Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Mythographie de l’étranger dans la Méditerranée ancienne
- Pages : 435 à 439
- Collection : Rencontres, n° 375
- Série : Littérature générale et comparée, n° 27
Résumés
Françoise Graziani et Arnaud Zucker, « Introduction »
La mythographie est un lieu de redéfinition des identités et des différences culturelles, mais aussi un moyen d’envisager et d’appréhender la nouveauté du monde et les frictions culturelles. Toujours et partout les mythographes ont investi comme une nécessité vitale la mission de réapprendre à lire et traduire les anciens en reformulant et réinterprétant leur parole pour comprendre la complexité d’un monde dans lequel les sociétés humaines sont condamnées à vivre ensemble sous peine de s’autodétruire.
Minerva Alganza Roldan, « “Extranjero (ξένος)” y “hospitalidad (ξενία)” como categorías mítico-historiográficas en Diodoro de Sicilia (Biblioteca histórica, libros I-V) »
Dans l’horizon œcuménique des premiers livres de sa Bibliothèque (sur les antiquités des peuples barbares et les mythes grecs), Diodore explique les relations interethniques par l’antagonisme des Grecs et des barbares, mais aussi par les réponses des « indigènes » devant les gens « de l’extérieur ». Il évalue le niveau de progrès de chaque société d’après l’existence d’une « hospitalité », et s’efforce d’éliminer, pour mieux les servir, les détails invraisemblables des récits traditionnels.
Giampiero Scafoglio, « Le long voyage d’Énée. Comment un étranger est devenu l’ancêtre des Romains »
L’article aborde plusieurs problèmes concernant l’évolution de la légende d’Énée, en interprétant des témoignages (controversés) à partir de l’épopée archaïque. Les Grecs exploitent l’origine « étrangère » de Rome pour renforcer leurs liens avec le peuple romain, tandis que les Romains s’en servent pour légitimer leur expansionnisme en Orient. Virgile, dans l’Énéide, innove à plus d’un titre, en acceptant l’ethnogénèse « dualiste » (basée à la fois sur l’autochtonie et sur la migration).
436Françoise Graziani, « “La République du genre humain”. L’ethnologie mythographique de Boccace »
La Généalogie des dieux de Boccace propose une reconstitution multiculturelle de la famille des dieux antiques. Le mythographe s’y représente comme un explorateur qui a reçu la « mission sacrée » de « relier tous les rivages » pour recueillir les vestiges d’anciennes civilisations ruinées dans le but d’en tirer une éthique sociale. La reconnaissance de « la diversité du divers » détermine cette quête de concorde entre les peuples qui vise à constituer une nouvelle « république du genre humain ».
Robert L. Fowler, « Foreigners in Early Greek Mythography »
Cet article montre l’intérêt profond des premiers mythographes (Hérodote et ses contemporains) pour les peuples étrangers, et leur réelle compréhension. À partir de l’étude des fragments contenus dans l’édition Early Greek Mythography (augmentés des fragments ethnographiques des auteurs concernés), on observe comment la posture grecque vis-à-vis de l’étranger, bien qu’elle soit marquée par un certain hellénocentrisme, loin d’être un monologue unilatéral sait intégrer le point de vue des autres.
Ezio Pellizer, « Stranieri e Achei nei Cataloghi. Tra mitografia e immaginario »
À partir de quelques réflexions générales sur la poésie « catalogique », l’article étudie quelques exemples de « peuples fantastiques », et analyse la manière dont ils sont mentionnés, d’Homère jusqu’aux ethnographes et mythographes de l’époque impériale, On peut souvent constater un glissement entre des peuples étrangers, « barbares » attestés dans la Grèce du premier millénaire, et d’autres peuples au contraire totalement imaginaires, « mythiques », comme c’est probablement le cas des G(a)lactophages.
Bernard Sergent, « Les Celtes, les Grecs et les Pythagoriciens »
Les Galates n’ont suscité qu’un très faible intérêt de la part des Grecs, bien qu’ils fussent présents tout autour d’eux (Anatolie, Italie, Balkans, Gaule, Ibérie…), surtout à partir de l’époque hellénistique. Mais la représentation des druides comme des pythagoriciens est un malentendu moderne, qui repose sur une méconnaissance de l’histoire et sur une sous-estimation des capacités intellectuelles des Celtes qui avaient des connaissances mathématiques indépendamment des Pythagoriciens.
437Renée Koch Piettre, « Le barbare dans les scholies à Lycophron de Tzetzès »
L’emploi du mot barbaros permet une approche nuancée des préjugés et de l’idéologie chrétienne qui guident le commentaire de Tzetzès à l’Alexandra de Lycophron, qui est fondé sur une triple méthode d’allégorèse, déduite notamment de la lettre du texte. Attaché à la pureté de la langue grecque, le Byzantin repère tout ce qui s’en écarte, mais paraît s’efforcer aussi de montrer comment le voisinage du grec a pu agir comme un ferment d’élévation morale et spirituelle au sein même de la barbarie.
Philippe Borgeaud, « Traductions hellénistiques et romaines de récits hébraïques »
Les véhicules de pénétration de la mythologie biblique dans la culture gréco-romaine sont essentiellement de trois types : la fabrique de contre-récits, une forme extrême de traduction consistant à transformer le récit d’origine en un objet d’altérité maximale ; l’opération visant à combler le fossé qui sépare le texte original des catégories du lecteur ; la « traduction » comme résultat d’une mémoire et d’une réflexion à partir d’un récit dont on ne parvient pas à reconstituer l’origine exacte.
Youri Volokhine, « Traduire, interpréter, adapter, intégrer. À propos des dieux proche-orientaux dans l’Égypte du Nouvel Empire »
Au contact de ses voisins, l’Égypte pharaonique a développé en matière religieuse plusieurs stratégies pour traduire, interpréter, voire intégrer des entités divines et des récits mythologiques orientaux. À travers des exemples tirés des sources du Nouvel Empire, on tente de présenter ces diverses modalités d’interaction. C’est essentiellement le pouvoir royal qui semble contrôler ces processus conduisant à une mythologie née de la rencontre avec l’Orient, et captée par l’élite égyptienne.
Arnaud Zucker, « Mythologie égyptienne et œcuménisme théologique dans le De Iside et Osiride de Plutarque »
Le De Iside et Osiride de Plutarque est à la fois un traité d’exégèse mythologique et de religion comparée. Le mythe égyptien qu’il choisit comme modèle pour sa réflexion méthodologique sur les options herméneutiques lui 438permet, dans une réflexion originale et parfois mal jugée, de manifester la relation intime des deux cultures grecque et égyptienne, réunies par une forme d’« hospitalité » philosophique et convergeant vers une « vérité » théologique qui lui paraît universelle et… apatride.
Sydney Aufrère, « Ce que Typhon dissimule, Isis le révèle. Étymologies allégoriques des noms de Typhon et d’Osiris dans le De Iside et Osiride de Plutarque »
Le but de Plutarque dans le De Iside et Osiride est de séduire un public hellénisé en le réconciliant avec une « sagesse barbare » dont il fournit le format philosophique. Sous couvert d’offrir une synthèse de religion égyptienne, il poursuit une quête de Vérité théologique d’ordre universel. Dans cette recherche menée de façon dialectique sous un masque rhétorique, il favorise des articulations « étymologiques » destinées à dépasser l’interpretatio Graeca à travers l’étymologie des noms divins.
Jacqueline Fabre-Serris, « Cybèle, déesse étrangère et romaine ? Religio, mythographie et genre (Varron, Lucrèce, Ovide) »
Les interprétations que les Romains ont donné de Cybèle et de son culte attestent que la déesse a toujours été plus ou moins fortement perçue comme étrangère, en même temps qu’elles témoignent des efforts des penseurs romains pour l’intégrer dans leur culture. Cet article analyse les stratégies utilisées par Varron, Lucrèce et Ovide dont les visées différentes permettent d’apprécier la diversité des pratiques mythographiques développées au ier siècle av. J.-C.
Claude Françoise Brunon, « Athéna, Héra et Mout-Nekhbet : la Vierge, la Mère et le Vautour »
Dans les Hieroglyphika d’Horapollon, les dieux du panthéon grec apparaissent sous des formes qui relèvent plutôt de la tradition égyptienne, telles Athéna et Héra, représentées sous la figure d’un Vautour (1.11), et dont la description pseudo-naturaliste dessine les traits d’une divinité de l’Égypte pharaonique : Mout. Cette assimilation se déploie à travers un réseau complexe de correspondances, dont les échos sont sensibles dans la symbolique classique et jusque chez le Dr Freud.
439Simone Beta, « Hécube ou Médée ? Les devinettes mythologiques du XIVe livre de l’Anthologie Palatine »
Après avoir exposé certaines énigmes mythologiques contenues dans le XIVe livre de l’Anthologie Palatine (9, 16, 18, 25, 31, 32, 33, 38, 59, 64, 105, 106, 109), analysé les procédés utilisés par les poètes dans la construction des devinettes et comparé les énigmes de l’Anthologie avec celles de l’époque byzantine tardive, l’article propose une solution de la devinette 27 différente de celle qui est communément acceptée (Thétis), basée sur l’échange entre les figures d’Hécube et de Médée.
Jean-Yves Tilliette, « Quelques avatars médiévaux de la légende d’Orphée »
Orphée est un des héros mythologiques les plus acceptables par la tradition chrétienne qui le tourne en figure christique. Son mythe connaît une vigoureuse résurgence au tournant des xie et xiie siècles, où le héros assume deux rôles : celui du porte-parole de la « renaissance du xiie siècle » et celui du modèle accompli de l’amour-passion. Ces facettes convergent dans le Lai d’Orphée, un poème narratif où la mythologie celtique met l’ancien récit au service d’un message théologique.
- Thème CLIL : 4028 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes de littérature comparée
- ISBN : 978-2-406-08624-6
- EAN : 9782406086246
- ISSN : 2261-1851
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-08624-6.p.0435
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 14/12/2018
- Langue : Français