Aller au contenu

Classiques Garnier

Glossaire

301

Glossaire

Banian : « terme issu Bâiâ (ou Bâniyâ). Inde. Du sanscrit vānijya “commerce”. Sous-caste de brāhmanes spécialisée dans le commerce et le prêt dargent, répandue dans le nord et le nord-est de lInde. Ces brāhmanes appartenaient autrefois à la caste des vaiśhya et sont maintenant de fervents dévots jaina. [] ils sont nombreux dans presque toutes les parties de lInde où ils tiennent la plupart des petits négoces. », Louis Frédéric, Dictionnaire…, Ibid., p. 174.

Brahmane : terme issu de Brâhmana. « Ce sont les brāhmanes, nés de la bouche du Purusha, membres de la plus haute des quatre castes (varna) traditionnelles de lInde brāhmanique, celle dans laquelle on choisissait les prêtres chargés des sacrifices (brāhman). À partir de leur adolescence, ils étaient considérés comme deux fois nés (dvija) et portaient en travers de la poitrine le cordon sacré (upavīta). Dans certaines villes, des quartiers spéciaux (āgrahāram) leur étaient réservés ainsi que des puits auxquels ceux des autres castes ne pouvaient avoir accès. La caste des brāhmanes constitue encore environ 6 % de la population de lInde. Elle est divisée en de très nombreuses sous-castes (4000 au dire de certains). La vie religieuse des brāhmanes se divise en quatre stages appelés āśhrama. Un brāhmane est théoriquement inviolable et doit bénéficier de nombreux privilèges : il est naturellement considéré comme le créateur de tous les êtres vivants et se croit donc supérieur à eux tous. Il serait né de la tête même de Brahmā. Il doit se consacrer à létude des Veda et des textes sacrés ainsi quaux cérémonies religieuses [] On classe généralement les brāhmanes en deux grandes catégories, celle des Pancha Gauda (cinq castes du Bengale) et Pancha Drāvida (cinq castes du sud de lInde) selon leur contrée dorigine et qui sont différents des véritables brāhmanes de la vallée indo-gangétique1. »

Cafre : « De larabe kafir signifiant “infidèle”, lethnonyme cafre est initialement employé par les Arabes pour désigner les populations peuplant la côte est de lAfrique. [] Dans limaginaire européen, le terme cafre va être employé pour désigner de manière globale les populations noires dAfrique australe, y compris celles des côtes septentrionales, les Sauvages du Cap (voir art. Hottentot), lesquels diffèrent des Cafres par leur couleur, leur physionomie, leur langue, leurs modes vestimentaires et leurs mœurs phagiques. Aussi est-ce la raison pour laquelle les populations noires des côtes orientales et septentrionales africaines seront souvent confondues et désignées à partir du début de la seconde moitié du xviie siècle 302sous lappellation Cafres-Hottentots dans les récits des voyageurs européens se rendant dans les Indes et faisant halte au cap de Bonne-Espérance. De paisibles autochtones, les Cafres, sont élevés au rang de créatures démoniaques, monstrueuses, abjectes2. »

Comptoir et loge coloniaux : « Les comptoirs sont des petits villages de quelques maisons, et la surface concédée aux Européens est toujours inférieure à une dizaine dhectares ; pour les loges, ce sont de simples maisons abritant un employé qui assure la garde dun entrpôt servant à abriter temporairement les marchandises3. »

Gentil : « Payen. Cest ainsi que les Juifs appelaient tous ceux qui nétaient pas de leur Religion. Il ne faut pas craindre les signes du ciel que craignent les Gentils, en J. C. St Matthieu. St. Paul est appelé lApotre des Gentils. Les Romains ont aussi appelé Gentils, les étrangers qui de leur bon gré se venaient donner à eux, comme on voit dans le Code Theodosien. » – « Gentil, -ile, adj. Payen, Idolâtre. Il était fils dun père gentil.Il est plus ordinairement substantif. Les Juifs appelaient, Gentils, tous ceux qui nétaient pas de leur nation. Saint Paul est appelé lApôtre des Gentils, la vocation des Gentils4. »

Hindouisme : « [] le mot hindou napparaît dans aucun des textes Hindous, et lhindouisme ne connaît aucun prophète ou messie comme dans les religions juive, chrétienne ou musulmane. Lhindouisme ne possède aucun texte sacré 303comme la Torah, la Bible ou le Coran, et lon peut dire que son contenu sest modifié au cours des temps, de communauté en communauté. Il navait pas la même signification durant la période des Védas, des Brahmanes, lâge bouddhique etc. Chronologiquement, le panthéon des dieux et déesses, la vénération des arbres, des serpents et de la nature apparut dabord. Le système des castes vint ensuite comme résultat de la rencontre des populations animistes aborigènes avec la population aryenne. La philosophie religieuse ne fut que la dernière étape du développement. Lhindouisme, dans son ensemble, est un syncrétisme. Cest le syncrétisme religieux grâce auquel les brahmanes font rentrer toutes les philosophies, toutes les croyances, ainsi que tous les cultes populaires dans le sein de leur propre orthodoxie. Ce syncrétisme, du point de vue théologique, est basé sur la conception de la Trimurti, ou Trinité hindoue : Brahma, Vishnu et Shiva, procédé commode, à la fois scolastique et populaire, pour harmoniser les trois religions principales qui se partageaient le pays : le brahmanisme, ou religion de la caste sacerdotale, fondée sur les Védas, le vishnouisme, avec ses multiples formes (krishnaïsme et culte de Rāmā) et le shivaïsme. Pour comprendre lhindouisme il est donc essentiel de suivre son évolution historique. Celle-ci peut être reconstituée grâce aux textes anciens, les Védas, les Upanishads, et les épopées comme le Māhābharata et le Rāmāyana qui ont pour but de populariser les aspects philosophiques des Védas et Upanishads. Ce sont eux qui nous révèlent les différents dieux du panthéon, leur rôle, la place plus ou moins important quils prennent dans la vie quotidienne des individus, et la philosophie de lhindouisme et sa morale5. »

Nâyar : Inde. « Caste (śhūdra) de guerriers du Malabar au sein de laquelle les femmes servent traditionnellement de concubines et de domestiques chez les brāhmanes Nambudirī. Les Nāyar auraient été, à lorigine, des Kshatriya. Leurs femmes jouissent dune grande liberté sexuelle avant le mariage et, après celui-ci, hommes et femmes ont coutume de vivre séparément6. »

Le rite de satī : « Le paysage psychologique qui se découvre ici, avec, au premier plan, lamour inconditionnel et la fidélité absolue et, dans le lointain sacrifice de soi comme preuve de cet amour et de cette dévotion, définit très exactement le bhāva des satīs. Le bhāva, cest-à-dire la disposition intérieure, le sentiment intime, la constellation des affects qui signalent un moment particulier de la vie émotive, mais révèlent aussi la nature profonde dun être (son svabhāva). Lhistoire du mot satī, les seuils sémantiques qui jalonnent son évolution montrent par quelles voies lamour conjugal croise sa destinée avec la mort volontaire. Lamour requis des femmes, puisque, dans le cadre du mariage, la tradition ne le reconnaît que sous cette forme : lamour des femmes pour leur mari, lamour, le devoir des femmes. Le mot dérive de la racine sanscrite as- qui signifie “être” et qui donne le participe présent sat (utilisé également comme substantif), dont satī est le féminin. Sat a donc pour sens premier : “qui est”, “qui 304existe”. Dautres rameaux sémantiques sont venus pour se greffer sur cette acception originelle. Sat sest associée à lidée de “bien”, de “vertu”. La satī est “lépouse vertueuse” : chaste et fidèle. Mais sat et son dérivé satya ont eu aussi partie liée avec une de ces notions clés de la pensée indienne qui défient la traduction ; disons par approximation lidée de “vérité”. Sat/satya, cest ce qui est vrai, ce qui est empreint de la force du véridique, ce qui a pour véhicule la parole de vérité. Le satya pourrait se définir comme la parole de vérité dont lefficace fait être ce qui est. En effet, parce quelle procède de cette qualité éminente dêtre vraie (et aussi dêtre énoncée avec véracité, dun cœur sincère), la parole de vérité crée êtres et situations. [] Quant au sat, il accède à une sorte dautonomie : qualité, substance, énergie, pouvoir, il atteint lopacité dun “être”, dont les satīs charnelles ne sont, dune certaine manière, que les émanations. On voit que ces notions, distinctes pour nous – lêtre, la vertu, la vérité et la parole –, sunissent, se condensent dans un vocable qui, tel un prisme, en diffracte toutes les virtualités. Satī désigne donc la femme qui se brûle, et non le rite ou la coutume de la crémation des veuves. Ce sont les Anglais qui, à la fin du xviiie siècle, ont officialisé lamalgame, que beaucoup de voyageurs avaient fait avant eux, entre la femme immolée et le sacrifice des veuves. En ajoutant à ce beau désordre les trouvailles orthographiques dont ils ont le secret : suttee, transcrit par les Français sous la forme élégante de sutty, a voisiné dans lhistoriographie avec sattee, sutee, et autres variations. Il nexiste en sanscrit aucun terme spécifique, aucune dénomination explicite pour désigner ce rite. Les expressions utilisées sont des périphrases : “laller-avec” (sahagamana), “le mourir avec” (sahamarana), si la femme se brûle avec son mari ; “laller après” (anugamana), “le mourir après” (anumarana), si elle se brûle sur un bûcher distinct et après lui. On trouve encore “lascension” (du bûcher : anvārohana), euphémisme plus littéraire, et, tardivement, “lembrasement de la satī” (satīdāba), néologisme utilisé surtout au Bengale7. » – « SATI. Inde. Dans la mythologie brāhmanique, une des filles de Daksa qui devint lépouse de Rudra-Shiva. Son époux et son père sétant querellés, elle se serait donnée la mort. Dans le Kāśhī-Khanda, un ouvrage relativement récent, elle se serait jetée dans le feu. Son nom aurait en conséquence été donné à la coutume hindoue (datant au moins du ive s.) qui obligeait les veuves à se sacrifier sur le bûcher de leur époux décédé. Une pierre ou stèle commémorative (mahsatīkal) était parfois, surtout dans le Rājasthān, érigée en souvenir de leur sacrifice. Les femmes des Rājput avaient également coutume de se sacrifier sur un bûcher lors dun jauhār, afin déviter dêtre prises et déshonorées par les musulmans. Cette coutume fut abolie officiellement à Delhi par Metcalfe en 1809-1818 et dans le reste de lInde par Bentike en 1829. Cependant, elle continua de se pratiquer, surtout dans le Rājasthan et au Bengale et dans les communautés hindoues orthodoxes jusquau début du xxe s. malgré lopposition grandissante des autorités religieuses et politiques indiennes. Aussi appelée Sahagamana. Cest langlais Suttee8. »

305

Le veuvage des femmes indiennes : « Veuvage, Veuves. Inde. Dans lInde ancienne, la condition de veuve (vidhavā) nétait guère enviable : elle ne pouvait se remarier sans attirer sur elle la réprobation unanime, au contraire du veuf qui, lui, était généralement pressé par la communauté de se remarier le plus rapidement possible. La veuve en Inde brāhmanique ou hindoue se trouvait pratiquement déchue de ses droits familiaux et sociaux. Elle devait se raser la tête, renoncer au maquillage, aux bijoux, aux distractions, aux parfums, aux réunions amicales. Elle devait alors mener une vie daustérité, dormir sur le sol et se vêtir uniquement de vêtements simples et blancs. Ses repas même devaient être plus frugaux que ceux des autres membres de sa famille. La croyance voulait que la veuve, devant se remarier dans une vie future avec la réincarnation de son époux, ne pouvait donc se remarier que si lunion charnelle navait pas été consommée, par exemple dans le cas des mariages denfants en bas âge. Mais dans ce cas, la veuve-enfants devait obligatoirement choisir comme nouvel époux un frère (même déjà marié) de son défunt mari : cétait la coutume du Niyoga. Cependant, cette coutume perdit de sa force au cours des âges et, à partir du vie s. environ, se généralisa celle du suicide par le feu des veuves, qui alors devenaient de ce fait des “épouses vertueuses” (satī). Cette coutume de la satī, cependant, ne fut courante que dans les hautes castes, celles des Brahmanes et des Ksatriya ; elle ne fut guère pratiquée dans le peuple9. »

1 Louis Frédéric, Dictionnaire de la civilisation indienne, Paris, Éditions Robert Laffont, S.A., 1987, p. 237.

2 Dominique Lanni, Bestiaire fantastique des voyageurs, entrée « Cafres », Paris, Flammarion, coll. « Arthaud », 2014.

3 Philippe Haudrère, Les Français dans locéan indien, xviie-xixe siècle, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, p. 21.

4 Antoine Furetière, Dictionaire universel contenant généralement tous les mots françois, Tant vieux que modernes, et les termes de toutes les sciences et des arts sçavoir La Philosophie, Logique, & Physique, la Médecine, ou Anatomie, Pathologie, Terapeutique, Chirurgie, Pharmacopée, Chymie, Botanique, ou lHistoire naturelle des Plantes & celle des Animaux, Mineraux, Métaux & Pierreries, & les noms des Drogues artificielles. La jurisprudence civile & Canonique, Feodale & Municipale, & sur tout celle des Ordonnaces : Les Mathématiques, la géometrie, lArithmetique, & lAlgèbre, la Trigonométrie, Geodebe, ou lArpentage, & les Sections coniques, lAstronome, lAstrologie, la Gnomonique, la Geographie, la Musique, tant en théorie quen pratique, les Instruments à vent & à cordes ; lOptique, Catoptrique, Dioptrique, & Perspective ; lArchitecture civile & militaire, la Pyrotechnie, Tactique, & Statique : les Arts, la Rhétorique, la Poesie, la Grammaire, la Peinture, Sculpture, etc. La Marine, le Manege, lArt de faire les armes, le Blason, la Venerie, Fauconnerie, la Pesche, lAgriculture, ou Maison Rustique, & la plus-part des Arts mechaniques : Plusieurs termes de Relation dOrient & dOccident, la qualité des poids, Mesures & Monnoyes ; les Etymologies des mots, linvention des choses, & lOrigine de plusieurs Proverbes, & leur relation à ceux des autres Langues : Et enfin les noms des Auteurs qui ont traitté des matieres qui regardent les mots expliquez avec quelques Histoires, Curiositez naturemmes, & Sentences morales, qui seront rapportées pour donner des exemples de phrases & de constructions. Le tout extrait des plus excellens Auteurs anciens & modernes. Receuilli & compilé par Feu Messire Antoine. – Furetière, Abbé de Chalivoiy, de lAcadémie Françoise, La Haye et Rotterdam,Tome Second, chez Arnout & Reinier Leers, 1690, p. 164. – Dictionnaire de lAcadémie française, dédié au Roy, Tome Premier, A-L, Paris, 1694, p. 519.

5 Dharam Subhash, Lhindouisme pour tous, Notre-Dame-de-Londres, Éditions Le plein des Sens, p. 8-9.

6 Louis Frédéric, Dictionnaire…, op. cit., p. 787.

7 Catherine Weinberger-Thomas, Cendres dimmortalité, La crémation des veuves en Inde, Éditions du Seuil, Paris, Février 1996, p. 31-33.

8 Louis Frédéric, Dictionnaire de la civilisation indienne, Paris, Éditions Robert Laffont, S.A., 1987, p. 956.

9 Louis Frédéric, Dictionnaire op. cit., p. 1129.