Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Observer et Décrire. Des insectes et des hommes
- Pages : 285 à 289
- Collection : Carrefour des lettres modernes, n° 14
Résumés
Alain Montandon et Yvan Daniel, « Présentation »
L’observation des insectes est depuis les temps les plus anciens une activité pleine d’enseignements, où le désir d’accaparement et la curiosité se mêlent à des frustrations. Observer dépend des instruments d’observation, mais il faut savoir quoi observer, pourquoi, dans quel but. Cet ouvrage, à partir des pratiques, méthodes et écrits entomologiques, d’un point de vue littéraire mais aussi épistémologique, examine ce qu’observer et décrire veulent dire à partir de différentes perspectives.
Alain Montandon, « Observer et décrire »
L’article étudie la nature et les différentes pratiques de l’observation, tant en entomologie qu’en littérature. L’observation, dépendante du langage, amène à des descriptions aussi bien des insectes que de la société humaine à l’exemple de Balzac, de Zola, de Proust et de Robbe-Grillet. Deux types d’observation, celle du flâneur qui interprète les signes et celle du voyeur dans La Jalousie, sont également opposés, entre subjectivité et objectivité.
Nathalie Vuillemin, « Comment partager une observation ? Conflits d’interprétation de la vision microscopique au xviiie siècle »
Apprendre à voir au microscope, au xviiie siècle, est en grande partie une affaire de langage : c’est en effet en décryptant, en décrivant, en discutant de la possibilité de s’accorder sur une observation mise en mots, que l’on oriente l’œil, que l’on apprend à chercher, et progressivement à comprendre ce que l’on voit. On examine ici ce lien entre voir et savoir sur le plan historique et théorique, puis sur un débat entre J. Ellis et Linné.
286Caroline Dauphin, « La Micrographia de Robert Hooke. Une révolution scientifique… et poétique ? »
La Micrographia (1665) est le premier livre anglais à présenter des illustrations d’insectes observés au microscope. Visuel et visionnaire, cet ouvrage de Robert Hooke frappe l’imagination : fourmis et puces se dévoilent sous un jour nouveau. Or, si les gravures sont effectivement marquantes, le texte qui les accompagne joue également un rôle non moins important par sa puissance d’évocation, sa précision et sa poétique de l’enthousiasme qui recréent la scène d’observation.
Yvan Daniel, « Quelques réflexions sur l’erreur d’observation »
À partir d’une réflexion générale sur l’erreur d’observation, l’article s’interroge sur le rôle et le statut de ce type d’erreur, dans le texte scientifique, littéraire, et dans les textes fondés sur des interactions entre ces deux catégories, en s’attachant plus particulièrement aux descriptions et représentations erronées de l’insecte. Il cherche à expliquer leurs causes, qui sont souvent de l’ordre de la croyance, en réservant pour finir une place à part à la fiction littéraire.
Lucien Derainne, « Observation et sympathie. De l’entomologie du xviiie siècle à L’Insecte de Michelet »
La figure de l’observateur-entomologiste renvoie aujourd’hui à deux imaginaires opposés : l’objectivité d’un côté ; la sympathie de l’autre. Pour expliquer cette incohérence, cet article effectue un détour par l’histoire de l’empirisme. De 1750 à 1850, les traités méthodologiques sur l’observation demandent à l’observateur d’entrer en sympathie avec l’objet qu’il observe. Cette injonction disparaît après 1850 mais elle persiste dans la culture, comme en témoigne L’Insecte de Jules Michelet.
Philippe Antoine, « Une question d’échelle »
Les variations autour de la taille de l’insecte alimentent des écrits qui pensent les conditions de l’observation et la relativité des échelles de grandeur. Un saut qualitatif se produit : on quitte l’arithmétique et la géométrie pour laisser libre cours à l’imagination qui s’attachera aux relations plus qu’à l’identité du phénomène. Ainsi est représentée une pluralité de mondes interdépendants suscitant des spéculations déconnectées de protocoles expérimentaux rationnels.
287Bruno Corbara, « Observation et description de l’insecte social et des sociétés d’insectes. De l’importance de l’individu »
L’article traite de la façon dont les scientifiques observent et décrivent un insecte (social ou non) et une société d’insectes, prise comme un tout ou comme la résultante des comportements de ses membres. À travers quelques exemples de travaux portant sur la division du travail social ou sur la prise de décision collective réalisés entre autres chez l’abeille mellifère, est montrée l’importance du marquage individuel pour la compréhension du fonctionnement des sociétés d’insectes.
Christiane Montandon-Binet, « Décrire la démarche d’observation d’un entomologiste. Enjeux méthodologiques »
La démarche du sujet observant est visée ici grâce à deux types d’entretiens : compréhensifs et des entretiens d’explicitation. Cette méthode psycho-phénoménologique permet de comprendre combien observation et description sont tributaires de mots de la langue et des savoirs antérieurs, qui orientent le regard et qui parfois empêchent de voir. Cette corrélation entre observation et description est d’autant plus prégnante lorsqu’il s’agit d’une co-observation.
Frédéric Calas, « Stylèmes saillants de l’écriture de Jean-Henri Fabre »
L’article étudie des stylèmes saillants de l’œuvre de Fabre. L’originalité de son œuvre réside dans l’association d’une démarche personnelle et autobiographique et d’une entreprise scientifique d’observation des insectes dans leur milieu. Grâce à des procédés stylistiques précis, il crée une narration vivante à l’image même du vivant qu’il décrit. Le souffle de l’écriture et l’enthousiasme de la démarche se retrouvent dans un rythme jouant des tensions entre laconisme et prolixité.
Marie Bouchet, « Nabokov et ses papillons »
Nabokov était un grand écrivain plurilingue, mais aussi un lépidoptériste de renom. Entomologiste autodidacte, il se forma aux techniques de recherche entomologique dans les grands musées d’histoire naturelle américains dans les années 1940 et se spécialisa dans les Bleus/Lycénides. En art comme en science, sa pratique et son écriture révèlent son obsession pour le détail, dans 288la tentative de trouver des mots les plus en adéquation possible avec le monde riche et complexe qui est le nôtre.
Laurie-Anne Laget, « L’observation dans les aphorismes littéraires. Le cas de Ramón Gómez de la Serna et de ses Brouhahas entomologiques »
Cet article analyse le fonctionnement de l’observation et de la description dans la forme littéraire de l’aphorisme contemporain au travers des Greguerías [Brouhahas] du madrilène Ramón Gómez de la Serna, recueil de fragments ludiques et poétique peuplé d’insectes. Il s’attache à montrer que la description-« révélation » ramonienne vise à aiguiser notre perception du réel pour aller vers plus de sens.
Sylvain Ledda, « Les travailleurs de la mort. Notes sur les insectes nécrophores au xixe siècle »
Au cours du xixe siècle, l’insecte nécrophore fait l’objet d’études scientifiques, de traités d’observations érudits. Il s’agit d’une part d’étudier la manière dont on décrit l’activité singulière de ces insectes, d’autre part, de questionner sa présence dans la littérature. Grâce aux avancées de la science, les tabous qui entourent les insectes nécrophores disparaissent progressivement, mais la métaphore et l’anthropomorphisme restent la règle pour décrire leur ouvrage.
Christiane Connan-Pintado, « L’entomologie à hauteur d’enfant. Figures, médiations, enjeux »
En se penchant sur les insectes, la littérature de jeunesse adopte le point de vue enfantin et conjugue documentaire et fiction pour approcher cet univers étrange. Du personnage historique à son avatar fictif, la figure de l’entomologiste sera un homme, une femme, un enfant, voire un animal. Sous la double contrainte du docere et placere, le propos recourt volontiers à l’anthropomorphisation. Quand l’image soutient ou supplée la description, elle ouvre le champ à l’interprétation artistique.
Marie-Christine Natta, « La science naturelle d’Eugène Delacroix »
Eugène Delacroix entretient un lien puissant avec la nature, qui nourrit son inspiration et structure sa pensée esthétique. Il l’observe en curieux, en 289romantique, en philosophe mélancolique et en peintre mais jamais en savant. Le regard subjectif, qu’il porte sur les insectes, est marqué par sa fascination pour la violence et son admiration pour la parfaite cohérence de ce petit monde, où la plus grande diversité se combine à la plus grande unité.
Pierre Schoentjes, « “L’insecte se mêle étroitement à la nature, la recouvre, la traverse, l’habite”. Pierre Gascar entomologiste »
Revenant ici sur l’œuvre de Pierre Gascar, l’article interroge la place que cet observateur exceptionnel, premier écologiste de la littérature française, fait aux insectes. Considérés dans leur diversité et leur omniprésence de collectivité, ou vus dans la fragilité de leur individualité, Gascar les montre comme participant à tisser le réseau du vivant. Ils occupent la fonction de petit peuple de la nature, rôle qui permet aussi à Gascar de faire résonner les questions de justice sociale.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-13107-6
- EAN : 9782406131076
- ISSN : 2494-7520
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-13107-6.p.0285
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 27/07/2022
- Langue : Français