Le texte
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : Relation d’un voyage à la côte des Cafres (1686-1689)
- Pages : 23 à 28
- Collection : Géographies du monde, n° 35
Le texte
Les manuscrits
On connaît quatre manuscrits du texte de Laujardière, dont trois seulement subsistent, l’un à Berlin, l’autre à Halle an der Saale et le dernier à Cracovie. Celui de Magdebourg est perdu. Le manuscrit de Berlin est de la main de Laujardière.
Le manuscrit de Magdebourg
Ce manuscrit (volume de mélanges, cote : 4o 50, III, folio 428, et non : 4o 50, III, fol. 288 comme l’indique par erreur Setzepfandt), qui a disparu durant la seconde Guerre mondiale, était conservé à la Stadtbibliothek « Wilhelm Weitling » de Magdebourg (Saxe-Anhalt). Les traductions allemandes chez J. C. Kleyb en 1748 (même s’il n’indique pas le manuscrit utilisé) et de R. Setzepfandt en 1900 se fondent sur lui. Connu à travers des traductions plus ou moins fidèles, certaines de ses caractéristiques méritent néanmoins d’être relevées.
Ce manuscrit était plus long que celui de Halle et plus court que celui de Berlin – il ne relatait pas l’épisode de la maison des Indes à Amsterdam. Il possédait, dans ses dernières pages, des éléments qui lui étaient propres, tels que des commentaires sur le « capitaine » d’Amsterdam, les circonstances du décès de la mère de l’auteur et l’arrivée à Beverwijk, ville dont le nom n’est pas mentionné dans les autres manuscrits. En revanche, on pouvait y lire, comme dans l’exemplaires de Halle, une note concernant Suétone (Vie des douze Césars, « Caligula ») et, comme dans le manuscrit de Berlin seulement, une note en latin sur la circoncision.
24Le manuscrit de Berlin
Conservé à la Deutsche Staatsbibliothek, Haus 1, de Berlin, Unter den Linden, le manuscrit Gallicus 8o 69 est intitulé : Relation d’un voyage à la côte des Caffres. Dans les collections de la maison royale de Prusse, ce volume relié en maroquin rouge, sans armes, au format 15,9 cm × 19,2 cm. (in-8o) comprend 99 pages sans filigrane non numérotées. Il s’agit d’un autographe, l’écriture de ce manuscrit étant la même que celle des cinq lettres de la main de Laujardière conservées aux Archives d’État de Potsdam (voir ci-dessus, p. 19). On remarque une certaine fantaisie dans l’utilisation de l’espace, l’écriture étant très aérée, sauf dans les quatre dernières pages (à partir de : « Deux vaisseaux anglais »), où celle-ci devient plus serrée. De rares corrections de noms de lieux ou de noms anglais émaillent encore le manuscrit : elles sont d’une écriture plus fine, semblable à celle des quatre derniers feuillets.
À l’exception de la fin, son texte est à peu près identique à ceux des manuscrits de Halle et de Magdebourg : le premier s’arrêtant en effet à l’arrivée de Laujardière à Middlebourg et le second passant plus rapidement sur le séjour à Amsterdam. Le manuscrit est aussi plus lisible que l’exemplaire de Halle et adopte une orthographe plus rigoureuse. Certains passages de ce manuscrit permettent de lire des chiffres ou des mots illisibles ou douteux dans celui de Halle (six mille, écrit en chiffres et douteux dans le manuscrit de Halle, p. 9, se trouve en toutes lettres dans celui de Berlin, f. 14).
Le manuscrit de Berlin présente d’autres particularités : des corrections apparaissent en certains endroits (f. 9 : « gargousses », rayé et remplacé par « cartouches » ; f. 20 : « pilote » par « quartier-maître » ; f. 22 : « morceau de cuivre » par « couteau de poche » ; f. 45 « mon couteau » par « une ragayes »). En outre, il est le seul à faire état d’un incident survenu à Middlebourg entre Laujardière et un représentant de la Compagnie des Indes. Il offre également un certain nombre de notes et de marginalia que l’on ne trouve dans aucun des deux autres manuscrits.
Le manuscrit de Halle
Ce manuscrit est conservé à Halle an der Saale (Saxe-Anhalt) dans les fonds de l’Universitäts- und Landesbibliothek Sachsen-Anhalt,Abteilung Sondersammlungen de la Martin-Luther-Universität de Halle-Wittenberg 25sous le nom de « L’Aujardière » ou « Lojardière », Relation d’un voyage à la coste des Caffres, 44 p., copie du 18e siècle, cote : Zi.4. Le récit même est précédé d’une épigraphe en allemand contemporaine de la copie, qui donne quelques renseignements biographiques sur l’auteur. L’exemplaire de Halle fournit la note sur Caligula en référence à Suétone.
Ce manuscrit in-folio est d’une écriture peu lisible, dont l’orthographe, même pour le 17e siècle, paraît assez fantaisiste. Il s’agit du travail d’un copiste allemand peu soigneux, qui devait connaître imparfaitement la langue française.
Tout le texte est d’une seule main, sauf la fin – au milieu de la p. 40 – où l’écriture devient plus serrée et paraît être différente. Le manuscrit s’arrête à la phrase : « Dès que j’eus mis pied à terre à Middelbourg, je m’embarquai pour Amsterdam, d’où je pris la poste pour aller joindre mon frère en Allemagne ». Il est donc moins complet que les manuscrits de Magdebourg et de Berlin.
Le manuscrit de Cracovie
Ce dernier manuscrit est conservé à la Biblioteka Jagiellonska Uniwersitet Jagiellonski de Cracovie, sous la cote : Gall. 146. Il est intitulé : Journal du voyage d’un anonyme aux Indes Orientales et de son séjour chez les nègres par Guillaume Chenu de Chalezac sieur de Laujardière. Le premier feuillet a disparu, amputant le texte du début jusqu’à : « en me faisant embarquer ». La narration s’arrête avant l’épisode du retour de Laujardière en Europe. Il est plus long que les manuscrits de Halle et de Magdebourg mais plus court que le manuscrit de Berlin. Il est conforme à ce dernier jusqu’à la phrase : « Nous fîmes le trajet le plus heureusement du monde […] le prince d’Orange avait été couronné roi d’Angleterre ». Ensuite, il se termine très rapidement sur ces mots : « Cette nouvelle nous donna beaucoup de joie, la santé du roi fut bénie et saluée par plusieurs décharges de toute la flotte, auxquelles les Anglais répondirent. Après cela nous nous séparâmes et prîmes la route de Zélande, où nous arrivâmes le 24 d’octobre. Dès que j’eus mis pied à Middelbourg, je m’embarquai pour Amsterdam d’où je pris la poste pour aller joindre mon frère en Allemagne. »
26Éditions et traductions
Le texte de Laujardière, rédigé en français, a été édité trois fois. D’abord incomplètement, dans sa langue d’origine, dans le Bulletin de l’histoire du protestantisme français, en 1921, par Nathanaël Weiss. J’en ai procuré la première édition complète, me fondant sur le manuscrit de Halle, que j’ai complété avec le manuscrit de Berlin, aux Presses de Paris, en 1996, édition revue, corrigée et augmentée dans la présente édition chez Garnier Flammarion. Dominique Lanni avait par ailleurs édité le texte de Laujardière, se fondant sur le manuscrit de Cracovie, moins complet que celui de Berlin, dans son ouvrage intitulé : « Fureur et Barbarie » (éd. Cosmopole, Paris, 2003). La Relation d’un Voyage à la côte des Cafres a été traduite à deux reprises en allemand et il en existe une traduction anglaise.
Une première traduction parut en 1748 sous le titre de : Herrn Lojardière, Reise Beschreibung nach Afrika, von ihm selbst in frantzösischer Sprache geschrieben und […] zum ersten Mahl ins Deutsche übersetzt, Franckfurt an der Oder, bei Johann Christian Kleyb, 1748, 103 p. Le traducteur, resté anonyme, n’indique pas sa source, en fait le manuscrit de Magdebourg. La seconde a été publiée dans la revue : Die Französische Colonie, Berlin, 1900, no 8, p. 127-132 ; no 9, p. 141-147 ; no 10, p. 157-164 sous l’enseigne de : Reiseabenteuer des Herrn Wilhelm Chenu von Chalezac, Seigneur de Laujardière, im Lande der Hottentoten und Kaffern 1686 bis 1689. « Von Oberlehrer R. Setzepfandt, Magdeburg ». Cette traduction du professeur R. Setzepfandt de Magdebourg se fondait sur le manuscrit de la Bibliothèque de la Ville, détruit depuis. Entreprise à la demande de Henri Tollin, elle était accompagnée de la lettre-dédicace à la princesse Albertine-Agnès d’Orange-Nassau. Cette épître dédicatoire est conservée dans le Geheimes Preussisches Staatsarchiv (Repositur 92, von Spanheim, no 8, f. 14 et suivants). La traduction plus ancienne de Kleyb, qui présente exactement les mêmes caractéristiques que celle de Setzepfandt, se fonde à l’évidence sur le même manuscrit.
En 1921, parut, dans la rubrique : « Documents » du Bulletin de la Société de l’Histoire du Protestantisme Français, une publication signée de N[athanael] W[eiss] : « Les aventures de Guillaume Chenu de Chalezac, 27seigneur de Laujardière au pays des Cafres, 1686-1689 ». (Paris, 1921, t. 70 ; no 1, p. 40-54 ; no 2, p. 97-101, avec une brève préface signée N. W. ; et « Le retour au pays », no 3, p. 219-225). Le texte de Weiss reproduit le manuscrit de Halle ; il n’apporte aucune précision sur le séjour de Laujardière à Middelbourg (comme dans les manuscrits de Berlin et de Magdebourg), ni sur son différend avec un employé de la Compagnie des Indes orientales (comme dans le manuscrit de Berlin). N. Weiss ne semble pas avoir eu connaissance des deux traductions allemandes du texte, ou du moins il ne les a pas utilisées.
Une traduction anglaise a été procurée en 1991, en Afrique du Sud par la Van Riebeeck Society du Cap, sous la direction de Randolph Vigne. L’ouvrage intitule : Guillaume Chenu de Chalezac, the « french boy » : the narrative of his experience as a huguenot refugee, as a castaway among the Xhosa, his rescue with the Stavenisse survivors by the Centaurus, his service at the Cape and return to Europe, 1686-1689, se fonde sur la traduction allemande de J. C. Kleyb et ignore donc les manuscrits originaux français. L’ouvrage a été réédité en 1993.
Il reste à signaler un avatar inattendu du texte de Laujardière : l’article anonyme paru en afrikaaner dans le bulletin de la Huguenot Society of South Africa, en 1964, sous le titre « Willempie1 ». Ce récit, très librement adapté du récit de Laujardière, fait du jeune homme, à la suite du massacre des hommes d’équipage – qui n’étaient pas armés – et du capitaine du navire hollandais, un esclave des inboorlinge (« indigènes ») du Transkei. Dans cette version, l’équipage aurait eu pour mission de rapporter du bétail. Les inboorlinge qui capturèrent Laujardière sont assimilés à des Hottentots, tribus de langue bantoue dont l’arrivée dans cette région de l’Afrique du Sud est largement contestée pour cette époque.
En 1991, la Relation fut de nouveau traduite en afrikaaner par Renshé Strijdom-Meijs2. Cette édition s’éloigne du texte français de Laujardière. Cependant elle reflète l’esprit de l’original. Les relations de Laujardière avec son père adoptif – et avec une mère adoptive fictive – apparaissent au centre du récit. Les deux traductions en afrikaaner ont cependant permis une diffusion locale du récit de Laujardière.
28Principes de la présente édition
Nous avons pris le manuscrit de Berlin comme texte de base, car il est le plus complet. Malgré les précisions intéressantes qu’apporte, pour la fin du texte, la copie de Magdebourg, il offre des marginalia utiles. Ce manuscrit est aussi plus lisible et adopte une orthographe plus cohérente que celle de l’exemplaire de Halle. La fin du manuscrit de Magdebourg, qui n’est connue qu’à travers ses deux traductions en allemand, est mise en annexe à titre de variante du manuscrit de Berlin.
Nous avons modernisé l’orthographe et normalisé la ponctuation, défaillante ou incohérente en plusieurs endroits du texte original. Les trois apostilles du manuscrit de Berlin ont été renvoyées en notes.
Les abréviations ont été développées. Les manuscrits sont désignés dans les notes de bas de page par les abréviations suivantes : A pour le ms. de Halle, B pour celui de Berlin, et C pour celui de Cracovie. Les hésitations et les commentaires du copiste (ou de l’auteur) sont reproduits en note. Les variantes et les notes des manuscrits sont citées en bas de page, ou données à la suite du texte. Nous avons indiqué entre crochets carrés gras le foliotage du manuscrit de Berlin.
Il reste à signaler que l’épigraphe en allemand du manuscrit de Halle a été reportée en note, après le texte – il s’agit d’un commentaire rédigé par un anonyme. On a jugé plus conforme au projet de l’auteur de rétablir l’épître dédicatoire qui est de la main de Laujardière.
Emmanuelle Dugay-Cobena
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-14543-1
- EAN : 9782406145431
- ISSN : 1775-3503
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-14543-1.p.0023
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 03/05/2023
- Langue : Français