Présentation
- Publication type: Book chapter
- Book: Pantomimes fin de siècle en Autriche et en Allemagne. Textes et contextes
- Pages: 333 to 334
- Collection: Nineteenth-Century Library, n° 95
Présentation
Presque dix ans après Les Deux Pierrots1, Karl von Levetzow retourne à la pantomime avec Die Sphinx, « tragédie mimée » publiée en 1910 dans la revue Der Merker2, en même temps que son article théorique intitulé « Pantomime ». Levetzow entend ainsi mettre en pratique sa conception de la pantomime comme un art noble, loin des arlequinades et clowneries. Alors que la pantomime a été dégradée au rang de « musique de cirque », il faut renouer avec sa filiation dionysiaque, « en reconstruire les fondements3 » en refusant tout élément narratif pour revenir à l’essentiel : aucun geste ne doit être superflu, absolument tout, chaque demi-mesure, chaque chaise sur scène, chaque rictus dans le visage de l’acteur doit être action à tout moment4 ».
Pour appuyer le sérieux de son entreprise, l’auteur recourt à la référence faustienne, comme l’ont fait bien avant lui Beer-Hofmann et Hofmannsthal dans Pierrot Hypnotiseur et Le Disciple. L’objet magique, support de l’hypnose, n’est plus un anneau, comme chez ses prédécesseurs, mais la pierre philosophale. Posée sur la tête d’un sphinx, elle symbolise le caractère énigmatique, mystérieux, du pouvoir sur l’autre, poussé jusqu’au meurtre, et inscrit dans le texte par une insistance sur le terme de « Maître », varié à maintes reprises. Mais elle est aussi image et objet du désir insaisissable, reflétant la fascination pour l’hypnose, toujours bien vivace, à travers une description détaillée de l’état hypnotique (somnambulisme, rigidité des membres, fixité du regard). La pantomime de Levetzow, dernier maillon d’une filiation d’inspiration faustienne, mêlée à la tradition antique qu’incarne le sphinx, possède 334quelques traits d’originalité, comme l’analogie suggérée entre le pouvoir – certes provisoire – exercé par le Maître démiurge, également nommé « seigneur » par Miranda, et le Dieu de l’Ancien Testament. Lorsqu’il ordonne à son « escholier » de tuer celle qu’il aime, le Maître inverse le commandement « Tu ne tueras point » et provoque ainsi l’erreur tragique, hamartia conduisant à la catastrophe.
Par ailleurs, Levetzow introduit un commentaire à valeur explicative et métatextuelle, précisément au moment où le Maître se place dans une posture didactique à l’égard de son disciple pour lui exposer la naissance de la pierre philosophale :
Le feu comprimé a donné la pierre dans le fourneau (toutes ces explications qui semblent compliquées sont faciles à jouer, pour peu que le pantomime n’oublie jamais qu’il doit toujours travailler avec les accessoires présents et exprimer les pensées en les tenant en main, les montrant ou en allant vers eux) !
C’est sans doute en raison de son caractère éminemment épigonal que la pantomime Le Sphinx n’a jamais été représentée.
1 Pour une présentation de l’auteur et de ses écrits théoriques sur la pantomime, cf. la présentation des Deux Pierrots dans le présent ouvrage.
2 Karl von Levetzow, Die Sphinx, Der Merker 1 (1910), Heft 8, p. 334-339.
3 Id., « Pantomime », art. cité, p. 330 : « die Grundsätze rekonstruieren ».
4 Ibid., p. 332 : « […] alles, auch jeder Halbtakt, jeder Stuhl auf der Bühne, jedes Zucken im Gesichte des Darstellers in jedem Augenblicke Handlung sein muß […]. »
- CLIL theme: 3440 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Oeuvres classiques -- XIXe siècle
- ISBN: 978-2-406-12938-7
- EAN: 9782406129387
- ISSN: 2258-8825
- DOI: 10.48611/isbn.978-2-406-12938-7.p.0333
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 07-06-2022
- Language: French