Avant-propos
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : Proust et la connaissance esthétique
- Pages : 11 à 12
- Collection : Bibliothèque proustienne, n° 45
Avant-propos
Peut-on juger une œuvre littéraire à travers la théorie de la complexité ? Et cette complexité peut-elle définir une nouvelle esthétique ? Dans mon précédent ouvrage, Proust et l’esthétique de la complexité, il est apparu assez vite qu’il fallait quitter certaines interprétations traditionnelles de l’œuvre proustienne – telle celle des signes de Gilles Deleuze (Proust et les signes) –, pour tâcher d’introduire de nouveaux outils de réflexion. Notamment en s’appuyant sur les sciences de la Complexité, l’entropie, l’autoorganisation, la topologie, la théorie des systèmes dynamiques, et aussi des concepts neuroscientifiques. D’emblée il fallait élargir la notion de signes pour la tourner en sciences des systèmes. Pour ce, le travail du poète-théoricien Paul Valéry, adepte d’une pensée par modèles (telle la variation) et systèmes : système C.E.M. (Corps/Esprit/Monde), pouvait s’avérer féconde. Il en résulte en effet un « art de l’invention » consistant « à (se) créer », en décrivant et connaissant son fonctionnement mental, et à re-créer la (une) réalité en de nouvelles combinaisons de formes. C’est là qu’est le processus (de création). Car l’esthétique proustienne comme valéryenne procède de données cognitives et cérébrales observées de très près.
Ce livre-ci donne une place encore plus grande à Valéry, en posant des analogies entre rédaction de ses Cahiers et celle de la Recherche, et aussi des rapprochements à partir de thèmes fétiches du poète (Implexe, variabilité, variation, Self-variance) avec les sujets proustiens (mémoire involontaire, intermittences du moi, affres de l’amour et de la jalousie, souffrance et ratiocinations du narrateur). Sans oublier le principe du système Corps/Esprit/Monde qui joue ici son rôle à plein notamment en instaurant l’idée de cycles. Cycles de la nature en leur acception également biologique et développementale, cycles de perception-action engendrant cette circularité fondamentale à la base même de la vie de l’individu et de l’apprentissage de son environnement. Idées déjà exposées dans Proust et l’esthétique de la complexité, ici systématisés, afin de spécifier une stratégie constructiviste de l’écriture avec des jeux 12entre emboîtement de formes, principe homothétique (moments où toute l’œuvre se trouve résumée ou plutôt contenue), profondeur logique (complexité profonde et très organisée) et relativité de temps et de points de vue. De là naît l’œuvre nouvelle.