Glossaire
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : Mirabilia Indiae. Voyageurs français et représentations de l’Inde au xviie siècle
- Pages : 301 à 305
- Collection : Lire le xviie siècle, n° 74
- Série : Voyages réels et voyages imaginaires, n° 5
Glossaire
Banian : « terme issu Bâiâ (ou Bâniyâ). Inde. Du sanscrit vānijya “commerce”. Sous-caste de brāhmanes spécialisée dans le commerce et le prêt d’argent, répandue dans le nord et le nord-est de l’Inde. Ces brāhmanes appartenaient autrefois à la caste des vaiśhya et sont maintenant de fervents dévots jaina. […] ils sont nombreux dans presque toutes les parties de l’Inde où ils tiennent la plupart des petits négoces. », Louis Frédéric, Dictionnaire…, Ibid., p. 174.
Brahmane : terme issu de Brâhmana. « Ce sont les brāhmanes, nés de la bouche du Purusha, membres de la plus haute des quatre castes (varna) traditionnelles de l’Inde brāhmanique, celle dans laquelle on choisissait les prêtres chargés des sacrifices (brāhman). À partir de leur adolescence, ils étaient considérés comme deux fois nés (dvija) et portaient en travers de la poitrine le cordon sacré (upavīta). Dans certaines villes, des quartiers spéciaux (āgrahāram) leur étaient réservés ainsi que des puits auxquels ceux des autres castes ne pouvaient avoir accès. La caste des brāhmanes constitue encore environ 6 % de la population de l’Inde. Elle est divisée en de très nombreuses sous-castes (4000 au dire de certains). La vie religieuse des brāhmanes se divise en quatre stages appelés āśhrama. Un brāhmane est théoriquement inviolable et doit bénéficier de nombreux privilèges : il est naturellement considéré comme le créateur de tous les êtres vivants et se croit donc supérieur à eux tous. Il serait né de la tête même de Brahmā. Il doit se consacrer à l’étude des Veda et des textes sacrés ainsi qu’aux cérémonies religieuses […] On classe généralement les brāhmanes en deux grandes catégories, celle des Pancha Gauda (cinq castes du Bengale) et Pancha Drāvida (cinq castes du sud de l’Inde) selon leur contrée d’origine et qui sont différents des véritables brāhmanes de la vallée indo-gangétique1. »
Cafre : « De l’arabe kafir signifiant “infidèle”, l’ethnonyme cafre est initialement employé par les Arabes pour désigner les populations peuplant la côte est de l’Afrique. […] Dans l’imaginaire européen, le terme cafre va être employé pour désigner de manière globale les populations noires d’Afrique australe, y compris celles des côtes septentrionales, les Sauvages du Cap (voir art. Hottentot), lesquels diffèrent des Cafres par leur couleur, leur physionomie, leur langue, leurs modes vestimentaires et leurs mœurs phagiques. Aussi est-ce la raison pour laquelle les populations noires des côtes orientales et septentrionales africaines seront souvent confondues et désignées à partir du début de la seconde moitié du xviie siècle 302sous l’appellation Cafres-Hottentots dans les récits des voyageurs européens se rendant dans les Indes et faisant halte au cap de Bonne-Espérance. De paisibles autochtones, les Cafres, sont élevés au rang de créatures démoniaques, monstrueuses, abjectes2. »
Comptoir et loge coloniaux : « Les comptoirs sont des petits villages de quelques maisons, et la surface concédée aux Européens est toujours inférieure à une dizaine d’hectares ; pour les loges, ce sont de simples maisons abritant un employé qui assure la garde d’un entrpôt servant à abriter temporairement les marchandises3. »
Gentil : « Payen. C’est ainsi que les Juifs appelaient tous ceux qui n’étaient pas de leur Religion. Il ne faut pas craindre les signes du ciel que craignent les Gentils, en J. C. St Matthieu. St. Paul est appelé l’Apotre des Gentils. Les Romains ont aussi appelé Gentils, les étrangers qui de leur bon gré se venaient donner à eux, comme on voit dans le Code Theodosien. » – « Gentil, -ile, adj. Payen, Idolâtre. Il était fils d’un père gentil.Il est plus ordinairement substantif. Les Juifs appelaient, Gentils, tous ceux qui n’étaient pas de leur nation. Saint Paul est appelé l’Apôtre des Gentils, la vocation des Gentils4. »
Hindouisme : « […] le mot hindou n’apparaît dans aucun des textes Hindous, et l’hindouisme ne connaît aucun prophète ou messie comme dans les religions juive, chrétienne ou musulmane. L’hindouisme ne possède aucun texte sacré 303comme la Torah, la Bible ou le Coran, et l’on peut dire que son contenu s’est modifié au cours des temps, de communauté en communauté. Il n’avait pas la même signification durant la période des Védas, des Brahmanes, l’âge bouddhique etc. Chronologiquement, le panthéon des dieux et déesses, la vénération des arbres, des serpents et de la nature apparut d’abord. Le système des castes vint ensuite comme résultat de la rencontre des populations animistes aborigènes avec la population aryenne. La philosophie religieuse ne fut que la dernière étape du développement. L’hindouisme, dans son ensemble, est un syncrétisme. C’est le syncrétisme religieux grâce auquel les brahmanes font rentrer toutes les philosophies, toutes les croyances, ainsi que tous les cultes populaires dans le sein de leur propre orthodoxie. Ce syncrétisme, du point de vue théologique, est basé sur la conception de la Trimurti, ou Trinité hindoue : Brahma, Vishnu et Shiva, procédé commode, à la fois scolastique et populaire, pour harmoniser les trois religions principales qui se partageaient le pays : le brahmanisme, ou religion de la caste sacerdotale, fondée sur les Védas, le vishnouisme, avec ses multiples formes (krishnaïsme et culte de Rāmā) et le shivaïsme. Pour comprendre l’hindouisme il est donc essentiel de suivre son évolution historique. Celle-ci peut être reconstituée grâce aux textes anciens, les Védas, les Upanishads, et les épopées comme le Māhābharata et le Rāmāyana qui ont pour but de populariser les aspects philosophiques des Védas et Upanishads. Ce sont eux qui nous révèlent les différents dieux du panthéon, leur rôle, la place plus ou moins important qu’ils prennent dans la vie quotidienne des individus, et la philosophie de l’hindouisme et sa morale5. »
Nâyar : Inde. « Caste (śhūdra) de guerriers du Malabar au sein de laquelle les femmes servent traditionnellement de concubines et de domestiques chez les brāhmanes Nambudirī. Les Nāyar auraient été, à l’origine, des Kshatriya. Leurs femmes jouissent d’une grande liberté sexuelle avant le mariage et, après celui-ci, hommes et femmes ont coutume de vivre séparément6. »
Le rite de satī : « Le paysage psychologique qui se découvre ici, avec, au premier plan, l’amour inconditionnel et la fidélité absolue et, dans le lointain sacrifice de soi comme preuve de cet amour et de cette dévotion, définit très exactement le bhāva des satīs. Le bhāva, c’est-à-dire la disposition intérieure, le sentiment intime, la constellation des affects qui signalent un moment particulier de la vie émotive, mais révèlent aussi la nature profonde d’un être (son svabhāva). L’histoire du mot satī, les seuils sémantiques qui jalonnent son évolution montrent par quelles voies l’amour conjugal croise sa destinée avec la mort volontaire. L’amour requis des femmes, puisque, dans le cadre du mariage, la tradition ne le reconnaît que sous cette forme : l’amour des femmes pour leur mari, l’amour, le devoir des femmes. Le mot dérive de la racine sanscrite as- qui signifie “être” et qui donne le participe présent sat (utilisé également comme substantif), dont satī est le féminin. Sat a donc pour sens premier : “qui est”, “qui 304existe”. D’autres rameaux sémantiques sont venus pour se greffer sur cette acception originelle. Sat s’est associée à l’idée de “bien”, de “vertu”. La satī est “l’épouse vertueuse” : chaste et fidèle. Mais sat et son dérivé satya ont eu aussi partie liée avec une de ces notions clés de la pensée indienne qui défient la traduction ; disons par approximation l’idée de “vérité”. Sat/satya, c’est ce qui est vrai, ce qui est empreint de la force du véridique, ce qui a pour véhicule la parole de vérité. Le satya pourrait se définir comme la parole de vérité dont l’efficace fait être ce qui est. En effet, parce qu’elle procède de cette qualité éminente d’être vraie (et aussi d’être énoncée avec véracité, d’un cœur sincère), la parole de vérité crée êtres et situations. […] Quant au sat, il accède à une sorte d’autonomie : qualité, substance, énergie, pouvoir, il atteint l’opacité d’un “être”, dont les satīs charnelles ne sont, d’une certaine manière, que les émanations. On voit que ces notions, distinctes pour nous – l’être, la vertu, la vérité et la parole –, s’unissent, se condensent dans un vocable qui, tel un prisme, en diffracte toutes les virtualités. Satī désigne donc la femme qui se brûle, et non le rite ou la coutume de la crémation des veuves. Ce sont les Anglais qui, à la fin du xviiie siècle, ont officialisé l’amalgame, que beaucoup de voyageurs avaient fait avant eux, entre la femme immolée et le sacrifice des veuves. En ajoutant à ce beau désordre les trouvailles orthographiques dont ils ont le secret : suttee, transcrit par les Français sous la forme élégante de sutty, a voisiné dans l’historiographie avec sattee, sutee, et autres variations. Il n’existe en sanscrit aucun terme spécifique, aucune dénomination explicite pour désigner ce rite. Les expressions utilisées sont des périphrases : “l’aller-avec” (sahagamana), “le mourir avec” (sahamarana), si la femme se brûle avec son mari ; “l’aller après” (anugamana), “le mourir après” (anumarana), si elle se brûle sur un bûcher distinct et après lui. On trouve encore “l’ascension” (du bûcher : anvārohana), euphémisme plus littéraire, et, tardivement, “l’embrasement de la satī” (satīdāba), néologisme utilisé surtout au Bengale7. » – « SATI. Inde. Dans la mythologie brāhmanique, une des filles de Daksa qui devint l’épouse de Rudra-Shiva. Son époux et son père s’étant querellés, elle se serait donnée la mort. Dans le Kāśhī-Khanda, un ouvrage relativement récent, elle se serait jetée dans le feu. Son nom aurait en conséquence été donné à la coutume hindoue (datant au moins du ive s.) qui obligeait les veuves à se sacrifier sur le bûcher de leur époux décédé. Une pierre ou stèle commémorative (mahsatīkal) était parfois, surtout dans le Rājasthān, érigée en souvenir de leur sacrifice. Les femmes des Rājput avaient également coutume de se sacrifier sur un bûcher lors d’un jauhār, afin d’éviter d’être prises et déshonorées par les musulmans. Cette coutume fut abolie officiellement à Delhi par Metcalfe en 1809-1818 et dans le reste de l’Inde par Bentike en 1829. Cependant, elle continua de se pratiquer, surtout dans le Rājasthan et au Bengale et dans les communautés hindoues orthodoxes jusqu’au début du xxe s. malgré l’opposition grandissante des autorités religieuses et politiques indiennes. Aussi appelée Sahagamana. C’est l’anglais Suttee8. »
305Le veuvage des femmes indiennes : « Veuvage, Veuves. Inde. Dans l’Inde ancienne, la condition de veuve (vidhavā) n’était guère enviable : elle ne pouvait se remarier sans attirer sur elle la réprobation unanime, au contraire du veuf qui, lui, était généralement pressé par la communauté de se remarier le plus rapidement possible. La veuve en Inde brāhmanique ou hindoue se trouvait pratiquement déchue de ses droits familiaux et sociaux. Elle devait se raser la tête, renoncer au maquillage, aux bijoux, aux distractions, aux parfums, aux réunions amicales. Elle devait alors mener une vie d’austérité, dormir sur le sol et se vêtir uniquement de vêtements simples et blancs. Ses repas même devaient être plus frugaux que ceux des autres membres de sa famille. La croyance voulait que la veuve, devant se remarier dans une vie future avec la réincarnation de son époux, ne pouvait donc se remarier que si l’union charnelle n’avait pas été consommée, par exemple dans le cas des mariages d’enfants en bas âge. Mais dans ce cas, la veuve-enfants devait obligatoirement choisir comme nouvel époux un frère (même déjà marié) de son défunt mari : c’était la coutume du Niyoga. Cependant, cette coutume perdit de sa force au cours des âges et, à partir du vie s. environ, se généralisa celle du suicide par le feu des veuves, qui alors devenaient de ce fait des “épouses vertueuses” (satī). Cette coutume de la satī, cependant, ne fut courante que dans les hautes castes, celles des Brahmanes et des Ksatriya ; elle ne fut guère pratiquée dans le peuple9. »
1 Louis Frédéric, Dictionnaire de la civilisation indienne, Paris, Éditions Robert Laffont, S.A., 1987, p. 237.
2 Dominique Lanni, Bestiaire fantastique des voyageurs, entrée « Cafres », Paris, Flammarion, coll. « Arthaud », 2014.
3 Philippe Haudrère, Les Français dans l’océan indien, xviie-xixe siècle, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, p. 21.
4 Antoine Furetière, Dictionaire universel contenant généralement tous les mots françois, Tant vieux que modernes, et les termes de toutes les sciences et des arts sçavoir La Philosophie, Logique, & Physique, la Médecine, ou Anatomie, Pathologie, Terapeutique, Chirurgie, Pharmacopée, Chymie, Botanique, ou l’Histoire naturelle des Plantes & celle des Animaux, Mineraux, Métaux & Pierreries, & les noms des Drogues artificielles. La jurisprudence civile & Canonique, Feodale & Municipale, & sur tout celle des Ordonnaces : Les Mathématiques, la géometrie, l’Arithmetique, & l’Algèbre, la Trigonométrie, Geodebe, ou l’Arpentage, & les Sections coniques, l’Astronome, l’Astrologie, la Gnomonique, la Geographie, la Musique, tant en théorie qu’en pratique, les Instruments à vent & à cordes ; l’Optique, Catoptrique, Dioptrique, & Perspective ; l’Architecture civile & militaire, la Pyrotechnie, Tactique, & Statique : les Arts, la Rhétorique, la Poesie, la Grammaire, la Peinture, Sculpture, etc. La Marine, le Manege, l’Art de faire les armes, le Blason, la Venerie, Fauconnerie, la Pesche, l’Agriculture, ou Maison Rustique, & la plus-part des Arts mechaniques : Plusieurs termes de Relation d’Orient & d’Occident, la qualité des poids, Mesures & Monnoyes ; les Etymologies des mots, l’invention des choses, & l’Origine de plusieurs Proverbes, & leur relation à ceux des autres Langues : Et enfin les noms des Auteurs qui ont traitté des matieres qui regardent les mots expliquez avec quelques Histoires, Curiositez naturemmes, & Sentences morales, qui seront rapportées pour donner des exemples de phrases & de constructions. Le tout extrait des plus excellens Auteurs anciens & modernes. Receuilli & compilé par Feu Messire Antoine. – Furetière, Abbé de Chalivoiy, de l’Académie Françoise, La Haye et Rotterdam,Tome Second, chez Arnout & Reinier Leers, 1690, p. 164. – Dictionnaire de l’Académie française, dédié au Roy, Tome Premier, A-L, Paris, 1694, p. 519.
5 Dharam Subhash, L’hindouisme pour tous, Notre-Dame-de-Londres, Éditions Le plein des Sens, p. 8-9.
6 Louis Frédéric, Dictionnaire…, op. cit., p. 787.
7 Catherine Weinberger-Thomas, Cendres d’immortalité, La crémation des veuves en Inde, Éditions du Seuil, Paris, Février 1996, p. 31-33.
8 Louis Frédéric, Dictionnaire de la civilisation indienne, Paris, Éditions Robert Laffont, S.A., 1987, p. 956.
9 Louis Frédéric, Dictionnaire op. cit., p. 1129.
- Thème CLIL : 3388 -- HISTOIRE -- Les Temps Modernes (avant 1799)
- ISBN : 978-2-406-12155-8
- EAN : 9782406121558
- ISSN : 2257-915X
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-12155-8.p.0301
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 10/11/2021
- Langue : Français