siècles, n° 121
Introduction
Après avoir retracé l’histoire de la réinvention de la figure auctoriale de Giono entre 1945 et 1957, nous souhaitons à présent saisir cette période dans son ensemble. Nous nous proposons, dans cette seconde partie, de faire le portrait de ce « kaléidoscope mouvant1 » qu’est l’auteur et d’explorer ses facettes plurielles – tout en ayant conscience que cette description, comme le notait Sartre à propos de son livre sur Baudelaire, « présente cette infériorité sur le portrait qu’elle est successive au lieu qu’il est simultané2 ».
Tournant à chaque fois d’un cran le « kaléidoscope » de l’auteur, nous adopterons successivement trois perspectives qui nous permettront d’examiner six grandes figures du Giono d’après-guerre. Étudier le repositionnement de Giono dans un champ littéraire qui s’est lui-même restructuré en profondeur au sortir la guerre nous conduira à nous intéresser aux figures contiguës du conteur et de l’écrivain désengagé. L’examen de la fable biographique de Giono nous amènera quant à elle à interroger l’évolution de deux de ses scénographies auctoriales, initiées dès ses débuts littéraires : celles du marginal et de l’homme heureux. Enfin, passant à un niveau d’analyse plus intime, nous évaluerons la reconstruction de soi qu’entreprend Giono après l’expérience douloureuse du désenchantement en sondant les figures, à la fois opposées et complémentaires, du connaisseur du cœur humain et de l’enchanteur.
La pluralité des angles d’étude que nous avons choisi d’adopter ne doit pas occulter notre approche générale. À travers l’analyse de ces six figures, nous cherchons à mettre au jour comment s’expérimente chez Giono, après la crise ouverte par la guerre, la reconfiguration d’une identité auctoriale qui va de pair avec la refonte de l’œuvre. 294Au-delà des hésitations et des possibles paradoxes que recoupe ce processus, la posture que Giono construit dans l’après-guerre présente des constantes et obéit à une logique générale que nous nous efforcerons de souligner.