Chronologie (janvier 1671 – février 1673)
- Publication type: Book chapter
- Book: Théâtre complet. Tome V
- Pages: 11 to 16
- Collection: French Theatre Library, n° 76
CHRONOLOGIE
(janvier 1671 – février 1673)1
1671 |
17 janvier. Première représentation de Psyché dans la « salle des machines », au Palais des Tuileries, devant les personnes royales et tous les seigneurs et dames de la cour, « avec tout l’éclat et toute la pompe imaginable », dit La Gazette du 24 janvier. Dans une salle superbe, sur une scène spacieuse avec ses décors, ses changements et sa machinerie, se produisirent, pour les cinq intermèdes musicaux et dansés dans les entractes de la tragi-comédie de Molière et Pierre Corneille, près de soixante-dix danseurs, une centaine d’instrumentistes, plus de douze chanteurs solistes, sans compter les choristes, tous chantant sur des paroles de Quinault. Selon l’état général des dépenses, les représentations des Tuileries coûtèrent 128 172 livres. |
Tandis que ce spectacle, où les contemporains voulurent surtout voir un grand ballet, était redonné plusieurs fois aux Tuileries, la troupe joua, dans son théâtre du Palais-Royal, en alternance Le Bourgeois gentilhomme et Tite et Bérénice de Pierre Corneille, jusqu’à la clôture de Pâques, le 18 mars. |
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12 |
15 mars. D’accord avec la troupe italienne qui partageait avec Molière la salle du Palais-Royal et qui paya la moitié des frais (ils s’élevèrent à près de 2000 livres), on décida de refaire l’intérieur de la salle, « particulièrement sa charpente, et de la rendre propre pour les machines, plus de faire un grand plafond qui règne par toute la salle », écrit La Grange dans son Registre. Un troisième rang de loges est établi, tandis que sont réalisés les travaux nécessaires de menuiserie, peinture et décoration. On décida aussi « d’avoir dorénavant à toutes sortes de représentations, tant simples que de machines, un concert de douze violons », indique toujours La Grange. Les travaux dureront jusqu’au 15 avril. |
18 mars. Édition originale du Bourgeois gentilhomme. |
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10 avril. Réouverture du théâtre après la relâche de Pâques avec le Tartuffe, qui sera donné en alternance avec Le Bourgeois gentilhomme, Monsieur de Pourceaugnac, L’Avare, Le Misanthrope, George Dandin et Le Sicilien. |
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15 avril. Une nouvelle délibération de la compagnie décide de donner Psyché dans la salle parisienne. Machines, décorations, réalisation de la musique et des ballets nécessitèrent des frais considérables, la préparation de Psyché se montant à plus de 4359 livres. À cette occasion, on établit que les chanteurs, qui jusqu’alors se dissimulaient dans des loges grillées et treillissées, chanteraient désormais sur la scène, à visage découvert et habillés comme des comédiens. |
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Avril. Mention de l’ordre de paiement de la pension royale de 7000 livres accordée aux comédiens pour 1670. |
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24 mai. Première représentation des Fourberies de Scapin, qui se donnèrent avec succès jusqu’en juillet. |
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24 juillet. Première représentation de Psyché dans le théâtre rénové, censément avec toute la pompe que la tragédie-ballet connut devant le roi aux Tuileries. Psyché, avec de très belles recettes, bénéficia de trente-huit représentations d’affilée, jusqu’à la fin d’octobre 1671. |
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13 |
18 août. Édition originale des Fourberies de Scapin. |
6 octobre. Édition originale de Psyché. |
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27 novembre. La troupe part à Saint-Germain-en-Laye pour le roi, qui avait demandé à Molière une petite comédie qui se puisse ajuster avec un grand ballet ; elle y restera jusqu’au 7 décembre. |
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2 décembre. Création à Saint-Germain de La Comtesse d’Escarbagnas, qui enchâssait une pastorale perdue et une anthologie d’extraits de divertissements musicaux et dansés dus à la collaboration de Molière et de Lully pour de précédents spectacles de cour (de la Pastorale comique à Psyché, en passant par George Dandin, Le Bourgeois gentilhomme et Les Amants magnifiques) – le tout constituant le Ballet des ballets offert à la nouvelle Madame, Élisabeth Charlotte, princesse Palatine. Le Ballet des ballets fut redonné le 4 et le 6 décembre. |
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1672 |
15 janvier. Reprise de Psyché pour treize représentations d’affilée jusqu’au 6 mars, avec une excellente recette. |
30 janvier. Mention de la gratification de 1000 livres accordée par le roi « au sieur Molière en considération des ouvrages de théâtre qu’il donne au public ». |
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Du 9 au 26 février. La troupe séjourna à Saint-Germain sur ordre du roi ; elle reçut 219 livres pour quatre représentations du Ballet des ballets avec La Comtesse d’Escarbagnas. |
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13 février. Ordre de paiement de 7000 livres pour la pension royale accordée à la troupe pour 1671. |
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17 février. Mort de Madeleine Béjart pendant le séjour de la troupe à Saint-Germain ; elle avait fait son testament le 9 janvier. Elle reçut les derniers sacrements et put être enterrée en terre sacrée car elle avait également signé une renonciation à sa profession de comédienne. |
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11 mars. Création des Femmes savantes pour une vingtaine de représentations de suite, de part et d’autre de la clôture de Pâques, jusqu’à la mi-mai. |
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14 |
13 mars. Louis XIV signa des lettres patentes qui accordaient à Lully le privilège à vie d’une Académie royale de musique (le futur Opéra) et faisaient défense « à toutes personnes de faire chanter aucune pièce entière en France, soit en vers français ou autres langues sans la permission dudit sieur Lully ». De surcroît, les troupes avaient interdiction d’utiliser plus de « deux voix et six violons ou joueurs d’instrument ». C’était un grand préjudice en particulier pour les spectacles musicaux de Molière. |
29 mars. Molière introduisit donc une opposition devant le Parlement à l’enregistrement du privilège du 13 mars accordé à Lully. |
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Du 5 au 29 avril. Clôture de Pâques. |
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12 avril. L’ordonnance de Saint-Germain assouplit la rigueur du privilège accordé à Lully et autorise les comédiens à introduire jusqu’à six chanteurs et douze instrumentistes. |
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22 avril. Lully obtient une nouvelle ordonnance royale qui révoque la précédente et défend aux comédiens de se servir de plus de deux voix et de six violons pour les entractes ; interdiction aussi de se servir d’un orchestre et de danseurs. Autant dire que toute comédie-ballet ou toute tragédie-ballet se trouvait bel et bien interdite à Molière. Le dramaturge s’était aussi adressé directement au roi, et le pouvoir ferma les yeux sur ses entorses à la stricte contrainte ; si bien qu’à la mort de Molière Lully fit confirmer la rigoureuse et même impitoyable ordonnance royale, en avril 1673 (et encore en mars 1675 et en juillet 1682). |
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29 avril. Le comédien Hubert commence à tenir son Registre, qui donne des renseignements sur la troupe jusqu’au 21 mars 1673. |
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Juin. Mention de la gratification de 1500 livres accordée par le roi à la troupe de Molière pour le séjour de février 1672 à Saint-Germain-en-Laye. |
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15 |
8 juillet. Première représentation publique de La Comtesse d’Escarbagnas au Palais-Royal, cette petite comédie servant cette fois de cadre au Mariage forcé, sans qu’on sache quel texte du Mariage forcé fut utilisé (celui de 1664 en trois actes, qui aurait pu être remanié, ou celui de 1668 en un acte ?), ni comment Le Mariage forcé ou les morceaux du Mariage forcé s’intégraient dans le déroulement de La Comtesse d’Escarbagnas. Ce qui est sûr, c’est que cette troisième version du Mariage forcé était à nouveau une comédie-ballet, dont Molière, fâché avec Lully, fut obligé de demander la partition au jeune musicien Marc-Antoine Charpentier. Ce nouveau spectacle composite fut donné une petite quinzaine de fois, pendant un mois et demi. |
9 et 12 août. La Grange note des relâches forcées, Molière étant indisposé. |
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11 août. Les Femmes savantes sont données à Saint-Cloud, en visite chez Monsieur. |
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17 septembre. La Gazette signale la représentation des Femmes savantes à Versailles. |
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24 septembre. Nouvelle visite à Versailles, cette fois pour L’Avare. |
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11 octobre. Mort du petit Pierre-Jean-Baptiste-Armand Poquelin, né le 15 septembre et baptisé le 1er octobre, fils de Molière et d’Armande Béjart, leur troisième enfant. |
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11 novembre. Reprise de Psyché pour trente et une représentations consécutives jusqu’au 22 janvier 1673. Si les frais extraordinaires se sont montés à 100 louis d’or « pour remettre toutes choses en état, et remettre des musiciens, musiciennes et danseurs à la place de ceux qui avait pris parti ailleurs » (La Grange), la recette fut considérable (plus de 30 000 livres au total). Où l’on voit ce que fit Molière des défenses de Lully ! |
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10 décembre. Édition originale des Femmes savantes. |
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27 décembre. Monsieur et Madame allèrent à Psyché et, pour les deux bancs qu’ils avaient eus à l’amphithéâtre du Palais-Royal, cette fois et deux autres, remirent 440 livres à Molière. |
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1673 |
Début de février. Annoncé par Le Mercure galant début août 1672 pour être représenté au carnaval suivant, Le Malade imaginaire a été mis en répétition à l’automne, La Grange signalant une septième répétition dans les premiers jours de février. |
10 février. Création du Malade imaginaire, avec la musique de Marc-Antoine Charpentier et les ballets de Beauchamps. |
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17 février. Quatrième représentation du Malade imaginaire. « Ce même jour, écrit La Grange dans son Registre, après la comédie, sur les 10 heures du soir, Monsieur de Molière mourut dans sa maison rue de Richelieu, ayant joué le rôle dudit Malade imaginaire fort incommodé d’un rhume et fluxion sur la poitrine, qui lui causait une grande toux, de sorte que dans les grands efforts qu’il fit pour cracher il se rompit une veine dans le corps et ne vécut pas demi-heure ou trois quarts d’heure depuis ladite veine rompue ». Molière mourut donc exactement un an après Madeleine Béjart, jour pour jour. |
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Molière, qui avait fait ses Pâques en 1672, voulut mourir chrétiennement et réclama à sa paroisse, Saint-Eustache, un prêtre pour lui donner l’extrême-onction ; deux prêtres refusèrent de venir et un troisième arriva trop tard. Et comme Molière était mort sans confession et sans la renonciation à son métier de comédien, le curé de Saint-Eustache lui refusa la sépulture chrétienne. |
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18-20 février. Sa veuve Armande Béjart supplia le roi qui la renvoya à l’archevêque de Paris, tout en faisant discrètement pression sur le prélat, lequel autorisa la sépulture ecclésiastique, « à condition néanmoins que ce sera sans aucune pompe et avec deux prêtres seulement et hors des heures du jour et qu’il ne se fera aucun service solennel pour lui… » |
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21 février. Molière est donc inhumé à la sauvette dans le cimetière Saint Joseph, qui dépendait de Saint-Eustache. |
1 Comme pour les volumes précédents, la chronologie a été établie d’abord à partir des documents sûrs que donnent Madeleine Jurgens et Élisabeth Maxfield-Miller, Cent ans de recherches sur Molière, sur sa famille et sur les comédiens de sa troupe (Paris, Imprimerie nationale, 1963), et Georges Mongrédien, Recueil des textes et documents du xviie siècle relatifs à Molière (Paris, CNRS, 1965, 2 vol.). Ces documents ont été repris et complétés dans les grandes éditions du Théâtre complet de Molière, celle de Georges Couton, en 1971, et celle de Georges Forestier avec Claude Bourqui, en 2010 (avec ses compléments en ligne dans le site Molière 21) ; et ils servent de base aux principales biographies du dramaturge : le Molière de Roger Duchêne (Paris, Fayard, 1998) et celui de Georges Forestier (Paris, Gallimard, 2018). De tous, nous avons fait notre profit.
- CLIL theme: 3622 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Théâtre
- ISBN: 978-2-406-11126-9
- EAN: 9782406111269
- ISSN: 2261-575X
- DOI: 10.48611/isbn.978-2-406-11126-9.p.0011
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 09-01-2021
- Language: French